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Médias : Désinformation

Révisionnisme digital contre la mobilisation en faveur du bijoutier de Nice

De Florian Silnicki, expert en stratégie d'information et de communication de crise :

"Nouveau
cas d'école en matière de mobilisation digitale des Français. L'émotion
suscitée par la mise en examen de Stephan Turk, le bijoutier niçois qui
a tué mercredi un des braqueurs de son magasin semble pousser certains
commentateurs dépassés à faire naitre un mouvement de révisionnisme
digital pour tenter d'expliquer l'ampleur de la mobilisation des
Français sur les réseaux sociaux qu'ils n'arrivent pas à comprendre.

L'analyse
du contenu conversationnel de la page révèle très objectivement que mis
en lumière par les médias, ce fait divers est apparu comme une
injustice sociale suffisamment flagrante aux yeux des Français pour
qu'ils se mobilisent sur Facebook
pour exprimer leur soutien à l'un de
leurs compatriotes et faire pression sur la justice pour tenter
d'influer sur le cours de sa décision.

Tenter d'expliquer la
mobilisation digitale et sociale par l'achat de « Fake followers » ou
nier la sincérité de leur engagement, c'est comme espérer masquer la
fumée qui s'échappe d'un feu de cheminée en y jetant de l'huile.
C'est
surtout risquer d'attiser encore plus la colère des Français qui tentent
de se faire entendre face à ce qu'ils considèrent comme une injustice.

Le
questionnement qui nait de cette mobilisation est étonnant en ce
qu'elle révèle la sous-estimation du pouvoir mobilisateur des réseaux
sociaux sur un fait divers alors même que l'émotion et l'empathie sont
exacerbées dans le monde virtuel.


L'expression du mécontentement
des Français a évidemment subi une profonde mutation. Alors que tous les
résultats indiquent qu'une mobilisation sociale de ce genre n'est
possible que sous certaines conditions optimales, un mouvement
révisionniste digital tend à remettre en question la véracité de
l'engagement social des Français pour nier et minimiser cette
mobilisation. Comme pour ceux qui nient l'existence des chambres à
gaz pendant le Second conflit mondial, ou ceux qui affirment que Lady
Diana a été assassiné, confronter les arguments est très difficile parce
que l'analyse des données livrées par Facebook est très compliquée.
Surtout, tous ceux qui cherchent légitimement à analyser cette
mobilisation sociale en temps réel sont confrontés au fait que Facebook
ne livre pas l'intégralité de ses données en temps réel. C'est la même
articulation intellectuelle qui a lieu ici puisqu'il s'agit plus de
convictions personnelle appuyées par de supposées preuves invérifiables
que d'un constat objectif et chiffré.

Chacun a pu mesurer le
véritable élan de solidarité qui s'est déclenché sur le web depuis la
mise en examen du Bijoutier. La mobilisation citoyenne a été immédiate
et exceptionnelle.
La puissance des réseaux sociaux a opéré.
L'émotion et la solidarité se sont emparées des internautes. Les
communicants savent à quel point un fait divers couplé à une injustice
peuvent constituer un facteur de mobilisation sociale particulièrement
puissant. Avec un million de «J'aime», la page «Soutien au bijoutier de Nice» a été approuvée par un membre français de Facebook sur 26.

Il
est étonnant de constater que personne ne se soit rendu compte que
grâce aux réseaux sociaux, les Français peuvent aisément partager leur
mécontentement. Suffisamment diffusé, Facebook est une technologie
démocratisée et accessible qui permet au Français mécontent de pouvoir
de diffuser ses critiques au monde entier.
Plus qu'une réponse,
le Français qui s'engage sur cette page attend une prise en compte de sa
demande comme un client mécontent attend de la marque une réponse à sa
remarque négative sur une page Facebook corporate. Aucun dispositif
digital gouvernemental ne semble pourtant en mesure de répondre  aux
attaques qui se multiplient contre la justice sur cette page. En s'engageant sur cette page, les Français expriment clairement un sentiment d'utilité et de contribution sociale.

