Partager cet article

Environnement

Le développement durable, terreau d’une nouvelle chrétienté

De Cyril Brun dans La Lettre de Saint Maur :

D "Concept méconnu, parfois mésestimé, quelques fois récupéré, le Développement durable prend sa place dans le concert des expressions à la mode et, disons-le, parfois fourre-tout. C’est en 1987 que, pour la première fois, les Nations Unies créent ce terme pour définir une nouvelle préoccupation en même temps qu’une priorité urgente. À cette date, l’économie s’essouffle, la planète commence à donner de sérieux signes de faiblesse. Le monde prend peu à peu conscience que le progrès n’est pas linéaire et qu’il comporte un certain nombre de revers douloureux. […] La prévention, le droit du travail, le respect de l’environnement, la dignité de la personne humaine sont alors les parents pauvres de l’économie. Ils apparaissent comme des obstacles à aplanir, sur la route de l’augmentation de la productivité. […]

Désormais, il convient d’envisager un «développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leurs propres besoins». Paroles en l’air ? Il est difficile et coûteux de réorienter l’ensemble d’un système économique. […] Le but de cette semaine du développement durable n’est pas seulement de faire connaître un principe ou de remporter la caution morale du grand public, mais c’est surtout l’occasion de faire prendre conscience à chacun de nous que nous sommes personnellement acteurs de ce développement durable, acteur du développement.

Aussi curieux que cela puisse paraître, le développement durable est l’aspect le plus chrétien de la mondialisation.


 Cela ne veut pas dire qu’il est réservé aux seuls chrétiens, ni qu’ils sont les seuls à l’inspirer. Cela veut dire qu’il n’est pas un point du développement durable qui ne soit ancré dans la Doctrine Sociale de l’Église. À y regarder de plus près, cette dynamique, dans laquelle l’ensemble de l’humanité s’intègre (plus de 70% des français se sentent concernés ou responsables, contre environ 50% l’an dernier), est un nouveau socle d’évangélisation. Pour nous en convaincre, observons les composantes de cette vague de fond. L’assise primordiale de ce développement repose sur un colossal renversement de mentalité. Alors que le monde s’enfonçait dans un individualisme du bien-être personnel, le développement durable vient rappeler la solidarité entre les générations, brèche fantastique dans le consumérisme individualiste. Désormais, il convient de mesurer sa consommation, car l’homme est responsable de la terre qu’il transmet. L’individu réapprend ainsi qu’il n’est pas seul et qu’il a des limites et des devoirs. D’une certaine manière, il réapprend qu’il est solidaire des autres. Plus largement, l’homme prend conscience d’une notion chère à Jean Paul II : le fait que la solidarité ne soit pas l’aumône faite à autrui, mais le lien organique qui lie les hommes entre eux parce qu’ils appartiennent à une même humanité. En vertu de cette solidarité, il ne saurait être question de spolier un être humain ou de construire son bien-être à ses dépends. Ce qui est vrai dans le temps (d’une génération à l’autre) l’est aussi dans l’espace (d’un peuple à l’autre).

