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France : Politique en France

Exercice délicat que de vouloir philosopher et faire de la politique tout à la fois…

Exercice délicat que de vouloir philosopher et faire de la politique tout à la fois…

Suite à la rumeur faisant de François-Xavier Bellamy la tête de liste LR aux élections européennes (il ne s’agit que d’une rumeur puisqu’aucune proposition n’a été faite par LR à François-Xavier Bellamy), Constance Prazel s’interroge sur Liberté Politique :

[…] Qu’il nous soit permis ici d’exprimer quelques inquiétudes sur les espoirs suscités par l’adjoint au maire de Versailles.

François-Xavier Bellamy, professeur de philosophie à l’ENC de la rue Blomet, a conquis ses lettres de noblesse à travers des écrits, qui, pourtant, ne révolutionnent pas la pensée de droite. Indépendamment de son premier ouvrage, ses prises de position brassent des généralités qui ont le mérite de ne fâcher personne, quand elles ne caressent pas avec application le politiquement correct dans le sens du poil.

François-Xavier Bellamy s’est fait en effet une spécialité d’aborder les sujets qui mettent tout le monde d’accord (hommage au Colonel Beltrame, réflexion sur l’importance de la culture), tout en évitant les sujets qui fâchent : le problème de l’islamisation en France, par exemple, est quasiment absent de ses réflexions. L’identité est chez lui un mot flou, comme l’immigration ou même l’histoire ; il n’est pas plus à l’aise avec le mot de « conservateur » qui tourne autour de sa personne. A peine esquisse-t-il celui de « communautarisme », toujours au pluriel, pour être bien sûr de ne stigmatiser personne. Quand on lui rappelle son engagement pour LMPT, il rappelle qu’il lutte contre les « communautarismes de toutes sortes. »

Pour François-Xavier Bellamy, l’identité est un « lieu qui est la condition de l’ouverture. » Est-ce avec des assertions de ce type que l’on peut espérer faire entendre une voix forte dans notre monde en décomposition ? « Je ne remets pas en cause l’immigration, au contraire, je crois que les échanges entre les cultures ont toujours été féconds, je crois aussi que nous avons un devoir envers les plus malheureux » (intervention sur Soir 3, 7 octobre 2018). Des propos confondants de bonne conscience et d’irénisme. Mais quand ils sont prononcés par le philosophe de la droite, le porte-parole du « conservatisme apaisé », pour reprendre les mots de Jean-Paul Enthoven, tout critique doit s’incliner.

Au fil des dernières interventions médiatiques de François-Xavier Bellamy, on voit se dessiner le portrait d’un penseur tétanisé à l’idée de se fâcher avec quelqu’un. A l’écrit, domine la rhétorique de l’incertitude, tandis que fourmillent les formules du type « on n’est pas sûr », « rien n’est certain », et que se multiplient les points d’interrogation. L’interrogation est chose bonne car, comme le disait Péguy, rien de pire qu’une pensée toute faite. Mais une pensée qui ne s’assume pas ne donne rien de bon en politique, surtout dans la situation de crise qui est la nôtre. On parle beaucoup de sens, mais pour aller où ? Bellamy pose la question, mais se garde bien d’y répondre. Ou plutôt si, on apprendra que l’objectif est de « parler ensemble », qu’il faut « sauver la possibilité même de vivre dans ce monde. » Le renouveau peut-il se contenter de formules du type : « La politique devrait être l’occasion d’élaborer une vision partagée » ? (article paru dans Les Echos). Un journaliste de FranceTV info revenant sur son passage chez Soir 3 souligne d’ailleurs, bien humblement, que le but que se fixe Bellamy « n’est pas toujours identifié. »

« Je n’ai pas voulu stigmatiser quelque chose », « je ne suis pas là pour juger », « je veux tenter de comprendre ». Un abus de précautions oratoires, de « peut-être » et de « il me semble », une volonté de tout tenir, tout le temps,  jusqu’à la saturation.  Il nomme son livre « Demeure », mais explique qu’il ne faut « surtout pas arrêter le mouvement. » (France Inter). C’est un « défi. » Certes.

La rhétorique du flou peut parfois être franchement néfaste, comme c’est le cas dans une interview récente sur France Inter dans laquelle Bellamy aborde le sujet « facile » (pour son milieu d’origine) de la PMA : quand le journaliste l’entraîne sur le terrain mouvant de la conquête de nouveaux droits, il insiste lourdement sur le fait qu’il ne représente pas LMPT (ce qui est dommage, c’est que nombreux sont ceux qui, au sein de LMPT, sont persuadés qu’il les représente !) , et nous explique que « nos désirs sont légitimes en eux-mêmes » (ce qui est quand même sujet à caution !). Bien plus, il ramène le débat sur la loi Taubira à la seule question de la filiation, comme si l’union de deux hommes ou de deux femmes ne devait pas présenter, intrinsèquement et fondamentalement, pour un penseur catholique, un problème radical et un point de non-retour, autour de la notion d’altérité sexuelle. La question, nous dit Bellamy, n’est pas celle de « l’égalité », mais celle de « notre capacité à habiter vraiment nos corps. » Nos politiques seront bien en peine quand il s’agira d’orienter leur projet politique vers l’action sur cette base.

Quand le journaliste lui demande de se positionner entre « droite Pécresse », et « droite Wauquiez », Bellamy botte en touche en rendant un hommage à Emmanuel Macron et à sa capacité à dépasser les clivages qu’on a du mal à écouter sans s’étrangler. Ali Baddou pointe ses contradictions, au mot près, et salue un numéro de grande maîtrise de la langue de bois.

