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Culture de mort : Avortement

La France sous pilule, origine et perspective du mal démographique 1/2

La France sous pilule, origine et perspective du mal démographique 1/2

Article de Jacques Duverger, paru dans Liberté Politique en 2021 (n°88) :

Considérez les perspectives différentes sur la vie et le monde que nous donnent les expressions descriptives du processus d’engendrement de la vie. L’Israël antique accentuant l’idée de la transmission de la vie du père au fils, utilisait le verbe « engendrer ». Les Grecs, accentuant le surgissement de la vie nouvelle dans un processus cyclique de génération et d’extinction, parlaient de genesis, d’une racine signifiant « venir à l’existence ». Le monde chrétien prémoderne parlait de pro-création, mettant l’accent sur un Dieu créateur du monde. Notre société parle de « re-production », une métaphore de l’ère industrielle tirée de l’usine. Toward a More Natural Science, p. 48, Leon R. Kass.

Sommaire

  1. La pilule contraceptive
  2. L’usage de la pilule en France
  3. Evaluations statistiques de l’effet abortif de la pilule
  4. Norme contraceptive, interceptive, contragestive
  5. Le regard de la démographie historique
  6. Une génération de survivants
  7. Jusqu’à la troisième et la quatrième génération

Conclusion

1.             La pilule contraceptive

La contraception orale se présente sous la forme de comprimés à prise quotidienne communément appelés « pilules contraceptives », ou plus simplement « pilule ». Il existe deux types de pilules contraceptives, la pilule combinée, qui contient de l’œstrogène et de la progestérone, et la pilule progestative, qui ne contient que le progestatif.

Au début des années 2020, environ 60% des femmes françaises âgées de 20 à 44 ans utilisent cette forme de contraception. Cette place prédominante occupée en France par la contraception orale n’a pas d’équivalent à l’étranger, le stérilet étant le premier choix contraceptif au niveau mondial et notamment en Chine.

La pilule agit à différents niveaux.  Elle cherche à bloquer l’ovulation en trompant les mécanismes de retro-contrôles exercés par le cerveau entre les hormones de l’axe hypothalamo-hypophysaire FSH, LH et les hormones des organes cibles, l’œstrogène et la progestérone.

Elle épaissit la glaire cervicale sécrétée par le col de l’utérus, rendant très difficile le passage des spermatozoïdes.

Elle empêche le développement du tissu endométrial, rendant la muqueuse utérine atrophiée impropre à la nidation.

Elle diminue le péristaltisme des trompes utérines, retardant l’arrivée de l’enfant embryonnaire éventuel dans l’utérus.

Enfin elle perturbe chez la jeune fille le fonctionnement du cycle menstruel et le développement de ses cryptes cervicales, favorisant une hypofertilité en raison de la mauvaise qualité de glaire qu’elle produira même si les cycles sont ovulatoires.

La progestérone épaissit le mucus cervical et forme une certaine barrière à l’ascension des spermatozoïdes. A côté du frein à l’ovulation certains auteurs considèrent cet effet comme « l’effet contraceptif principal »” (Lauritzen[1], 1989).

Mais les expériences de Chang et Hunt[2] avec des lapins parlent contre un tel « deuxième effet principal ». Les autopsies ont montré qu’on trouvait chez les lapins traités avec des hormones gestagènes artificiels – des progestatifs comme le norgestrel ou le norethynodrel – des milliers de spermatozoïdes dans les trompes chez les femelles traitées. Ceci prouve que – au moins lors des essais avec animaux – le mucus cervical épaissi ne représente pas de barrière absolue.

Et le professeur Rudolph Ehmann de rappeler : « D’autre part, dans ces réflexions il n’a pas été pris en considération que lors de ces ovulations d’échappement les œstrogènes formés dans les follicules qui se développent peuvent influencer le mucus dans le sens d’une fluidification, de sorte que le cervix devient perméable pour le spermatozoïde. Ceci est prouvé par les grossesses survenues sous pilule, qui ont augmenté en nombre les dernières années à cause du dosage progressivement abaissé des préparations, car sans ascension de sperme, pas de fécondation. »

Il apparaît que si la pilule a un effet contraceptif, elle n’a pas que cet effet. Elle peut également avoir un effet contragestif en cas d’ovulation d’échappement fécondée.

2.            L’usage de la pilule en France

Le rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) de 2009 intitulé La prévention des grossesses non désirées : contraception et contraception d’urgence[3] publie les statistiques suivantes (p. 87) : « parmi les Françaises entre 15 et 49 ans (14 410 079), 71% utilisent une méthode contraceptive (10 231 156), et 57,4% d’entre elles prennent la pilule (soit 5 872 684). ».

