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France : Société

Philippe Royer, un patron chrétien face à la pandémie

Philippe Royer, un patron chrétien face à la pandémie

Article d’Antoine Bordier :

Philippe Royer est le président des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (les EDC). A l’origine, en 1926, ce mouvement s’appelait Confédération Française des Professions (CFP) et regroupait des syndicats d’employeurs chrétiens. Il a perdu depuis son caractère syndical. Aujourd’hui, les EDC sont un mouvement œcuménique rassemblant plus de 3 200 patrons et dirigeants. Ce mouvement est souvent consulté par les organisations syndicales. Interview d’un patron, qui parle librement de la crise, de sa foi et de ses raisons d’espérer.

L’année 2020 se termine, pouvez-vous nous dire quel est l’impact de la crise sanitaire sur votre activité et sur celle des membres des EDC ?

Philippe Royer : L’impact économique de la crise sanitaire est très différent selon votre secteur d’activité. Certains secteurs comme celui de l’informatique continuent à se développer, d’autres comme l’évènementiel, le tourisme, l’aéronautique, les commerces dits non essentiels sont fortement impactés. Ce qui est très inquiétant, c’est que notre pays est de plus en plus fracturé. Il devient même violent. La situation actuelle pose un vrai débat sur l’impossibilité imposée d’exercer sa liberté d’entreprendre. Et, sa liberté en générale. Bien sûr, que chacun se sent également responsable de sa contribution à la santé publique, mais cela ne peut se faire de manière imposer et sans concertation. Pour ce second confinement, il n’est pas possible d’évoquer l’effet de surprise qui pouvait se comprendre en mars dernier.

Quel est le regard et l’action d’un patron chrétien sur une telle crise ?

Philippe Royer : La première démarche d’un patron chrétien doit être de ne pas sombrer dans le pessimisme « A quoi bon ! » ou le fameux « tout est foutu ! », ces expressions ne devraient pas être de rigueur. Quand la raison peut légitimement conduire au pessimisme et au désespoir, le chrétien a lui un devoir d’espérance, cette petite flamme parfois bien petite tel qu’évoquait Charles Péguy. Pour les chrétiens, l’espérance, c’est de prendre conscience qu’en suivant le Christ, nous trouverons la paix et la consolation dans ces situations dramatiques, qui le sont de plus en plus pour certains. Et, surtout que nous sommes tous appelés au salut et à la vie éternelle. Cela doit nous donner une joie profonde, qui nous permet de faire face aux épreuves. Et, elles semblent s’accumuler en ce moment. Fort de cette paix intérieure, et, de cette espérance, il nous revient de mettre en route notre intelligence et de porter des adaptations et des changements de paradigme. Notre monde peut et doit changer pour s’adapter et trouver les bonnes solutions.  Là encore, au-delà du diagnostic, les Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens sont force de proposition en proposant une économie du bien commun qui réconcilie l’esprit et la liberté d’entreprendre, l’inclusion des plus fragiles et le respect de la planète. Nos 3 200 membres y travaillent au quotidien.

Plus personnellement, dans votre entreprise, quelles sont les mesures que vous avez mises en place pour assurer la bonne continuité de votre activité ? Avez-vous dû licencier ? 

Philippe Royer : Pour le groupe Seenergi que je dirige, l’impact du premier confinement a été réel. Mais c’était supportable, et, nous étions prêts à faire face à un second confinement. Nous avions prouvé que les mesures de prévention sanitaire mises en œuvre avaient été efficaces. Pour la Librairie Corneille Fnac, dont je suis le président, nous avions prouvé, également, cette capacité à prendre les mesures de prévention. Mais là notre destin dépend de mesures administratives. Nous avons dû, malheureusement, procéder à un licenciement économique de 3 personnes. Et, notre pérennité reste suspendue à une réouverture complète et durable. Beaucoup de commerces ressentent avec une grande violence ce manque de respect profond à leur liberté d’entreprendre, d’ouvrir, et, de vendre leurs produits et leurs services. Le rôle du politique est d’orienter ses décisions pour le bien commun. Or, nous sommes interrogatifs, car actuellement, la somme des décisions favorise un grand opérateur mondial du e-commerce (NDLR : Amazon) qui par ailleurs bénéficie d’un taux d’imposition qui fait rêver les commerces de proximité de la France entière.

