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France : Politique en France

François-Xavier Bellamy : “J’assume tout ce que j’ai pu dire ou écrire”

François-Xavier Bellamy : “J’assume tout ce que j’ai pu dire ou écrire”

Mediapart a enquêté sur les relations, certainement sulfureuses si l’on se met du côté d’Edwy Plenel, entre François-Xavier Bellamy et les réseaux d’extrême-droite, entendez par là des milieux aussi divers que la Communauté de l’Emmanuel, où la tête de liste LR était intervenue il y a 5 ans, chez Ichtus, à la même époque, et Renaissance catholique plusieurs fois et encore fin 2018. C’est peu mais sans doute suffisant pour craindre un rapprochement entre LR et le RN, d’autant plus que Marion Maréchal lui a clairement tendu la main.

Contacté par Mediapart sur le fait que certaines interventions de François-Xavier Bellamy dans ces cercles avaient été supprimées, l’intéressé répond :

A propos des conférences et interventions que j’ai pu faire au cours des dernières années : j’assume bien sûr toutes mes prises de parole. Je n’ai pas fait retirer de vidéo d’une intervention, récemment en particulier. Mon équipe a pris l’initiative il y a plus d’un an de demander le retrait de quelques vidéos en ligne, soit parce qu’elles avaient été diffusées sans autorisation, soit parce que la qualité de la vidéo ou du propos ne justifiait pas leur diffusion. Mais je crois n’avoir jamais manqué de cohérence dans mon parole ou mes écrits, et chacun pourra se faire une idée en lisant les nombreux textes que j’ai eu l’occasion de publier, ou les conférences que j’ai prononcées et dont beaucoup sont accessibles en ligne.

Ce que je regrette profondément en revanche, c’est la manipulation affligeante qui consiste à tronquer des passages d’un raisonnement de manière à en empêcher toute compréhension. Vous faites référence à ce passage récemment diffusé sur le christianisme et la vérité. Dans cette intervention, parlant à une association de chrétiens engagés dans la société, je voulais montrer combien le repli communautariste serait une faute : comme professeur de philosophie, il me semble nécessaire de défendre le primat de la raison. On ne doit pas choisir un engagement par communautarisme, mais seulement parce qu’on y adhère de façon rationnelle. On ne doit choisir le christianisme que parce qu’on veut y trouver une vérité – pas pour défendre les valeurs d’une communauté ou par réflexe sociologique. Comme enseignant en philosophie, je suis profondément inquiet de voir se dessiner une société communautariste, où chacun est enfermé dans des groupes sociaux incapables de dialoguer, où le relativisme empêche de chercher ensemble une vérité ; et c’est du point de vue de cette inquiétude philosophique que je signalais ce risque aux personnes auxquelles je parlais. Dans la phrase que l’on m’entend dire, je cite d’ailleurs une conférence de René Girard, il y a quelques années à l’ENS, à laquelle j’ai eu la chance d’assister comme étudiant, et au cours de laquelle il avait prononcé ces mots sur le lien du christianisme à la vérité.

René Girard était un très grand philosophe, et un intellectuel reconnu dans le monde entier ; mais ces mêmes mots, évidemment, extraits de mon raisonnement, ressemblent à une affirmation dogmatique et fermée, alors qu’il s’agissait pour moi au contraire de montrer la nécessité de réhabiliter la raison en affirmant qu’on ne pouvait s’engager dans une conviction que par une recherche authentique et exigeante du vrai.

Depuis le début de cette campagne, je vois combien cette manipulation sert les idéologues qui préfèrent imposer des caricatures plutôt que de débattre loyalement : c’est par exemple ce qu’a fait Jordan Bardella récemment en publiant un extrait d’une de mes interventions sur RTL, un morceau de phrase de 9 secondes, pour faire entendre le contraire de ce que mon raisonnement exprimait.

Je ne me résignerai jamais au naufrage démocratique auquel de telles caricatures nous conduisent. N’importe lequel de nos propos un peu argumenté, lorsqu’il est coupé ainsi, conduirait à de telles contradictions. Il me semble nécessaire de continuer à réfléchir malgré ces détournements, pour ne pas tomber dans la platitude d’un réflexion partagée qui se réduirait à un échange de slogans.

