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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Nous, Latins, respirons-nous vraiment à deux poumons? (Partie 2)

Nous, Latins, respirons-nous vraiment à deux poumons? (Partie 2)

Du P. Daniel-Ange pour le Salon beige (voir la première partie de ce texte ici):

 Concrètement, aujourd’hui, du côté orthodoxe, où en est-on ?

Au niveau de l’humble peuple de Dieu, qu’est-ce qui a vraiment changé ? En partie dû aux siècles de dhimmitude puis des décades de persécution communiste, il reste tant de préjugés, d’idées fixes, d’ignorance sur les « hérétiques latins », non dans la haute hiérarchie, mais dans le petit peuple !

Mais ici, voici qu’une brèche timidement s’ouvre. Devant, d’un côté, l’islamisation galopante de l’Europe occidentale, de l’autre, la sécularisation rampante de la société entrainant la paganisation fulgurante de la jeunesse, les instances orthodoxes sont saisies de vertige, et sentent l’urgence – sans attendre la pleine communion ecclésiale – d’œuvrer avec les catholiques, pour ne pas être submergés par ce tsunami , éradiqués par ce bulldozer, KO dans le duel apocalyptique entre l’homicide et le Prince de la Vie. Bref, calcinés par cette éruption volcanique.

Un fait frappant. J’ai reçu l’insigne grâce d’être invité par l’Higoumène de Simonos Petra, un des plus prestigieux des 20 monastères de l’Athos. Accueil plus que fraternel : royal ! L’Higoumène de réunir toute la sainte communauté en synaxe pour que je leur parle de quoi ? De notre école Jeunesse-Lumière. De même, dans un autre monastère de l’Athos et dans leurs metochia (dépendances) de moniales sur la côte, ainsi qu’avec l’évêque de  Drama. Tous flashés par une école formant de jeunes apôtres pour leur propre génération. Pouvant donc aller dans boites de nuit et quartier de prostitution d’Athènes ou Salonique, rejoindre cette génération montante qui ne met plus les pieds à l’église, infectés qu’ils sont par nos virus mortels d’Occident.

Et voilà le projet d’une école similaire à l’ombre des quelques 200 moniales d’Ormylia, notre livre-de-vie déjà traduit, et les jeunes de Jeunesse-Lumière invités à y aller en stage. Cela, alors qu’en France si peu d’évêques  semblent intéressés par cette formidable expérience d’une année ou deux, complètes, à se plonger en Dieu, puis à clamer l’Evangile dans collèges et lycées.

Cette ouverture quasi-miraculeuse rappelle le fait qu’à la veille de la chute de Constantinople, devant le danger imminent, Latins et Byzantins ont concélébrés la dernière divine liturgie dans la Hagia Sophia, comme me le rappelait naguère Mgr Kallistos Ware métropolite d’Oxford.

Concrètement, aujourd’hui, du côté Catholique, où en est-on ? Suggestions, propositions, aspirations encore à réaliser…

Bien sûr, prêtres et religieux ont leur bréviaire avec 50% des lectures patristiques tirées des Pères d’Orient, et ont à leur disposition les grandes collections des Sources chrétiennes et des Editions de Bellefontaine, comme celles de Chevetogne et de Bose. Il y a aussi les colloques théologiques, les rencontres sporadiques entre hiérarques, les gestes durant la semaine de prière pour l’unité,  mais finalement dans le petit peuple de Dieu si peu est fait, pour connaitre nos frères des Saintes Eglises Orientales, collaborer avec eux, les fréquenter, les aimer surtout. (Un journaliste au Cardinal Schönborn de Vienne : « Que pensez-vous des Orthodoxes ? – Je n’en pense rien, je… les aime ! »)

Un fait stupéfiant : des séminaristes vivent sept ans de formation sans jamais qu’un prêtre ou évêque oriental –  catholique ou orthodoxe – soit invité à  y célébrer une divine liturgie! Alors que ces séminaires inter-diocésains sont dans de grandes villes qui toutes ont des paroisses de différentes juridictions orientales. Alors qu’au Concile Vatican II, chaque samedi était célébré une divine liturgie, un rite après l’autre, cela en séance plénière à S.Pierre ! Ceci à l’exception du séminaire interdiocésain d’Issy-les-Moulineaux en liens si étroits et fraternels avec le séminaire orthodoxe du patriarcat de Moscou, à Epinay-sous-Sénart (Chorale commune, fêtes célébrées ensemble) Cela grâce à Mgr Didier Berthet d’un côté, au P.Aleksandr Siniakov de l’autre.