On y apprend également (p. 88) que la fréquence des oublis de pilules est de 21% au moins une fois par mois, 21% au moins une fois tous les trois mois, 11% une fois tous les 6 mois et 11% une fois par an.

On y apprend (p. 8) que sur 100 couples utilisant la contraception, 47% sont sous pilule en France, contre 27% au Brésil, 20% aux Etats-Unis, 19% au Canada, 4% au Japon et 2% en Chine. Les autres pays ayant massivement recours à la stérilisation (Canada, Brésil, Etats-Unis, Chine) ou au stérilet (Chine).

Ce rapport présente la contraception comme « une norme de fait » (p. 9), tout en soulignant le décalage entre l’efficacité théorique de la pilule (0,1% de grossesse sur 12 mois) et la réalité (6 à 8% de grossesses en pratique courante, données source OMS). Ces grossesses sous pilule s’expliquent par les ovulations d’échappement qui peuvent conduire à une fécondation.

Selon les pilules et le métabolisme des femmes qui la prennent, cet effet d’échappement peut être plus ou moins grand. Il peut être renforcé par les oublis de pilules. L’indice de Pearl[4], du nom du médecin américain qui l’a proposé, calcule le nombre de grossesses observées pour cent femmes sous contraception pendant une année. Les laboratoires indiquent pour chaque type de pilule l’indice de Pearl théorique et l’indice de Pearl pratique (intégrant les oublis de pilule et la prise en condition de vie réelle). Prenons deux exemples :

  • La pilule combinée Yaz (Ethynylestradiol 0,02 mg, Drospirénone). Elle indique un indice de Pearl théorique de 0,41 et de 0,80 si on y inclut l’échec de la patiente ;
  • La pilule progestative Cerazette (Désogestrel 0,075 mg). La fréquence d’ovulation d’échappement observée est de 1% (1/103).

Ces statistiques peuvent ne pas sembler significatives dans l’esprit du lecteur. Mais il convient de les mettre en perspective avec les données de l’OMS qui annonce 6 à 8 grossesses sous pilule.

Le rapport IGAS (p. 12) déclare que « les données de l’enquête COCON permettent d’éclairer le paradoxe contraceptif français, à savoir la relative stabilité du recours à l’IVG dans un contexte de diffusion massive des méthodes médicalisées de contraception, dont l’efficacité est très élevée (…) On a ainsi montré que les échecs de contraception restent fréquents : aujourd’hui encore une grossesse sur trois est qualifiée de « non prévue » (contre près d’une sur deux en 1975), qui donnera lieu, dans 60% des cas, à une IVG. Deux grossesses non prévues sur trois surviennent chez des femmes qui déclarent utiliser une contraception au moment de la survenue de ladite grossesse. Cette couverture contraceptive reposait dans près de la moitié des cas sur une méthode de contraception médicalisée présentant une efficacité théorique très élevée (pilule ou stérilet) ce qui ne manque pas d’interroger. »

Le Dr Christian Jamin, gynécologue-endocrinologue, déclarait en 2012 : « Aucune personne, si elle est amenée à prendre 8000 comprimés (nombre moyen de pilules contraceptives pris par une femme au cours de sa vie), ne peut dire qu’elle n’oubliera jamais une seule fois ! Le hiatus contraceptif est inéluctable au cours de la vie ! ».

L’oubli de pilule fait partie de la pilule, et renforce mécaniquement le nombre d’ovulations d’échappement. La clef chimique de la pilule qui cherche à tromper les mécanismes hormonaux du cerveau ne fonctionne pas à 100%, cet effet étant variable selon le type de pilule, son dosage (microdosée ou non, progestative ou combinée) et le métabolisme de la femme qui la prend. Chaque cas reste particulier.

3. Evaluations statistiques de l’effet abortif de la pilule

Au regard de ces chiffres, nous pouvons donner des statistiques d’encadrement de l’effet abortif de la pilule contraceptive en France, effet ignoré de la grande majorité des Français.

Il y a plusieurs raisons à cette ignorance, à commencer par des changements de définition. L’effet abortif est masqué par l’expression : « modification de l’endomètre[1] ».

