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France : Politique en France

La liberté de culte débattue à l’Assemblée nationale : l’absence d’argument du gouvernement

La liberté de culte débattue à l’Assemblée nationale : l’absence d’argument du gouvernement

C’est ce matin que le Conseil d’Etat examine en audience les nombreuses requêtes en référé-liberté. Hier, le sujet s’est invité à l’Assemblée nationale, via le dépôt de plusieurs amendements (qui ont tous été rejetés). Voici un extrait des débats concernant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Chacun pourra constater l’absence d’argumentation du gouvernement :

Mme Emmanuelle Ménard soutenant l’amendement no 109 :

Il vise à préserver la liberté d’exercer son culte – une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle.

Alors que les mesures sanitaires sont déjà en place dans les églises, les temples, les synagogues et les mosquées, le Gouvernement a interdit l’exercice des cultes sans chercher le moindre aménagement. Nous aurions pu espérer qu’il tire les leçons du premier confinement puisque le Conseil d’État, le 18 mai dernier, a rappelé que l’interdiction générale portait manifestement atteinte à la liberté d’exercer un culte. Un nouveau recours a d’ailleurs été déposé et le Conseil d’État devrait rendre sa décision vendredi ou samedi.

Autoriser les transports en commun, où les passagers sont agglutinés les uns contre les autres, mais interdire de manière généralisée les cultes, malgré le respect des précautions sanitaires, est vécu comme une nouvelle injustice par les croyants, quels qu’ils soient. C’est pourquoi je demande que lorsque les conditions sanitaires et les gestes barrière sont respectés strictement, les lieux de culte ne soient pas concernés par les mesures de fermeture.

M. le président. Chers collègues, j’appelle votre attention sur la nécessité d’observer, dans l’hémicycle, la distance d’au moins un siège entre chacun d’entre vous. Sur l’amendement no 130, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

M. Philippe Gosselin. Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, nous soulignons que l’état d’urgence sanitaire est un état d’exception qui porte atteinte à un certain nombre de droits fondamentaux comme la liberté d’aller et de venir, mais aussi la liberté de culte – une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle. Une interdiction générale et absolue d’exercer un culte, ou des conditions si restrictives qu’elles reviendraient au même, ne peuvent être envisagées.

Le Gouvernement prend aujourd’hui les mêmes mesures qu’au printemps dernier. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cette interdiction a un caractère illégal que nous dénonçons.

Le Conseil d’État lui-même ne s’y est pas trompé puisque, le 18 mai dernier, il a demandé au Gouvernement d’assouplir sa position concernant les cultes. Aussi serait-il prudent – sage – d’anticiper sur la nouvelle décision du Conseil d’État qui sera prise à la fin de la semaine puisqu’il a été à nouveau saisi de cette question sur la base du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Il est important, dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire, de respecter un certain nombre de grands principes et de grandes libertés, faute de quoi ce sera le début de la fin, si je puis m’exprimer ainsi.

Je souhaite aborder un autre aspect de la question, que j’ai traité dans certains amendements frappés d’irrecevabilité, et qui touche aux cérémonies funéraires. Qu’elles soient civiles, laïques ou religieuses, ces cérémonies ne peuvent réunir autour du défunt plus d’une vingtaine de personnes. Or l’inhumation est un rite de passage important, notamment pour faire son deuil. À cause des clauses si restrictives du décret du 29 octobre, les familles ne peuvent pas se réunir. Nous avons déjà été confrontés à la même difficulté au printemps dernier. Il faut vraiment bouger sur ce point. Une jauge proportionnée, adaptée est envisageable : dans les églises, dans les crématoriums, on peut très bien occuper une place sur deux, un rang sur deux. Une telle mesure améliorerait vraiment la situation.

Je vous demande instamment, par humanité  Oh ! »sur quelques bancs du groupe LaREM), d’apporter la réponse attendue par nos concitoyens en la matière.

M. le président. Sur l’amendement no 90 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

M. Olivier Marleix. Le Conseil d’État, le 18 mai dernier, a enjoint au Gouvernement de ne pas porter atteinte comme il le faisait à la liberté de culte qui est une liberté fondamentale, une liberté constitutionnelle. Elle est définie comme la liberté de conscience mais aussi comme celle de se réunir pour pratiquer son culte.

