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France : Politique en France

Si l’UMP veut conserver son rôle, elle doit se dégauchir

De Guillaume Bernard sur Atlantico :

"C’est avant tout la
distorsion entre les espoirs qu’il avait suscité parmi ses électeurs de
droite et la déception au regard de l’exercice du pouvoir qui explique
son recul entre 2007 et 2012. La « ligne Buisson » a donc très
vraisemblablement empêché l’hémorragie des votes de droite
vers, d’une
part, l’abstention et, d’autre part, le Front national (qui a progressé
non seulement avec des votes de droite mais aussi avec d’autres venus de
la gauche). Sans celle-ci, il n’est pas certain (rappelez-vous les
enquêtes d’opinion qui donnaient Marine Le Pen au coude-à-coude avec
lui) que Nicolas Sarkozy ait été au second tour ; s’il n’avait pas
repris la « ligne Buisson » en 2012
(en rentrant d’ailleurs assez tard
dans la campagne), cinq ans après sa victoire de 2007, il aurait sans
doute pu être dépassé par la candidate du FN. […]

Pour
le dire d’une manière quelque peu crue, est-il certain que tous les élus
de droite soient vraiment idéologiquement de droite ?
Le FN progresse
aujourd’hui en attirant à lui des électeurs venus de la gauche ; mais sa
première grande poussée s’est faite par un transfert d’électeurs de
droite déçus (voire plus) par leurs élus. La nature ayant horreur du
vide, le FN s’est développé. […]

L’abandon
des idées de droite par les élus de ce camp s’explique par le
« mouvement sinistrogyre » (Albert Thibaudet) qui a duré pendant deux
siècles : les nouveaux courants politiques sont apparus par la gauche de
l’échiquier politique et ont repoussé sur la droite les idées et
mouvements nés antérieurement. C’est ainsi que, à l’exception de la
droite réactionnaire, le reste de la droite est, en fait, issu de la
gauche ou a été intellectuellement colonisée par elle
. […] Seulement, depuis les années 1990, les temps ont
changé… […] C’est ce
que les contempteurs de Patrick Buisson n’ont, semble-t-il, pas saisi.
Dans le fond, ils lui reprochent d’être un agent d’une forme de
« lepenisation des esprits ». Sur quoi repose leur position ? Même s’ils
n’en sont pas conscients, ils partent de l’hypothèse que le sinistrisme
est encore actif et que la droite devrait se laisser entièrement
convertir aux idées venues de la gauche. Il y aurait, là, comme une
logique de l’histoire. Ils ont donc trouvé en Patrick Buisson le
coupable idéal puisqu’il a conduit Nicolas Sarkozy (et la « droite
forte » aujourd’hui) à ne pas jouer le jeu du sinistrisme. Pire, la
« ligne Buisson » permettrait à la droite radicale de conserver un
espace vital où prospérer puisque le discours droitiste à l’UMP jouerait
le rôle de tampon, une sorte de bouclier, entre elle et les idées
progressistes. La persistance (et même la progression dans l’opinion)
des idées de la droite radicale est une anomalie (celles-ci auraient du
être éradiquées) qui ne peut s’expliquer que par une machination, un
crime contre le sens inéluctable de l’histoire.

Malgré
son apparente cohérence, il y a selon moi, dans cette analyse, une
erreur quant à l’évolution profonde des forces politiques. Le
sinistrisme a vécu 
; depuis les années 1990, le mouvement s’est inversé,
donnant naissance au « dextrogisme ». Les idées de droite qui étaient,
jusqu’alors, comme comprimées sous la pression des idées venues de la
gauche, se redéployent à nouveau, reconquièrent du terrain. Par
conséquent, la « ligne Buisson » ne va pas contre l’histoire ; elle
l’accompagne et en est l’une des illustrations (le populisme en étant la
figure actuellement la plus marquante).
Elle ne consiste pas en une
« droitisiation » du discours de la droite modérée, ce qui reviendrait à
dire que celle-ci se déporterait sur la droite ; cette stratégie
cherche à maintenir l’UMP sur le même créneau électoral central à la
droite (pour être capable de rassembler, au second tour, à la fois des
personnes se situant à la fois plus au centre et plus à droite). Sous
l’influence de Patrick Buisson, Nicolas Sarkozy ne s’est pas converti à
la pensée contre-révolutionnaire ! En revanche, sous la pression du
« mouvement dextrogyre », les hommes politiques classés à droite sont
confrontés à une alternative : admettre de tenir un discours de droite
pour maintenir leur positionnement électoral ou, à l’inverse, accepter
de glisser sur leur gauche
(vers le centre, dans un premier temps) s’ils
entendent conserver leurs idées venues de la gauche. Face à ce choix,
la « ligne Buisson » préconise la première solution.

