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Pays : International

Les deux faces du capitalisme

Jean-Yves Naudet répond à l'enquête lancée par L'Homme Nouveau sur le capitalisme :

"La crise économique et ses conséquences humaines graves posent à chacun une question fondamentale : comment résoudre la crise ? Faut-il pour cela changer de système économique ? La doctrine sociale de l’Église peut nous aider à répondre à cette question. L’Église n’a pas condamné les institutions du capitalisme. Mais elle est très sévère pour les comportements des hommes à l’intérieur du système. Pie XI disait déjà, dans Quadragesimo anno (n.109) : «Ce régime, Léon XIII consacre tous ses efforts à l’organiser selon la justice ; il est donc évident qu’il n’est pas à condamner en lui-même.» Jean-Paul II a actualisé cette analyse dans Centesimus annus (n.42) : «Peut-on dire que, après l’échec du communisme, le capitalisme est le système social qui l’emporte ?» (…). «La réponse est évidemment complexe. Si, sous le nom de capitalisme, on désigne un système économique qui reconnaît le rôle fondamental et positif de l’entreprise, du marché, de la propriété privée et de la responsabilité qu’elle implique dans les moyens de production, de la libre créativité humaine dans le secteur économique, la réponse est sûrement positive, même s’il serait peut-être plus approprié de parler d’économie d’entreprise, ou d’économie de marché, ou simplement d’économie libre

Les choses sont claires : il n’y a pas d’alternative à l’économie de marché et les institutions du marché ne sont pas à condamner en elles-mêmes. Pourtant, nous avons connu la crise, qui provoque des drames économiques et sociaux. La raison est simple, on n’a pas écouté la deuxième partie de ce passage de Jean-Paul II : «Mais si par capitalisme, on entend un système où la liberté dans le domaine économique n’est pas encadrée par un contexte juridique ferme qui la met au service de la liberté humaine intégrale et la considère comme une dimension particulière de cette dernière dont l’axe est d’ordre éthique et religieux, alors la réponse est nettement négative

C’est ce mauvais capitalisme que nous avons connu et qui a conduit à la crise. Où est le « cadre juridique ferme » quand les droits fondamentaux ne sont pas reconnus, à commencer par le droit à la vie, mais aussi l’état de droit, puisque les contrats ne sont pas respectés, les droits de propriété souvent violés, et que la violence quotidienne, a fortiori les guerres civiles, empêchent chacun de vivre en paix ? Le cadre juridique ferme, ce n’est pas l’État omniprésent, qui réduit les droits des parents, détruit la famille, la prive de la liberté scolaire. Le cadre juridique ferme, ce sont des lois justes, conformes à la nature de l’homme et respectant ses droits fondamentaux. Et surtout, dans la pratique actuelle de la liberté, où est « l’axe d’ordre éthique et religieux » ? C’est ce qu’a compris Benoît XVI et qu’il nous explique dans Caritas in veritate. La crise actuelle est une crise morale, une crise d’ordre éthique : quand la fin justifie les moyens (ce que Benoît XVI appelle « l’idéologie technocratique », que l’on voit en économie comme dans le domaine du respect de la vie). […]

La crise ne disparaîtra pas par des mesures techniques, mais en changeant le coeur de l’homme. […] On pourra changer toutes les structures économiques du monde, si l’homme n’a pas un comportement éthique, la crise persistera. Ne rêvons pas d’un tiers-système illusoire, mais travaillons à convertir notre coeur."

