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Valeurs chrétiennes : Education

Mathieu Bock-Côté : il faudrait transformer complètement le logiciel dominant le système éducatif

Mathieu Bock-Côté : il faudrait transformer complètement le logiciel dominant le système éducatif

Mathieu Bock-Côté a accordé un entretien à Axelle Girard pour Educ’France. Extrait :

Parlons d’école : quelles grandes similitudes voyez-vous entre le combat pour la liberté scolaire en France et au Québec ?

La question de l’autonomie scolaire me semble moins centrale, si je puis me permettre, que celle de la soumission du ministère de l’Éducation, chez nous, mais aussi, je crois, chez vous, à un pédagogisme débilitant qui a progressivement sacrifié les savoirs – j’ajoute toutefois que le phénomène est allé beaucoup plus loin de notre côté de l’Atlantique que du vôtre, où survit encore une conception exigeante de la culture. Cela dit, dans toutes les sociétés occidentales, une forme d’égalitarisme a poussé à la déconstruction de la culture parce qu’elle est verticale, et censée légitimer, dans l’esprit de ses détracteurs, certains mécanismes de reproduction sociale au service d’une élite masquant ses privilèges ses références culturelles. Alain Finkielkraut, dans La défaite de la pensée, et Allan Bloom, dans L’âme désarmée, ont analysé et critiqué ce discours dès la fin des années 1980. L’école ne devait plus transmettre le monde mais le recommencer à zéro : l’héritage était réduit à un stock de préjugés condamnables. Par ailleurs, le pédagogisme a voulu transformer l’école en laboratoire idéologique devant moins transmettre un patrimoine de civilisation que fabriquer à même les salles de classe une société nouvelle, dans la matrice du progressisme contemporain. Le pédagogisme invite moins à admirer et explorer les grandes œuvres, par exemple, qu’à les démystifier pour voir comment elles sont porteuses d’intolérables préjugés comme le racisme, la xénophobie, l’homophobie, la transphobie, la grossophobie, et ainsi de suite. Et cela quand on leur parle de ces œuvres. Car l’élève est aussi invité à exprimer son authenticité et à construire lui-même son propre savoir : c’était la lubie du socio-constructivisme. Le ministère de l’Éducation déséduque, ce qui ne veut pas dire, évidemment, qu’on ne trouve pas des milliers de professeurs compétents qui résistent à la bureaucratie pédagogique et qui cherchent à assumer pleinement, et de belle manière, leur fonction.

Dans un monde idéal, il faudrait transformer complètement le logiciel dominant le système éducatif. J’aimerais y croire, mais j’y crois de moins en moins. L’appareil administratif de nos sociétés est de plus en plus difficilement réformable. Si je suis favorable, de plus en plus, à une certaine autonomie scolaire, c’est justement parce qu’il me semble nécessaire de créer des oasis de culture, je dirais même, des oasis de civilisation, où il sera possible de résister au pédagogisme au nom d’une conception élevée de notre patrimoine à transmettre. La dissidence peut consister, aujourd’hui, à transmettre notre patrimoine de civilisation, tout simplement.

Un système scolaire “fédéral”, ou décentralisé, fonctionne-t-il nécessairement mieux que celui dont nous faisons l’expérience ici, en France ?

Permettez-moi de corriger un peu votre perception des choses. Au Canada, l’éducation est une compétence provinciale et non pas fédérale. C’est une nécessité vitale, pour tenir compte de la diversité profonde du pays, qui trouve son origine dans les revendications, en 1867, au moment de la création de la fédération, des Canadiens-français qui voulaient administrer leurs propres institutions scolaires dans la province de Québec où ils formaient une majorité. C’était, en quelque sorte, une concession culturelle accordée aux francophones alors que les élites anglaises qui fondèrent le pays rêvaient d’un État unitaire sous le signe de l’angloconformité. Pour les francophones, c’était évidemment une question de survie culturelle. Mais à l’intérieur même du Québec, nous avons un système scolaire très centralisé, qui tourne autour du ministère de l’Éducation. Il s’est développé comme tel depuis les années 1960, avec ses grandeurs et ses misères. Il a permis à tout un peuple d’accéder à l’éducation, et à une société d’opérer un formidable rattrapage collectif, mais il a sacrifié, au même moment, les humanités classiques qui autrefois, étaient au cœur de la formation des élites.

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