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Cathophobie

La concurrence victimaire, une tentation qui guette aussi les catholiques ?

Une chronique de Guillaume de Prémare, délégué général d'Ichtus, sur Radio Espérance :

"Nous assistons à une inflation exponentielle de polémiques et d'indignations à la Une de l'actualité. La guerre des mots et des expressions occupe l'espace disponible de nos cerveaux déjà proches de la saturation. La centrifugeuse médiatique devient un impitoyable accélérateur de particules. Nous sommes dans une ère de déraison, à un moment historique où tant d'enjeux mériteraient de convoquer l'intelligence et l'expérience. Ce grand spectacle permanent traduit une incapacité désormais structurelle à penser la raison politique dans l'espace public, laquelle est ruinée par les éléments de langage, les "story telling" des communicants. La préoccupation première des politiques est : "quelle histoire allons-nous raconter ? Et avec quels mots ?"

Par exemple, je suis frappé par la montée en puissance d'un élément de langage qui désigne les "discours de haine" comme péril n°1 de notre temps. Ce ne sont plus les faits qui structurent l'actualité, ce sont les mots. Ce que l'on nomme "discours de haine" désigne en fait une zone grise aux contours flous, un maelström difficile à cerner, un ennemi multiforme presque indéfinissable et qu'il ne faut surtout pas définir. Ce qui compte, c'est la sensation qui est en suspension dans l'air, le "nauséabond" comme on dit, c'est-à-dire une odeur dont on peine à identifier l'origine et la nature exacte. On y mélange allègrement : Dieudonné, le Front national, le populisme, l'apologie du terrorisme, toutes les "phobies", les profanations de cimetières, souvent liées à des jeux de rôles morbides, la débilité insignifiante de supporters de foot, les poussées de fièvre adolescentes sur Twitter ou Facebook, etc. La scénarisation hystérique de ce pot-pourri de la "haine" interdit de distinguer les phénomènes, de les hiérarchiser, de les analyser, de les penser et le cas échéant, de les ramener à leur juste mesure.

Dans ce contexte, tout prend des proportions démesurées et le débat public devient une immense plainte, un concours de pleurnicheries, un florilège de concurrence victimaire, une guerre civile médiatique larvée entre communautés. Or, les communautés devraient au contraire constituer un espace d'intermédiation entre l'espace commun et les attachements particuliers des citoyens. Mais de plus en plus, ceux qui prétendent les représenter ont tendance à en faire un outil politique grégaire de tribus perdues dans la contemplation narcissique de leur "moi" outragé et souffrant : "Je souffre donc je suis", "Je souffre donc j'existe dans l'espace politique et médiatique." Adieu raison politique, adieu, bien commun.

Je crois que ce phénomène a de quoi inquiéter les communautés catholiques. Sans y prendre garde, elles risquent d'être gagnées par contagion à cette manie nombriliste, qui fait voir le réel sous le prisme quasi exclusif de son propre narcissisme tribal. Ici se prépare la guerre de tous contre tous."

L'exemple des profanations de cimetières me paraît un peu complexe pour ne pas être commenté : il s'agit bel et bien d'un acte et non d'un discours. En revanche, il est vrai que cet acte n'est pas nécessairement commis contre une communauté religieuse, même si celle-ci sera tentée de l'interpréter ainsi. La chronique peut être discutée dans les commentaires.

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15 commentaires

  1. Une remarque très juste sur le flou des “éléments de langage”. Ainsi Ruth Elkrieff coupe brutalement la parole à un journaliste essayant d’expliquer une position de Roland Dumas avec un “C’est totalement injustifiable”. Pas de raisonnement mais des pseudo impératifs moraux, il ne faut pas dire ceci mais cela, il ne faut pas soutenir un tel mais un tel, il ne faut pas être homophobe ou Islamophobe ou pourquoi pas Islamophile (curieux mon correcteur d’orthographe accepte Islamophobe mais souligne Islamophile). Cette fausse morale cache un refus de raisonner clairement et une volonté de communiquer des sentiments en cachant soigneusement ce qui les sous-tend.