Tenter
d'atténuer la mobilisation des Français sur Facebook n'a tout
simplement aucun sens. Il révèle surtout le manque de prise en compte du
fait que les réseaux sociaux ont bouleversé les modalités
traditionnelles de mobilisation.
Cette exceptionnelle
mobilisation dans un nouvel espace d'expression et de mobilisation non
modéré permet à chacun de s'exprimer librement et fortement. Les doutes
émis sur cette mobilisation démontrent à quel point le temps de l'action
politique est bouleversé par l'instantanéité et l'effet de masse
immédiat que peut, tel l'effet boule de neige, engendrée une opinion
publiée par n'importe quel citoyen.

Alors oui, sans détour, il
faut admettre qu'un simple "j'aime" Facebook peut difficilement être à
la hauteur de la complexité du traitement des réponses à apporter aux
difficultés juridiques posées par ce fait divers. Recomposée, l'opinion
publique se mobilisera de plus en plus fortement et facilement et ce
sont là tous les équilibres traditionnels de la communication qui sont
remis en cause. Chacun savait que les médias sociaux avaient
bouleversé la communication. Chacun mesure désormais à quel point ces
réseaux digitaux ont avant tout le pouvoir du nombre.
Facebook et
Twitter permettent de rassembler en quelques jours des millions de
personnes autour d'une cause. Par le pouvoir du nombre et
l'instantanéité de la diffusion d'une mobilisation, un simple fait
divers tragique est transformé en facteur d'indignation nationale qui
interroge sur la société et ses valeurs.

Ce sont ainsi
aujourd'hui, bien démunies face aux critiques ainsi exprimées et
relayées, les institutions judiciaire et policière, avec les
désastreuses et durables conséquences sur leur image qui pèsent sur
elles, qui sont mises en cause par un outil gratuit.

Alors acte
fondateur d'une "démocratie 2.0" ou mobilisation éphémère des Français ?
Chacun pourra tenter d'apporter son oeuvre à l'édifice de la réponse
mais personne ne pourra plus douter du fait que les réseaux sociaux ont
fait émerger une opinion publique qui, relayée par les médias
traditionnels, a une puissance de saturation de l'espace médiatique à ne
pas sous-estimer. Il est d'ailleurs particulièrement intéressant
de remarquer que c'est surtout sur les avocats de chacune des parties
prenantes que va peser la gestion de cette mobilisation sociale digitale
alors que la communication sous contrainte judiciaire est une
discipline qui nait à peine en France. Chacun peut mesurer à quel point
dans l'affaire de fraude à la Société Générale, cela a couté cher à
Jérôme Keviel alors que les cabinets de conseil en communication de
crise oeuvraient dans l'ombre pour réhabiliter la réputation de leurs
clients tout en accablant la partie adverse."

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4 commentaires

  1. Normalement ce qui compte, en démocratie, c’est l’opinion des Français et non les phantasmes de leurs “élus” moyennant un système de représentation artificiel, “charcuté, contestable.

  2. Formidable réaction des réseaux sociaux qui en cette circonstance deviennent une réaction citoyenne devant l’ampleur du laxisme d’une gauche qui méprise les citoyens et ne s’en sert que comme pourvoyeurs de voix.
    Voyez le scandale des 730000 lettres envoyées au CESE et misent à la poubelle sur ordre du premier ministre!!

  3. sur la page en question, une capture d’écran des stat du site montre que 80% des “like” sont bien de France

  4. Ils ont tellement peur de la colère des français qu’ils viennent de déclencher une campagne de dénigrement face à ce mouvement !
    Il parait que 80 % des soutiens viennent de l’étranger, cela signifie donc que l’étranger prend ce gouvernement pour un gouvernement de pantins !

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