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Le livre de Thibault Mercier : pouvoir discriminer ou se dissoudre et disparaître

Le livre de Thibault Mercier : pouvoir discriminer ou se dissoudre et disparaître

Le livre de l’avocat Thibault Mercier Athéna à la borne. Discriminer ou disparaître ? (Editions Pierre-Guillaume de Roux, 2019) affronte bille-en-tête le totem peut-être le plus sacré de notre société, la prohibition de la discrimination ; cette faculté, comme la définissait le Larousse d’avant normalisation linguistique, de discerner et de distinguer. On ne saurait reprocher à ce livre que d’être parfois un peu court : il y a tant à raconter et instruire !

Il commence par un historique de la mise en place de la législation antidiscriminatoire, avec, bien sûr, la loi dite « Pleven » de 1972 qui inscrit pour la première fois ce principe dans le droit pénal français, au titre de quatre critères : l’ethnie, la nation, la race, la religion. La Nation française, à ce titre, ne peut donc plus distinguer le citoyen de l’étranger. Autrement dit, la fin de la préférence nationale. Mais à quoi peut donc bien servir la Nation si elle ne préfère pas ses citoyens ? Bien évidemment, comme pour toute la législation sur la discrimination, la réalité n’est jamais entièrement conforme : le droit de vote est bien (encore) discriminatoire entre Français et étrangers (avec quelques applications d’une citoyenneté « européenne ») ; et on n’aura jamais connu une telle floraison de concepts « citoyens » (grand débat, initiative, participation, démarche…) que depuis que l’effectivité de son contenu a été en partie vidée de son sens…

Le législateur a ensuite obsessionnellement enrichi l’article 225-1 du Code pénal et les critères retenus pour combattre l’hydre discriminatoire, le petit dernier étant « l’identité de genre » ajouté en 2016, Hollande regnans. Prenons notre souffle :

« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée ».

23 critères !

Le Défenseur des droits, Jacques Toubon ex-RPR nommé par François Hollande –tiens, encore lui- et illustration emblématique et concomitante du syndrome de Stockholm et de la vieillesse-qui-est-un-naufrage, fournit la généalogie de la constitution de cet arsenal dans son rapport 2016. Selon lui, toutes catégories confondues, en 2017, « on frisera la trentaine de critères. Cette profusion fait basculer le concept de critère prohibé de discrimination, fondé sur une caractéristique fondamentale de la personne protégée par l’Etat de droit, vers un inventaire de situations particulières ». Comme le démontre à l’envi la prolifération quasi-cancéreuse du sigle créé par les homosexuels : LGBTQIA+… (QI n’ayant rien à voir avec quotient intellectuel, ni IA avec intelligence artificielle).

Bien évidemment, cette logorrhée se duplique dans les divers textes et jurisprudences internationaux auxquels la France aime s’assujettir. L’auteur rappelle ainsi cet arrêt de 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne enjoignant les assureurs automobiles de ne plus accorder de tarifs moins chers aux femmes (moins accidentogènes que les hommes), au titre d’une pratique clairement discriminatoire à raison du sexe ; comme si toute l’activité assurantielle n’était pas fondée sur l’analyse parfaitement discriminante des facteurs de risque.

Le livre donne des éléments de réflexion intéressants sur les conséquences de cette passion et de la législation associée sur le corps social.

  • La sexualisation et la racialisation de la société: on ne voit plus qu’à travers le sexe et la raceLe mètre-étalon en est la célèbre remarque de Mme Ernotte, présidente de France Télévisions en septembre 2015 : « On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans et cela, il va falloir que ça change ». Egalement, le commentaire du président Macron, en mai 2018 après la remise d’un plan Borloo pour les banlieues : « Que deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers s’échangent l’un un rapport, l’autre disant ‘on m’a remis un plan’… Ce n’est pas vrai. Cela ne marche plus comme ça ». Sexe et race (même si l’on sait que la race n’existe plus (cf chronique sur le Salon beige du 17 octobre 2018) sont devenus obsessionnels. Ainsi que la diversité (sous-entendu sexuelle et raciale). Il n’y a que le grand remplacement qui est interdit de séjour…
  • La traque à, et la présomption de discrimination. Tout propos, tout écrit sont maintenant systématiquement passés par le crible des pourchasseurs de discriminations, l’élément déclencheur étant souvent le soupçon d’une stigmatisation. Dont le travail a été rendu plus facile par la possibilité d’ester en justice qui a été accordé aux associations comme à la possibilité plus récente d’actions de groupes. Et sans compter les travaux du Défenseur des droits ou de la DILCRAH : Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, créée en 2012 et élargie à la lutte contre la haine et les discriminations anti-LGBT en 2016 (Hollande toujours). Et travail enrichi tant par les prises de positions à jet continu sur les chaînes d’information permanente que par l’usage des réseaux sociaux.Et le mis en cause est maintenant coupable de présomption de discrimination selon le processus du renversement de la charge de la preuve acté par le conseil de l’Union européenne du 27/11/2000.