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5 commentaires

  1. Ce concordisme entre le capitalisme et le catholicisme pose un réel problème au sein des catholiques français.
    C’est dingue de penser qu’il y a une incompatibilité entre le socialisme et le catholicisme et ne pas dire la même chose pour le capitalisme.
    Les deux faces du capitalisme, il n’y en a qu’une qui est en place, les catholiques sont obligés de renoncer à la face catholique s’ils veulent jouer le jeu du capitalisme.
    Le capitalisme tel qu’il est décrit dans la Doctrine Sociale de l’Église ou dans les encycliques des papes n’existe pas vraiment, le capitalisme tel qu’il est pratiqué dans le monde est celui-ci : amoral et se contentant des biens terrestres.
    Comme d’habitude, il y a toujours une certaine élite catholique bourgeoise pour justifier le capitalisme parce qu’elle a ses intérêts, elle se repose dessus.
    Demandez à une caissière de Carrefour de confession catholique si le capitalisme dans ses fondements est acceptable.
    Toute la Tradition de l’Église, que ce soit Lactance, Basile de Césarée, Jean Chrysostome, Saint Thomas d’Aquin auraient méprisés notre monde capitaliste. Il n’y a absolument pas besoin de Marx pour faire une telle analyse.
    C’est facile de défendre le capitalisme quand on est socialement confortable. D’ailleurs c’est bien le souci d’une partie des catholiques d’aujourd’hui, ils ne représentent plus les classes populaires, c’est devenu en France une religion de bourgeois pour notre plus grand malheur.
    On n’a plus affaire à de véritables catholiques pratiquant la charité envers les pauvres, mais à des libéraux spiritualistes qui préfèrent leur confort terrestre à leur espérance céleste.
    De plus, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’alternative que l’on doit subir cette nouvelle religion moderne et d’abandonner la Vérité catholique. On n’a pas à se soumettre parce que le monde considère qu’il n’y a que cette voie. Il faut savoir s’adapter, résister, mais non renoncer à ce que l’on porte.
    Alors oui, au delà des systèmes économiques, il faut changer le cœur de l’homme moderne, mais le capitalisme n’aide en rien à le faire changer, au contraire, il le laisse dans son état d’erreur.

  2. Les deux visages du mondialisme: communisme et capitalisme! Un seul sauveur: Jésus!
    http://www.youtube.com/watch?v=NexZJ6-OffI

  3. Jean-Yves Naudet, comme à son habitude, s’illustre comme l’un des seuls économistes à replacer la Morale au coeur de l’économie.
    Il est vraiment dommage que certains (cf. commentaires précédents) se départissent de toute nuance dans leur analyse,et jettent aux orties les enseignements de spécialistes, et a fortiori ceux des papes, qui pourtant leur sont “légèrement” supérieurs en terme d’autorité et de maîtrise du sujet.
    Il est bien joli de critiquer le capitalisme (au passage, personne n’a jamais dit que le système actuel était en accord avec les valeurs chrétiennes), mais alors il s’agirait de proposer une alternative SERIEUSE, qui conviendrait mieux à la réalité du monde que celle d’un capitalisme moralisé… En attendant cela, je reste un fidèle de l’approche chrétienne et morale du capitalisme.

  4. La question que vous posez sur le capitalisme se résout très bien en revenant à la définition du mot. CAPITALISME est un mot comme DEMOCRATIE qui a tellement été galvaudé et utilisé à contre-sens (par exemple : “république démocratique allemande” !!!) qu’il ne veut plus rien dire si on ne s’accorde pas sur une définition lors d’une discussion.
    Ainsi donc le capitalisme est un système économique qui repose sur l’accumulation de CAPITAL (d’où son nom !!!), cette accumulation permettant de financer les nouveaux achats et investissements. C’est un système qui grosso-modo croit de 2/3 % par an.
    Or le système en crise qui a explosé est un système principalement basé sur de la dette (qui est le contraire de ACCUMULATION DE CAPITAL). Les banques n’ont aucun fond propres, les pays ne transmettent que des dettes à leurs enfants, l’économie fonctionne sur le crédit et l’endettement des ménages, des entreprises, des collectivités, des Etats, …
    Bref, cette société irresponsable est une création des politichiens qui font tourner la planche à billet. La société qui est en crise est une invention de tous ces constructivistes qui cherchent à inventer “leur société” plutôt que de laisser celle-ci en paix.
    Rien à voir avec le capitalisme qui prône le contraire.
    CQFD ???

