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Bioéthique

L’industrie pharmaceutique veut cultiver des embryons humains

La Fondation Lejeune communique à propos de la dernière "découverte" issue des cellules souches embryonnaires :

L "Le laboratoire ISTEM, issu de l’unité mixte Inserm/AFM, placé sous la responsabilité du Pr Marc Peschanski, vient de communiquer des résultats qui ont été présentés par son auteur comme une « démonstration spectaculaire » de l’intérêt des cellules souches embryonnaires humaines (CSEh). L’annonce intervient la veille de l’examen du projet de loi bioéthique au Sénat. Cette médiatisation révèle des amalgames scientifiques qui autorisent quelques interrogations sur sa réelle motivation.

a) Une importance à relativiser

Les scientifiques savent qu’aujourd’hui il est impossible de réaliser un quelconque traitement pour les patients à partir de cellules souches pluripotentes (qu’elles soient embryonnaires humaines – les CSEh, ou induites à la pluripotence – les iPS). En raison du risque permanent que ces cellules ne se différencient pas correctement, demeurent pluripotentes, et développent des tumeurs, ces cellules ne sont pas utilisées pour entrer dans la fabrication de médicaments, au stade actuel des connaissances scientifiques. Autant ce caractère pluripotent constitue donc un handicap pour la thérapie cellulaire, autant il est convoité pour la modélisation de pathologies et le criblage de molécules à haut débit. Aujourd’hui les CSEh servent de matériau cellulaire sur lequel on teste sans contrainte des molécules potentiellement thérapeutiques. La « démonstration » présentée ce matin, relative à la dystrophie myotonique de type 1 (maladie de Steinert) par le Pr Marc Peschanski relève de ce type d’utilisation. Il ne s’agit pas de recherche en thérapie cellulaire mais de recherche pour l’industrie pharmaceutique.

Par ailleurs, trois autres éléments amènent à la relativiser :

– Sur le plan scientifique, l’identification de composés pharmacologiques ou de mécanismes inconnus ne peut pas être qualifiée de « démonstration spectaculaire »,

– les deux composés trouvés sont qualifiés de « potentiellement utiles » pour le traitement de la pathologie, ce qui reste par définition à prouver,

– et surtout les CESh ne sont pas indispensables dans cette perspective.

b) Des amalgames sur le plan scientifique

Ce qui est mis en avant par ses auteurs est le lien de causalité entre la « démonstration spectaculaire » et l’utilisation des CSEh. Comme si celles-ci étaient indispensables pour modéliser les pathologies ou cribler les molécules. Il n’en est rien. Au contraire, dans cette perspective, les iPS concurrencent largement les CSEh car elles possèdent les deux propriétés essentielles pour ces applications : la pluripotence et l’immortalité. Les iPS dépassent même les CSEh sur le plan de l’obtention, car elles sont plus faciles d’accès (par prélèvement direct sur le patient atteint de la pathologie à étudier puis reprogrammation en laboratoire) et ne nécessitent pas d’attendre la sélection d’embryons porteurs de la pathologie issus du cycle fécondation in vitro/diagnostic préimplantatoire/dérivation de lignées.

Qu’en est-il de l’obstacle invoqué par le Pr Peschanski pour minimiser l’intérêt des iPS ? Celui-ci a indiqué aux sénateurs que les CSEh n’auraient pas d’alternative en raison de la reprogrammation : « S’agissant des cellules induites à la pluripotence, nous sommes avant tout pragmatiques (…) le phénomène de reprogrammation aurait introduit dans ces cellules un défaut génétique, génomique ». Une précision permet de comprendre ce dont il s’agit réellement. Les traces épigénétiques invoquées, qui peuvent apparaitre à cause du processus de reprogrammation des cellules, pourraient être gênantes si l’objectif de la recherche était de les utiliser comme matériau pour la thérapie cellulaire, c'est-à-dire si l’application sur le patient était visée. Ce n’est pas le cas. En revanche ces traces épigénétique ne sont pas un obstacle à l’utilisation des iPS pour les applications concernées par l’annonce d’aujourd’hui (modélisation et criblage). Plusieurs publications l’attestent, dont une récente dans Nature Biotechnology. S’agissant de cette étude particulière, le Pr Peschanski n’a pas apporté la preuve que les iPS auraient été inadaptées à sa recherche, comme la loi de bioéthique l’y oblige.

c) Quelle motivation réelle ?

Un rappel permet d’esquisser une réponse à cette question légitime, compte-tenu des enjeux éthiques et politiques. Le 20 novembre 2009, Marc Peschanski annonçait au cours d’une conférence de presse avoir réussi à créer de l’épiderme à partir de cellules souches embryonnaires humaines. Cette annonce a été largement médiatisée et commentée en raison de la présentation de perspectives d’applications pour soigner de graves pathologies de la peau : la recherche sur l’embryon humain permettrait la création de « pansements » provisoires pour les grands brûlés et le traitement de l’épidermolyse bulleuse, une grave maladie génétique de la peau. Et pourtant, non seulement ces perspectives n’étaient pas à portée de main de l’équipe française, qui en était au stade de la recherche fondamentale, mais surtout d’autres équipes de chercheurs, travaillant sur des cellules souches non embryonnaires, avaient déjà trouvé des traitements efficaces pour ces deux pathologies. La conférence de presse avait été programmée la veille du Téléthon qui finance le laboratoire du professeur Peschanski."

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