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Pays : International

“la relation que la société entretient avec la finance est un juste retour de la relation que la société entretient avec ses ainés”

Avant de partir aux JMJ, Polydamas consacre son dernier post à la crise financière. Extraits :

B "Les Etats-Unis ont donc été dégradés par l'agence de notation Standard & Poor's. La notation AAA accordée à la dette américaine, depuis la création des agences en 1941, a été réduite à AA+, avec une perspective négative, un événement sans précédent dans l'histoire financière. En Europe, les marchés actions se sont repliés de 4% en moyenne, tandis que sur les marchés obligataires, la BCE initiait des programmes massifs d'achat de dettes publiques, dans le but de faire baisser les inquiétudes, et d'empêcher ces mêmes dettes de s'effondrer. Outre Atlantique le constat est plus sévère, le marché actions s'effondrant de 6.60% au moment du discours d'Obama. En revanche, l'emprunt d'Etat américain n'a pas bougé, contrairement à ce qu'on pourrait penser, vu que la qualité de ce titre a été dégradée. […] 

Ainsi, les Américains doivent-ils, pour la première fois, faire face au coup de semonce des agences à propos de la dette publique, qui a augmenté de plus de 10 000 milliards de dollars depuis dix ans, sous l'effet conjugué des guerres et du sauvetage de l'économie en 2008. Encore ne parle-t-on pas des engagements futurs de retraite, et des passifs divers à financer, dont le total est très largement supérieur aux chiffres évoqués précédemment. Le dilemme est cornélien : soit se serrer la ceinture pour arrêter le déficit, ce qui implique une austérité sans précédent, mais qui réduit ensuite les rentrées fiscales, donc la diminution de la dette, soit continuer à soutenir l'économie, en espérant que l'inflation ou que la croissance permette d'augmenter les rentrées fiscales, ce qui demeure hautement aléatoire, et dans un premier temps, ne se traduira que par une hausse de la dette. On peut souhaiter bon courage au président Obama.

En parallèle, la Chine a fait un commentaire peu amène, rappelant le devoir des Etats Unis de réduire leur dette. Ils ne vont pas évidemment pas se faire prier pour rappeler qu'ils sont les premiers détenteurs étrangers de la dette américaine, et qu'ils se déclarent prêts à prendre la suite du leadership mondial (bien qu'ils soient encore beaucoup trop immatures pour cela, et que cela ne pourra pas se faire avant de longues années).

L'Europe, quant à elle, n'est pas en meilleure forme. A long terme, fautes de réformes structurelles suffisamment fortes, la situation de l'euro parait bien compromise. On peut résumer les choses de manière assez simple. Soit nos politiques se résolvent à abandonner leurs prérogatives nationales, pour mettre en place le fédéralisme budgétaire d'ici quelques années, soit la monnaie unique explose. (Pour de plus amples détails, il faut lire cette étude ou ces billets d'Econoclaste, et notamment celui-ci ou celui-là.) Si le fédéralisme européen s'impose, c'est la mise en place du pan-germanisme tels que les expansionnistes allemands l'ont toujours rêvé. En effet, le fédéralisme budgétaire nécessite des transferts de fonds entre les régions économiques les plus fortes vers les plus faibles (de la même façon qu'en France, la région parisienne finance abondemment la Creuse, la Bavière devra financer la Grèce et le Portugal). Ce qui implique une prise de pouvoir de la part des zones les plus fortes. Même si l'Allemagne commence à montrer qu'elle est fatiguée de payer, la construction européenne impose qu'elle prenne le leadership de la zone, que ça lui plaise ou pas. Là encore, nous en sommes très loin.

Que penser de tout cela ? Sauf réforme d'envergure, inflation d'importance ou cure d'austérité massive avec plan de réduction des dettes, je ne donne plus très cher, d'ici une décennie ou deux, du système capitaliste occidental, vieillissant et à bout de souffle. Alors, que faut-il faire, pour les rares qui souhaiteraient (encore) investir ? […]

Il me semble que le problème n'est pas tant le système monétaire ou capitaliste que la mentalité avec laquelle chacun remplit sa tâche. Les financiers sont peut-être hautement critiquables, reste qu'ils ne sont pas plus cupides que l'homme de la rue. Si ce dernier se trouvait à la même place, avec les mêmes avantages et mêmes techniques, il ferait les mêmes bêtises, et les mêmes profits. Me semble-t-il, la réponse à cette crise n'est peut-être pas une réponse de système (quoi qu'un système comme le distributisme, sans être un adepte de la décroissance, me parait être une voie sur laquelle réfléchir), mais une réponse de personnes. Ce qui importe est la façon dont chacun remplit sa tâche.