  2. Qu’on le veuille ou non la censure a toujours existé en France. Et actuellement la censure s’exerce sur tout ce qui n’est pas victimaire. Les seuls discours externes au pouvoir politique admis par notre régime politique sont ceux des citoyens dénonçant une certaine forme de violence, permettant la culpabilisation de celui ayant commis cette violence. Cela amène ainsi à faire culpabiliser celui ayant commis cette violence et de protéger la personne l’ayant subie. A répétition cela constitue un engrenage quasi automatique. Face à un étranger, le français à force de nombreuses condamnations infligées à ses semblables se sentira coupable. Je m’explique, le juge recherchant l’intention raciste derrière un geste commis par un français blanc, il se fonde la plupart du temps sur une probabilité, l’intention étant rarement explicite. Cette probabilité de racisme incite les français blancs à toujours plus de prudence quand ils sont confrontés aux étrangers. Cette probabilité de racisme les empêche de s’affirmer et les conduit à s’incliner afin d’éviter les problèmes. Si un problème survient il devient ultra médiatisés et fait peur (cf l’histoire des supporters de Chelsea).
    Face à cela les catholiques se regroupent et fondent des associations (AGRIF, observatoire de la christianophobie).Cela permet aux chrétiens de pouvoir porter un message dans un monde médiatique où ils sont voués à disparaître, de se grouper autour de messages communs, cela leur permet de réagir sur les réseaux sociaux, cela leur permet pour une fois de ne pas sentir cette culpabilité. Cela permet aux chrétiens de contrer la vindicte des medias envers les catholiques engagés, généralement assimilés à des extrémistes-de-la-LMPT. Les catholiques ont besoin de se sentir exister et de savoir que l’action politique est possible, couverts en cas de problèmes par ces “associations victimaires”. C’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec vous Monsieur de Premare. Il faut laisser la place aux nouvelles initiatives catholiques, toutes les autres ayant été, depuis voilà 40 ans, neutralisées.

  3. Une victimisation juste en annulant une autre bien indue et carnavalesque pourquoi ne pas se plaindre des réalités plutôt que de se taire de façon coupable face aux morts qui crient vengeance au ciel et qui comptent sur nous pour rendre compte de leur calvaire ?

  4. Je ne suis pas d’accord avec vous, M. de Prémare. Les catholiques n’ont jamais crié avant d’avoir mal. Et même quand ils criaient après avoir eu mal, les médias et politiques se sont chargés de faire taire leurs voix. Osez, seulement un instant, tenter de me prouver le contraire!

  5. Je ne sais si j’ai compris cette chronique et peut-être est-elle trop philosophique pour moi… Une chose est certaine, je n’utilise jamais le suffixe “phobe”, même pour les indignations de notre cher Daniel Hamiche, comme LMPT le faisait malheureusement dans tous ses manifestes et tracts. Car, devons-nous reprendre les mots de l’adversaire et participer de cette mode des “phobies” qui a visé à intimider ?
    Et je récuse les formules du type “deux poids deux mesures” où nous semblons mettre sur un même pied notre culture ou notre religion avec d’autres extérieures.
    Et je regrette l’incursion dans cette concurrence victimaire en effet dangereuse.

  6. Je comprends totalement Guillaume de Prémare sur un point: Arrêtons de nous plaindre et de nous faire faire plaisir en nous plaignant, c’est contre productif de lécher avec complaisance ses plaies et ne pas voir plus loin, c’est narcissique, mais je lui signale charitablement que derrière des actes qui objectivement atteignent les catholiques, il y a bel et bien une volonté politique plus ou moins sournoise, mais bien réelle, dévoilée par les médias – et j’oserais dire les magistrats – voir le dernier H.N – qui sont objectivement complices, d’achever de les déconsidérer, de les mépriser, qui remontent bien à la fondation de la république et aux lobbies qui ont voulu l’instrumentaliser. Si la résistance héroïque des catholiques en Vendée a permis un renouveau de la foi illustré par le Curé d’Ars, et d’autres, toute la fine fleur des écrivains, de Louis Veuillot à Léon Bloy, de Péguy à Bernanos et Mauriac, , de Julien Green à Maritain et même Claudel, de Chesterton à EDITH Stein, bref toutes celles ou ceux qui ont vécu leur foi dans la sainteté ou leurs passions humaines, mais l’ont vécue, en face – oui, en face- ils n’ont jamais renoncé à nous extirper de l’histoire de notre pays. Si à titre personnel je peux renvoyer ceux qui me haïssent à leur conscience, au titre de parent, d’enseignant, de citoyen je dois bien veiller pour les empêcher de scandaliser par la peur, les provocations, les discours biaisés la pudeur et la foi sincère de nos enfants.
    On peut pardonner à titre personnel, mais on est comptable de ceux qu’on a laissé en toute impunité et complicité de fait massacrer dans leurs ressorts intimes la foi et les sentiments de nos enfants. C’est valable pour toute foi sincère, et même pour les catholiques, il y a une identité catholique, celle des saints qui tous les jours nous soutiennent et une identité de nihiliste, de la tentation sadienne de tout réduire à un fantasme destructeur qui vit au dépend du bien, non pas notre pauvre personne, mais le bien étant ce qui illumine notre personne, pauvre paysanne ou Edith Stein, toutes celles ou tous ceux qui debout affrontent la bête au risque de la persécution physique, morale et la pire, celle du désespoir, ne fondant rien. Il y a un bel article à “liberté politique” d’un veilleur qui fait le point sur les symétries est ouest du nihilisme et qui se bat contre, sans l’ombre d’une complaisance ;
    “Père gardez vous à droite, Père gardez vous à gauche disait un fils à son père, Roi de France.

