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France : Politique en France

Suppression de l’avantage fiscal aux jeunes mariés : du débat anticatholique au scrutin antidémocratique

Le débat à l'Assemblée est ici. Extraits :

M "M. Hervé Mariton. Cet amendement […] part du constat qu’il ne s’agit pas là d’une niche fiscale, mais bien d’une modalité du calcul de l’impôt qui a sa cohérence : puisque se crée, avec le foyer, une personne fiscale nouvelle, il est normal qu’il y ait trois déclarations fiscales pour l’année du mariage. Réserver ce dispositif au mariage correspond à l’affirmation d’une politique familiale reposant sur l’idée que le mariage contribue à la constitution d’une famille durable. […] D’ailleurs notre collègue Balligand, en commission des finances, a bien souligné qu’il était au fond légitime de distinguer le mariage et d’autres liens […] Les deux liens sont parfaitement légitimes ; ils entraînent des effets sociaux différents. D’ailleurs, dans une décision du 6 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a bien souligné la légitimité du législateur à décider différemment selon l’un ou l’autre lien, compte tenu de leurs effets différents dans la société. […]

M. Henri Emmanuelli. C’est un combat d’arrière-garde !

M. Hervé Mariton. En commission, notre collègue Diefenbacher a d’ailleurs très bien souligné à quel point le mariage permettait de mieux protéger le partenaire le plus faible.

M. François Pupponi. C’est faux ! Dans quel siècle vivez-vous ? […] 

C M. Gilles Carrez, rapporteur général. Premièrement, cher Hervé Mariton, le monde a changé. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) […] La société a changé. Il y a dix ou vingt ans encore, cette disposition pouvait être considérée comme un coup de pouce, un soutien de la collectivité au moment où l’on se mettait en ménage et où l’on se mariait, ce qui occasionnait des dépenses nouvelles. Elle n’a plus lieu d’être de nos jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) […] J’aborderai, enfin, la question de l’égalité entre le mariage et le PACS. Savez-vous, cher collègue Mariton, que l’on se « dépacse » aujourd’hui beaucoup moins que l’on ne divorce…

M. Marc Le Fur. Sophisme !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et que le PACS, après maintenant bientôt dix ans d’expérience, démontre paradoxalement une stabilité plus grande que le mariage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Saisi d’une question de droit fiscal, le Conseil constitutionnel a estimé, en 1999, que le PACS organisait une véritable solidarité entre les partenaires et qu’il était, dès lors, légitime qu’il bénéficie du même traitement fiscal que le mariage.

M. Hervé Mariton. Il en juge autrement dans sa décision du 6 octobre 2010 !

M. Roland Muzeau. Mariton au Vatican ! […]

A M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage à 100 % l’analyse du rapporteur général. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) […] Il considère effectivement qu’il n’y a pas lieu de distinguer, sur le plan fiscal, entre pacsés et mariés. […] Oui, la famille a changé. Oui, notre regard sur la société doit évoluer. Oui, il doit y avoir une égalité fiscale entre mariés et pacsés.

M. Christian Vanneste. Non !

M. Roland Muzeau. Voilà Vanneste ! Il ne manquait plus que lui ! […]

M. Marc Le Fur. Ce sous-amendement s’inscrit tout à fait dans la logique de l’amendement défendu par notre collègue Mariton, auquel je souscris, bien évidemment, à 100 %.

M. Roland Muzeau. Ça ne m’étonne pas ! Vous êtes aussi réacs l’un que l’autre ! […]

M. Marc Le Fur. Mais, si nos amendement et sous-amendement n’étaient pas adoptés, ce serait une confirmation du fait que la famille ne figure pas dans les objectifs gouvernementaux, et je considérerais cela comme relativement grave. […]

M. Jean-Pierre Balligand. […] Notre position, que j’estime claire et nette, a été de dire qu’il était inadmissible d’établir une hiérarchie entre PACS et mariage, et nous avons même écrit dans un communiqué que l’ordre moral était en train de rentrer dans la politique fiscale à la suite de l’initiative de M. Mariton. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Christian Vanneste. Vous, vous êtes pour le désordre moral ! […]

M. Jean-Pierre Balligand. […] L’entrée de l’ordre moral dans la politique fiscale est sous-jacente à l’amendement de M. Mariton. C’est pourquoi il faut être très clair et faire très attention. […]