Je rappelle que vous étiez partis pour un état d’urgence d’une durée de trois mois – heureusement, nous vous avons donné un rendez-vous législatif plus tôt. À ces trois mois s’ajoutaient d’ailleurs six mois de pouvoirs exceptionnels, soit, au total, neuf mois pendant lesquels on ne saurait imaginer que vous portiez atteinte à une liberté aussi fondamentale.

Le Gouvernement a pris une étrange décision consistant à faire le tri dans les rayons des supermarchés – mais peut-être considère-t-il que c’est de son niveau et de sa responsabilité. En revanche, faire le tri entre les libertés publiques, madame la ministre déléguée, il est certain que cela ne relève pas de la compétence du Gouvernement, et établir ainsi une hiérarchie entre des libertés constitutionnelles ne relève pas davantage de la compétence du législateur. Il est ainsi extravagant de voir le Président de la République s’immiscer dans le calendrier liturgique : on nous a dit qu’il n’y aurait pas de rassemblements dans les églises puis, finalement, une dérogation a été accordée pour les messes de la Toussaint.

Nous vous demandons donc tout simplement de rétablir la liberté de culte avec toutes les précautions sanitaires qui s’imposent.

M. le président. La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l’amendement no 89.

Mme Marine Le Pen. Je ne reprendrai pas les arguments développés à l’instant par nos collègues que je rejoins totalement. Il est vrai qu’on ne comprend pas, une nouvelle fois, les injonctions contradictoires qui sont lancées. Alors même que le Conseil d’État a rappelé, en référé, que la liberté de culte était une liberté fondamentale, laquelle « comporte également, parmi ses composantes essentielles, le droit de participer collectivement […] à des cérémonies », alors même que la laïcité et la liberté de culte sont des sujets qui animent le débat public, alors même que le confinement que vous avez décidé récemment est moins dur que celui du mois de mars dernier et alors que les églises ont respecté des protocoles sanitaires des plus stricts, fait respecter les gestes barrières au même titre que les autres établissements recevant du public, vous maintenez l’interdiction des cérémonies religieuses.

Nous proposons donc que la loi prévoie que le principe est l’autorisation de l’exercice du culte et que l’interdiction est l’exception. Et, si besoin, que les interdictions soient prises au niveau local en fonction de la situation sanitaire mais aussi des capacités d’accueil des établissement du culte – en effet, bien souvent, la distanciation physique est très facile à mettre en place.

M. le président. La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement no 121.

M. Pascal Brindeau. Cet amendement de Mme Thill vise à permettre au représentant de l’État dans le département d’apprécier la situation sanitaire, les capacités d’accueil d’un établissement recevant du public comme les églises, les mosquées ou les synagogues. Il s’agit en effet de garantir le respect de la liberté fondamentale qu’est l’exercice du culte. Nous avons débattu déjà de l’ouverture des petits commerces et des incohérences de la stratégie gouvernementale – tantôt les ouvertures sont possibles, tantôt non. Nous souhaitons vraiment, madame la ministre déléguée, que vous nous répondiez et que vous fassiez montre de souplesse concernant la liberté du culte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Pont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Le 18 mai dernier, le Conseil d’État a rappelé que la liberté de culte, qui comporte, parmi ses composantes essentielles, le droit de participer collectivement à des cérémonies, devait être concilié avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. L’interdiction de l’exercice des cultes n’a souffert d’aucune inconstitutionnalité lors du dernier confinement. J’observe par ailleurs que l’accès aux lieux de culte reste autorisé.

En effet, l’article 47 du décret du 29 octobre dernier organise l’accès aux établissements du culte qui demeurent ouverts. Les réunions sont également possibles pour les cérémonies funéraires. Par ailleurs, des rassemblements ont pu se tenir pour la Toussaint. Les restrictions qu’exige la situation sanitaire sont éprouvantes mais elles doivent être appliquées avec rigueur si on veut qu’elles soient de courte durée. Avis défavorable.

Mme Marine Le Pen. Grosse argumentation !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Les lieux de culte peuvent continuer à accueillir du public. Une dérogation permet même l’organisation des cérémonies funéraires, et les mesures prises sont adaptées aux risques encourus. Il existe toujours une possibilité de recours. Avis défavorable.

