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Economie

Pourquoi les «alter-mondialistes» se trompent et les populistes…ont raison !

DémondialisationCe commentaire s’articule autour du papier de l’économiste Jacques Sapir , Directeur du CEMI-EHESS, ; papier publié dans Russeeurope : Démondialisation et populisme, ici en lien.
«Le Brexit et l’élection de Trump ont démontré que des changements importants étaient en cours». Mais il s’agit encore que de «réponses partielles à des questions globales»(1).

Qu’est-ce que la « mondialisation »/(globalisation) contemporaine?

 



«Une circulation financières entre les pays, qui non seulement facilite les transferts de capitaux mais ouvre de nouveaux espaces aux crises et permet à certaines entreprises de réaliser leurs profits hors de l’espace où elles produisent (…). Il permet aux dirigeants de l’entreprise de faire pression à la baisse sur les salaires de leurs travailleurs sans compromettre leurs profits, ce qui ne manquerait pas de se produire si le lieu de la production et le lieu de la vente étaient les mêmes".

Pour une caractérisation de la mondialisation/globalisation en 2 points

  • l’émancipation des entreprises transnationales des règles étatiques
  • La crise latente de la démocratie dans chacun de ces Etats en réaction à cette émancipation (2)

La « mondialisation » n’est pas qu’un phénomène économique -et sans alternative-, mais un phénomène global aux conséquences sociales et politiques déterminantes pour les populations.

«C’est ce qui explique, en réaction, la montée de différentes formes de contestation, dont certaines sont « populistes » mais dont toutes sont populaires».

La mondialisation: un défit pour la démocratie

«La démocratie exige la présence d’un « peuple », autrement dit un corps politique défini par des frontières», mais la « mondialisation » rompt l’unité entre la capacité à décider et la responsabilité des décideurs qui acceptent la perte de la souveraineté!"

Réclamer la souveraineté prend progressivement en France la forme d’un combat des « populistes ». Ce point témoigne d’une pathologie propre à notre cadre politique : il existe des formes de collusion au sein des élites politiques, économiques et médiatiques, telles que ces élites deviennent «hors-sol»

«Misère de l’alter-mondialisme»

Le courant « alter-mondialiste » voudrait néanmoins réconcilier la « mondialisation » avec la démocratie dans une perspective internationaliste. Il y a là contradiction fondamentale :

«comment restaurer la démocratie sans définir précisément le « peuple » et sans respecter son identité politique ?» .

On ne peut vouloir la démocratie et son contraire ensemble.

Les divers chantres du gouvernement mondial ne sont pas prêts à accepter que les identités politiques évoluent très lentement, ainsi prônent-ils des méthodes de convergence aux forceps…ouvertement anti-démocratiques. Par positivisme radical, réduire à la simple observation d’une conformité des règles instaurées en traité par des experts est « tyrannus ab exertitio » autrement dit un système tyrannique (3).
 
Comment se défendre contre la mondialisation ?

Il faut mener des luttes frontales par rapport à des fonctionnements clefs du système, pour informer et contrer la propagande.

  • Le combat mené contre l’Euro est un exemple de remise en cause d’un symbole monétaire dévastateur économiquement (4).
  • J’ajouterais aussi comme exemple, le combat contre la marchandisation de l’humain et tout ce qu’elle engendre d’individualisme hédoniste (5).

Le retour à la souveraineté comme principe de libération de la mondialisation peut s’appuyer sous diverses formes de légitimité non exclusives : une avec une composante démocratiques (rassemblement), ou bien une composante bureaucratique (un appareil organisationnel) ou encore une composante charismatiques (un leader porteur d’espoir). A un moment donné de l’histoire, les sensibilités qui se définissent par des modes de légitimité privilégiés entrent en cohérence pour former une identité politique de lutte supérieure aux clivages initiaux. «Le moment souverainiste» si attendu par Jacques Sapir ? (6)

Remettre en cause la dépossession de la souveraineté populaire par les institutions et les grands traités apparues pendant la phase d’expansion de la mondialisation ne veut aucunement dire refuser toute idée de coopération internationale. Comme dans la plus grande partie du reste du monde, la coopération peut être régie par des nations souveraines, suivant les principes du droit international. Dans le cadre d’un monde multipolaire, tel qu’il s’affirme actuellement, les principes de coordination vont tendre à s’imposer face à l’hégémonie de l’exceptionnalisme d’un seul pays.
Il est faux de vouloir fonder la limitation pratique de la souveraineté sur une limitation technique et pratique (7) :

«Les États n’ont pas prétendu pouvoir tout contrôler matériellement, même et y compris sur le territoire qui est le leur. Le despote le plus puissant et le plus absolu était sans effet devant l’orage ou la sécheresse. Il ne faut pas confondre les limites liées au domaine de la nature et la question des limites de la compétence du Souverain. La question de la souveraineté prend alors tout son sens si l’on considère sa place dans l’ordre symbolique de choses».

