Partager cet article

Culture : cinéma

La Communion

La Communion

Chronique cinéma de Bruno de Pazzis :

Pologne. Daniel, 20 ans, est depuis plusieurs années dans un centre fermé de rééducation pour un crime qu’il a commis mineur. Subjugué par le Père Thomas, prêtre catholique qui dessert l’établissement, il aimerait devenir prêtre à sa sortie mais son passé de délinquant l’empêche d’accéder au séminaire. Envoyé à sa sortie dans une petite bourgade pour travailler dans une menuiserie industrielle et à la faveur d’un concours de circonstance favorable, il se fait passer pour un prêtre et prend la tête de la paroisse comme remplaçant du curé momentanément hospitalisé. Jeune et non dépourvu de charisme, il bouscule alors cette petite communauté conservatrice et endeuillée par la mort un an plus tôt dans un accident de la circulation de six jeunes.

Avec : Bartosz Bielenia (Daniel), Aleksandra Konieczna (Lidia), Eliza Rycembel (Marta), Tomasz Ziętek (Pinczer), Barbara Kurzaj (la veuve), Zdzisław Wardejn (le curé), Łukasz Simlat (le père Tomasz). Scénario : Mateusz Pacewicz. Directeur de la Photographie : Piotr Sobociński Jr. Musique : Evgueni Galperine et Sacha Galperine.
Récompenses : Prix du meilleur réalisateur et prix spécial du jury du 26ème MIFF “Listapad (2019), : prix du public, prix de la meilleure réalisation à Jan Komasa, prix du meilleur scénario à Mateusz Pacewicz et prix de la meilleure actrice dans un second rôle à Eliza Rycembel au 44e Festival du film polonais de Gdynia (2019).

Itinéraire d’un imposteur… Disons d’emblée que La Communion prend toutes les allures d’un film provocateur. Tout d’abord en raison du titre du film qui, traduit littéralement du polonais, est « Le Corps du Christ ». Ensuite, en raison de son argument de base qui va apparaître très vite au début du récit et perdurer jusqu’à l’avant dernière séquence et qui est l’histoire d’un jeune homme qui se fait passer pour un prêtre et qui donc confesse, célèbre la messe et exerce une responsabilité morale sur les fidèles… Bref, un imposteur qui vit dans un mensonge permanent. Mais le film prend une apparence encore plus provocatrice lorsque le spectateur est appelé à constater que ce faux prêtre, dont les origines sont de surcroît fort peu reluisantes, est non seulement un prédicateur talentueux et charismatique mais qu’il fait du bien autour de lui dans cette communauté chrétienne divisée ! Le scénario et le film sont construits autour de deux thématiques principales. L’une purement « policière », celle de l’usurpation de l’identité qui va permettre de maintenir l’attention du spectateur pour permettre de développer une thématique sociale et spirituelle qui est évidement celle qui, vu la représentation qui en est faîte, intéresse le cinéaste. Celui-ci se livre à une observation de la vie d’un petit village polonais avec ses conflits, ses mentalités, ses habitants et leur prédisposition à être influencés aussi bien par des « leaders » sincères et loyaux que par des imposteurs. C’est un premier niveau qui met à jour les mesquineries qui peuvent ronger une communauté villageoise. A un second niveau il faut noter l’observation qui est faite du pouvoir que confère l’habit religieux et plus encore et surtout le statut religieux. A ce stade, la notion de provocation évoquée plus haut atteint son paroxysme en faisant porter et aboutir auprès des fidèles un message de vérité, de foi et de charité non par un pêcheur, comme peut l’être n’importe quel prêtre, mais par un imposteur qui ment sur son identité véritable et, qui plus est, n’est pas exempt de sincérité dans sa démarche. L’ambiguïté atteint alors son comble ! Au-delà de cet aspect dérangeant et provocateur, il faut admettre que le film pousse à la réflexion et ceci d’autant plus qu’il est inspiré de faits réels. Le plus difficile est sans doute qu’il n’y a pas dans ce récit d’ouverture possible et de chemin de rédemption. Le final montre bien l’impasse dramatique dans laquelle le jeune homme s’est enfermé, au point de commettre un second crime et d’être condamné à la fuite. Mis en scène de manière très sobre, au pessimisme du propos répond une photographie très froide, à son ambiguïté le jeu équivoque de Bartosz Bielenia, son regard incandescent et parfois halluciné. Un film résolument sombre et étrange.

Bruno de Seguins Pazzis

Partager cet article

1 commentaire

  1. “Un arbre mauvais ne peut pas donner de bons fruits”. C’est aussi ce que rappelle le CEC (1789?): “il n’est jamais licite de commettre un acte mauvais en vue d’un bien”. La troisième tentation du Christ est encore plus directe “Si tu te prosternes devant moi, je te donne tous les royaumes du monde”: le deal est bien “tu as carte blanche, je te laisse faire sans intervenir, tu peux mettre en place tout ce que tu veux, à ton idée,faire tout le ‘bien’ que tu imagines” proposé par celui qui est nommé “prince de ce monde”; la réponse est sans ambiguïté: “Arrière satan!” Car le marché est vicié au départ pour la même raison et celui qui s’incline a d’emblée perdu, quoi qu’il fasse derrière.

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services