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Valeurs chrétiennes : Education

L’interdiction de l’école en famille risque de générer des effets contreproductifs

L’interdiction de l’école en famille risque de générer des effets contreproductifs

Anne Coffinier a été entendue lundi 11 janvier par la Commission spéciale relative au projet de loi confortant le respect des principes républicains, sous la présidence du député Anne Brugnera. Un note sur l’inconstitutionnalité de la mise en place d’un régime d’autorisation pour l’instruction en famille a été remise solennellement par Créer son école, qui a appelé à voter pour la suppression de l’article 21.

Anne Coffinier a souligné qu’il n’était pas possible d’interdire aux parents de mettre en avant leurs convictions religieuses, philosophiques ou politiques pour choisir l’instruction en famille sans déstabiliser profondément à court ou moyen terme le fondement même du caractère propre des établissements libres confessionnels (sous contrat ou hors contrat). La liberté d’enseignement est un tout. Il y a dans cet article 21 de graves causes d’inconstitutionnalité, qui contaminent le régime juridique des établissements privés sous et hors contrat.

Sur l’article 22, Créer son école et ses partenaires sont opposés à la mise en place d’un régime de fermeture administrative des écoles libres hors contrat :

A) L’Etat n’y gagnera pas en rapidité d’action face au séparatisme

  • Le but des auteurs du projet de loi est de permettre à l’administration de mieux protéger les enfants et l’ordre public et de fermer plus vite une école dangereuse. Or le passage à une fermeture administrative ne fera pas aller plus vite. Aujourd’hui on peut déjà vider une école de ses élèves en 15 jours sans intervention du juge, sur simple mise en demeure des parents par le recteur de rescolariser ailleurs leurs enfants. Chaque mois, le ministre Blanquer affiche d’ailleurs le nombre des écoles qu’il ferme, à tort ou à raison. C’est donc qu’il peut déjà le faire sans difficulté. Ce qui peut prendre plus de temps, c’est la fermeture de la structure en elle-même mais qu’importe puisqu’il n’y a plus d’enfants alors ? De toute manière, il est légalement impossible d’empêcher la réouverture de l’école portée par une autre structure associative portant un autre nom, avec des gens en tout ou partie différents. Fermer la structure juridique ne peut donc pas être au cœur de la stratégie de lutte contre le séparatisme.
  • Le vrai problème est celui des écoles où les dirigeants et/ou les parents ne veulent pas jouer le jeu et refusent d’exécuter la décision de fermeture. C’est un problème d’application de la décision, pas de nature (judiciaire ou administrative) de la décision. Tant que l’Etat ne sera pas prêt à faire usage de la force pour fermer une école dangereuse, sa décision pourra en pratique rester lettre morte. C’est ce qui s’était passé pour les écoles musulmanes d’Echirolles et de Toulouse. Veut-on pour cela faire régresser les libertés de toutes les écoles, à commencer par celles qui respecteront les décisions de l’Etat, même si elles les trouvent infondées ?

B ) L’article 22 réduit les libertés de la société civile sans utilité concrète pour la défense des droits légitimes des enfants ou de l’ordre public

  • L’article 22 est une atteinte à la liberté d’enseignement. Est-elle proportionnée ? Non. Car l’article 22 permet de fermer une école soit de manière temporaire soit de manière définitive. On peut faire une analogie avec les lieux de culte et les récentes décisions du Conseil constitutionnel à ce sujet.
  • Le juge judiciaire a priori est le meilleur protecteur des libertés fondamentales. On l’appelle d’ailleurs le juge des libertés. Le juge administratif reste un juge de l’administration, donc plus proche des préoccupations de l’Education nationale que de celles de la société civile dirigeant les écoles libres. Avec une fermeture administrative, les coûts et la charge de la preuve pèsent sur l’école fermée et non sur l’administration qui veut fermer l’école
  • Il est logique que dans un régime de liberté (régime de déclaration des créations d’école), on ait un régime de fermeture judiciaire et que le régime de fermeture administrative des écoles soit réservé à un régime d’autorisation préalable pour les créations. Rappelons qu’à l’époque de Najat Vallaud-Belkacem, le juge constitutionnel s’était opposé à la mise en place d’un régime d’autorisation préalable pour les créations d’école.

C) Ce qu’on peut faire de plus utile pour lutter contre le séparatisme

On gagnerait à :

  • Appliquer la loi Gatel en inspectant 100 % des écoles lors de leur année d’ouverture, comme la loi le prévoit (alors qu’aujourd’hui seulement 80 % des écoles libres sont inspectées la première année, selon ce que Richard Senghor, conseiller spécial du ministre, nous a confié lors d’une audition).
  • Oser concentrer et renforcer les contrôles sur les écoles implantées dans des zones à fort risque séparatiste au lieu de saupoudrer ou inspecter à de multiples reprises des écoles implantées depuis longtemps et n’ayant jamais posé de problèmes.
  • Transformer la composition des missions de contrôle pour y introduire plus de spécialistes du séparatisme, issus des services de renseignements ou au moins avec les compétences linguistiques et religieuses nécessaires et dûment formés à l’identification de menaces séparatistes.
  • Définir clairement ce qu’est le séparatisme pour donner des bases permettant aux inspecteurs de fermer une école sans arbitraire, plutôt que de le faire sur des prétextes qui donnent un sentiment d’injustice (normes ERP, vices procéduraux) aboutissant à un refus d’exécution par les parents concernés ou à des procédures contentieuses à foison. Sans définition de ce qu’on cherche à combattre, on ne fera qu’alimenter un climat de défiance généralisée.
  • Accorder la vraie priorité à la prise en charge des décrocheurs et absentéistes de l’enseignement public, qui sont déscolarisés une partie du temps et sont au contact des circuits de radicalisation, et à la traque des écoles clandestines.
  • Faire aimer la France charnellement et revisiter les programmes et la formation des professeurs dans une perspective de valorisation de notre culture et de notre histoire, et se montrer ambitieux pour tous les jeunes sans démagogie, ce qui serait le meilleur moyen de lutter contre les tentations séparatistes chez les jeunes.

