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France : Société

Les licences de taxis : une rente pour privilégiés

L'essayiste Robin Rivaton réagit à l'affaire Uber pop :

"[…] L'idée d'Uber serait d'ailleurs née à Paris du fait de la pénurie de taxis. Autorisés à circuler avec une licence, cinq fois moins nombreux par rapport au nombre par habitant qu'à New York ou à Londres, les taxis parisiens sont en effet un fringant monopole quasi centenaire qui a épinglé une dizaine de gouvernements à son tableau de chasse. Alors qu'en province la quasi-totalité des chauffeurs sont des artisans-indépendants, à Paris le marché un chauffeur sur quatre est locataire de sa licence et génère une faible marge. Convaincus d'avoir acheté un bien de valeur et de n'avoir rien à changer sur la qualité de leurs prestations, la concurrence n'a jamais plu aux brutes qui y répondent par des jets de pierre et des véhicules saccagés. 

Parmi les victimes de la brute, il y a les VTC, voitures de transport avec chauffeur qui prospèrent grâce à une qualité de service bien supérieure aux taxis. Ce sont les bons. Ils s'adaptent sans sourciller à un législateur qui a déjà tenté deux tentatives d'homicide contre eux. Un décret pris le 28 décembre 2013 imposait aux VTC un délai totalement arbitraire de quinze minutes entre le moment où le client commande le véhicule et le moment où celui-ci est pris en charge. Le conseil d'État l'a suspendu au nom d'une atteinte illégale au principe du droit de la liberté du commerce et de l'industrie. En septembre 2014, la loi Thévenoud est venue restreindre fortement l'activité des VTC en augmentant les barrières à l'entrée, formation de trois mois obligatoires, fin de la géolocalisation et tarifs fixés à l'avance. Las, la qualité l'emporte toujours et les VTC, qui ont les mêmes contraintes fiscales et sociales que les taxis, continuent de prospérer.

Enfin il y a ceux qui sont devenus les truands par la main d'un préfet zélé, les services de mise en relation entre particuliers. Il s'agit de particuliers qui conduisent avec leur véhicule personnel de manière complémentaire à une activité principale. Les tarifs sont plus faibles et il n'y a pas de respect des règles fiscales et sociales. Ce service ouvre un nouveau segment de marché à la qualité de service réduite pour des utilisateurs sensibles au prix. Il n'est pas une concurrence directe pour les taxis. Le leader du marché UberPop revendique 400 000 utilisateurs, le challenger Heetch, 200 000. Jeudi 25 juin, sur demande du ministre, le zélé préfet de Paris invoquant des troubles à l'ordre public (sic) a publié un arrêté interdisant toutes les plateformes sur Paris et l'agglomération parisienne. Outre l'absolue inapplicabilité matérielle de l'arrêté – comment désinstaller ces applications de centaines de milliers de smartphones, cela souligne l'ineffectivité de la loi Thévenoud qui rend sur le papier ces chauffeurs sanctionnables depuis le 1er janvier 2015. 

[…] En autorisant la vente et la location de licences de taxis données gratuitement, il a fait d'un bien public une rente pour quelques privilégiés. En refusant de préparer le terrain à une augmentation de la concurrence, il a créé une bulle au détriment de l'attractivité de la métropole. En interdisant les services de conduite par un particulier au lieu de leur faire déclarer leurs revenus, il détruit de l'activité économique et de l'emploi. […]"

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5 commentaires

  1. Entre Thévenoud et Boucault, le pire côtoie l’incompétent.

  2. Il ne faut pas non plus oublier qu’une corporation peut avoir des avantages. En imposant une règle commune elle peut éviter la concurrence déloyale et dangereuse (par exemple de chauffeurs qui conduiraient trop longtemps ou pour trop peu d’argent pour vivre). Les “liberals” qui nous gouvernent font exprès de laisser les UberPop violer la loi et ne font rien pour la faire respecter. Quand les taxis s’en chargent eux mêmes, ils sont accusés d’être violents, mais c’est parfois l’excès de liberté de se laisser exploiter (par Uber) qui est violent.

  3. L’ “uberisation” de l’économie est un des volets de la mondialisation, dont elle reprend les finalités perverses. Le problème, c’est que la seule réponse audible est celle d’un système mafieux. On se croirait en Corse, où les seuls personnes qui résistent à la mondialisation est la mafia prétendument indépendantiste. Dans ces oppositions, personne n’a le sens du bien commun.

  4. Il est évident qu’aujourd’hui, à l’ère des smartphones géolocalisés par GPS, la notion de ‘héler un taxi dans la rue’ n’a plus lieu d’être. Si c’est la seule justification du coût des licences de taxi, supprimons-les et organisons une transition vers un système où taxis et véhicules de tourisme avec chauffeur sont indifférenciés.
    Pour la transition, n’oublions pas que les chauffeurs de taxi, en achetant leur licence sur un marché secondaire plutôt que d’attendre l’émission de nouvelles par les pouvoirs publics ont spéculé sur leur investissement.

  5. Et si on lançait une monnaie libre pour concurrencer les banques ?
    Il n’y a aucune raison qu’une seule monnaie soit utilisée en France : la dérégulation doit aussi se faire par l’autorisation de monnaie concurrente…

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