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6 commentaires

  1. Lui ou un autre, LR restera ce qui est politiquement redéfinit depuis 2017 : une fausse opposition en carton pâte, mais vraie succursale pour arrimer la bourgeoisie de province au Macronisme…

  2. Je redonne la réponse que j’avais faite ici https://lesalonbeige.fr/francois-xavier-bellamy-tete-de-liste-lr-aux-europeennes/
    à un commentaire naïf de “Douce” qui s’extasiait à la perspective de pouvoir voter pour un jeune homme propre sur lui et qui soit de droite mais pas trop, piégée par la lecture du dernier livre de M. Bellamy (comme tous les électeurs de droite se font piéger par les faux hommes politiques de droite depuis au moins Chirac et le discours de Cochin):

    Non, ce serait comme d’habitude avec les Républicains: des mots, toujours des mots, et jamais d’actes.
    Bellamy est foncièrement mou. Ici à Versailles, chaque fois que nous l’avons approché pour qu’il nous aide à convaincre Mazières (qui est encore plus mou que Bellamy) de faire quelque chose (contre les affichages urbains pro-adultère ou homosexualistes par exemple), il a toujours trouvé une bonne raison pour ne rien faire. À fuir!
    D’ailleurs aux législatives, il lui a manqué huit cents voix; c’étaient des nôtres (je veux dire Versailles Familles Avenir), car de même qu’il n’a jamais accepter de rien faire de concret, de même nous avons refusé de voter pour lui…
    À quoi bon élire quelqu’un qui n’agit pas?

  3. Entièrement d’accord avec votre opinion sur F. X. Bellamy. J’ai déjà eu l’occasion de me confronter à lui il y a quelques années sur son blog et j’ai été bien déçu. De l’eau tiède et rien d’autre ! Quand à son attitude au conseil municipal de Versailles, la description qu’en fait René Clémenti est en tous points conforme à la réalité. Le simple fait qu’une rumeur parlerait de lui comme tête de liste LR aux européennes est en soit une preuve suffisante pour ne pas lui faire confiance et si à la différence de monsieur Clémenti j’ai quand même voté pour lui au deuxième tour des dernières législatives c’était sans illusions et parce que je savais qu’il ne passerait pas.
    Ceci dit, c’est un gentil garçon et sans doute un bon professeur de philosophie quoique vu mon âge je n’aie pas été en mesure de le vérifier par moi-même…

  4. Il ne s’agit pas de se réjouir de l’élection d’un macroniste, mais de faire comprendre aux hommes politiques qui se prétendent de droite et qui tiennent de beaux discours de droite que, précisément, les beaux discours ne nous suffisent plus; ils nous ont fait le coup beaucoup trop souvent: élus à droite, agissant ou laissant agir la gauche. Nous ne voterons plus que pour des gens de droite qui agirons en gens de droite. Quitte même à ce qu’ils parlent moins!

  5. Je serais bien en peine de vous répondre, car je ne comprends rien à ce que vous voulez dire précisément…
    Vous pouvez expliquer votre première proposition et développer un peu la deuxième?

  6. Personne ne reproche à M. Bellamy de “ne pas agir assez”. Il n’agit pas du tout.
    D’ailleurs il ne s’agit pas à proprement parler de reproches, puisque, après tout, chacun son tempérament, et le sien est dans la réflexion et la parole; mais simplement, dans la mesure où il se refuse à agir, ce qui est parfaitement son droit, nous, nous refusons de voter pour lui, ce qui est parfaitement le nôtre. On élit quelqu’un pour qu’il agisse, pas pour qu’il se contente de penser. La pensée et la parole de M. Bellamy seraient beaucoup plus efficaces s’il ne les battait pas lui même en brèche par une action politique inexistante. Qu’il écrive, qu’il parle, et même le plus possible, puisque sa pensée et sa parole vont dans le bon sens. Mais se faire élire pour, une fois élu, ne pas mettre en pratique ses propres réflexions, cela semble problématique.
    Nous sommes quelques-uns à avoir décidé de ne plus voter pour des hommes politiques soi-disant de droite et qui, lorsqu’ils sont élus, refusent d’appliquer des mesures de droite et même de revenir sur les mesures de gauche prises par la gauche.
    Je ne parle pas de mesures économiques ou fiscales, qui n’ont dans la perspective de la survie ou de la disparition d’une civilisation aucun caractère essentiel. Je parle de choses un petit peu plus importantes, et qui toutes nous ont été prodiguées par la soi-disant droite: Avortement: Giscard. Suppression de la censure cinématographique et par là promotion de la pornographie: Giscard (avec aux manettes son ministre de la Culture de l’époque Michel Guy, mort depuis du sida). Regroupement familial: Giscard. Repentance et autoflagellation à répétition: Chirac. Mépris du vote populaire (refus de la Constitution européenne): Sarkozy. Profession de foi écrite dans un avortement désormais élevé au rang de “droit fondamental”: Fillon. Refus d’abroger la loi Taubira: Le Maire, Kosciusko-Morizet, et tous les autres, Pécresse, etc.
    Tous ces gens-là, seuls les dindons de la farce votent encore pour eux. Grand bien leur fasse!
    Pour répondre à votre dernière question: non, je ne vois pas d’adversaire plus dangereux que celui qui se présente sous les couleurs de votre allié et fait en réalité le jeu d’en face.

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