M. le président. Plusieurs d’entre vous demandent la parole. Vous ne pourrez pas tous vous exprimer. Nous allons limiter les prises de parole à deux intervenants par groupe. Je pense que cela suffira. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je suis quelque peu surpris par la réponse du Gouvernement. Si vous tâchez de départager  les activités essentielles et les activités non essentielles, vous mettrez le pied sur un terrain glissant. En effet, quand une attestation de déplacement prévoit, parmi les dérogations essentielles, la possibilité d’aller faire pisser son animal de compagnie dans la rue, alors qu’on considère qu’aller prier n’est pas essentiel pour le croyant, il s’agit d’une distinction dont je me garderais bien. Et je pense que vous ne pourrez pas prospérer en vous reposant sur ce type de discrimination. Ou alors rejoignez-nous sur un critère beaucoup plus concret qui est le risque sanitaire.

Mais comment voulez-vous, chers collègues, que les Français acceptent une telle règle ? Pourquoi les députés pourraient-ils se rassembler à plus de deux cents dans une salle pendant plusieurs heures en n’occupant qu’un siège sur deux ? Pourquoi ne pourrait-on pas être à cinquante sur des bancs d’église ou dans une synagogue pendant une heure et dans les même conditions d’espacement ? Remplacez le président de séance par un rabbin ou par un prêtre et vous aurez à peu près la même disposition. (Sourires sur plusieurs bancs du groupe LR.) Pourquoi pourrait-on réunir les enfants à l’école pendant toute une journée mais pas les rassembler, ensuite, dans une salle fermée pour une catéchèse ?

Si vous voulez que ce confinement provoque un esprit de civisme, il faut que les règles soient justes, équitables et justifiées par un risque sanitaire. Et si nous avons été capables d’organiser les fêtes de la Toussaint, eh bien, nous serons capables, en instaurant des protocoles dérogatoires, des protocoles de protection, d’assurer la liberté de culte. En outre, votre argument selon lequel cette interdiction vaudrait pour peu de temps est faux car sinon ne faites pas, pour l’état d’urgence sanitaire, des projections à plusieurs mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. Je ne pensais pas, monsieur Aubert, que vous puissiez vous imaginer comme l’un de mes paroissiens, mais je vous accueille bien volontiers. (Sourires.)

M. Thibault Bazin. Le prêtre de la macronie…

M. Philippe Gosselin. Le grand prêtre !

M. Alexis Corbière. Et un drôle de paroissien !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Est-ce que, pour chacun d’entre nous, la liberté de culte est moins importante que la liberté d’aller faire ses courses dans un supermarché ou un hypermarché ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) La règle des quatre mètres carrés par personne qui s’applique aux hypermarchés et aux supermarchés, pourquoi ne s’appliquerait-elle pas aux églises ? C’est que la liberté de culte est une liberté constitutionnelle, ce qui n’est pas le cas du fait d’aller dans les hyper et les super…

M. Raphaël Schellenberger. Il a raison !

M. Charles de Courson. La sagesse consisterait donc non pas à interdire mais à définir des protocoles aux termes desquels maires et préfets considéreraient comme possible, vu la configuration des lieux, de pratiquer un culte dans telles ou telles conditions. Mais, franchement, laisser libre l’accès aux supermarchés et aux hypermarchés et interdire les églises – sauf pour les obsèques et pour trente personnes au maximum, ce qui, avec la règle des quatre mètres carrés, voudraient dire que nos églises font toutes 120 mètres carrés… Nos concitoyens ne comprennent plus ! Il y a une disproportion entre la mesure gouvernementale et ce qu’il est possible de faire. Et ce n’est pas le Conseil d’État qui tranchera cette affaire, monsieur le rapporteur, c’est le Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est au président Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Dans une période d’angoisse, le fait pour certains de nos concitoyens de pouvoir pratiquer leur culte constitue une forme de réconfort, celui de se sentir ensemble, de combattre le virus ensemble. Et si, monsieur le rapporteur, nous sommes capables d’organiser, d’un point de vue sanitaire, des cultes – ce qui s’est fait au moment du déconfinement –, nous n’avons pas plus de risques de contamination que quand on travaille dans une usine ou quand on se retrouve sur un chantier dans le secteur du bâtiment et travaux publics – BTP.

