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Valeurs chrétiennes : Culture

Grand débat étatico-culturel à l’École des Beaux-Arts

Grand débat étatico-culturel à l’École des Beaux-Arts

Le Grand débat du monde de la culture a eu lieu le 6 mars sous la Grande Verrière de l’École des Beaux-Arts, dans son monumental décor polychrome de style « éclectique ». Trois sujets sont prévus : la culture pour tous, la protection du patrimoine, la direction de la création par le ministère. Aude de Kerros raconte :

Les discours coulent de la tribune, lisses et fluides sur les deux premiers sujets éminemment consensuels. Qui n’est pas pour la culture pour tous et pour le patrimoine ? Vite on s’assoupit. Mais la gêne s’installe chez ceux qui résistent au sommeil ! Vite, on ressent que les mots ne veulent pas dire la même chose pour les institutionnels des premiers rangs et pour les inconnus qui les entourent. Le hold-up sémantique qui a assuré les pleins pouvoirs aux institutions apparaît avec évidence. Le terme Art contemporain ne désigne que l’Art officiel conceptuel. Quand le mot diversité surgit dans les déclarations, celle-ci ne peut être que sexuelle, communautaire et multiculturelle, jamais de l’ordre de l’expression artistique. […]

L’animateur chapeauté et la directrice de Beaux-Arts magazine s’employèrent avec modération à la déploration de cette France périphérique, qui se tient si loin des infrastructures créées par l’État pour mettre l’Art contemporain à la portée du peuple… la France n’est-elle est pas le pays en Europe où il y a le plus de centres d’AC, de théâtres subventionnés par l’État, au km2 par habitant… et ils sont vides. Aux premiers rangs, on acquiesce et déplore que l’État n’investisse pas davantage d’argent pour multiplier les médiateurs afin d’expliquer aux péquenauds des ronds-points le génie de l’AC. Il faut combattre l’inculture jusque dans les campagnes !

Pourtant, un examen attentif de nombre d’interventions non programmées de la salle laisse apparaître une revendication simple : nous avons soif d’art et de culture, mais nous voudrions être les acteurs libres et entreprenants de cette vie des arts et non les consommateurs au bout d’une chaîne de production dirigée par l’État et consacrée, non par le public mais par les médias.

Ils sont parfois venus de loin pour exposer leurs actions locales et libres faites avec les moyens du bord, sans visibilité ni financements. Les initiatives ont du succès, suscitent l’adhésion quoique non estampillées du fameux logo du ministère qui entraîne à sa suite les logos des mécènes privés. C’est par exemple le bistro qui devient la salle de concert, de lecture, d’exposition, de débat de proximité, ici défendu par le cafetier de C’est déjà ça, venu de loin pour en parler. C’est un Café culturel associatif qui a fait des émules dans toute la France. D’autres intervenants évoquent des initiatives privées pour l’initiation musicale, théâtrale, artistique, etc. La concurrence des lieux subventionnés gratuits rend leur survie économique presque impossible. L’Art Contemporain défendu exclusivement par le ministère pompe tout l’argent public, l’argent des mécènes et la visibilité médiatique. Il n’y a aucune agressivité chez les intervenants. La question n’est même pas formulée, bien que présente : pourquoi l’art qui donne du sens à la vie n’a pas de visibilité ? Pourquoi seule la grande déconstruction de l’art et de la culture, mission de l’AC, est seule visible et subventionnée ?

Fabrice Bousteau qui donne et reprend la parole, félicite et congratule chaque intervenant et lui demande d’inscrire ses naïves idées populistes sur la plateforme prévue à cet effet par le ministère : granddebatculture.fr.

Ainsi quand l’enseignement de l’Histoire de l’Art à l’école est évoqué à la tribune par Marie-Hélène Arbus, la question est : pourquoi depuis si longtemps tout le monde est d’accord sur l’enseignement de l’Histoire de l’art à l’École mais cela n’aboutit pas vraiment ?

On remarque un grand silence derrière, dans la salle. Mais aux premiers rangs, on déplore, on discute… l’ex ministre Jacques Aillagon conclut qu’il faut tout simplement davantage d’argent ! En réalité, la force d’inertie vient de ce que personne ne veut de l’enseignement tel qu’il est conçu par les ministères concernés où il s’agit d’initier les scolaires à une réception conceptuelle, critique et dé-constructive de cet art traditionnel considéré comme trop élitiste. Il ne peut être question de l’enseigner sans l’accompagner de l’initiation à la pratique déconstructiviste de ‘ »l’Art contemporain », menée par des artistes agrées par le Ministère de la Culture. Le but étant d’éviter l’enseignement de cette connaissance par des historiens d’art.

Décidément les fonctionnaires participants actifs de la salle ne comprennent pas qu’une culture, un art, cela ne s’impose pas de force. […]

La ligne de fracture est ce soir-là palpable dans la salle. Les institutionnels ont d’autres soucis, ils ont quitté la réalité, croient qu’elle est comme ils la déclarent. Pourtant ils ne sont plus la référence, le haut marché les tient. Peu à peu le public las, quitta la salle… vint alors le bon moment pour aborder le sujet dangereux, gardé pour la fin : l’art dirigé par le ministère.

Un artiste et professeur à l’École des Beaux-Arts signale la cause du non-débat auquel on assiste. La vision de ceux qui dirigent l’Art comprend beaucoup d’angles morts… l’art moderne-classique, les artistes singuliers, les artistes amateurs. Ils nient cette diversité-là.

Quelques artistes posent des questions :

  • Pourquoi les artistes français sont-ils absents de toute visibilité internationale ?
  • Pourquoi seulement 10 % des artistes français vivent décemment et 90 % dans la précarité (question du président de la Maison des Artistes, F. de Verdière ) ?
  • Pourquoi l’Art doit-il être dirigé par des Inspecteurs de la Création ? 
  • Pourquoi l’Art non agréé par le ministère est-il invisible ?

Pas d’interlocuteurs responsables à la tribune pour répondre et silence de mort dans les premiers rangs ! Le ministre est assis dans la salle, venu en coup de vent, pour un quart d’heure. Aillagon ex-ministre, homme de main de François Pinault, fait un commentaire : « l’appellation Inspecteurs de la Création est malheureuse ! Il faut corriger cette maladresse sémantique »… on pense à Orwell ! Après ce bon mot historique, l’élite culturelle et ses inspecteurs s’acheminèrent vers la sortie en se congratulant. […]

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1 commentaire

  1. En tant qu’enseignante (en reconversion) j’ajouterais une question: pourquoi depuis qq années, les professeurs titulaires d’un “agrément” certifié EN sont-ils considérés, par le seul fait de cet agrément (qui consiste à suivre certains cours délivrés par l’académie), comme plus aptes que d’autres à animer des ateliers de théâtre au lycée, ce qui conduit ces ateliers à être de moins en moins des lieux de pratique du théâtre classique (sous forme d’exercices ou sous forme de pièces jouées) et de plus en plus des lieux de pratique de théâtre contemporain (avec tout ce qu’on imagine quant à la forme et quant au fond)?

    Tout ça pour signaler que l’auteur a 100% raison et qu’hélas ce qu’elle décrit ne peut qu’être constaté à tous les niveaux par ceux qui appartiennent à ce monde dit de la “culture”. Malheureusement les personnes peu cultivées qui occupent des postes dans les différentes instances étatiques ou municipales n’ont elles-mêmes qu’une vague idée, qu’un souvenir imprécis, de ce qu’était la Culture.

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