Ce
qui apparaît, à première vue, comme une radicalisation des idées
exprimées à droite n’est, en fait, qu’une réapparition, à droite, du
discours de droite
. Il est vrai que cela peut surprendre certaines
personnes qui se croient, très sincèrement, de droite (parce qu’elles
n’ont jamais eu de sympathie ou d’indulgence pour le collectivisme du
régime soviétique) mais qui ne le sont pas philosophiquement parlant.
Sous le règne du sinistrisme, à l’exception de la droite radicale et de
quelques personnalités difficilement classables, les hommes politiques
étaient plus ou moins de gauche. Avec le « mouvement dextrogyre », la
droite est en train de redevenir la droite et de repousser la gauche… à
gauche. Et, ce, pendant que des électeurs de gauche basculent à droite…"

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12 commentaires

  1. Eh ben, mon vieux ! Cela n’a pas l’air bien clair dans leur tête.
    Doit leur manquer
    le parfum d’la réalité
    qu’est si important
    pour l’engagement.
    A noter qu’ils ne parlent que d’écuries, de scores électoraux, de façon de grappiller des voix. Le jour où ils auront compris qu’il s’agit d’un peuple et d’une civilisation à sauver, d’urgence, ils auront le bon étalon pour leur action.

  2. Je partage tout à fait cette analyse.
    je la complète en faisant remarquer que quand la gauche tient le pouvoir, elle fait des réformes (catastrophiques) que la droite au mieux amende légèrement lors de l’alternance suivante (exemple = 35 heures). Quand la gauche, elle, reprend le pouvoir elle abroge: c’est ce que vient de faire brutalement (été 2012) Hollande avec les dispositions qu’avait prises Sarkozy (heures sup, TVA sociale, fonctionnement de la justice…).Elle se garde bien par ailleurs de faire des nominations “d’ouverture”! le centre de gravité s’est donc déplacé sans arrêt de droite à gauche, avec un effet cliquet, cumulatif et anti retour…

  3. Y a-t-il un sens à parler ainsi de “droite” et de “gauche” ?
    Il me semble que nos concitoyens ont une palette de valeurs plus riche.
    Par exemple, pour la “droite”, l’importance de l’indépendance de la nation n’est plus forcément corrélée à la liberté de contrat (vs. protection des salariés) ou à la reduction extreme des aides aux démunis.

  4. a droite, a droite mais tous socialistes, personne ne s attaque au modele, tous le loue

  5. “Si l’UMP veut conserver son rôle elle doit se dégauchir”
    Le postulat est mal posé. Cela devrait être: “après tant de trahison à l’encontre de son électorat traditionnel, voulons-nous que l’UMP conserve son rôle?
    Pour ma part, la réponse est ni UMP, ni PS.

  6. “La « ligne Buisson » a donc très vraisemblablement empêché l’hémorragie des votes de droite (…) Sans celle-ci, il n’est pas certain que Nicolas Sarkozy ait été au second tour […]” : c’est la candidature de Hollande qui a empêché l’hémorragie !
    “Pour le dire d’une manière quelque peu crue, est-il certain que tous les élus de droite soient vraiment idéologiquement de droite ?” : non à 90%
    “Le FN progresse aujourd’hui en attirant à lui des électeurs venus de la gauche ; mais sa première grande poussée s’est faite par un transfert d’électeurs de droite déçus (voire plus) par leurs élus.” : est-il certain que le FN soit vraiment idéologiquement de droite ?
    “Patrick Buisson (…) a conduit Nicolas Sarkozy (et la « droite forte » aujourd’hui) à ne pas jouer le jeu du sinistrisme” : ah bon ?

  7. “Se dégauchiser”, plutôt (réplique de “droitiser”).

  8. La “ligne Buisson”, c’est du vent pour les gogos (et ils sont encore nombreux !). Ce que je sais, c’est que sous Sarkozy, l’immigration a poursuivi sa course folle (200 000 entrées légales par an !). Ce qui compte, ce sont les faits, pas le blablabla !

  9. Son “rôle” c’est à dire le rôle de quoi exactement? Rôle de para-foudre du système canalisant la révolte des simples gens? Rôle de l’aile droite de la gauche qui nous gouverne depuis 1945? Rôle du Parti socialiste bis?
    UMP? Au four! Plutôt voter Arlette.

  10. avec du vieux on ne fait pas du neuf ….tous ces “revendiqueurs” gaullistes …c’est bon …on a dejà donné !

  11. Est-ce bien à nous de leur dire ce qu’il faut qu’ils fassent à l’UMP ? Se ” dégauchir ” ? Ils en sont tout à fait capables dans le discours. Ils l’ont amplement montré. Et leur capacité à tromper l’opinion publique est sans limite. Mais croire que des gens qui sont capables d’une telle supercherie, seraient aussi capables de se ” dégauchir ” dans les faits, quelle illusion !
    Moralement, on ne peut enfermer personne dans son péché. Mais politiquement, ce n’est pas un bon calcul. Non qu’il y ait opposition entre les deux. Mais entre les deux, il y a la vertu de prudence.

  12. On n’en veut pas de l’UMP pas plus que du mariage homo !
    Arrêtez de nous rebattre les oreilles de ce misérable parti !

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