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Histoire du christianisme

La force de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face

Homélie de l'abbé Faure, curé de St Eugène Ste Cécile à Paris, à l'occasion de la fête solennelle de Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face :

"Nous fêtons ce matin Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la sainte face, autrement connue sous le nom de sainte Thérèse de Lisieux, proclamée patronne universelle des missions par le Pape Pie XI en 1925, et patronne secondaire de la France par le pape Pie XII en 1944. Cette petite fille normande est née dans une famille d’Alençon en 1873. Sa mère a perdu 4 enfants. Marie Françoise Thérèse fait partie des 5 enfants restés en vie. Mais quand elle a 4 ans sa mère vient à mourir, provoquant l’installation de la famille à Lisieux. Et quand elle 21 ans, c’est son père chéri qui meurt. Finalement Thérèse elle-même, emportée par la tuberculose s’éteint à 24 ans, le 30 septembre 1897, en déclarant : « je ne meurs pas, j’entre la vie ». Thérèse est entrée au Carmel de Lisieux à 15 ans. Ses sœurs carmélites ont été unanimes à dire après sa mort que sa vertu principale a été la force. Dans cette force d’âme que la mort n’a vaincue ni dans la disparition des proches ni dans la maladie nous avons un témoignage de la vraie sainteté. Par l’intercession de Sainte Thérèse demandons cette force d’âme pour les missionnaires, pour la France et pour nous-mêmes.

Thérèse est d’abord la patronne des missions. Pour au moins deux raisons. La première raison est liée à la petite voie que Thérèse a suivie, voie spirituelle de l’enfance devant Dieu qui ne signifie pas redevenir comme un bébé, mais renaître par l’Esprit-Saint comme frère et sœur du Christ, le Fils unique de Dieu, et ne faire qu’un avec lui. Or cette situation est celle d’un abandon total à la volonté du Père. Le cardinal Daniélou en 1969 au Carmel de Lisieux résumait la petite voie de Thérèse en la présentant comme « l’infini du désir dans la totale impuissance ». Thérèse veut tout, et veut avoir toutes les vocations : « sans doute écrit-elle ces trois privilèges sont bien ma vocation, Carmélite, Épouse et Mère, cependant… je me sens la vocation de Guerrier, de Prêtre, d'Apôtre, de Docteur, de Martyr, enfin, je sens… le désir d'accomplir pour toi Jésus, toutes les œuvres les plus héroïques… Je sens en mon âme le courage d'un Croisé, d'un Zouave Pontifical, je voudrais mourir sur un champ de bataille pour la défense de l'Église. » Thérèse veut tout et elle découvre qu’elle ne peut rien. Mais au lieu que cette découverte la brise et la désespère elle est au contraire une grande lumière. Car tout vouloir et ne rien pouvoir oblige alors à ne compter que sur l’amour de Dieu. Cette réaction géniale et inspirée par l’Esprit Saint est un message libérateur. Avoir une prière missionnaire, ajoutait le cardinal Daniélou, c’est se faire un cœur à la mesure du monde tout en ayant conscience de notre totale impuissance pour sauver le monde. Mais justement cette impuissance qui pourrait faire désespérer oblige au contraire à ne compter que sur Dieu et à n’attendre le salut du monde que de la Toute Puissance de l’Amour. Bien sûr, le missionnaire prie et s’active. Mais c’est Dieu qui convertit les cœurs. Et de cette vérité profonde Thérèse est la gardienne et la patronne.

Mais il est une autre raison qui fait de la petite normande la grande patronne universelle des missions. Raison plus dramatique et plus sombre qui fait d’elle, selon le mot de saint Pie X, « la plus grande sainte des temps modernes ». Je veux parler de l’incroyance, de l’absence de foi, de la nuit de la foi que Thérèse a vécue pendant les 18 mois qui précédèrent sa mort, et qu’elle a considérée pourtant comme une grande grâce. Dieu a mis Thérèse à la table des pécheurs et des incroyants. Il a permis que le doute s’installe en elle : « es-tu sûre d’être aimée de Dieu ? Est-il revenu te le dire ? » écrira-t-elle dans ses derniers entretiens (DE 21/26.5.11). « Jésus m’a fait sentir qu’il y a véritablement des âmes qui n’ont pas la foi… Il a permis que mon âme fût envahie par les plus épaisses ténèbres… Il faut avoir voyagé sous ce sombre tunnel pour en comprendre l’obscurité… Lorsque je chante le bonheur du ciel, l’éternelle possession de Dieu, je n’en ressens aucune joie, car je chante simplement ce que je veux croire » (Ms C, 5,7). Thérèse est la patronne universelle des missions parce que dans la nuit de la foi de l’incroyance du doute et des luttes elle veut rester unie au Christ en sa passion au point de multiplier les actes de foi et d’écrire : « quel bonheur pour moi de rester là quand-même dans la tempête, et de fixer l’invisible lumière qui se dérobe à ma foi » (Ms B, 5 r°). Prions pour les missionnaires, pour que sous le patronage de Thérèse ils traversent courageusement les dures épreuves de leurs missions. Mes frères, prions pour la conversion de la Chine.

