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France : Politique en France / France : Société

“Il faut un statut associatif sur mesure pour les militaires”

C'est l'opinion de Jean-Hugues Matelly, interrogé ce matin par Le Point. Il revient sur la récente décision de la CEDH d'accorder aux militaires le droit de se constituer en association.

"Jean-Hugues Matelly, lieutenant-colonel de la Gendarmerie nationalefrançaise mais aussi politologue, sociologue et auteur d’essais et de romans.[…] Sa liberté de ton et d’analyse l’ont régulièrement conduit à être sanctionné par la hiérarchie militaire sur le fondement avancé du « devoir de réserve»[. Il s’exprime d’ailleurs régulièrement en faveur de la libéralisation de l’expression individuelle et collective des militaires français "[Wikipedia]

L'interview du lieutenant-colonel Matelly :

"Le Point.fr : La Cour européenne des droits de l'homme vous a donné satisfaction contre l'État : les militaires ont le droit de se constituer en association, y compris syndicale. Cette décision vous a-t-elle étonné ?

Lieutenant-colonel Jean-Hugues Matelly : Je l'attendais en fait avec sérénité, car toute la doctrine juridique française me donnait confiance. Pour ne citer qu'elle, la thèse de la juriste Clara Bacchetta sur la liberté d'expression professionnelle des militaires est particulièrement explicite. Tous les experts, tous les manuels sur les libertés publiques, expriment des opinions conformes sur ces points, mais elles n'avaient jamais été testées concrètement devant la CEDH. En toute hypothèse, j'envisageais donc un recours gagnant. Bien qu'il ne s'agisse pas de "gagner", mais de faire avancer les libertés publiques.

Vous avez donc le droit de constituer une association. Allez-vous reprendre vos activités autour du Forum gendarmes et citoyens, réactivé sous une nouvelle forme depuis le 4 octobre ?

Sur le plan purement juridique, l'arrêt de la CEDH n'est pas encore définitif. Il ne le sera que si aucune des parties ne demande le renvoi devant la Grande Chambre, formation de jugement la plus solennelle. Chaque partie a trois mois pour le faire. Le gouvernement français ira-t-il chercher ce contentieux ? Je n'en suis pas certain. Lorsque le jugement sera définitif, il sera possible de constituer des associations professionnelles, comme il en existe déjà. Je pense notamment à l'Adefdromil, très présente pour soutenir les militaires à titre individuel. Pour ce qui nous concerne, nous avons effectivement remis en ligne le forum, mais nous n'avons pas constitué d'association. C'est tout le paradoxe de cette affaire : à l'époque, nous n'avions pas créé une association professionnelle, mais une association soutenant un forum internet.

Quand cet arrêt sera devenu définitif, que changera-t-il concrètement pour les gendarmes et les autres militaires ?

Il est nécessaire que les pouvoirs publics se préparent à cette innovation et organisent la transition. Dans le cas contraire, des associations se constitueraient sous le statut de la loi du 1er juillet 1901, si large qu'elle intègre les partis politiques ! Si on veut des structures préservant les valeurs et les modes opérationnels absolument nécessaires au fonctionnement des forces armées – je pense par exemple à la discipline -, il faut absolument revenir au travail législatif et revoir le Code de la défense en remplaçant l'article L 4121-4. Il ne s'agit pas non plus de compléter le Code du travail, suffisamment épais comme ça. À mes yeux, il convient de préparer un statut sur mesure pour les militaires.

Vous n'aimez guère parler de votre situation personnelle. Néanmoins, vous êtes toujours officier supérieur, lieutenant-colonel en activité de service. Pouvez-vous nous préciser votre statut et le sort que vous a réservé la gendarmerie, durant la procédure et aujourd'hui ?