Sur cette prise de conscience nouvelle viennent se greffer trois piliers fondamentaux. Le premier et le second sont très liés puisqu’ils supposent que cette prise de conscience soit suivie dans les faits par une nouvelle philosophie politique et économique, ainsi que par une nouvelle éthique. S’ouvrant à l’autre, l’homme, en le découvrant, ne peut plus lui rester indifférent. Cela constitue en soi une première limite à l’individualisme, en battant en brèche l’égoïsme. Une nouvelle donne doit être envisagée dans l’intérêt général, que l’Église préfère nommer le Bien Commun. Ainsi, cette conscience de la solidarité humaine se mue en charité active, au service du Bien Commun, lui-même intrinsèquement lié au second pilier qu’est la destination universelle des biens. La Création a été donnée par Dieu au monde dans son ensemble et à chaque homme en particulier. C’est justice aux yeux de Dieu que de remettre chacun en possession de ce don du Créateur. Mais le développement durable, c’est aussi la prise de conscience des limites du progrès et de la science. La fuite en avant et la foi dans un progrès et une science omnipotents se sont totalement envolées avec les désillusions des années 70. La science peut copier la création, de plus en plus elle peut la réparer, l’entretenir, la faire fructifier, mais elle ne parvient pas à la remplacer. L’homme prend aussi conscience qu’il est dépositaire d’un bien qui ne lui appartient pas, un bien qu’il a reçu et qu’il doit transmettre à d’autres. Voit alors le jour en Occident un nouveau rapport à la création, comblant ainsi, un peu, le fossé avec les pays dits du Sud qui, eux, n’ont jamais perdu ce rapport privilégié au monde et à la nature. La création et l’homme, qui sont un autre livre de la révélation divine, commencent à nouveau à s’entrouvrir, sortant l’individu de lui-même, l’ouvrant sur l’homme, mais aussi sur l’infini, en le replaçant comme chaînon de l’humanité. Le développement durable, si décrié par les moqueurs d’un autre âge, se trouve être en fait la fondation de tout l’édifice mondial qui peu à peu se met en place. C’est, à n’en pas douter, ce terreau sur lequel l’homme redevient homme et qui nourrira la nouvelle chrétienté. Le développement durable est un tremplin formidable que les chrétiens se doivent d’emprunter pour être acteurs, là où ils sont, de la nouvelle évangélisation."

Partager cet article

5 commentaires

  1. Quelle impudence vis à vis des siècles précédents!
    Quand les colons australiens ou pieds-noirs établirent leurs villages ne voulaient-ils pas que leur développement fussent “durables”?
    Et quand les civilisations antiques fondaient une cité ne voulaient-elles pas qu’elle fût “durable”? Alexandrie existe toujours sans parler de Rome ou d’Athènes…
    Quand une entrerpise se crée le patron a-t-il en tête un feu de paille ou la transmission de ce qui sera l’oeuvre de sa vie?
    la base de nos civilisations méditerranéennes et européennes (étendue à leurs enfants australien, américain ou néo-zélandais) est la perrénité des oeuvres.
    Que l’ONU, cette hydre d’incompétence et de suffisance, veuille réinventer l’eau chaude est une évidence, que l’on essaye de raccrocher je ne sais quel char chrétien à ces bourrins est stupide et nous abaisse.
    Le développement durable est née d’un rapport de l’ONU adopté en 1992 sous la signature de Willy Brandt et destiné à établir une mise en parc de la population des pays du monde sous une surveillance étroite d'”autorités cooptées” qui autoriseraient ou non l’implantation de nouvelles activités industrielle ou commerciale, la circulation des individus, et leur droit à vivre ici ou là. On a comparé cette prétention à une forme d’URSS internationalisée (Tout comme l’Union Européenne)et à une forme de totalitarisme écologique.
    Il faut s’informer sur les sources onusiennes avant de s’emballer pour une visée orwellienne

  2. “Aussi curieux que cela puisse paraître, le développement durable est l’aspect le plus chrétien de la mondialisation.”
    Les acteurs et prédicateurs du développement durable sont souvent d’abord préoccupés par le “comment”.
    Les Chrétiens ont l’avantage de pouvoir mettre ce “comment” en perspective grâce à un éclairage sur le “pourquoi”.

  3. Cet article a le mérite le rappeler que le DD est bien d’inspiration chrétienne, même s’il est utilisé aujourd’hui par des courants opposés. Et il a raison d’affirmer que les chrétiens doivent se le réapproprier, sans en avoir peur.
    Il faut néanmoins faire attention lorsqu’on manie certains de ses idées, textes, ce concept est souvent “pollué” par l’ idéologie de la culture de mort, en particulier par les courants panthéistes, l’idéologie du genre, …, qui vont jusqu’à promouvoir l’avortement, l’euthanasie. Ou qui accuse carrément le christianisme d’être responsable de la crise écologique
    Donc garder un esprit critique, et se former à la doctrine sociale de l’Eglise est le meilleur moyen de bien l’utiliser.
    Dieu a bien donné comme mission à l’homme de “cultiver et garder le jardin d’Eden”, c’est à dire la Terre.
    Et l’Homme Nouveau, le Christ ressuscité, est apparu pour la première fois dans le Nouveau Testament, à Marie Madeleine sous l’aspect d’un jardinier.
    C’est une symbolique très forte