P M. Patrice Calméjane. […] L’article 214, l’un des cinq articles lus au moment de la célébration du mariage, dispose que : «Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.» Il est donc bien prévu une répartition des charges dans le cadre du mariage dans le code civil. À l’inverse, l’article 515-5-2 du même code civil rappelle la séparation des recettes d’un membre pacsé. Il est donc fait une différence entre le mariage et le PACS dans le code civil. De plus, l’article 515-7 rappelle qu’un PACS se dissout par la mort de l’un des partenaires ou par le mariage des partenaires ou de l’un d’eux. C’est la preuve qu’il y a bien une hiérarchie supérieure du mariage vis-à-vis du PACS. À l’inverse, l’article 515-5-2 du même code civil rappelle la séparation des recettes d’un membre pacsé. Il est donc fait une différence entre le mariage et le PACS dans le code civil. De plus, l’article 515-7 rappelle qu’un PACS se dissout par la mort de l’un des partenaires ou par le mariage des partenaires ou de l’un d’eux. C’est la preuve qu’il y a bien une hiérarchie supérieure du mariage vis-à-vis du PACS.

M. Roland Muzeau. C’est la dernière encyclique que vous lisez ? On n’est pas à l’église ! […]

M. Pierre-Alain Muet. Le long débat que nous avons eu en commission et qui resurgit ici montre bien que notre fiscalité du revenu est un héritage d’un autre âge : celle-ci doit être neutre par rapport aux choix familiaux et personnels.

M. Christian Vanneste. Non !

M. Alain Gest. Le mariage est un élément essentiel de la famille !

M. Pierre-Alain Muet. Ce sont, bien sûr, des choix fondamentaux, mais ils n’ont pas à interférer avec des considérations fiscales. Quand notre collègue Mariton propose de différencier le PACS du mariage, il est complètement en dehors de la réalité d’aujourd’hui, qu’a rappelée le rapporteur général. […]

M. Patrick Bloche. Ouvrez le mariage aux homosexuels si vous voulez être cohérent ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas le débat ! Je ferai trois observations. Premièrement, cet amendement a été voté par la commission des finances. Deuxièmement, le Conseil constitutionnel, monsieur le secrétaire d’État, a souligné dans sa décision du 6 octobre la différence existant entre les liens du mariage et le PACS, et rappelé la légitimité du législateur à en tirer les conséquences. […] Troisièmement, je suis parfaitement conscient, monsieur le rapporteur général, que le monde a changé. Je suis conscient aussi de la légitimité du PACS. Je dis simplement que, puisqu’il y a aujourd’hui deux liens possibles – le PACS et le mariage –, il est normal de concevoir une différence entre l’un et l’autre. […] Quelle que soit l’imperfection des institutions, il me paraît utile de consolider celle du mariage, y compris, comme c’est fréquent, lorsque le PACS évolue en mariage.

M. Patrick Lemasle. Mariton, le moraliste !

M. Hervé Mariton. Dès lors, le respect de la modalité de perception de l’impôt impose de constater qu’un couple marié devient une nouvelle personne fiscale. Cela a son sens. C’est pourquoi il faut voter l’amendement de la commission des finances. […]

M. le président. […] Nous allons maintenant passer au vote. […] (Il est procédé au scrutin.) […]  Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants 96 ; Nombre de suffrages exprimés 96 ; Majorité absolue 49 ; Pour l’adoption 48 ; Contre 48 (L’amendement n° 452 n’est pas adopté.) (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) […] Je mets aux voix l’article 57. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Contre !

M. Marc Le Fur. Rappel au règlement ! (L’article 57, amendé, est adopté.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est scandaleux !

M. Étienne Pinte. Nous avons voté contre !

R M. Jacques Remiller. Monsieur le président, vous n’avez pas compté nos voix !

M. le président. L’article 57 a été voté. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Vanneste. C’est scandaleux !

M. Henri Emmanuelli. Ne mettez pas la présidence en cause ! (Sourires.)

M. Nicolas Perruchot. Nous représentons le peuple ! Nous sommes là pour voter ! Respectez-nous !

M. Jacques Remiller. Suspension de séance !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Vous n’avez pas compté nos voix ! […]

Puis, après la suspension de séance :

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, le Gouvernement demandera-t-il une seconde délibération…[…] de l’article 57 ? […]

M. Patrick Ollier, ministre. Cette question m’étonne, monsieur de Courson. Je dis simplement que nous poursuivrons cet après-midi l’examen du projet de loi de finances. Certaines demandes faites, que j’ai entendues, me semblent légitimes. Je vais faire en sorte qu’elles deviennent réalité à l’issue de la discussion.  Vous comprendrez que je ne puisse en dire plus. Je fournirai les efforts nécessaires pour qu’il soit fait droit à la demande.

