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Bioéthique

Révision de la loi de bioéthique. PMA, GPA : éléments complémentaires

Révision de la loi de bioéthique. PMA, GPA : éléments complémentaires

Les auditions de la commission de révision de la loi de bioéthique consacrées à l’extension de la PMA aux duos de femmes et aux femmes seules et à la GPA ont déjà donné matière à plusieurs articles dans le Salon beige  (ici et , et encore ). La lecture d’auditions supplémentaires amène à tenter d’apporter des éléments de réflexion complémentaires.

Egalité ou inégalité de situations ?

On sait que le premier argument utilisé par ceux qui sont en faveur de l’extension de la PMA aux duos de femmes est celui de l’ « égalité ». On sait aussi que cet argument est intrinsèquement faux puisque toutes les plus hautes juridictions (Conseil d’Etat, Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l’homme) ont jugé qu’il y avait inégalité fondamentale de ces femmes par rapport aux couples (donc mixtes) au regard de la capacité à procréer naturellement.

Egalité et inégalité sont également utilisées pour d’autres situations. Ainsi, si l’on considère que, pour des raisons (juridiquement fausses) d’égalité, on doit ouvrir l’accès à la PMA aux duos de femmes, qu’en est-il pour une femme seule, ou pour la GPA pour les duos d’hommes ? Et bien, tout le monde n’est pas d’accord.

Pour le Pr. Sicard, président d’honneur de Comité consultatif national d’éthique (CCNE), si l’ouverture de cette possibilité aux femmes homosexuelles, qui peuvent se marier, est évidente,

« le cas est radicalement différent pour les femmes seules,car le rapport entre l’amour, le mariage et les enfants est changé. Il s’agit d’une sorte de délégation confiée à la médecine pour servir de père biologique, avec des donneurs identifiés ou non, à des femmes seules qui, pour un nombre indéfini de raisons, sont légitimes à avoir un enfant… Je suis très hostile à l’accès à l’assistance médicale à la procréation pour les femmes seules car les raisons qui concourent à l’assistance par l’État à cette procréation solitaire d’une femme me semblent à l’opposé de la philosophie de la filiation française ».

Pour M. Pierre Le Coz, président du Comité d’éthique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire et professeur de philosophie à la faculté de médecine de Marseille, le cas est également complexe pour une femme seule, suite à un

« risque majeur qui est celui de l’insécurité qui en résulte pour l’enfant. Si malheur arrivait à sa mère, l’enfant se retrouverait radicalement orphelin et il poserait à la société une immense question de responsabilité. La société ne pourrait pas ignorer qu’elle a concouru indirectement à cette situation dramatique puisqu’elle a autorisé la femme à avoir un enfant sans père. Ainsi, si l’on considère que la femme seule peut avoir accès à la PMA, on en fait un droit. Je crois que la société va s’empêtrer dans des contradictions : une même situation pourra être tenue tantôt pour un préjudice, tantôt pour un privilège ».

Et ensuite, par rapport à la GPA, quelle différence entre un duo de femmes et un duo d’hommes ?  Pour le Pr Olivennes, gynécologue obstétricien spécialiste de la reproduction, « il convient de souligner que l’une des différences entre l’homme et la femme est la présence chez cette dernière d’un utérus, qui lui permet d’être enceinte. Il n’existe de ce point de vue aucune égalité entre hommes et femmes. Cela n’a pas de sens.». On pourrait lui faire observer que, de même, l’absence de tout organe sexuel masculin dans un duo de femmes lui interdit pareillement de procréer naturellement.

Pour le Grand Orient de France, c’est égalité totale. M. Pascal Neveu, président de la commission nationale de santé publique et de bioéthique du Grand Orient de France, déroule un argumentaire structuré :

« Entre connaissance et croyance, nous choisissons le champ de la connaissance éclairée et non celui des croyances obscures… La réalité, c’est un désir d’enfant, propre, intrinsèque, et nul ne peut s’arroger d’imposer le devoir de deuil d’un enfant, qu’il s’agisse d’infertilité chez un homme ou de difficultés chez une femme, d’un couple homosexuel, d’une femme célibataire. Le désir d’un enfant est personnel – il peut être questionné, certes, mais il est « étant », or « étant », c’est « actant », donc tous les chemins seront possibles pour devenir parents.  De la procréation à la naissance, vous ne pourrez que vous montrer favorables à la PMA et à la GPA. C’est pourquoi mieux vaut encadrer et contrôler ce qui se pratique pour ne pas aigrir des êtres et surtout, j’y insiste, pour empêcher toute marchandisation du corps. Connaissance contre croyance, le Grand Orient de France a dit » (N.D.L.R. : sans doute l’équivalent du « Hugh, Grand Sachem a dit » des indiens d’Amérique…).