J’assume donc tout ce que j’ai pu dire ou écrire. Je ne veux pas assumer en revanche ce que je n’ai jamais dit, et dans d’autres de vos questions je vois des citations qu’on me prête et que je n’ai pourtant jamais prononcées :

– « Il faut un chef »: je ne vois pas à quel titre j’aurais pu affirmer cela

– « Il faut aller en martyr » face à l’islam : je suis absolument certain de n’avoir jamais prononcé ces mots. Ce que j’ai pu dire peut-être, comme je l’ai écrit à propos d’Arnaud Beltrame, c’est que le martyr (qui veut dire « témoin » en grec) dans notre civilisation a toujours été celui qui donne sa vie, par opposition aux djihadistes qui appellent « martyrs » des criminels. Cela n’a rien à voir avec le propos qu’on me prête.

J’ai été enseignant en banlieue au contact d’élèves qui pour beaucoup étaient issus de l’immigration et musulmans ; ils pourront témoigner que je n’ai jamais agressé la foi de quiconque. Dans une société traversée de tant de tensions et menacée par la fracturation communautariste, nous avons besoin plus que jamais de reparler ensemble, et pour cela l’éducation joue un rôle essentiel. J’ai publié les Déshérités pour dire combien je redoutais le choc des incultures, et c’est là tout le sens de mon engagement comme enseignant et comme élu.

C’est aussi le sens de mon propos sur la politique : oui, je le maintiens, la politique ne change pas le monde à elle seule, elle n’en a pas le pouvoir ; je l’ai dit de très nombreuses fois. C’est par l’engagement de chacun qu’une société mûrit et change, non par la décision des gouvernants, quels qu’ils soient. Je l’ai bien vécu comme élu local pendant dix ans : le rôle du politique, c’est de servir l’action de ceux qui agissent sur le terrain pour une société plus juste, pour préserver la paix, défendre la sécurité, transmettre la culture, permettre la prospérité… Les élus sont au service des citoyens : c’est le sens de la politique, celui qu’il nous faut retrouver. C’est en ce sens que j’ai parfois regretté que nous attendions trop de la politique – et les chrétiens auxquels je parlais tombent aussi trop souvent dans cette erreur : on ne cesse de se plaindre de tout, et on croit spontanément qu’il faudrait être au pouvoir pour agir : alors qu’au contraire, si l’on pense devoir servir la société dans laquelle on vit, il ne faut pas attendre tout de la politique, il faut s’engager concrètement là où l’on est et faire avancer les choses dans le bon sens. Puisqu’en démocratie la politique reflète naturellement l’état de la société, elle suivra les progrès qu’on aura su y faire mûrir en faisant avancer les choses depuis le terrain.

Sur Jean Ousset, comme Joseph de Maistre et Louis de Bonald, je dois avouer que je ne suis pas un lecteur familier de ces auteurs. Mes références familières sont issues de ma formation en philosophie, et de mes études littéraires, de Aristote à Arendt, ou de Saint-Ex et Bernanos.

Sur le conservatisme, j’ai déjà évoqué longuement cette question, notamment dans Demeure : je ne crois pas au progressisme comme mouvement perpétuel en quête d’un futur réputé forcément meilleur ; mais dans la crise que nous traversons, il me semble que protéger ce qui mérite d’être transmis, une culture commune ou un environnement mieux préservé, suppose de ne pas se contenter d’un immobilisme inefficace : il nous faudra être créatifs et imaginatifs, inventer et non seulement « conserver ».

Sur « l’union des droites », je ne sais pas à quels « cercles » vous faites allusion. Je n’ai jamais rencontré M. Le Gallou. Je n’ai jamais parlé de cette question avec Christophe Billan, que je connais en effet parce qu’il habite dans ma ville. Je n’ai aucun contact avec Marion Maréchal ; j’ai découvert son propos dans la presse. Sur le fond de cette question, là aussi, je me suis longuement exprimé et toujours de manière claire et cohérente : je ne crois pas à cette chimère d’une alliance d’appareils, qui plus est entre des partis qui ont si peu en commun. Quand Marine Le Pen m’attaque parce que je serais le représentant d’une droite « versaillaise » et bourgeoise, j’ai l’impression d’entendre le vieux refrain de la lutte des classes ; je crois à la politique comme une façon d’unir les Français autour d’un vrai dialogue de fond – non de les diviser à partir de catégories sociales.

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2 commentaires

  1. Intéressant sauf la fin qui cache une contradiction : pas d’alliance d’appareils mais recherche d’union des français

  2. Mais non c’est cela Bellamy, jamais ni oui ni non et toujours dans la gélatine consensuelle, la diplomatie, l’art de ne déplaire à personne, le consensus mou jusqu’à la nausée…

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