M. Hervé Mariton. Vous êtes donc d’accord pour qu’il soit procédé à une deuxième délibération ?

M. Patrick Ollier, ministre. Oui, monsieur Mariton. J’y suis personnellement favorable."

Les députés UMP sont ensuite allés déjeuner à l'Elysée. L'après-midi, il n'y a pas eu de deuxième délibération.

 

  

 

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7 commentaires

  1. Est-il possible de dire quelle est la religion de ceux qui sont contre la famille?

  2. “le PACS, après maintenant bientôt dix ans d’expérience, démontre paradoxalement une stabilité plus grande que le mariage”
    1) A-t-on vérifié que tous les “pacsés non dépacsés” de dix ans d’âge vivent effectivement encore ensemble? [pour avoir quelque peu fréquenté, par exemple, certains forums de discussion au moment des mutations de fonctionnaire, il semble que le PACS soit un dispositif permettant des avantages non-fiscaux; c’est peut-être marginal] Outre la communauté de vie, ont-ils des enfants?
    2) Le PACS démontre-t-il une plus grande fécondité (combien d’enfants en moyenne par couple marié? par couple pacsé?)?
    Très intéressant l’aspect juridique: le PACS se dénoue par le décès d’un des deux contractants ou son mariage. Que ne demandent-ils, ces parlementaires distingués, que le mariage se dénoue également par le “pacsage” d’un des deux conjoints? Voilà qui désencombrerait des tribunaux qui ont encore à régler des divorces: ne faut-il pas vivre avec son temps?

  3. On ne saurait mieux montrer le vrai clivage : il ne passe pas entre majorité et opposition, mais au sein de l’UMP. La vraie “majorité” semble courir des UMP Carrez et Apparu au communiste Roland Muzeau.

  4. Vivre avec son temps ? Mais c’est tout simple ! Pourquoi ne proposent-ils pas tout simplement de supprimer toute forme d’union civile, mariage et PACS compris, pour les remplacer au gré de chacun par des contrats à géométrie variable passés chez le notaire ? Ça ce serait vraiment moderne !
    Et puis à quand une révolte des célibataires, car le PACS qui donne des droits sans devoir ni engagement est vraiment discriminatoire vis à vis d’eux, et puis au nom de quoi s’oppose-t-on à la polygamie si elle est librement consentie ?
    J’arrête là, vous m’avez gâché ma journée à me faire lire de telles horreurs ! Caricatures, injures, diabolisation : voila à quoi se réduisent donc les débats entre ceux qui devraient être les élites de la Nation. Pauvre France !

  5. Toutes les informations de ce genre qu’on peut lire sur ce site et qui vont toutes dans le même sens n’obligent-elles à se poser la question suivante :
    mais quel est donc l’évènement qui va provoquer la rupture entre l’épiscopat catholique de ce pays et la V ème République ?
    Ou en d’autres termes, jusqu’où le gouvernement de la République Française peut-il aller sans franchir le seuil qui va provoquer la révolte de l’épiscopat français, sans laquelle les laïcs écoeurés ( catholiques ou non ) de France ne peuvent réussir aucune action politique d’envergure ?
    Pour mémoire à l’attention des plus jeunes lecteurs de ce site, quand les laïcs catholiques français ont été capables en 1984 de se retrouver 1 million 300 000 *** dans la rue pour protester contre l’asservissement de l’école privée à l’Etat, il aurait suffi d’un mot paisible et calme de feu – Mgr l’archevêque de Paris (RIP) pour que Mitterand ait été obligé d’aller dormir le soir même, non pas à l’Elysée, mais à son domicile personnel ! …
    http://www.mitterrand.org/L-ecole-au-feu-des-passions.html

  6. J’ai toujours un petit sourire quand je lis les arguments de la gauche.
    Je voudrais tout d’abord féliciter MM. Le Fur, Vanneste et Mariton pour leur courage face à ce gauchisme nauséabond.
    La gauche passe son temps à taxer l’extrême droite de populiste et démagogique. En lisant les réactions des différents députés de gauche, je ne vois que du populisme et de la démagogie.
    Je voudrais terminer sur le cas Apparu.
    Ce secrétaire d’état n’a de droite que le nom. En effet, lors d’une émission à la télévision, on nous montrait son appartement de Paris, rempli de poster de Lénine et Che Gevara. Vive le gouvernement de “droite”!!

  7. C’est honteux !
    On a vraiment affaire à des fous furieux.
    Conservons cela en mémoire jusqu’aux prochaines élections…
    On a séparé l’Eglise de l’Etat. Quand séparera-t-on l’Etat de l’église maçonnique ?

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