Comme le disait Emmanuel Faber (actuel directeur général de Danone, qui a passé le début de sa carrière en banque d'investissement) en conférence, la relation que la société entretient avec la finance est un juste retour de la relation que la société entretient avec ses ainés. Dans le sens où la finance étant un monde d'argent, c'est à dire majoritairement détenu par les générations les plus âgées, la pression financière est un parallèle à la pression que la société met sur ses ainés pour les faire disparaitre de sa vue. Bien évidemment, la comparaison a ses limites, vu que la finance est un monde beaucoup plus large et international qu'une simple génération. Mais tout de même, il me semble qu'elle est pertinente, en ce qu'elle pose la question de la relation personnelle que chacun entretient avec son prochain. Il faut bien comprendre que nous avons les politiques, les dirigeants économiques, les financiers, les journalistes, ou même les chinois, que nous méritons collectivement. Le comportement des uns a un impact évident et clair sur le comportements des autres. Si l'on est dur, cupide, âpre au gain, et violent, alors il est on ne peut plus normal d'avoir des intervenants sur cette même longueur d'onde. Il n'aura échappé à personne que peu de gens se soucient du bien commun, que la majorité se préoccupe de tirer ses marrons du feu, sans penser aux conséquences induites sur le système. Après moi, le déluge ! A force de servir sur la bête, il est normal qu'elle soit à bout de souffle.

A l'heure des changements d'empire, on peut se poser la question de la responsabilité collective et personnelle. Problèmatique que l'Eglise n'a pas cessé de mettre en relief, en pointant l'impératif de personnalisation des relations économiques. Il serait peut-être temps de s'y pencher sérieusement."

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6 commentaires

  1. je partage parfaitement ce point de vue, l’ayant exprimé sur radio courtoisie a de multiple reprises depuis la crise de 2008.
    Cependant, il faut élargir le problème du comportement à celui de l’assistanat et le non prise en charge des plus faibles par leur famille ou des conjoints préfèrant s’esquiver en cas de difficultés.
    Il faut aussi élargir la question à cette furieuse “nécessité” des déplacements de personnes depuis 50 ans (mis en cause par Enoch Powel) , et que le sentimantalisme tiers mondiste (Dont l’église ne fut pas exempte)a prôné, avec le métissage comme solution obligatoire et “morale” aux malheurs du monde.
    Il faut aussi, sans tomber dans la décroissance, dire que celle-ci sera inévitable – sous les espèces d’une déflation des actifs – ppour remettre les pendules à l’heure et les comptes sur leur pieds. Car qu’a-t-on fait dans le monde occidental depuis 50 ans? Des “riches” pauvres. Assis sur des actifs (immobiliers et boursiers) dont la valeur n’avait plus rien à voir avec la sociologie et la hiérarchie des revenus, manipulation “sociale” mise en oeuvre par les banques (Prêts à 30 ou 35 ans aux salariés pour faire coincider leur capacité de paiement avec le prix du bien, ce qui a entraîné une non discussion des prix et une montée de la voracité de tout propriétaire de bien puisque le financement était assuré) mais à l’instigation des politiques qui firent ainsi de la politique “sociale” à bon compte.
    la liste est longue des distortions que cela entraîna dans l’équilibre économique et financier du monde comme dans la psychologie des masses et la justice sociale (Selon Aristote) où les chefs d’entreprise de PMe étaient moins bien lotis aux yeux de leur banquier pour l’emprunt qu’une standardiste de collectivité publique.
    La route sera longue pour sortir de ce socialisme capitaliste qui n’est que la face la plus terrible du mensonge.
    Accepter les inégalités sans mépriser ceux qui sont à un niveau inférieur, est LA vertu nécessaire pour remettre le monde d’aplomb. Pour le reste cessons de fausser la compétition économique en laissant intervenir les politiques, et de cultiver l’inculture et l’incomppétence avec un système scolaire insultant pour les méritant quelque soit leurs origines sociales.
    Le chemin sera long.