Par ailleurs, irions-nous vers une autre inégalité ? Le Dr Delfraissy, président du CCNE, a confirmé que, pour les couples (donc de sexes différents), le critère de l’infertilité continuerait de s’appliquer, créant donc une restriction d’accès à ces techniques qui n’existerait pas pour les duos de femmes et les femmes seules. Une sorte de comble !

Droit à l’enfant ? Droit de favoriser la création d’enfant sans père ?

Le Pr Mattei, président du comité d’éthique de l’Académie de médecine, rappelle que

« concevoir délibérément un enfant sans père est contraire à tous nos repères anthropologiques et culturels. C’est bien l’enfant, dont on parle trop peu, qui est au cœur de la question. Il est très préoccupant que l’on soit dans une société où ne pas voir l’un de ses désirs exaucé est proprement insupportable ».

De même, M. Le Coz, président du comité de déontologie de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, souligne le caractère contradictoire qu’aurait une telle autorisation avec le fait que

« la contribution des pères aux besoins affectifs de l’enfant est reconnue par notre société, puisque 93 % de nos concitoyens pensent que le père est irremplaçable et que l’homme et la femme sont complémentaires. Je rappelle que notre système date du droit romain ! Ce n’est donc pas rien d’affirmer en 2018 que nous sommes arrivés à la « fin de l’histoire », de regarder toutes les sociétés avec une certaine condescendance en considérant qu’elles étaient dans l’égarement et l’obscurantisme alors que nous détiendrions une lucidité supérieure et saurions, nous, comment doit fonctionner une société ».

L’argumentaire du représentant de l’Ordre des médecins est quant à lui stupéfiant : pour lui, « sur le fond, le rôle de l’Ordre n’est pas de s’opposer aux demandes sociétales auxquelles existe une possible réponse technique médicale. Aucun article du code de déontologie ne permet de refuser d’emblée l’AMP ». Le Dr Faroudja évoque bien les droits (ou plutôt l’intérêt) de l’enfant à naître : « Pour ce qui est de l’intérêt de l’enfant, des articles du Code de déontologie disent que le consentement, c’est l’autorité des deux parents. Il faut parler avec l’enfant et l’informer ». On aura remarqué que l’enfant même pas encore créé aura quelque mal à parler avec le docteur… Donc, « en bref, il n’appartient pas à l’Ordre de prendre position sur ce qui est bien et sur ce qui ne l’est pas en cette matière, même sur le plan éthique ». Un numéro de défausse exceptionnel.

Une fois accepté le principe d’égalité (juridiquement faux, rappelons-le encore), il reste toujours l’irritant problème des limites. La PMA jusqu’à quel âge ?

En Belgique, Mme Claudia Wiesemann a rappelé le cas « extrême » de Mme Raunigk, qui est allée se faire inséminer en Ukraine. Elle avait 65 ans. Or,

« Il a été observé que cette grossesse multiple chez une femme de 65 ans s’est déroulée sans complications dues à son âge : les seules difficultés ont été dues au nombre d’embryons implantés. Les femmes, au XXIe siècle, étant plus saines à 50 ans et à 60 ans qu’elles l’étaient au cours des siècles précédents, il n’est pas certain qu’il faille fixer une limite d’âge pour une AMP ».

Tout le monde n’est cependant pas d’accord : à propos de l’autoconservation ovocytaire, pour le Pr.Olivennes :

« Il existe un âge à partir duquel les résultats obtenus sont désastreux. Proposer une autoconservation d’ovocytes à une femme de 40 ou 42 ans, comme le font les Espagnols, s’apparente presque à une escroquerie, dans la mesure où les chances que cela conduise à une grossesse sont très réduites. Le faire très tôt n’a pas beaucoup de sens non plus. Il faut par ailleurs fixer selon moi un âge limite pour l’utilisation des ovocytes conservés. Des problèmes d’obstétrique peuvent en effet se poser dans les cas de grossesses tardives. Il est difficile de définir un âge précis, mais les obstétriciens pensent qu’il existe, entre 45 et 50 ans, un âge à partir duquel une grossesse peut devenir problématique. Tous les pays ne se posent pas cette question. On sait par exemple que les Américains procèdent à des dons d’ovocytes pour des femmes jusqu’à 60 ans. Je considère pour ma part que ce n’est pas raisonnable ».