D) Il est nécessaire de sortir de la politique d’endiguement de la liberté d’enseignement

Les écoles libres hors contrat comme l’instruction en famille au demeurant constituent une nécessaire soupape de sécurité pour l’école publique ou sous contrat. L’Education nationale et, bien sûr, les enfants en ont besoin. Alors que le navire de l’Education nationale rencontre tant de difficultés, il n’est pas acceptable que l’on tire sur les bateaux de sauvetage. Dans ce contexte, le législateur n’a pas légitimité à continuer à chercher à rendre toujours plus difficile l’ouverture des écoles libres (comme l’a déjà fait ouvertement avec succès la Loi Gatel), à accroître les contrôles et à faciliter les fermetures tout en alourdissant les sanctions pénales à l’égard des malheureux directeurs assez téméraires pour oser encore, dans des conditions pareilles, ouvrir des écoles libres. C’est un régime punitif et liberticide qui ne tient pas compte des besoins de la France ou des enfants et qui ne permettra pas de lutter contre le séparatisme.

E) Alors que le droit à la différence et l’inclusion sont au cœur des préoccupations contemporaines, il n’est pas pertinent de vouloir éradiquer les lieux qui permettent le plus d’accueillir cette différence et de respecter les différences des enfants et de leurs familles.

  • les écoles indépendantes étaient nécessaires à la vie démocratique, précisément parce qu’elles accueillent la différence : enfants harcelés, brimés, n’étant pas à leur place à l’école de la République, mais aussi scolarisés là en vertu des possibilités qu’offrent les lois républicaines.
  • Il est donc urgent de faciliter l’ouverture des écoles hors contrat car on ne peut pas à la fois interdire l’IEF et garder une approche aussi restrictive des créations d’école, tout en interdisant en pratique le passage sous contrat des écoles qui le souhaitent. Cet ensemble d’actes politiques n’est pas compatible avec le respect qu’on doit à une liberté constitutionnelle. Aujourd’hui, pour ouvrir une école, il faut que le directeur ait 5 ans d’expérience dans un établissement d’enseignement, même comme surveillant. Inversement, un éditeur scolaire, une orthophoniste, un enseignant ayant enseigné hors structure scolaire comme en cours de soutien ou en prison ou hôpital, ou un chef d’entreprise type Xavier Niel pour Ecole 42 ne sera pas autorisé à diriger une école primaire ou secondaire libre. C’est aberrant. C’est contraire au besoin d’innovation. C’est une approche endogamique contraire aux besoins de rénovation de l’offre éducative et d’innovation. Il faut proposer des alternatives de plein droit (et non des dérogations à la main de l’administration, variant d’une académie à l’autre) aux 5 années en établissements d’enseignement : diplômes, compétence prouvée dans le champ éducatif, grandes réalisations sociales ou économiques, ou composition de son corps d’enseignants avec un niveau de diplômes relevé à Master (au lieu de bac + 2 par exemple).

Sur l’article 23, les sanctions pénales sont alourdies de manière disproportionnée. Comment ne pas y voir une volonté de dissuader les personnes compétentes d’accepter de prendre une direction d’école et donc de freiner les ouvertures d’école ? Si l’on durcit les sanctions pénales, il ne faut le faire que pour les atteintes à l’ordre public, à la santé et à la sécurité physique ou morale des mineurs, et non pour des insuffisances liées à l’enseignement. Dans ce dernier cas, les mises en demeure par l’autorité de contrôle et le cas échéant la fermeture suffisent sans qu’il y ait lieu de pénaliser les directeurs. L’appréciation de la pertinence des progressions, des enseignements des écoles libres par les inspecteurs de l’Education nationale ne sont pas une science exacte, d’autant que l’Education nationale se trouve à évaluer les bonnes pratiques éducatives de son concurrent direct.

Sur le passage sous contrat, l’article 24 rate l’occasion de clarifier les conditions de passage sous contrat pour en faire un droit opposable et non pas une aumône qu’accorde ou pas l’Etat, selon son bon vouloir. Aujourd’hui des écoles rattachées au courant des Frères musulmans sont sous contrat alors que d’autres peinent à avoir un contrat bien qu’elles présentent moins de risques séparatistes et une performance académique et sociale plus sûre. Les écoles doivent pouvoir accéder avec plus de visibilité au contrat, si c’est leur choix. Il n’est plus acceptable que l’octroi du contrat reste à la discrétion de l’Etat, sans aucune voie de recours possible.

Ces nouveaux pouvoirs que l’exécutif veut confier à l’administration, et qui mettent en péril l’équilibre subtil des grandes libertés publiques, sont d’autant plus dangereux que nulle part n’est définie la nature du séparatisme qu’on prétend combattre. Le fait est suffisamment troublant pour être souligné. Ils risquent donc d’être employés à l’encontre de citoyens qui ne sont absolument pas séparatistes mais souhaitent seulement faire usage de leurs libertés fondamentales d’enseignement et de religion.

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1 commentaire

  1. Hélas tout ceci s’adresse à un gouvernement de hors la loi qui se contrefichent des lois autant que de la démocratie.

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