Autre symptôme : dans combien de nos paroisses, même de nos monastères, entend-on parler des saints orthodoxes contemporains, ayant un tel rayonnement là-bas. Par exemple en Russie, l’Archevêque chirurgien Lukas Voïno-Yassenetski[1] : un P Aleksandr Men, martyr pour l’Unité et pour l’évangélisation.

En Grèce : Un Geronda Paissios de la Sainte Montagne, né au Ciel en 94, déjà canonisé : figure rayonnante, douée de charismes sans nombre (bilocation,lévitation,vision des âmes etc), aux nombreux écrits savoureux. Ou bien l’Higoumène qui a ressuscité Simonos Petra et fondé Ormylia : Aimilianos, mort récemment, aux homélies et conférences d’une indicible beauté (Déjà 6 volumes en français). Je m’en nourris.

En Serbie : l’évêque Vélimirovitch aux ardentes lettres missionnaires[2] ou le rayonnant starets Thaddée (+ 2003)[3].

En Égypte : le grand Matta-el-Maskin, sauveur du monastère du Deir el Makarios, (où j’ai été reçu avec tant de délicatesse). … Oui, comment pouvons-nous les ignorer à ce point ? Si proches qu’ils sont dans l’espace et le temps et surtout dans l’Esprit-Saint.

Le cher Père Boris Bobrinskoy – théologien, pasteur, staretz de première grandeur ( 1925-2020) – pensait que l’unité, par-delà les déchirures réelles, est toujours vivante dans la communion des saints . « Ainsi fait-il de la sainteté, comprise comme épanouissement des dons de l’Esprit, un aspect essentiel tant de la continuité de l’Église que de sa catholicité. Une sainteté qu’il n’hésite pas à reconnaitre hors des Églises Orthodoxes. Il regrettait que les Églises Orthodoxes en Europe de l’Ouest n’intègrent pas suffisamment dans leur calendrier liturgique les saints d’Occident et notamment ceux  du IIe millénaire, commentant avec ironie :’Comme si en 1054, le souffle de l’Esprit s’était arrêté en Occident ». Cette sainteté librement répandue par l’Esprit dans l’ensemble du corps du Christ déchiré est en soi un ferment d’unité, puisqu’elle constitue un héritage et un trésor commun qu’il convient d’apprendre à découvrir et à partager1» N’avait-il pas dans son petit salon des photos de Mère Teresa, de Jean-Paul II, et de ce Père de Foucauld qu’il admirait tant[4] ?

Autres questions :

Dans combien de facs de théologi,e s’inspire-t-on des grands théologiens orthodoxes contemporains (Schmemann en liturgie, Bobrinskoy en dogmatique, Breck en Christologie, etc.)? Dans combien de noviciats et de séminaires se nourrit-on d’un Syméon le Nouveau Théologien, d’un Grégoire Palamas, d’un Nicolas Cabasilas, sans parler de la Philocalie? D’une innombrable richesse. Sans parler de la lumineuse lettre apostolique de Jean-Paul II : Orientale Lumen.

Le Cardinal Schönborn aime avouer que, dans la débâcle-sabordage de Mai 68, ce sont les grands théologiens de l’Institut S. Serge qui ont sauvé sa foi du naufrage généralisé. N’en serait-il pas de même aujourd’hui ?

Combien de prêtres en paroisse signalent-ils les différentes fêtes liurgiques, célébrées en Orient ? Au moins celles de la Théophanie, du dimanche de l’Orthodoxie.  (En 2021, le 21 Mars)? Et pourquoi ne pourrions-nous pas célébrer quelques-uns de leurs grands saints (Un Serge de Radonège le 24 Sept ? Serafim Sarovski, Jean Cronstadtsky, Elisabeth Fedeorovna la nouvelle martyre, Innocent d’Alaska, etc. Jean-Paul II signalait parfois leurs fêtes à l’Angelus  dominical). Les années où le cycle pascal se célèbre à d’autres dates, ou bien les fêtes avec le décalage-horaire de 13 jours pour certaines juridictions, combien de catholiques vont-ils dans les églises-orthodoxes ou greco-catholiques ne fût-ce qu’ à Pâques et Pentecôte – s’unir physiquement à la joie de leurs frères d’Orient ?