Une certitude : la PMA sans père, la GPA seront une rente formidable pour les psychologues de tout poil

Ce sont les partisans de ces techniques qui le disent :

  • Mme Duperray, de l’association au nom évocateur Mam’en solo: « Il faut savoir que lorsqu’une femme se décide à faire un enfant seule, elle a en général déjà parcouru auparavant un long chemin : beaucoup d’entre nous sont allées consulter un ou une psychologue pour s’assurer que leur projet était sain et non influencé par des diktats de la société ».
  • Mme Laure Narce, de la même association« Chacun, dans un couple, fait en fonction de ses compétences. Parfois, selon les sujets, la femme tient le rôle traditionnellement paternel et l’homme le rôle classiquement maternel. Nous devons, pour notre part, répondre à tout cela seules, et lorsque nous n’y parvenons pas, nous savons nous faire aider. Je vois par exemple une psychologue depuis la période où j’étais enceinte et lui demande certains conseils ».
  • Même le rapporteur Jean-Louis Touraine dans son rapport : « Il faut que les enfants nés grâce à un tiers donneur soient suivis jusqu’à l’âge adulte, et même au-delà, pour que nous sachions si se révèlent des problèmes que nous n’avions pas anticipés. Les parents – je veux parler de ceux qui élèvent l’enfant : « Le père, c’est celui qui aime », disait Pagnol – doivent eux aussi être suivis quand ils ont bénéficié d’un don. En effet, des interrogations peuvent surgir dans la famille, et l’enfant lui-même peut mettre ses parents en cause. Quand il y a, de surcroît, le concours d’un tiers, cela peut être encore plus compliqué. Selon moi, les familles doivent donc être suivies par des psychologues spécialisés, et il convient de mettre en place les procédures adéquates ».

A se demander s’il n’y a pas, dans le fond, une action de lobbying des psys de tout poil. Y aura-t-il une étude d’impact sur les comptes financiers de la Sécurité sociale ?

Au final, bienvenue dans un monde merveilleux (mais jamais sans mon psy, c’est ça la véritable autonomie….) décrit par Mme Narce. 

« Concernant le bien-être et l’intérêt de l’enfant conçu avec un don ou un double don de gamètes, le fait que le message transmis à nos enfants est qu’ils sont issus d’un monde où le lien entre les Hommes a permis de donner la vie, leur chère vie, ne renvoie-t-il pas pour eux à une histoire tout aussi belle que celle d’une conception d’un enfant sous la couette ? Ce lien riche et universel n’est-il pas un puissant message d’amour et de solidarité pour démarrer sa vie ? »

Et à l’arrivée, il peut même y avoir des avantages inattendus décrits par Mme Duperray :

« Finalement, lorsque je me compare parfois aux couples et aux familles dites « traditionnelles », je me rends compte qu’ils sont confrontés à des points de vigilance dont je n’ai pas à me soucier : je n’ai pas à faire attention à ne pas me disputer, à montrer un chemin commun pour l’éducation, à éviter des tensions ».

Le monde est formidable.

Toujours maximaliste, M.Touraine fait les propositions suivantes dans son rapport :

  • Proposition n° 2 Ouvrir l’accès à l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules.
  • Proposition n° 7 Accompagner les évolutions relatives à l’AMP par des campagnes d’incitation au don de gamètes.
  • Proposition n° 11 Étendre aux couples de femmes et aux femmes seules la prise en charge de l’AMP par la sécurité sociale dans les mêmes conditions que pour les couples hétérosexuels.
  • Proposition n° 13 Permettre la reconnaissance de la filiation à l’égard du parent d’intention pour les enfants issus d’une GPA pratiquée à l’étranger dès lors qu’elle a été légalement établie à l’étranger.

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3 commentaires

  1. Un monde sans Dieu=un monde sans intelligence mais avec beaucoup d’orgueil.

  2. C’est pratique le “grand” orient car on a en direct la position des enfers (ou “connaissance éclairée” du Baphomet “porteur de lumière” [Lucifer] )
    Pour choisir son camp c’est plus pratique !

  3. Que de discussions inutiles ! Si la technique continue de dominer le monde, les discussions se développeront à l’infini tant elles seront compliquées. Pendant ce temps là les “techniciens” de la finance nous asserviront définitivement. Voilà où mène en effet un monde sans Dieu (merci Chouan85) vers le “grand orient” (merci Duport).

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