  4. Je suis décontenancé par tant de naïveté :
    Oh mais qu’il est beau ce monde merveilleux où de gentils dirigeants raisonnent avec l’Amour de la Terre !
    N’est-ce pas merveilleux de voir qu’ils sont pour le « vrai » Bien Commun ? Et que pour cela…, ils vont réformer la politique, l’économie, la justice et l’éthique !
    Il faut vraiment être aveugle ou bête pour ne pas voir que tout cela n’est que la façade d’une mondialisation destructrice et libérale qui n’a comme seul but que l’anéantissement de la morale naturelle et la suprématie du capitalisme libéral!
    Economiquement, la mondialisation ne sert qu’à augmenter les profits en asservissant les peuples pauvres et en uniformisant les peuples riches. Le paradis du capitaliste mondialiste, c’est une terre remplie de consommateurs crétins tous identiques et d’esclaves productifs !
    Démographiquement, c’est le contrôle des naissances et l’éradication des peuples faibles ! Le maître du mondialisme moderne, c’est Malthus ! Il suffit juste de voir quelles associations touchent les subventions de l’ONU et des grands défenseurs du « Développement Durable » !
    Politiquement, c’est la destruction de toute souveraineté nationale pour que l’oligarchie des Grands de ce monde ne soit plus dérangée par les soucis de quelques villageois arriérés et que la Politique, finalement, se soumette à l’Economie !
    Culturellement, c’est la disparition de milliers d’années d’histoire pour aboutir à une néo-civilisation de la consommation et de la bêtise ! Uniformiser les peuples signifie éliminer les différences. Et éliminer les différences, c’est supprimer les langues nationales, les histoires nationales, les cultures nationales, …
    Et, parce que tout aboutit toujours au problème de l’argent, le « Développement Durable », c’est aussi la nouvelle bulle spéculative qui permet aux industriels et aux financiers de s’enrichir toujours plus ! Que ce soit l’énergie, l’automobile ou encore l’agriculture, tous les secteurs économiques sont dynamisés par la « conscience verte » que l’on impose aux gens : mangez bio, roulez bio, vivez bio,… Mais quand cette bulle crèvera, attendez-vous à ce tout le monde en souffre et que plus personne ne se préoccupe des problèmes environnementaux !
    Croire que le mondialisme peut être christianisé et ordonné au Bien Commun, c’est comme vouloir changer le plomb en or! C’est une utopie, et pire, une utopie dangereuse !
    Oui il faut réformer la politique ! Oui il faut réformer l’économie ! Mais certainement pas en devenant les pantins et les artisans d’un système qui nous est fondamentalement opposé tant dans les principes que dans les actes !
    Le mondialisme libéral contemporain n’est rien d’autre que l’outil d’une volonté de détruire les peuples et l’ordre naturel afin d’amener l’ère de « l’homo economicus » et le règne, sur tous les Hommes, d’une caste industrialo-financière !

  5. L’auteur nous dit que l’expression “développement durable” est un peu “fourre-tout”.
    Je trouve que cette qualification s’applique parfaitement à son exposé. Entre diverses choses d’intérêt inégal, ce texte est émaillé de formules bateau, de jugements hâtifs et d’approximations.
    Sur un ton sentencieux difficilement supportable et en enfonçant beaucoup de portes ouvertes, cet exposé dégouline de ce que le monde catho gaucho-bobo-écolo est capable de produire et étaler. La décroissance n’est pas loin, Gaia forcément non plus. Tout comme bien évidemment le sempiternel Marx.
    Bien sûr, il y est mentionné qu’ “il ne saurait être question de spolier un être humain ou de construire son bien-être à ses dépends”. Au vu du ton péremptoire à bien d’autres endroits, cette seule petite phrase tout à fait isolée est très, très insuffisante pour me rassurer.
    Contrairement à l’auteur, je considère que l’évangélisation, nouvelle ou pas, n’a nul besoin d’un socle tel que cette fumeuse théorie.

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services