Combien de nos évêques à ces occasions manifestent-ils leur communion fraternelle à leurs  différents métropolites ou exarques ? Combien manifestent leur compassion fraternelle lors d’événements infiniment douloureux comme le schisme Moscou- Constantinople, l’islamisation de Haghia Sophia, l’interdiction du gouvernement turc  à sa Béatitude Bartholomaos de porter son titre de patriarche œcuménique. Ou les événements joyeux comme le Concile panorthodoxe de Crête (joie hélas voilée par les quatre patriarcats se désistant in extremis).

Combien d’entre nous vont en pèlerinage dans les nombreuses petites communautés monastiques orthodoxes constellant notre pays ?

Il faudrait que de nombreux monastères se jumellent avec ceux-ci ou avec des monastères en Russie, Ukraine, Serbie,  Egypte, Grèce. (Sans pour autant avoir la vocation de Chevetogne ou Bose.) Simplement commencer par inviter de leurs moines, surtout de leurs higoumènes à faire un séjour, à donner homélies et cours, à célébrer dans leur rite. Combien le font  déjà ? Combien de moniales ont-elles tissé des liens privilégiés avec celles de Minsk, de Drama, d’Ormylia (monastère S.Jean Baptiste), de Souroti sur la frontière bulgare,). Combien de nos communautés sont-elles abonnées à des revues orthodoxes (Contacts, etc…) ou consultent-ils des sites orthodoxes ?

Il faudrait que de nombreux séminaires, paroisses ou même diocèses  proposent de tels jumelages, avec leurs équivalents en France où à l’étranger.

Plus simplement, dans toutes nos paroisses : prier régulièrement leurs différents hymnes Acathistes, vénérer leurs saintes icônes. Et surtout soigner davantage la célébration de notre rite romain : au moins tous les dimanches et fêtes : eau bénite, encensements,chant des oraisons, du saint Evangile, de la préface, des paroles consécratoires, si ce n’est de l’épiclèse  et du supplices te rogamus. (Tout cela si rarement chanté même par des évêques !) Et pourquoi pas plus souvent la célébration ad Orientem comme proposé par Benoit XVI. Nos célébrations sont si souvent « rikiki ! ».Nous devrions en rougir  devant nos frères d’Orient.

[1] Voir Anton Odaysky, L’exploit de toute une vie, Cerf 2007, synthétisé par Nektarios Antonopoulos, Ed Archontariki, Athènes, 2021.

On peut commander ces ouvrages au monastère de Solan, metochion de Simonos Petra : 3O33O La Bastide d’Engras

[2] (Des Syrtes Editions).

[3] Paix et joie dans le Saint Esprit, l’Age d’homme, Lausanne, 2010

[4] A.S Vivier-Muresan.L’horizon oecuménique  dans la vie et l’œuvre du P.B.Bobrinskoy. In :Contacts. Revue française de l’Orthodoxie.Sept 2021.

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5 commentaires

  1. Pendant que Sainte-Sophie de Constantinople est transformée en mosquée …

    … Notre-Dame de Paris est transformée en musée avec parcours fléché.

    Il semble que Erdogan, Macron et François s’entendent à merveille.

  2. Ah, les deux poumons ! Quelle belle image ! Dominus Iésus : une seule Eglise. Un orthodoxe qui devient catholique devient pleinement orthodoxe.

  3. Pour ce qui est de notre diocèse de Poitiers le rapprochement se fait plutôt du côté des protestants, il est vrai qu’historiquement l’ouest du diocèse a une forte proportion protestante. Lors du dimanche de l’unité nos prêtres déjà peu nombreux sur de vastes territoires délaissent leurs ouailles pour participer au culte protestant, notre évêque prend fréquemment comme exemple un penseur protestant, Jacques Ellul.
    Alors se rapprocher des orthodoxes, pour notre diocèse cela n’en prend malheureusement pas le chemin, ni envers les Eglises catholiques orientales.Dommage.

  4. Bonjour,

    je disconviens totalement de cet article.
    Il me semble qu’il y a là plusieurs problèmes.
    Il convient de reconnaître que les Latins de l’Eglise catholique, très majoritaires, doivent d’abord et en priorité bien connaître leurs racines latines. Et ces racines latines passent par la réappropriation des rites anciens, notamment de la messe tridentine telle que codifiée au Concile de Trente.
    Ensuite, en deuxième lieu et par souci d’unité de l’Eglise, il sied effectivement qu’ils abordent et connaissent mieux les catholiques orientaux et leurs traditions religieuses, afin de ne pas perdre de vue que l’Eglise est constituée de Latins mais aussi d’Orientaux. Néanmoins, cette connaissance, pour des Latins, est secondaire.
    Et enfin et en dernier lieu, ils peuvent effectivement s’intéresser aux traditions des acatholiques. Mais celles-ci doivent passer en dernier, parce que, et c’est une lapalissade, les catholiques doivent privilégier ce qui est catholique.