Un principe d’interdiction fixé par la loi, des dérogations éventuelles qui viennent d’en-haut et qui, en réalité, sont des consignes ministérielles, tout cela ne nous paraît pas relever de la bonne logique. Comme pour les commerces, nous avons le sentiment que la situation n’est pas la même dans toutes les communes de France et que c’est donc à partir du terrain qu’on devrait examiner dans quelles conditions la liberté du culte peut s’exercer. Les préfets et les maires – c’est l’objet de l’amendement d’Agnès Thill – sont les mieux placés pour prendre une décision car il y a de très grandes églises mais aussi, dans certains villages, de toutes petites chapelles où peu de gens peuvent se réunir.

Il nous semblerait donc utile – nous voterons chacun des amendements même si nous avons une préférence pour le no 121 – qu’on laisse les acteurs de terrain définir dans quelles conditions le culte peut être pratiqué selon les religions. L’Assemblée s’honorerait d’ouvrir cette possibilité.

M. Pierre Cordier. Très bien ! Un grand paroissien !

M. Frédéric Reiss. Mais un pécheur devant l’Éternel ! (Sourires.)

M. le président. La parole est au président Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Le groupe La France insoumise va voter les amendements en discussion commune en faveur de l’accès libre aux lieux de culte. Nous pensons comme leurs auteurs qu’il y a une certaine forme d’incohérence à autoriser ceci et à interdire cela ; mais je fais l’économie de cette démonstration et j’en viens à ce qui nous paraît le plus important.

Le plus douloureux du confinement est tous les liens humains et sociaux qu’il brise. C’est ce qui en fait la difficulté extrême et la difficulté pour tout gouvernement de l’administrer. Le lien par lequel d’aucuns, parmi nous, sous une forme ou sous une autre, dans une religion ou une autre, ou, en l’absence de religion, dans des rites laïques, veulent manifester leur commune humanité – ce peut être par leur participation à des rites funéraires –, est aussi ancien que l’humanité elle-même. Les rites funéraires ont 120 000 ans, ils sont donc antérieurs à l’apparition des homo-sapiens et contemporains des néandertaliens. De la même manière, les rites de culte sont aussi vieux que l’humanité. Je ne dénoncerai donc pas l’incohérence de la décision gouvernementale mais son caractère inhumain.

La liberté du culte est consubstantielle à la liberté de conscience. La liberté de conscience a fondé la liberté du culte parce que seule la reconnaissance de la liberté de conscience a permis de finir par reconnaître la liberté du culte. Il ne s’agit par conséquent pas de sujets annexes. Le droit pour chaque personne de croire en Dieu ou de ne pas croire en Dieu et d’avoir d’autres pratiques est consubstantiel à sa nature humaine. Il est donc absolument exclu que l’on puisse empêcher qui que ce soit de procéder comme il l’entend pour le manifester, pour peu que les conditions en soient claires. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Honnêtement, le rapporteur nous a fait une réponse un peu indigente, du reste à la hauteur de celle de la ministre déléguée. Madame la ministre déléguée, vous ne pouvez pas renvoyer d’un revers de main le fait que les rites funéraires sont tolérés, que ces cérémonies soient civiles ou religieuses. L’article 3 du décret du 29 octobre prévoit que les cérémonies funéraires ne peuvent rassembler plus de trente personnes.

Si vous enlevez les desservants, les agents, les collaborateurs, le personnel, les porte-cercueil, c’est vingt personnes pour une famille. Et vous considérez qu’ainsi les rites de passage sont respectés, qu’ils soient d’ailleurs laïques ou religieux ? De tous temps, ces rites de passage ont marqué notre humanité, je rejoins ce qu’a dit le président Mélenchon. Oui, depuis des millénaires, c’est justement ce qui fait la différence entre l’homme et parfois l’animal, avec un sens qui a été reconnu.