« Le droit se voit corrompre par cette éthique de l’intention qui ruine le libre arbitre intime. Il s’agit alors de changer les citoyens directement dans leur for intérieur, par la contrainte judiciaire et légale, mais aussi morale. Le juge n’est plus tenu de s’arrêter de lui-même au seuil de la conscience foncière de l’être qui devrait demeurer un refuge intime, arbitraire et inviolable. La faculté d’arbitraire, qui était l’apanage du sujet de droit est devenue par inversion l’apanage du juge »

(Dans un autre domaine, Jacques Toubon tweettait en novembre 2017 : « En cas de harcèlement sexuel, c’est à l’auteur des faits de démontrer devant la justice qu’il n’y a pas eu harcèlement »).

Ainsi, si « l’ancienne loi d’interdiction ne faisait que réprimer publiquement les conduites visibles considérées communément comme répréhensibles, désormais, la nouvelle loi d’autorisation se donne pour objectif, impossible à atteindre, d’obtenir de manière vérifiable la disparition des sentiments et jugements défavorables à l’égard de ces conduites. D’où la dérive inquisitoriale tant des juges que des médias qui somme chacun de manifester son approbation à quelque chose qu’il peut pourtant réprouver en son for intérieur. »

  • Une dissolution des structures naturelles et de la loi au profit exclusif de l’individula personne était unique, singulière, différenciée, prise avec ses défauts et ses qualités multiples et particuliers qui la rendaient irremplaçable. Elle est remplacée par l’individu  qui est, au sein d’un genre ou d’une espèce tout être vivant indépendant ayant les caractéristiques de ce genre ou de cette espèce. Sans plus aucune notion de différenciation ni d’humanité. L’obsession de la non-discrimination, c’est la négation de tout héritage, la dissolution de l’identité. La seule référence commune devient celle de consommateurDe même, l’Etat se dissout également au profit de l’individu, voire des minorités. Et l’idée de nation se dissout dans celle de communautés. Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle à Marseille avait dit : « Je vois des Arméniens, des Comoriens, des Italiens, des Algériens, des Marocains, des Tunisiens, des Maliens, des Sénégalais, des Ivoiriens ». Appliquée à la construction européenne, cette notion de dissolution est parfaitement traduite par Régis Debray : « À force de vouloir accueillir toutes les identités, l’Europe n’a plus d’identité » (Le Figaro, 30/03/2019). Enfin, le droit lui-même se trouve également dissous. La justice et le droit ne sont plus une affaire commune mais individuelle.

« Le droit ne se définissait pas à l’origine comme un ensemble de règles et de normes applicables à l’individu, mais plutôt comme un art visant à déterminer les moyens d’arriver à l’équité dans les rapports entre les personnes. Aujourd’hui, la loi supporte la conversion en « droit » de toute espèce d’exigence, de désir ou d’intérêt. Le droit s’en trouve ainsi bouleversé, contraint de s’adapter à toutes les situations exceptionnelles. …. On voit apparaître une des causes du délitement du lien social en Europe occidentale, l’avènement d’une génération composée d’individus qui considèrent que leurs droits individuels prévalent sur l’intérêt général. Chacun cherche à maximiser son intérêt personnel, chacun peut faire plier la nation sous le poids de son désir égoïste. »

In fine, le bien commun a été dissous au profit des désirs individuels.