  7. Dans les années 80, Madiran annonçait la transformation de la France “en un terrain vague où s’affronteront 100 peuples divers”.
    Nous y entrons progressivement.

  8. “…C’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec vous Monsieur de Premare. Il faut laisser la place aux nouvelles initiatives catholiques, toutes les autres ayant été, depuis voilà 40 ans, neutralisées. ”
    je vous suis parfaitement, il est temps que les cathos, quels qu’ils soient, réagissent autant avec leur tête qu’avec leurs poings, à moins de vouloir finir comme ceux de la Vendée. Et ce ne sont pas les harangues de certains évêques ni même ceux de notre Pape pour arrondir les angles de cette catho phobie ambiante et récurrente chez nos élites de la pensée conforme qui changeront quoi que ce soit.
    Assez de discours sur le sexe des anges alors que la cité est envahie.

  9. Dire que pour ne pas avoir à développer les faits qui dérangent et pour englober tout dans le sens qui les arrange les merdias préfèrent passer tous les évènements du quotidien à la moulinette du slogan verbal moraliste qui clôt toute discussion est une très bonne analyse. Cela fait des années qu’ils agissent ainsi et sont persuadés que la technique marche parfaitement puisqu’ils en sont arrivés à penser eux-même à ce qu’ils disent tel le chat qui se mord la queue. Alors ils ne comprendront même pas le pourquoi ni le comment ni le quand si les gens un jour se libèrent de leur pensée unique pour penser autre chose aux conséquences qu’ils n’auront pas prévues.

  10. Concernant la guerre des mots, mon avis sur l’islamo-fascisme de Valls est que ce mot n’est pas innocent. D’abord c’est un concept absurde qui n’a aucun sens, ce qui existe c’est l’islamo-terroriste et aussi l’islamo-théocratie totalitaire.
    Ce mot absurde d’islamo-fascisme sert à diaboliser la fameuse “extrême-droite”, comme si elle était responsable de l’islamo-terroriste.
    Ce genre de mots organise la démolition programmée de la logique et du bon sens. Une sorte de collapse mental intégral.

  11. Prémare s’ égare … lorsqu’il parle de “communautés catholiques”, faisant entrer par cette expression la Sainte Église catholique et apostolique en concurrence avec les autres “communautés”, ce que l’on ne saurait accepter. La France étant catholique par essence, défendre bec et ongles le catholicisme revient à la défendre, elle et tous les Français, pratiquants ou non, qui refusent ce communautarisme mortifère, restant dans une vision beaucoup plus élevée que celle, au ras des pâquerettes, que nos gouvernants et médias nous imposent de force. Alors oui, pointer du doigt les paroles et actes christianophobes, comme étant des paroles et actes anti-français, me semble la moindre des choses, et ne présente aucun caractère “victimaire” en soi, mais permet de percer à jour la volonté destructrice de ceux qui prétendent gouverner la France. La preuve par les cimetières, justement, où l’on constate que par opposition aux “cimetières juifs”, il y a les “cimetières municipaux”, et non “chrétiens”, car y sont enterrés tous les habitants des communes, chrétiens, indifférents, athées ou libres – penseurs, tous ceux qui font la France, en fait. Ces cimetières – là, lorsqu’ils sont vandalisés, ne rencontrent que l’indifférence orchestrée du gouvernement et des médias, car ce n’est que la France que l’on vandalise et profane, pas une “communauté”. Constatons quand même qu’à chaque fois, ce sont les chrétiens qui donnent l’alerte, sans doute parce qu’ils sont des Français plus concernés que les autres … Alors non, Monsieur de Prémare, aucune tentation “victimaire” de la part des cathos, mais simplement un état des lieux, permettant de constater l’étendue des dégâts, afin de se retrousser les manches et d’agir dans le bon sens. Après tout, le Maître ayant été diffamé et maltraité, il n’y a aucune raison pour que les disciples ne le soient pas ! Ce qui ne les empêchera pas de continuer à Le suivre … Bon dimanche.