Au moins un peu de dignité dans cette période où il y a tant de crainte et d’angoisse et le besoin de dire au revoir à ses proches. Au moins, laissez chacun s’exprimer, bien sûr avec les règles sanitaires qui conviennent, mais tout est possible. On pourrait prendre le train, le métro, le bus, aller dans les supermarchés, et on ne pourrait pas être vingt-cinq ou trente à entourer les siens lors d’une cérémonie au crématorium ou dans l’église ? Où en est-on ? Je refuse un État qui, même s’il y a état d’urgence sanitaire, nous empêche d’exprimer nos croyances, nos pratiques, et de saluer nos morts. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Luc Mélenchon et M. Sébastien Jumel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. De manière pragmatique, je suis allé dimanche à la messe pour montrer ma compassion et ma fraternité à l’égard de la communauté catholique, frappée à Nice.(Murmures sur les bancs du groupe LaREM.) J’ai pu mesurer à quel point les choses, au plan sanitaire et quant à la sécurité, étaient organisées. La laïcité, c’est aussi ça : être capable d’aller à la messe même quand on est comme moi athée.

Sur le fond, le président Mélenchon l’a dit : on touche là des libertés fondamentales, à valeur constitutionnelle, qui sont consubstantielles à notre histoire et à notre humanité. Il ne faut pas qu’à la faveur de la crise sanitaire nous consentions la moindre entorse, la moindre égratignure, le moindre affaiblissement de ces libertés fondamentales. C’est la raison pour laquelle nous voterons ces amendements,…parce que l’un des vrais sujets de votre gestion de crise, au-delà des avis différents que l’on peut avoir sur sa mise en œuvre, c’est qu’elle manque profondément d’humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur de nombreux bancs du groupe LR.– Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Par mon histoire familiale et personnelle, la liberté de culte a beaucoup d’importance pour moi et je ne vois pas en quoi elle est remise en cause par ce texte. Les édifices religieux sont ouverts, c’est seulement la participation à des cérémonies religieuses qui est interdite.

M. Jean-Luc Mélenchon. Un détail ! (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. C’est scandaleux et c’est bien là l’essentiel !

M. Nicolas Turquois. Je rappellerai à M. Aubert…

M. le président. Ne vous interpellez pas, sinon il y aura des réponses et le débat va s’éterniser.

M. Nicolas Turquois. …une différence fondamentale entre ce qui se passe ici et une cérémonie religieuse. Je pense qu’il y a longtemps qu’il n’a pas participé à une cérémonie. Il y a en effet un temps qui s’appelle l’eucharistie. Comme M. Jumel, je me suis rendu à une cérémonie, c’était il y a huit jours. Au moment où l’on remet l’hostie, un certain nombre de pratiquants, parce qu’ils sont âgés ou ont toujours eu cette habitude, demandent qu’on leur remette l’eucharistie directement dans la bouche. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LR.)

M. Philippe Gosselin et M. Frédéric Reiss. Mais non !

M. Nicolas Turquois. Donc, même si le prêtre était très attentif, on voit bien que le risque n’est pas le même. (Même mouvement.)

M. le président. Laissez M. Turquois s’exprimer !

M. Nicolas Turquois. Chez les croyants, le temps de réflexion personnelle est par ailleurs quelque chose de très important et ce n’est pas incompatible avec l’absence de cérémonie.

Mais la chose la plus importante, je crois, c’est que, malgré les messages contradictoires des extrémistes de tous poils, la principale mission donnée aux croyants de France, quelles que soient leurs convictions, est l’attention à l’autre, l’attention aux plus faibles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.)

M. Christian Jacob. Vous n’allez pas nous apprendre le catéchisme !

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Notre groupe votera ces amendements parce que, même si nous sommes tous très concernés par la lutte contre le virus, nous savons aussi qu’un certain nombre de situations et de gestes correspondent, cela a été dit, à l’humanité la plus élémentaire.

M. Philippe Gosselin. Eh oui ! Merci de le dire !

Mme George Pau-Langevin. Dans cette période où les gens sont souvent isolés, parce qu’ils télétravaillent ou parce que ce sont des personnes âgées qui ne peuvent plus voir leurs petits-enfants, ne pas leur permettre de partager un moment de recueillement dans un établissement religieux, c’est, me semble-t-il, ne pas respecter l’humanité.(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et plusieurs bancs du groupe LR. – M. Sébastien Jumel applaudit également.) Par conséquent, même si on ne croit pas, il faut voter ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jérôme Lambert applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Mes chers collègues, vous avez peut-être lu ce récent plaidoyer dans la presse émanant d’évêques et d’intellectuels. J’en ai retenu quatre arguments qui me paraissent devoir être rappelés dans notre enceinte.