  • Les gens en sont-ils plus heureux ? Pas du tout, au contraire : nous vivons jour après jour la montée des antagonismes et la compétition victimaire, engendrant un sentiment persistant de mécontentement: la compréhension du corps social s’effectue à partir d’une analyse constante en termes de dominants/dominés, de bourreaux/victimes, d’oppresseurs/opprimés. Où règne le principe du « plus discriminé que moi, tu meurs ». Entre 2012 et 2017, le Défenseur des droits rappelle que la liste des critères a été étendue en créant en moyenne un critère de plus par an « pour répondre dans l’instant à diverses attentes ». Et d’où aussi le fait que chaque sentiment de discrimination est qualifié par la minorité adhoccomme étant « d’une exceptionnelle gravité » ; la passion antidiscriminatoire ignore tout d’un attribut pourtant essentiel de la vie sociale, le sens de l’humour.

De ce fait, on a vu monter la « haine », ce mot, guère employé avant les années 1980, qui est devenu le mantra de notre société. Tout est haine, tout est haineux. Conséquence explicite de l’interdiction d’exercer sereinement la faculté de discernement et d’en discuter.

La raison essentielle, depuis l’interdiction des discriminations jusqu’à la transformation des « droits de l’homme et du citoyen » en droits de l’individu (homme et citoyen ayant disparu dans cette grande dissolution), est la négation assidue de la réalité ; le refus obstiné de voir le réel, prégnant comme une idéologie. Plus de transcendance ni de la nation, ni de la famille. L’auteur constate cette « unité qui relie l’individualisme, le subjectivisme et le relativisme, conspirant à la négation du primat de la réalité ». Le réel est écrasé par la volonté devenue toute-puissante de l’individu. Et, pour revenir au niveau de la Nation, par ce droit qui devient celui de l’individu accouplé à la dictature des minorités, les droits de l’homme deviennent le droit pour l’étranger d’imposer ses mœurs et coutumes aux citoyens autochtones.

Refus du réel ? Qui ne se rappelle cette émission d’Arrêt sur image du 29 juin 2018 ? A propos de la « marche des fiertés ». 4 hommes invités, dont Arnaud Gauthier-Fawas, administrateur de l’inter-LGBT. Un homme de 35/40 ans, cheveux courts, calvitie précoce, barbu et moustachu. L’animateur remarque qu’il n’y a que des hommes et pas de femme. Il est interrompu par Gauthier-Fawas qui lui dit :

« Je ne suis pas un homme. Je ne sais pas ce qui vous fait dire que je suis un homme. Mais je ne suis pas un homme ».

L’animateur répond :

« Votre apparence ».

Réponse :

« Ah bon. Eh bien, il ne faut pas confondre identité de genre et expression de genre. Je suis non-binaire, donc ni masculin, ni féminin…. Et ne dîtes pas qu’il y a quatre hommes sur le plateau. C’est mé-genré et ce n’est pas très agréable».

Un autre participant alors de regretter :

« on voit aussi que le plateau est très blanc aussi ».

Et le Gauthier-Fawas (parfaitement blanc d’aspect) de se rebeller encore :

« non je ne suis pas blanc, je suis à moitié libanais ».

Il a certainement considéré qu’il était odieusement discriminé dans ses « droits » de « non-binaire » et de (comment faut-il dire ?) métis ?

Refus du réel associé à l’individualisme ? Ces athlètes hommes qui ont décidé qu’ils étaient des femmes et intègrent les compétitions (et les vestiaires) féminines. Et se plaignent d’être discriminés si l’on n’accepte pas leur exigence (On aura remarqué qu’on trouve peu d’exemples contraires, de femmes se déclarant hommes pour pouvoir intégrer les compétitions masculines. Honni soit qui mal y pense).

Pour terminer, l’auteur propose des pistes d’action :

Le première est bien sûr la suppression de tout l’arsenal définissant légalement le contexte anti-discriminatoire, tant en France que par le refus des textes internationaux. Ce serait d’ailleurs une simple question d’efficacité. En effet, il semble bien qu’on n’a jamais autant parlé de haine que depuis que les missions de la DILCRAH se sont élargies à la lutte contre elle. Et même le Défenseur des droits le reconnaît : « Malgré le dispositif juridique mis en place au cours des 15 dernières années et en dépit des actions de la Halde puis du Défenseur des droits, la lutte contre les discriminations en France n’apporte toujours pas les résultats escomptés ». Après tous ces efforts, c’est à désespérer….