Mais Thérèse est aussi la patronne secondaire de la France : « en lisant le récit des actions patriotiques des héroïnes françaises, écrira-t-elle, en particulier celles de la vénérable Jeanne d'Arc, j'avais un grand désir de les imiter, il me semblait sentir en moi la même ardeur dont elles étaient animées, la même inspiration céleste." L'Église reconnaîtra cette singulière parenté entre les deux saintes. Au lendemain de la canonisation de Thérèse en 1925 le pape Pie XI la présente aux pèlerins comme "une nouvelle Jeanne d'Arc". En juillet 1943, les cardinaux et évêques de France se réunissent en assemblée plénière à Paris pendant l’occupation allemande. Ils demandent à Pie XII d'élever Thérèse au rang de patronne secondaire de la France, comme – je cite – "sainte Jeanne d'Arc, qui, en une heure moins critique peut-être, […] fut suscitée par Dieu pour sauver son pays". Et le 3 mai 1944, pratiquement un mois avant le débarquement de Normandie, le pape Pie XII déclare Thérèse "patronne secondaire de toute la France". Pie XII écrit alors : « puisque aujourd'hui, la France elle-même, en raison des ruines immenses, tant spirituelles que matérielles, que la dure et terrible guerre présente lui a causées, peut être considérée comme un très vaste champ à cultiver par le labeur missionnaire, pour que le peuple soit ramené à la foi de ses aïeux et aux pratiques religieuses, il semble tout à fait indubitable que ce saint patronage, instamment sollicité, tournera au plus grand bien et au profit spirituel de la nation, car tout le monde connaît le culte affectueux et célèbre dont les Français dans leur ensemble, même les plus humbles, honorent sainte Thérèse". Parmi les français les plus humbles il y avait certainement les soldats et les blessés de la première guerre qui dès 1915 étaient venus nombreux au carmel de Lisieux. Et dès cette époque beaucoup de jeunes gens, même les plus grossiers, désiraient connaître la vie de l’admirable petite sainte. Mais en novembre 1944, cinq mois après le débarquement des alliés, le pape Pie XII écrivait au Carmel de Lisieux, dans une France libérée : "Sainte Thérèse a répondu, ces dernières semaines, comme seuls peuvent le faire les grands amis de Dieu, à la confiance que nous mettions en elle en lui attribuant, de concert avec la sainte libératrice de Domrémy, le patronage de votre chère patrie, sous l'égide supérieure de Notre Dame, dans le mystère de son Assomption. Cette délivrance étonnante dont la France a été l'objet est, à n'en pas douter, un de ces coups du Ciel, comme l'Histoire en a enregistré plus d'une fois dans cette nation privilégiée […] pour ses gloires religieuses et sa vocation providentielle."

Mes frères, ces libérations temporelles vont de pair avec le relèvement spirituel auquel sainte Thérèse travaille du haut du ciel comme patronne des missions. Le patronage sur la France est inséparable du patronage sur les missions universelles, et donc sur l’évangélisation de la France elle-même. C’est donc en travaillant nous aussi à notre propre évangélisation et à notre relèvement spirituel que nous permettrons à Sainte Thérèse d’étendre plus efficacement son patronage sur notre nation. En ce sens, nous avons à croire comme elle que nous pouvons devenir saints et à le désirer. Non pas saints comme nous l’imaginons à partir de nos schémas plus ou moins rébarbatifs et obnubilés par des peurs et par des interdits, mais saints comme Dieu nous donne de le devenir, au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Comme le disait le cardinal Lustiger en 1983 dans la basilique de Lisieux : « Frères, je voudrais que chacun de vous… puisse dire humblement, pauvrement, même en pleurant ses péchés : ‘Moi aussi, je suis saint ; moi aussi, je suis sainte’ Pourquoi? Parce que Dieu vous donne son amour. Car lorsque vous confessez vos péchés dans le secret de Dieu et que vous recevez du prêtre qui vous a entendus le pardon et la miséricorde donnés à l'Église, vous êtes remplis de la sainteté de Dieu et vous permettez à l'amour de Dieu d'être le cœur du monde, le cœur de l'Eglise. » Ici à Saint-Eugène ce matin nous fêterons donc Sainte Thérèse en ressuscitant dans nos cœurs le désir et la volonté d’être saints, en prenant conscience que nous le sommes quand nous recevons le baptême et l’absolution, et surtout en demandant à Dieu cette force pleine d’espérance et de joie qui sous le patronage de nos saintes protectrices nous fera progresser, nous et notre patrie, sur les chemins de Dieu. Ainsi soit-il."

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2 commentaires

  1. Merci pour ce post : superbe homélie.

  2. Que nos deux Saintes Patronnes de la FRANCE nous obtiennent la Grâce de réveiller en notre beau pays la Foi qu’elles ont si magnifiquement vécue…

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