  2. La remarque sur les personnes âgées est fausse. Les fonds de pension ont été à juste titre mis en cause depuis longtemps pour leur propension à exiger des rentabilités délirantes. Les jeunes patissent au contraire du poids des dettes publiques tandis que les générations de mai soixante huit profitent de retraites élevées !

  3. Le “capitalisme” (quel vilain terme pour désigner l’ordonnancement organique et naturel des affaires humaines) est par nature instable. Lui mettre jusquà un certain point sur le dos la crise de 2008, oui. Mais la crise actuelle – qui est distincte – est celle du socialisme d’une part (voire de la démocratie représentative, à l’aune de la théorie des choix publics), et de l’idéologie européiste d’autre part, et non la crise de l’économie de marché.
    Cela dit, Polydamas a peut-être raison de penser que l’économie de marché en fera les frais. Ce serait un grand drame : pas seulement parce que l’attachement aux libertés économiques est la condition de la croissance, mais parce qu’elles favorisent un comportement vertueux (prévoyance, solidarité et coopération interpersonnelle, travail…), alors que le socialisme favorise le vice (individualisme, oisiveté, irresponsabilité…).

  4. @ Libre:
    Je n’ai jamais rencontré ce chiffre mythique de 15% de rentabilité exigée des actionnaires. En revanche, il y a quand même une pression des marchés financiers importante sur l’économie. La remarque sur nos ainés ne me semble pas si fausse si justement l’on y inclut les papy-boomers soixante-huitard (Faber parlait à un public de jeunes dans son exemple). En outre, vous voyez parfaitement ce que je veeux dire si on prend le marché de l’immobilier parisien : les primo-accédants que sont les jeunes ne peuvent acheter du fait des prix trop élevés qui profitent aux papy boomers.

  5. @ POlydamas,
    Dans ma société, une SSII (des marchands de viandes donc), les actionnaires *exigent* une rentabilité par contrat supérieure à 30%.
    Le contrat que j’occupe aujourd’hui a une rentabilité autour de 20% et est sur la sellette…
    Que tout ceux qui sont à leur compte et ont déjà refusé un contrat margeant à 20% se lèvent et applaudissent bien fort !

  6. Peu pertinent. Malheureusement la pensée économique a été abandonnée par l’Eglise durant trop longtemps. Sa reprise liée plus à la mode ambiante qu’a une véritable volonté aboutit a des propositions vaticanes assez absurdes dans le sens du mot. Nous n’avons plus là affaire à des économistes mais a des gens qui pensent l’être. l’économie est beaucoup plus profonde et complexe en réalité. Je peux donner un exemple : si nous aidons des milliers de petites entreprises, certaines vont progresser … en prenant l’activité des autres qui vont mourir : on aura perdu la moitié pour le moins de son argent ! En effet, si nous rassemblions (sur l’entité supérieure pour simplifier) toutes les 2 millions d’entreprises qui n’ont aucun salarié en France -soit uniquement le patron- nous aboutirions à un ensemble de 40 000 entreprises seulement ! Le phénomène est régressif. De même si nous faisions ce même travail applicatif avec les 1 millions d’entreprises qui emploient entre 1 et 10 personnes (chiffres Medef), nous aurions, y compris toutes les plus petites, un solde de 60 000 entreprises uniquement. Beaucoup de monde aurait perdu son travail. C’est pourquoi la résolution de l’équation réelle est beaucoup plus complexe. Pour donner des solutions le premier axe a travailler est celui de “la fin de chômage” qui est parfaitement organisable avec peu d’argent si l’on modifie un peu Schengen et sa folie vive. Le travail est en effet la première valeur redistributive. Ensuite j’ai proposé sur ce fil le système de la “françaction” qui est proche mais de façon plus centralisée du distributisme évoqué ici. Une piste enfin : dans 20 ans (ce qui est proche) il n’y aura au rythme actuel plus que 136 entreprises en France : 136 … à méditer car l’on voit que les solutions risquent comme la cavalerie d’arriver un peu tardivement.

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