Quelles sont vos perspectives pour 2021 et 2022 ?

Philippe Royer : Nous sommes entrés dans un cycle d’une dizaine d’années qui va nous amener à constater des chaos et des émergences. Notre rôle de dirigeants sera de faire partie de ceux qui accélèrent les émergences en vérifiant que celles-ci contribuent au bien commun. Entreprendre pour la maison commune, vivre en actes ce texte prophétique de « Laudato Si »  telle est notre feuille de route. Nous sommes clairement pour une économie de marché, mais elle doit être au service d’une raison supérieure. Le progrès est bon, s’il redevient au service des hommes et des femmes. A la croissance ultralibérale dopée à la consommation abusive d’énergies fossiles, il nous faut éviter l’effet de balancier de ceux qui voudraient une décroissance basée sur le fait de ne plus entreprendre. La réponse pour nous est de retrouver notre liberté d’entreprendre au service bu bien commun. De retrouver une croissance économique respectueuse de l’environnement et dont les fruits sont destinés à tous. 

Pendant cette crise de la Covid-19, certaines PME-PMI ont dû déposer le bilan. Le nombre de chômeurs et de pauvres augmentent. Cela vous inspire quoi ? Est-ce que vous êtes optimiste ou pessimiste pour la suite ?

Ce qui me choque, c’est qu’une partie de ce que l’on appelle « nos Elites » n’ont plus de considération et de compassion pour les plus fragiles. Il y aurait ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien. A une période où la France entière salue la mémoire du Général de gaulle, il nous faut retrouver ce sens du peuple et cette capacité à se réconcilier. Notre société doit lâcher son idolâtrie matérialiste pour redevenir plus humaine et plus spirituelle.

Quelle est plus exactement votre actualité ? Est-ce que les EDC sont à l’arrêt ?

Non, pas du tout. L’actualité des EDC est de continuer à accueillir des nouveaux membres qui cherchent une quête de sens, qui veulent faire partie de ces leaders serviteurs du bien commun. De nouveaux membres nous rejoignent, car ils ont compris qu’ils avaient un rôle à jouer, une responsabilité à engager. Nous sommes entrés dans une période clé avec une grande instabilité. Nous serons mobilisés et actif pour proposer un modèle de société respectueux de tous. Nous devons rester vigilants, car quelques milliardaires à la tête de sociétés très influentes et apôtres du transhumanisme rêvent de devenir plus influents que les Etats. Nous pensons par ailleurs, qu’il y a beaucoup trop de commentateurs du monde et qu’il faut agir concrètement auprès des plus fragiles, c’est ce que nous mettons en pratique avec Agir avec les EDC. Il s’agit, concrètement, dans toutes les régions de France, d’intervenir auprès de jeunes et de moins jeunes, auprès de personnes en difficulté, en situation de grande fragilité. Et, malheureusement, vous savez quelles sont de plus en plus nombreuses. Nous les parrainons, nous les soutenons, et, parfois, pour celles qui n’ont plus de travail, avec des associations partenaires, nous les remettons sur le marché de l’emploi.

Depuis, le 28 novembre les commerces qui ne sont pas « essentiels » sont de nouveau ouverts. Les bars, les restaurants et les hôtels restent fermés. Les fêtes de fin d’année approchent. Comment allez-vous les vivre ? Vous croyez au déconfinement ?

Oui, je suis ravi de ce déconfinement progressif, mais qui, malheureusement ne profite pas à tout le monde. Je nourris mon espérance dans la prière. Je suis convaincu que chacun a envie du meilleur et qu’il faut lui révéler ses talents. Aux EDC, il nous revient d’illustrer que nous ne sommes pas des utopistes irréalistes, mais des personnes, qui là où elles vivent, contribuent au bien commun. Un ami retraité me disait récemment qu’il sauvait des vies en restant chez lui. J’en comprends le sens en cette période pandémique, mais à titre personnel j’ai envie de lui répondre dire que depuis mars je passe mon temps à sauver des emplois, en allant au travail et en trouvant avec l’ensemble des salariés des solutions pour maintenir et développer notre économie tout en respectant les gestes barrières. Quant à Noël, j’aspire à le passer simplement en famille avec mes proches. N’oublions pas de s’émerveiller de tous ces bonheurs simples qui nous sont donnés gratuitement.

Texte et photos réalisés par Antoine BORDIER

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