La pilule empêche l’implantation du blastocyste (embryon de 5/6 jours). Mais dans le contexte positiviste dans lequel nous sommes plongés où toute pensée métaphysique est niée, cette vie humaine est invisibilisée. On ne peut prouver son existence juridique que si l’on peut prouver son existence biologique. Or cette implantation de l’embryon dans l’endomètre ne s’observe chimiquement qu’au moment des premiers échanges de beta-HCG. Il a donc été défini que le début de la grossesse – ce qui n’est pas le début de la vie humaine – commence avec l’implantation. Avec cette définition, les techniques qui empêchent l’implantation échappent à la qualification de technique abortive, interceptive ou contragestive, et sont qualifiées abusivement – mensongèrement – de techniques contraceptives.

Mais ce n’est pas tant la réalité de l’effet abortif de la pilule qui est nié que son occurrence.

Posons quelques calculs. Nous savons que 5 872 684 femmes prennent la pilule en France.

Nous savons qu’une année compte 13 cycles menstruels.

Nous savons que la pilule indique un chiffre théorique de 1% d’ovulation d’échappement, lequel chiffre observé en condition de protocole de laboratoire est irréaliste, en contradiction avec le nombre de grossesses sous pilule observées par l’OMS – 6 à 8% – et en décalage avec la fréquence réelle d’oubli de pilule (au moins 1 fois par mois pour 21% des femmes).

Posons plusieurs hypothèses.

Hypothèse 1 : un taux de 5% d’ovulations d’échappement

Dans ce cas, nous avons :

  • 365 / 28j = 13,03 cycles en moyenne par an.
  • Pour 100 femmes sur une année (100 A-F), nous avons 100 x 13,03 x 5% = 65 ovulations d’échappement.
  • Si nous supposons que 25% de ses ovulations sont fécondées, nous obtenons : 65 x 0,25 = 16,25 fécondations.

L’OMS nous déclare un IP (Indice de Pearl) compris entre 6 et 8. Ceci signifie que nous aurions entre 8 et 10 destructions d’embryons en phase très précoce pour 100 femmes sous pilule sur un an, donc un IDE (Indice de Destruction Embryonnaire) de 8 à 10 (16,25 – 6 à 8).

Plaçons-nous dans l’hypothèse d’un IDE de 8. Qu’est-ce que cela signifie à l’échelle de la France ?

Pour 5 872 684 de femmes, cela signifie 469 815 avortements par an.

Si à l’échelle individuelle, l’Indice de Pearl nous semble anecdotique, nous comprenons immédiatement qu’à l’échelle macro-statistique, ce chiffre est tout sauf insignifiant.

Mais ce chiffre est-il aussi insignifiant qu’il y paraît au plan individuel ? Plaçons-nous dans l’optique d’une femme qui prend la pilule pendant 20 ans. En maintenant notre hypothèse d’un taux d’ovulations d’échappement de 5%, nous obtenons les résultats suivants :

  • Hypothèse 1 : 5% d’ovulations d’échappement.
  • 365 / 28j = 13,03 cycles par an.
  • 13,03 x 0,05 = 0,65 ovulation d’échappement par an.
  • 20 x 0,65 = 13 ovulations d’échappement en 20 ans.
  • Si 25% sont fécondés : 13 x 0,25 = 3,25 fécondations.

La fécondité moyenne des femmes étant de 1,8 enfants[2], on en déduit que cette femme aura vécu entre 1 et 2 avortements très précoces – sans nécessairement le comprendre ou le réaliser – durant sa vie féconde.

A ce stade, est-il utile de parler des nouvelles pilules microdosées progestatives de plus en plus répandues ? La combinaison du faible dosage avec une charge uniquement progestative maintient la dégradation de la muqueuse utérine tout en favorisant les ovulations d’échappement.

Si nous nous plaçons dans l’hypothèse d’un taux d’ovulation d’échappement de 20%, nous obtenons sur une durée de 20 ans de prise de pilule les résultats suivants :

  • Hypothèse 2 : 20% d’ovulations d’échappement.
  • 13,03 (nb de cycles) x 0,2 (20% d’échappement) = 2,6 ovulations par an.
  • 20 x 2,6 = 52 ovulations d’échappement sur 20 ans.
  • Si 25% sont fécondées : 52 x 0,25 = 13 fécondations.

On se rapproche d’un avortement tous les deux ans en moyenne. Ceci reste une statistique d’approximation mais elle donne une indication. Ces pilules ont un effet premièrement contraceptif, mais dans un nombre significatif de cycles elles ont aussi un effet abortif.

Ces chiffres aussi effrayants que surprenants, ne sont pourtant pas totalement nouveaux.