La toute-puissance n’est pas de ce monde, ni de celui de Bruxelles, n’en déplaise à nos eurolâtres.

Jean Bodin avait éclairé les esprits il y a bien longtemps :

«Il est important de comprendre que «la souveraineté, telle qu’elle se construit dans l’œuvre de Jean Bodin, réside dans la prise en compte d’intérêts collectifs, se matérialisant dans la chose publique (8). Le principe de souveraineté se fonde alors sur ce qui est commun dans une collectivité, et non plus sur celui qui exerce cette souveraineté»»

Année 2016, début des surprises?

Brexit, élection de D. Trump, difficile de nous faire croire qu’à des effets de «contexte particulier». Ils entrent en cohérence dans «un méta-contexte bien plus général : une révolte des peuples contre l’oligarchie». Pour que le changement se concrétise, ces moments devront «faire exploser le carcan des institutions mises en place dans la phase de montée de cette mondialisation».

Déjà, «Donald Trump est en train de réviser une partie de son agenda politique à l’international», en particulier sur la Syrie, laissant nos élites françaises dans une indisposition risible… Qui aura le dernier mot entre les tenants de l’exacerbation des guerres civiles (juteuses pour les marchands d’armes) en «une guerre à grande échelle» qui «menacerait directement la vie des dirigeants» aussi ou le retour à une logique de coopération et de coordination avec la souveraineté des peuples ? Reconstruire des alliances entre égaux et retrouver la pratique diplomatique de la coordination : là sera la vraie révolution dans notre Ministère des Affaires Etrangères (MAE) qui n'est plus habitué depuis longtemps à «la politique « westphalienne »» (9).

Hildegarde RU

Notes

(1) ici pour aller plus loin sur la nouvelle donne protectionniste aux USA

(2) Sapir J., « La mise en concurrence financière des territoires. La finance mondiale et les États » in, D. Colle (edit.), D’un protectionnisme l’autre – La fin de la mondialisation ?, Coll. Major, Presses Universitaires de France, Paris, Septembre 2009

(3) J. Sapir fait référence à Saint Augustin pour en rendre compte : cf. Saint Augustin, Œuvres, sous la direction de Lucien Jerphagnon, vol. II, Paris, Gallimard, « La Péiade », 1998-2002 et ce point est aussi analysé dans Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016. Pour des études de cas, voir Dyzenhaus D, Hard Cases in Wicked Legal Systems. South African Law in the Perspective of Legal Philosophy, Oxford, Clarendon Press, 1991

(4) cf. Sapir J., « La zone Euro : du cadre disciplinaire à la ‘Democrannie’ », in Coll., L’Euro est-il mort ?, Paris, Editions du Rocher, 2016, pp. 111-124

(5) cf. G. de Prémare E. Letty, Résistance au meilleur des mondes, Ed. Pierre Guillaume de Roux 2016 et article de présentation dans le Salon Beige 2016 lien ici Voir aussi T. Derville, Le temps de l'Homme, Pour une révolution de l'écologie humaine, Ed. Plon 2016, présentation en lien ici

(6) voir ce billet de 2015 ici

(7) J Sapir fait ici référence aux travaux de Goyard-Fabre S., « Y-a-t-il une crise de la souveraineté? », op.cit., p. 480-1.

(8) Goyard-Fabre S., Jean Bodin et le Droit de la République, Paris, PUF, 1989.

(9) Bely L. (dir.), avec le concours d’Isabelle Richefort et alii, L’Europe des traités de Westphalie : esprit de la diplomatie et diplomatie de l’esprit, actes du colloque tenu à Paris, du 24 au 26 sept. 1998, organisé par la Direction des archives et de la documentation du ministère des Affaires étrangères, PUF, Paris, 2000, 615 p

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