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France : Société / Immigration

Les gens ne veulent pas d’un “vivre ensemble” qu’on leur impose

Christophe Guilly est géographe et consultant auprès de collectivités locales et d’organismes publics. Il déclare au NouvelObs :

"La révolte gronde dans ce que j'appelle la France périphérique, c'est-à-dire les territoires qui sont à l'écart des grandes métropoles : bourgs, petites villes, la plupart des villes moyennes, une partie du périurbain et le monde rural. C'est une immense partie du territoire qui accueille 60% de la population et 80% des nouvelles catégories populaires : ouvriers, employés, petite classe moyenne en voie de paupérisation, jeunes et retraités issus de ces catégories.

Depuis quelques années, toutes les radicalités sociales et politiques viennent de cette France périphérique. Les bonnets rouges, par exemple, ne partent pas de Nantes, Brest ou Rennes, mais de Carhaix et du fin fond du Finistère. De même, la carte des plans sociaux est calée sur cette France de petits bourgs souvent méconnus. Et les poussées du FN aux municipales viennent, elles aussi, de ces territoires : Brignoles, Hénin-Beaumont, Béziers, etc.

C'est une France des fragilités sociales et économiques favorable au social, mais uniquement pour sa communauté. Des électeurs qui développent un discours très hostile aux "fainéants", aux "assistés", et, en réalité, aux immigrés. On assiste à une critique paradoxale de l'Etat-providence par ceux qui en ont le plus besoin.

Aux municipales, la gauche s'est effondrée dans cette France-là, mais a bien résisté dans les grandes métropoles…

La malédiction de la gauche, c'est d'avoir gagné la mairie de Paris en 2001. Aujourd'hui, si on veut gagner la France, il faut perdre Paris ! […]

A vous entendre, dans les métropoles et les banlieues, c'est l'alliance des bobos et des immigrés qui fait gagner la gauche. Pourtant, aux municipales, les banlieues ont voté à droite…

Cette "alliance objective", plus qu'une "alliance", est d'abord le fruit d'une géographie inédite puisque aujourd'hui deux tiers des immigrés extraeuropéens et plus de 60% des cadres se concentrent dans les agglomérations de plus de 200.000 habitants.

Ce qui est vrai, c'est qu'aux municipales les musulmans n'ont pas voté à gauche. Mais cette désaffection renvoie à une erreur de diagnostic sur le vote Hollande en 2012 (ou Royal en 2007). A l'époque, la communauté musulmane a voté à plus de 90% pour Hollande uniquement par rejet de Sarkozy. De la même manière, les "petits Blancs" qui ont rallié massivement Sarkozy en 2012 vivaient dans le fantasme d'un Hollande candidat des musulmans et des immigrés.

Il faut relativiser fortement les résultats des municipales en banlieue. Les gens ne votent pas. Les municipales en banlieue, ce sont des élections sans le peuple. Au contraire de la présidentielle de 2012, où les catégories populaires se sont déplacées, ce qui a permis la victoire simultanée des thèses de Patrick Buisson à droite et de celles de la fondation Terra Nova à gauche.

Sur toutes ces questions ethnoculturelles, droite et gauche tiennent un discours officiel républicain mais ont des pratiques de campagne communautaristes. Or, aujourd'hui, les classes populaires se déterminent de plus en plus sur des questions identitaires. Donc, d'un côté, la gauche agite le spectre du racisme pour mobiliser les minorités, de l'autre la droite fustige l'islamisation pour séduire les "petits Blancs". […]

C'est la fin du modèle républicain ?

Ce modèle assimilationniste est mort. On assiste à l'émergence de la société multiculturelle. Nous, Français élevés au biberon du républicanisme, sommes très mal à l'aise avec cette réalité. Or la société multiculturelle, c'est une société où l'autre ne devient pas soi. Si l'autre ne devient pas soi, j'ai besoin de savoir combien va être l'autre. La crainte d'être ou de devenir minoritaire est une angoisse identitaire quelle que soit l'origine. Sur cette question, on est tous fondamentalement pareils : le cadre, l'ouvrier, le musulman… On peut avoir un discours de gauche, de droite ou d'extrême droite mais on réagit de la même façon.

[…] Le potentiel électoral du FN s'est déplacé en Seine-et-Marne, dans le Val-d'Oise ou dans l'Oise, dans les lotissements pavillonnaires bas de gamme construits dans les années 1970-1980 pour accueillir notamment ceux qui fuyaient la petite couronne. Ces électeurs peuvent vivre dans des villages où il n'y a pas d'immigrés, mais ils trimballent avec eux leur histoire et leur vote. Prendre sa valise, quitter l'endroit où l'on est né, c'est un acte très fort, source d'un fort ressentiment. Un déménagement, c'est encore plus violent qu'un vote. Cela signifie que les gens ne veulent pas d'un "vivre ensemble" qu'on leur impose, ce qui n'interdit pas rencontre et fraternité."

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3 commentaires

  1. Ce “Vivre ensemble” a-t-il plus de sens que “les valeurs de la République” ou “la République, notre bien commun” ou “l’Elysée, maison de tous les Français” ?
    Ce ne sont que quelques florilèges de la vacuité du discours politique.

  2. On a beau retourner le sujet dans tous sens, ce “vivre ensemble” est une forme de diktat, une tyrannie ressentie comme une oppression dont l’effet principal est sournoisement pervers puisqu’il aboutit à un rejet de “l’étranger proche” ressenti objectivement ou subjectivement comme une menace immédiate…

  3. le vivre ensemble devrait exister d’abord dans les pays étrangers incités à se débarasser de leurs surplus de population qu’ils ne veulent pas entretenir mais trouvent normal que l’umps nous imposent ces envahisseurs à notre détriment …
    Il faudrait exiger la réciprocité en immigration .C’est trop facile de virer les blancs en afrique puis d’exiger que des millions d’arabes et africains syphonnent nos impots chez nous à notre détriment .
    Exigeons le seul référendum qui compte : oui ou non à l’immigration de masse en France ?
    Le fait que l’umps refuse cyniquement tout référendum là-dessus prouve qu’ils savent déjà que la grande majorité des francais de souche en ont ras-le-bol de la fiction sur les “chances pour la france” et autres balivernes nuisibles du “vivre ensemble” sans notre accord !

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