Il est évident que j'ai subi les conséquences de mes choix, en termes de mobilité géographique et fonctionnelle ou d'avancement. Cela ne me cause aucun souci, je l'assume pleinement, suivant le dicton : on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Les options que je défends sont essentielles – à mon sens – pour les forces armées des démocraties du XXIe siècle, c'est tout ce qui m'importe. Pour être complet, je vous précise que je suis en poste à la Direction générale de la gendarmerie nationale, où les choses se passent pour moi de la manière la plus normale possible dans les relations de travail. J'ai une pile de dossiers sur mon bureau ! C'est tout à l'honneur de la communauté militaire et de la gendarmerie. J'imagine que mes caractéristiques atypiques d'"électron libre" auraient pu contribuer à m'ostraciser. Tel n'est pas le cas. Cela ne veut pas dire non plus que tout le monde partage mon point de vue…"

NB : nous rappelons que ce qui précède relaie l'opinion de M. Matelly et lui seul. Toute analyse qui viendrait éclairer ce point de vue est bienvenue.

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8 commentaires

  1. Il faut faire attention. Si la CEDH reconnait aux militaires Français le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier et déclare que l’interdiction de constituer un syndicat ou d’y adhérer est une atteinte à la liberté d’association…Elle reconnait en même temps que cette liberté peut avoir des restrictions, comme cela se passe d’ailleurs dans d’autres pays européens où les armées ont des syndicats.
    A l’heure actuelle, les droits politiques et syndicaux des personnels militaires sont définis par la LOI n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires. L’article 3 reconnait que « Les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens. » tout en apportant une précision contradictoire puisque certains droits leurs sont interdits ou restreints (« Toutefois, l’exercice de certains d’entre eux est soit interdit, soit restreint dans les conditions fixées par la présente loi. »).
    Cette construction actuelle est donc maintenant appelée à changer et la France semble accueillir les arrêts de la CEDH avec bienveillance. Armée-Média rapporte ainsi que « le ministre de la défense va maintenant prendre le temps d’expertiser avec précision la décision rendue et les motifs développés par la Cour. Ce travail d’analyse permettra d’identifier à brève échéance quelles évolutions du droit français doivent être mises en place, et de déterminer les actions à entreprendre pour assurer la conformité de notre droit national aux engagements conventionnels de la France, dans le respect des valeurs fondamentales du statut militaire et, en particulier, celles de l’unicité du statut et de la neutralité des armées. » , et que « La réaction du ministère de la défense, suivie de celle de la DPMGN laisse entendre que la France n’a pas l’intention de faire appel, mais se prépare à se conformer à la convention européenne des Droits de l’Homme et reconnaître aux militaires et aux gendarmes la liberté de se réunir et de s’associer dans le respect des valeurs fondamentales du statut militaire. »
    Alors, concrètement, quel(s) changement(s) ? Probablement, quelque chose comme en Allemagne/Belgique :
    -Une liberté d’expression qui resterait inchangée dans les faits, car elle ne pourrait s’exercer « qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire ».
    La fréquence des réunions syndicales d’information pourraient être, de leur coté, restreintes annuellement et nécessiter l’autorisation du chef de corps et de l’Etat Major.
    -L’État pourrait, par ailleurs, décider que les organisations syndicales professionnelles soient purement militaires, ce qui ne permettraient pas aux militaires de s’affilier à des syndicats civils déjà existants. Celles ci pourraient être contraintes, aussi, d’obtenir un agrément étatique, comme cela se fait en Belgique où seules les organisations syndicales représentatives participent à la négociation collective et aux procédures officielles de concertation.

  2. Ce n’est pas en créant une association qui est un syndicat déguisé (une sorte de cheval de Troie) que l’on va restaurer une armée forte qui se respecte et se fasse respecter !
    La place due aux armées dans le pays est dabord une question politique de droit régalien !