La justice française en retrouvera la disponibilité de beaucoup de ressources accablées par toutes ces actions.

La conséquence première est bien sûr de revenir à la préférence nationale : « Revenir à la préférence nationale n’a absolument rien de xénophobe ou de raciste, c’est au contraire la condition sine qua non à l’existence de l’état et de la nation, ces institutions créatrices et protectrices des citoyens ».

L’auteur propose aussi de revenir à la notion de « libertés publiques » qui fait intervenir la notion de bien commun, en sauvegardant une conception ethno-culturelle de la Nation à l’opposé d’une conception purement contractuelle. Une société se préserve en définissant une norme générale qui tend vers le bien commun.   L’art du droit s’exerce dans une cité. Le droit « positif », dicté par les hommes à l’intérieur d’un espace déterminé, pulvérise par là même la logique universaliste des droits de l’homme pour montrer que seules les législations nationales, appuyées par des institutions ayant une juridiction limitée au territoire d’un état, sont légitimes et efficaces pour faire appliquer le droit et régner la justice.

Egalement, il intitule son dernier chapitre : « Pour un devoir de préservation culturelle et civilisationnelle » et suggère (y croit-il vraiment ?) de s’appuyer sur la Déclaration des Nations Unies du 13 septembre 2007 sur les peuples autochtones : dans cette déclaration, rédigée pour « les peuples autochtones(qui) ont subi des injustices historiques à cause, entre autres, de la colonisation et de la dépossession de leurs terres, territoires et ressources, ce qui les a empêchés d’exercer, notamment, leur droit au développement conformément à leurs propres besoins et intérêts », sont donc évoquées les notions de besoins et intérêts propres des peuples, de droit à déterminer librement leur développement économique, social et culturel ;  et enfin le « droit de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d’écriture et leur littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes ».

Enfin, il propose de réhabiliter les valeurs de force, pudeur et dignité.

« Le droit moderne, en récusant l’ordre naturel, y compris ses aspects tragiques, ses limites, ses fatalités, nous a ouvert les portes d’un monde rempli d’individus pleurnicheurs, infantiles, envieux et plaintifsDans une société où la compassion et les postures victimaires permettent à chacun d’agir en justice pour chaque pseudo-humiliation ou blessure de l’ego, il est primordial de réhabiliter les valeurs fondamentales que sont la force, la pudeur et la dignité. Dans l’ancien monde, la retenue et la pudeur des sentiments impliquaient l’autocontrôle de ses propres pulsions, de son affect et de ses émotions…. Nul besoin de lois antiracistes ou anti-discriminatoires quand le sens de la dignité vous défend d’exiger un droit à être protégé des propos ou des choix des autres. Jamais un homme digne ne pourrait demander, sans mourir de honte, d’être légalement protégé de propos désobligeants ou de « phobies » supposées dont il serait victime ».

On aura compris que la partie n’est pas gagnée. Mais qui s’attendait à la chute du Mur de Berlin L’interdiction de la discrimination, c’est-à-dire du discernement, est un nouveau Mur de Berlin, mais n’est qu’un nouveau Mur de Berlin.

Extrayons du livre pour terminer une citation de Carl Schmitt, célèbre juriste et philosophe allemand, à propos de la nécessité d’une DISTINCTION (c’est-à-dire encore d’une discrimination) vitale pour toute nation :

« Aussi longtemps qu’un peuple existe dans la sphère du politique, il devra opérer lui-même la distinction entre amis et ennemis… Si une partie de ce peuple déclare ne plus connaître d’ennemi, elle se range en tout état de cause du côté des ennemis et leur prête son appui, sans faire disparaître la discrimination ami-ennemi…. Qu’un peuple n’ait plus la force ou la volonté de se maintenir dans la sphère du politique, ce n’est pas la fin du politique dans le monde. C’est seulement la fin d’un peuple faible ».

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