  5. @ Geoffroy
    Vous semblez confondre la réalité intrinsèque à toute économie ”naturelle”, le marché, et les constructions économiques et sociales qui en dérivent, dont le capitalisme occidental.
    Celui-ci est né au Moyen Age, et il a accompagné la croissance interne prodigieuse de l’économie médiévale, unique dans l’histoire, puis l’expansion européenne. Le capitalisme est foncièrement issu de la pensée chrétienne, en ce sens qu’il privilégie l’avenir au présent, parce qu’il place la réussite dans un au delà de l’instant présent.
    Il est évident que ses excès proviennent de périodes où le cours terme est privilégié par rapport à l’avenir. Il y a toujours eu des crises économiques selon des cycles constants, provoquées par le climat et l’histoire des hommes. A l’époque contemporaine, la cause première ne se situe pas dans le capitalisme en soi, mais bien bien plutôt dans l’étatisme confiscateur et le socialisme redistributeur qui en découle.
    En effet quand l’Etat accapare une part croissante de la gestion de la richesse produite, et qu’il prétend de plus gérer la monnaie seul et user de ces ressources pour se substituer au marché, il introduit un déséquilibre : le marché est donc sollicité pour payer la dette publique, et l’économie financière appelée à créer la richesse gaspillée par l’Etat. D’où les manipulations monétaires, technique déjà ancienne et formidablement perfectionnée au XX ème siècle, mais aussi les politiques de la demande, visant à faire consommer à tout prix, avec du crédit sans contrepartie, afin de satisfaire le clientélisme démocratique. Le capitalisme et le marché ont été faussés par l’étatisme et le socialisme et ce sont eux les coupables de ce gâchis : en soi le marché n’est qu’un lieu d’équilibre des forces, comme une balance qui rétablit toujours le déséquilibre entre offre et demande.
    Si les états modernes redonnaient aux sociétés la gestion de l’économie, et cessaient d’user de la monnaie pour financer leurs dettes ou le crédit à la consommation sans contreparties, le marché ne répondrait pas par les extrêmes que nous constatons depuis 3 ans.
    Ce n’est pas tant le marché ou le capitalisme qui doivent être moralisés, mais l’Etat et la politique modernes : en promettant un bonheur matériel à la croissance perpétuelle, en supprimant toutes les libertés des corps sociaux, en se donnant par un coup d’état permanent le monopole de la morale en politique, et de la monnaie en économie, l’Etat moderne est devenu le Veau d’or démocratique.
    La doctrine sociale de l’Eglise, par son exigence de responsabilité des corps sociaux naturels, visant à donner à chacun les moyens d’une vie digne, proclame le bien commun comme le but de toute activité économique, tandis que l’Etat moloch promet l’égalité et la quantité comme seuls critères de justice. Là sont les termes du le débat que doivent poser les catholiques : sans quoi, ils font du socialisme évangélique, depuis Lamennais jusqu’à Marc Sangnier, la théologie de la libération, ou la social démocratie chrétienne. Ce faisant ils nient les critères de la justice et de la responsabilité contenus dans l’Evangile, et proclamant une morale théorique en refusant la connaissance économique qui leur fournirait les modalités justes de la morale. Une morale sans modalités concrètes et éprouvées n’est qu’un moralisme destructeur, qui donne à l’oppression socialiste totalitaire sa justification théorique : l’égalité en lieu et place de la justice et de la responsabilité.
    C’est ainsi que face aux excès dévastateurs des états le système financier déconnecté du réel tente de répondre, sans que les exigences vraies des sociétés qui répondent à la inscrites dans la nature de l’homme soient satisfaites.
    Mais en tant que telle l’économie libre de marché demeure incontournable : elle constitue la modalité économique juste de la DSE.

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