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Bioéthique

La raison d’être du CCNE est d’émettre des réserves qui seront bafouées lors de son prochain rapport

La raison d’être du CCNE est d’émettre des réserves qui seront bafouées lors de son prochain rapport

Ancienne élève de l’École Normale supérieure et agrégée de philosophie, Marianne Durano déclare au Figarovox :

La raison d’être du CCNE est d’émettre des réserves qui seront bafouées lors de son prochain rapport. C’était déjà le cas avec l’extension de la PMA, et le CCNE récidive sur la question de l’autoconservation des ovocytes. Dès lors qu’on accepte l’idée d’une «révision» systématique des lois bioéthiques, on tolère l’idée que ce qui était impensable il y a peu devienne légitime aujourd’hui: le CCNE se condamne ainsi à n’être qu’une caisse enregistreuse des évolutions sociétales. Ses avis sont toujours déjà caducs. Il est évident que cette logique vaut également pour la pratique des mères porteuses ou l’insémination post mortem, aujourd’hui condamnées par le CCNE avec autant de vigueur que l’était hier l’autoconservation des ovocytes.

[…]

Le docteur Olivennes, grand promoteur de l’extension de la PMA, reconnaissait récemment dans un entretien accordé à l’hebdomadaire «le 1» que 40 % des femmes qui le consultaient pour infertilité avaient plus de 38 ans. Or, à 38 ans, les difficultés à concevoir n’ont rien de pathologique: c’est simplement l’évolution normale – certes parfois tragique – de la fécondité féminine. En remboursant des PMA à des femmes qui ne sont pas malades, on brouille déjà la distinction entre le normal et le pathologique, confirmée et aggravée par les probables évolutions des lois bioéthiques. Le rapport du CCNE de 2017 le disait déjà bien: la plupart des femmes sont à peine au courant que leur fertilité décroît avec l’âge. Entretenues dans l’illusion qu’elles auront un enfant «quand je veux, si je veux», rares sont celles qui envisagent leur vie en tenant compte de ce paramètre. Si les jeunes filles connaissent bien les différentes méthodes de contraception artificielle à leur disposition, elles reçoivent peu d’informations concernant leur fertilité, l’évolution de leur corps, et les risques d’une grossesse tardive.

Pire: la carrière type valorisée dans notre société – des études longues, un pic de productivité autour de 30 ans, puis la pente douce vers la retraite – est absolument contraire au rythme naturel du corps féminin – un pic de fécondité vers 23-25 ans, l’accueil des enfants entre 25 et 35 ans, puis le déclin progressif de la fertilité. Autrement dit, on prescrit des contraceptifs chimiques aux jeunes femmes lorsqu’elles sont naturellement fécondes, on exige d’elles qu’elles fassent leur preuve sur le marché de l’emploi au moment le plus propice pour avoir des enfants, puis on les remise au placard à l’instant même où, l’époque de leurs maternités étant derrière elles, elles seraient le plus à même de se consacrer à de nouveaux projets professionnels. Cette situation est terriblement injuste pour les femmes, qui doivent se plier à un marché du travail conçu par et pour les hommes. Or, plutôt que d’adapter le monde du travail aux femmes, on préfère adapter le corps des femmes au monde du travail, à coups de pilules, de prélèvements et de procréations artificielles. On donne des pilules aux femmes fertiles, pour qu’elles soient stériles au moment où elles sont naturellement fécondes, puis on les soumet à des PMA pour les rendre à nouveau fertiles au moment où elles cessent naturellement de l’être. C’est absurde.

[…]

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1 commentaire

  1. Enfin un agrégé de philosophie sachant s’exprimer clairement sans mépris pour la réalité des choses! Et qui plus est c’est une femme! Merci Madame!

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