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Bioéthique

L’écologie, c’est bien… sauf pour l’homme ?

Blanche Streb est docteur en pharmacie. Après avoir travaillé douze ans en recherche et développement dans l'industrie pharmaceutique, elle est aujourd'hui directrice de la formation et de la recherche pour Alliance VITA. Elle vient de publier Bébés sur mesure, le monde des meilleurs (Artège, 2018). Extrait d'un entretien au Figarovox :

XVMecf4efd6-44b0-11e8-a18d-c12fdf4e8e03-140x200En fait, Blanche Streb, vous êtes à la mode: vous prônez en quelque sorte un retour au bio, sans colorants ni conservateurs, contre la tentation des OGM que sont les «bébés sur mesure»…

Je prône surtout un retour au bon sens humain, qui heureusement n'est jamais très loin lorsque les enjeux sont clairement et globalement exposés. Mais votre comparaison est intéressante. Vous évoquez l'écologie, or de nos jours il y a une prise de conscience incontestable des dégâts que la fascination de l'homme pour certaines technologies ou l'absence de respect de la nature ont pu engendrer. La même prise de conscience sur l'état d'urgence éthique dans lequel nous sommes devient incontournable, vitale! Aujourd'hui, l'homme s'octroie le droit de manipuler la vie, dès son commencement. Des bébés génétiquement modifiés sont nés, en Ukraine, au Mexique, en dépit de tout principe de précaution. Préoccupant!

Vous écrivez que «la France est devenue un pays eugéniste». Quoi, déjà?

En effet, osons regarder cette vérité en face: en France, malheureusement, est né et se répand un nouvel eugénisme, technique, consensuel, démocratique et bientôt… chronique, si notre société continue de s'y acclimater. La FIV a rendu l'embryon «disponible», sous l'œil du biologiste, et inévitablement «un contrôle qualité» des embryons s'est imposé. L'eugénisme qui se met en place est largement induit par les biotechnologies. Le diagnostic pré-implantatoire (DPI) permet de contrôler l'ADN des embryons in vitro pour les trier. En France, le cadre de cette pratique est restreint aux couples risquant la transmission d'une pathologie grave et incurable. Mais certains poussent pour la banalisation de ce passage au crible des embryons: le DPI pour tous, c'est-à-dire pour tous les couples, et pour tout, c'est-à-dire pour décrypter ce que l'on sait déjà dire ou prédire (avec parfois des marges d'erreur) de l'ADN.

Pour trier les embryons, il faut les avoir sous la main et donc faire des FIV, même si l'on n'est pas infertile. Lorsque l'on fait des FIV pour des raisons d'infertilité les embryons sont à notre disposition: «alors pourquoi pas ne pas en vérifier la qualité?» se demandent certains. Ainsi, la procréation assistée appelle le tri, et le tri impose la FIV. La technique appelle la technique, et le phénomène s'emballe….

Dans certains pays, des couples qui ne sont pas infertiles ont recours à des FIV pour trier leurs embryons selon leur sexe. En Angleterre, on a relevé des cas de sélection délibérée d'embryons porteurs de surdité, les parents souhaitant transmettre leur propre handicap en héritage pour que leur enfant partage complètement leur mode de vie.

Dans le monde du bébé sur mesure, si tout n'est qu'une question de désir individuel, il n'y a plus de limite.

Vous parlez aussi des médecins, «soumis à une forte et injuste pression». Les bouleversements techniques dans le champ de la procréation ont-ils modifié profondément le rôle de la médecine? Comment la profession perçoit-elle ces changements?

En médecine prénatale, il y a une vraie pression, palpable. Les obstétriciens et échographistes savent qu'ils y risquent davantage de poursuites judiciaires en laissant naître un enfant présentant une anomalie qui aurait pu être détectée avant la naissance qu'en induisant la perte d'un fœtus en bonne santé qui décéderait à l'issue d'un examen invasif ou en incitant, dans le doute, à une interruption médicale de grossesse. 0,5 à 1 % de fausses couches sont à déplorer à la suite d'une amniocentèse, geste qui au final conduit à la perte de deux enfants indemnes pour l'avortement volontaire d'un enfant atteint détecté par cet examen… Dans la quête du bébé parfait, il y a du «déchet humain». Glaçante réalité.

Le débat pour faire sortir la PMA du cadre actuel – celui du couple homme-femme souffrant d'infertilité constatée – envisage le soignant comme un prestataire de services. Car la PMA pour des personnes qui n'ont aucun problème d'infertilité ne relève pas de la médecine: il n'y a rien de curatif, ni de préventif, ni de réparateur, puisqu'en tant que tel il n'y a rien à soigner. Le simple fait d'évoquer une telle rupture démontre que nous sommes sur le point de basculer vers un droit à l'enfant.

La vocation du soignant est de guérir les pathologies, d'atténuer la souffrance lorsqu'elle est la conséquence d'une maladie. Pas lorsqu'elle est causée par un désir inassouvi. […]"

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