Tout d’abord, la liberté de culte ne peut se négocier, surtout en des temps où elle est menacée, comme nous l’avons vu avec l’attentat de Nice. Ensuite, la liberté de culte n’est pas moins importante que la liberté de consommer. Par ailleurs, l’interdiction générale des messes, parce que c’est bien aussi de cela que nous parlons, et pas seulement des rites funéraires, n’a pas un caractère proportionné. Enfin, l’exercice de la foi est essentiel pour ceux qui en ont besoin et y trouvent réconfort : en ces temps difficiles, il faut prendre en considération cet argument.

Lors du premier confinement, toutes les activités, quasiment, étaient interdites. L’interdiction générale des messes était donc vécue douloureusement, certes, mais c’était partagé avec une interdiction totale, tandis qu’aujourd’hui nous avons maintenu la liberté de consommer, de travailler, de se déplacer, et nous interdisons la liberté de culte. C’est dans cette hiérarchie des interdictions et des autorisations que se trouve le problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jérôme Lambert applaudit également.)

(L’amendement no 109 n’est pas adopté.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants                        384

Nombre de suffrages exprimés                380

Majorité absolue                        191

Pour l’adoption                130

Contre                250

(L’amendement no 130 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 90.

Nombre de votants                        378

Nombre de suffrages exprimés                376

Majorité absolue                        189

Pour l’adoption                132

Contre                244

(L’amendement no 90 n’est pas adopté.)

(Les amendements nos 89 et 121, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

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6 commentaires

  1. Le gouvernement a bien des arguments mais ils ne sont pas avouables.
    Les fils des ténèbres craignent la lumière, les rodomontades et la langue de bois ne sont qu’un écran derrière lequel ils se cachent.

  2. C’est la dictature LREM.

  3. Il est cocasse de constater les arguments développés en faveur de la messe et particulièrement de l’Eucharistie par des députés qui en ignorent le sens fondamental. Mélenchon a manifestement oublié ses cours de catéchisme et n’a pas dû suivre un office depuis longtemps.
    Si les églises restent ouvertes, il est donc admis que des fidèles s’y retrouvent en respectant les règles. C’est alors la présence du prêtre officiant qui pose problème. La transubstantiation favoriserait-elle la présence du virus ? Nos députés laïcards semblent l’assimiler à une opération physique incontrôlée ou à une alchimie mystérieuse qui dépasse manifestement leur entendement. Drolatique.

  4. La dictature maçonnique et laïcarde en marche : Macron sans foi mais non sans lois (liberticides) … À bas le tyranneau !

  5. Mais enfin, qu’ils arrêtent de débattre sur de fausses bases. !

    La réalité est que la « liberté de culte » en France devrait (selon les laïcards) recouvrir la liberté de « tous les cultes » y compris ceux qui nous sont étrangers et contraires à nos lois qu’ils ne reconnaissent pas !

    Alors qu’il faudrait au contraire, si on aime son pays, reconnaître le poids de son Histoire et le rôle qu’a joué le Christianisme et en particulier le Catholicisme depuis des siècles dans ce qu’est la France et ce que sont une majorité de Français culturellement, même sans en avoir conscience.

    Bien sûr que le culte catholique ne pose aucun problème mais d’autres, ne suivant pas les mêmes précautions vis-à-vis du « prochain » doivent être interdites et on ne peut pas le faire, disent des lâches ; alors il faudrait donc interdire aussi notre Histoire et notre culture profonde.

    En conclusion, le problème, c’est le prétendu « vivre-ensemble », le relativisme qui prétend que « tout se vaut », le refus voir la négation de l’Histoire de France, de notre culture profonde, de nos origines qui cause tant de mal à la France en ce moment et depuis des décennies en essayant de la détruire.

    Oui, on peut donner l’autorisation de culte aux Catholiques sur la base des dossiers sérieux présentés et pas nécessairement à tout le monde ! Ne pas le faire ne serait que mensonges et tromperies.

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