    “Un fait stupéfiant : des séminaristes vivent sept ans de formation sans jamais qu’un prêtre ou évêque oriental – catholique ou orthodoxe – soit invité à y célébrer une divine liturgie!”

    Un fait stupéfiant : que des séminaristes vivent sept ans de formation sans jamais être formés à célébrer la messe traditionnelle tridentine selon le missel de 1962, dont la forme a nourri pendant 4 siècles a minima (de nombreux éléments sont repris simplement d’avant) la partie latine de l’Eglise catholique! Que dis-je, sans jamais même assister à une telle messe!
    Mais si l’on estime qu’assister à une messe célébrée selon la liturgie orientale peut être intéressant pour des séminaristes latins (ce que, certes, je partage ; quoi que moins pertinent pour des latins que d’assister à une messe tridentine), en revanche je suis estomaqué de voir que l’on peut envisager d’inviter un prêtre orthodoxe à célébrer une messe dans un séminaire catholique! Quelle porte ouverte au relativisme, au syncrétisme, à l’indifférentisme!
    Et l’auteur d’en remettre une couche, en recommandant de lire les auteurs “orthodoxes”, donc acatholiques, dans les séminaires! N’avons-nous pas suffisamment d’auteurs doctrinalement sûrs? Quelle est cette rage, ce suicide volontaire, qui consiste systématiquement à aller chercher en dehors de nos saints auteurs approuvés l’erreur et la confusion?
    Célébrer des “saints” “orthodoxes”? Mais ont-ils été canonisés par la Sainte Eglise catholique romaine? Non! Ils ne sont pas catholiques, ils ne peuvent pas être célébrés ou priés, car ils n’appartiennent pas à la sainte Eglise catholique, ils ont vécu en dehors d’elle, de manière délibérée. Le code de droit canonique indique : “Can. 1187 – Il n’est permis de vénérer d’un culte public que les serviteurs de Dieu qui ont été inscrits par l’autorité de l’Église au catalogue des Saints ou des Bienheureux.”

    “Combien de nos évêques à ces occasions manifestent-ils leur communion fraternelle à leurs différents métropolites ou exarques ? ”

    hé bien tout simplement parce que nous ne sommes pas en communion. Je suis en communion avec la Sainte Eglise catholique romaine et ses membres. Point. Il n’y a pas et il ne peut y avoir de communion avec des schismatiques et hérétiques.

    “Combien manifestent leur compassion fraternelle lors d’événements infiniment douloureux comme le schisme Moscou- Constantinople, ”

    Mais qu’avons-nous à faire du schisme d’une assemblée schismatique? Que nous importe que des acatholiques soient unis entre eux ou divisés? Ce qui devrait nous consterner, ce n’est pas la division parmi des gens déjà divisés, c’est qu’ils ne se soient pas jetés au pied du Vicaire du Christ en implorant humblement leur retour au bercail, comme fit le fils prodigue. Que faites-vous, Monsieur l’Abbé, pour le retour des “orthodoxes” dans l’unique Eglise du Christ? C’est cela qui devrait vous accabler de tristesse, pas la division entre eux!

    ” l’interdiction du gouvernement turc à sa Béatitude Bartholomaos de porter son titre de patriarche œcuménique. ”

    Un titre de patriarche qui ne vaut strictement rien, n’ayant pas été décerné par le Siège apostolique. Le titre de patriarche latin de Constantinople a été supprimé en 1964 par l’Eglise catholique.

    je ne vais pas reprendre point par point cet article absolument hallucinant – des pélerinages vers des lieux acatholiques? N’avons-nous pas Lourdes, Fatima, Cotignac, etc.? Des abonnements à des revues acatholiques? Pour avoir la négation du Filioque, l’autorisation du remariage après divorce, des textes faisant l’apologie de l’ordination d’hommes mariés? La négation de l’Immaculée Conception? Le rejet du dogme de l’Assomption car les “orthodoxes” préfèrent la Dormition? – mais je suis quand même abasourdi.

    Le seul paragraphe à sauver, c’est le dernier : et cela se fera en retrouvant nos racines latines et la forme extraordinaire.

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