  3. Comment réagissent les militaires français devant les mondialistes ?
    Un groupe d’officiers de l’armée française se présentant comme le « Mouvement Marc Bloch », avait déjà dit à haute voix en mars dernier que le gouvernement devait arrêter de massacrer la défense du pays car les services de sécurité du pays sont menacés de ne pas pouvoir défendre le territoire, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.
    le général Vincent Desportes expliquait récemment qu’« au Mali, l’armée s’est battue avec du matériel âgé de 40 ans, avec des véhicules sans air conditionné. Que seulement 10 % de l’armée de terre est au standard. Que l’armée française est dans les mains des États-Unis. Que les États-Unis vont bientôt larguer la France et qu’il faut sauver l’armée française car quand vous n’avez plus de défenses, vous êtes attaqués. La version du livre blanc 2013 montre pourtant que l’armée ne sera pas modernisée ».
    A noter que parmi les manifestants du Printemps français qui sont des veilleurs et qui ont été arrêtés par la police, on trouve des enfants de soldats de l’armée française ! Ces derniers dont les parents ont pour mission de se sacrifier pour la France ne peuvent pas aujourd’hui accepter et avaler que leur pays les traite comme des criminels. Ne pas oublier que « 750 veilleurs et manifestants du printemps français ont été arrêtés» !
    La survie de la France ne tiendrait-elle pas à une réaction brutale, désespérée et sauvage d’un corps d’officiers, qui prenant l’exemple d’un de Gaulle, rétablirait la souveraineté de notre patrie ?

  4. Les militaires n’ont que faire d’un syndicat ! Les affaires militaires se traitent entre militaires ! Une armée forte bien équipée, bien commandée se suffit à elle-même, inutile de créer des niches revendicatives. J’ai connu l’armée à l’époque de la professionnalisation, pour appâter le chaland, l’Etat-Major de l’Armée de Terre n’avait pas trouvé mieux que de tenter de tirer l’Armée vers des standards culturels civils, une vraie catastrophe ! Alors on continue ?

  5. Le drame de l’armée française, ce sont d’abord et avant tout ses chefs, plus enclins à montrer au pouvoir de droite ou de gauche leur incomparable souplesse d’échine et leur exceptionnelle capacité à appliquer les diktats d’un pouvoir aux abois plutôt que de défendre leurs subordonnés comme c’est leur devoir et leur honneur, raison pour laquelle il n’y a pas de syndicats dans l’armée.
    Pour un officier général qui pose le képi en signe de protestation, il n’y en a pas eu beaucoup et ceux qui l’ont fait sont admirables, 20 se précipitent pour le remplacer et jurer leurs grands dieux qu’ils feront mieux avec encore moins de moyens que le “factieux”.
    Notre pays a les chefs militaires qu’il mérite.
    La soupe est bonne, ne dérangez pas ces messieurs.
    Alors si l’armée se syndique, ce que je ne souhaite pas mais ce qui me semble inéluctable, ils l’auront bien mérité.
    Ils pourront aller se pendre ensuite et jeter les 30 deniers qu’ils ont reçus.

  6. L’Institution militaire est à l’image de la Nation, elle aura résisté longtemps mais ne lui demandez pas d’être seule le phare d’un Etat et d’un régime en pleine déliquescence!
    Ses chefs continueront à obéir et ses soldats à mourir, cet esprit de sacrifice c’est ce qui fait sa grandeur.
    En revanche, épargnez nous les allusions à De Gaulle comme modèle de réaction désespérée pour la survie de la Patrie, on a déjà donné…

  7. Southall a tout expliqué. Là est le fond du problème.
    Je passe à un autre sujet, mais il y a une spécificité du statut qu’il faudrait peut être faire évoluer pour que les militaires ne soient pas des sous citoyens: le droit d’adhérer à un parti politique juste pour le vote des primaires à la présidentielle . Car depuis l’instauration de celles ci dans la vie politique française, le militaire est un peu un électeur de seconde zone. Or, on nous rebat les oreilles qu’il est un citoyen comme les autres…. Alors?

  8. Nos militaires doivent servir à protèger la France d’abord ! pas à larbiner pour des interets étrangers se faisant trouer la peau pour complaire à l’otan et l’onu !

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