  12. “ici se prépare la guerre de tous contre tous” (citation très juste, au sujet de la concurrence victimaire). C’est la suite logique du système actuel ,totalitaire dans son essence même depuis la Révolution, à l’exemple des systèmes soviétiques qui suivirent et qui s’en inspirèrent. D’ailleurs, en parlant des systèmes totalitaires, Zinoviev ne disait-il pas qu’ils étaient “la pression de tous sur tous” ?

  13. En fait quand on aborde un phénomène comme la concurrence victimaire, il est important pour le comprendre de faire son historique. La mise au centre de l’histoire des victimes d’une barbarie politique est un phénomène assez récent qui s’est développée notamment à la suite de la lutte contre la barbarie nazie au XXème siècle. Avant on parlait certes des victimes dans l’histoire, mais comme un aspect un peu accessoire un “détail” si l’on peut dire, l’accent était mis sur les guerres, les luttes entre les états, les systèmes politiques etc. Jusqu’aux années 70 la commémoration des victimes innocentes de la deuxième guerre mondiale, plaçait celles-ci sur un pieds d’égalité. Les résistants, déportés politiques et raciaux, soldats tués, otages fusillés étaient traités avec la même dignité.
    Depuis les années 1970 cependant un phénomène a modifié le regard jeté sur les victimes, ce phénomène est la place prépondérante dans la politique occidentale de la commémoration de la SHOAH, l’extermination des juifs par les nazis, qui progressivement joue le rôle d’un crime “suprême” sans comparaison possible dans l’histoire de l’humanité.
    Or cette place prépondérante d’un massacre d’êtres humains innocents par rapport à d’autres a un effet pervers. C’est qu’en comparaison tous les autres massacres d’innocents deviennent des bagatelles, des évènements mineurs, et même pire les victimes de ces massacres ne font plus l’objet de la même considération humaine, ne bénéficient plus de la même dignité que les juifs assassinés.
    Le phénomène est particulièrement problématique quand il s’agit de crimes contemporains dont les victimes se rattachent soit aux juifs, soit aux membres d’une autre communauté religieuse ayant des représentants en France.
    On peut citer un exemple; vivent aujourd’hui environ 6 Millions de personnes d’origine arabe en France, contre un peu moins de 600.000 juifs. Ces derniers apportent un soutien politique particulier à ISRAEL. Ainsi la LICRA poursuit par exemple en justice des organisations de gauche appelant au boycott de produits israéliens.
    Lorsqu’il y a quelques années Mohamed Merah avait tué des enfants devant une école juive à Toulouse ou lorsque au début de cette année des consommateurs juifs furent tués par Coulibaly dans un supermarché Casher parisiens, la condamnation de ces crimes fut une véritable cause nationale.
    Quand par contre en 2008 l’Etat israélien tua en l’espace de 3 semaines entre 1300 et 1400 civils palestiniens à Gaza ou l’an dernier 2100 civils, non seulement on ne fit pas de la condamnation de ces crimes une cause nationale, mais tout le monde considérait le soutien apporté par les instances juives française à Israël comme normale, et mis en cause par contre les musulmans français en les accusant d’importer le conflit du Proche-Orient en France, en pointant du doigt les incidents antisémites s’étant déroulés en marge de leurs manifestations de protestation.
    Ce mépris affiché par l’état vis à vis d’une catégorie de victimes au bénéfice d’une autre ulcère profondément les français d’origine arabe qui ne se reconnaissent plus dans les valeurs d’une république qui les déconsidère. La réponse est un communautarisme victimaire et antagoniste par rapport au communautarisme juif. Ce communautarisme est ensuite le terreau sur lequel prospère le terrorisme islamique.
    Il va sans dire que le phénomène peut également concerner les catholiques. Dans la mesure où les autres communautés religieuses définissent leur valeur par rapport à leur victimes dans l’histoire et non plus par rapport à un respect universel du à des victimes innocentes, la mise en avant par exemple des victimes de la répression républicaine anticatholique en Vendée, devrait en être la conséquence logique.

  14. Oui, il faut refuser de jouer le jeu de ceux qui segmentent la haine pour attiser les concurrences victimaires et régner sur ce Marché… de dupes !
    Certes les forces de mort s’attaquent in fine au catholicisme car il est l’universel de l’humanité et il est nécessaire de dénoncer la haine larvée de la foi qui est une haine de soi.
    Mais il nous revient de dire que tout mépris et toute haine est mauvaise quelqu’en soit la victime (juif, trisomique, homo, catholique, protestant, myope, banquier, nazi, sunnite, confucéen ou autre) : nous ne sommes frères que parce que nous avons Dieu pour Père !

  15. Le ‘communautarisme catholique’ est un oxymore…

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