Dans une étude publiée en 1994 dans la revue Contraception, fertilité sexualité intitulée « L’activité antinidatoire des contraceptifs oraux », le Docteur Benoît Bayle avait posé un modèle statistique en partant d’un autre mode de calcul. La difficulté de ce type d’évaluation statistique est que l’on ne peut pas faire d’étude épidémiologique pilule par pilule ou femme par femme. On est obligé de faire des macro-statistiques.

Son modèle construisait un ratio entre le nombre d’embryons qui s’implantent sous pilule par rapport au nombre d’embryons dont la nidation échoue en raison de la dégradation de l’endomètre sous progestérone. Il établit ainsi un IDE, Indice de Destruction Embryonnaire, de la même façon qu’il existe un Indice de Pearl.

Son calcul était le suivant : l’Indice de Pearl (IP) réel est de 1 à 2 grossesses. Pour 1 embryon qui s’implante sous pilule, de 4 à 6 embryons seraient statistiquement nécessaires. Par conséquence, de 4 à 12 embryons sont conçus pour 1 à 2 grossesses observées. Dans ce cas de figure, de 3 à 10 embryons sont éliminés. Son IDE est donc compris entre 3 et 10 embryons pour 100 A-F (Année-Femme).

En 1994 il y avait 4,3 millions d’utilisatrices de la pilule en France. En adoptant un IDE à 4, il obtenait 4 300 000 x 4/100 (IDE) = 172 000 échecs de nidation par année.

Ce chiffre situe le nombre d’avortements très précoces par la pilule dans le même ordre de grandeur que l’IVG. La destruction d’embryons oscille autour du nombre annuel d’avortements provoqués déclarés officiellement.

On obtient par deux méthodes statistiques différentes des modèles d’approximation du nombre d’avortements par la pilule contraceptive qui s’inscrivent dans la même échelle de grandeur, celle du nombre d’IVG annuel.

A suivre

[1] https://www.vidal.fr/infos-pratiques/id12992-id12992.html

[2] https://www.insee.fr/fr/statistiques/5012724

[1] Lauritzen, C., Fragen aus der Praxis, Die Pille : (auch) ein Abortivum ?, Deutsche Medizinische Wochenschrift (1989) 114, 14, 567.

[2] Chang, M.C., Hunt, D.M., Effects of various progestins and oestrogen on the gamete transport and fertilization in the rabbit, in: Fertiliy and Sterility (1970) 21, 683–686.

[3] https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/104000049.pdf

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_Pearl

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4 commentaires

  1. Je me permets de signaler une excellente synthèse sur ce sujet: Sabrina Debusquat, “J’arrête la pilule”.
    Un avantage: l’auteur est une femme, journaliste, de gauche – donc inattaquable…
    L’étude pêche, vers la fin, par une lecture mal renseignée de la position de l’Eglise catholique mais on peut en faire abstraction. L’étude historique, scientifique, médicale, écologique (molécules relâchées dans la nature…) est très détaillée et parfaitement dans le sens décrit ici. On peut pointer une étude statistique qui montre que la pilule n’est pas si sûre que cela, au contraire des méthodes naturelles.

  2. Je me souviens d’une conférence passionnante du grand professeur de la Sorbonne, Pierre Chaunu, sur le sujet. Il a d’ailleurs écrit un livre à ceci consacré, la Toussaint blanche, mettant en perspective dès les années 70 la catastrophe démographique que l’Occident se préparait lui-même. Il disait donc que, dans les années 50/60 et alors que la natalité devait encore être supérieure à 4 enfants par femme, des enquêtes démographiques avaient été pratiquées dans les maternités françaises auprès des femmes qui venaient d’accoucher. On leur demandait quel était, pour elles, le nombre d’enfants idéal qu’elles auraient souhaité avoir. Il était évidemment bien inférieur à la réalité, au nombre d’enfants qu’elles avaient réellement. Et ce nombre souhaitable d’enfants a correspondu quasiment à la natalité réelle obtenue au bout de quelques années de libéralisation de la pilule.

  3. C’est très scientifique ! Je sais seulement que la “pilule”de différents dosages peut provoquer des troubles circulatoires graves, allant jusqu’ à l’embolie, outre phlébites, paraphlebites.
    Des femmes ont donc accepté d’être des cobayes.
    Lorsque des articles vantant la “pilule”ont ete publiés dans un journal du matin, j’ai envoyé un commentaire pour mettre en garde, avec les mêmes termes : on utilise les femmes comme des cobayes.
    Mon commentaire a été systématiquement refusé.

    • Même constat pour la censure des effets délétères de la pilule. Simplement citer le livre du Pr. Joyeux provoquait le même effet.
      L’industrie pharmaceutique est très puissante…

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