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France : Politique en France

Excitations malsaines de l’Etat à propos de l’affaire Alstom

General Electric, le conglomérat américano-canadien, a proposé de racheter Alstom :

"La rumeur une fois connue et confirmée, deux phénomènes apparaissent : d’une part, les journalistes s’empressent de fourrer leurs gros micros mous sous le nez des politiciens, à commencer par celui de Valls et de Montebourg, le frétillant ministre de l’industrie et des pilules bleues qui aident à la reproduction, afin de bien leur faire comprendre qu’il était impératif qu’ils s’expriment. D’autre part, ces mêmes politiciens ont évidemment répondu aux questions posées en apportant une saine dose de « Pas De Ça Chez Nous » à laquelle, il faut bien le dire, les journalistes s’attendaient.

Si je souligne ces deux acteurs (les journalistes d’un côté, les politiciens de l’autre), c’est parce que leur interaction est ici essentielle : les journalistes n’auraient pas été titiller les politiciens s’ils n’avaient pas senti que ces derniers s’empresseraient de réagir ainsi, et les politiciens se seraient probablement bien passés de faire le moindre commentaire si les journalistes n’étaient pas venus les voir. Et c’est d’autant plus vrai que chacun des deux a un intérêt à réagir ainsi : les pisse-copies ont bien du mal, actuellement, à enchaîner la moindre analyse pertinente sur la situation politico-économique française (ou, pire encore, sur les enjeux de la prochaine élection européenne) et les politiciens, de leur côté, n’existent pas s’ils n’ont pas leur nom quelque part dans l’un des milliers d’articles que la presse subventionnée produit tous les jours pour faire semblant d’informer son lectorat.

La situation ainsi campée, il était donc inévitable que Valls puis Montebourg s’expriment.

Pour Valls, l’affaire fut réglée par une pirouette : « je m’exprime bruyamment pour dire que je ne vais rien dire. Ainsi, j’existe médiatiquement et mon non-communiqué sera amplement repris pour dire, après analyse, que je n’ai rien dit » avec le bonus de se laisser une voie d’intervention possible :« Nous sommes attentifs », ce qui veut dire que si jamais General Electric devait fauter, hop hop hop, le gouvernement interviendrait. Epic win et tout ça.

Pour Montebourg, bien sûr, il s’agissait de montrer que la France, éternelle et merveilleuse, n’allait pas se laisser faire ainsi. Dès la rumeur connue, les coulisses s’agitèrent. L’idée générale est toujours la même : les actionnaires d’Alstom, parmi lesquels on put compter l’État avant qu’il revende ses parts à Bouygues, ne sont pas assez malins pour savoir ce qui est bon pour eux. Le gouvernement, fermement cornaqué par le fier Arnaud, lui, sait qu’il ne faut pas qu’un groupe étranger, à plus forte raison américain, entre au capital ou le rachète entièrement, parce que… parce que c’est mal, voyons, c’est évident. Dès lors, une saine « préoccupation et une vigilance patriotiques » sont nécessaires, ce qui se traduit par des approches de plus en plus lascives vers… Siemens.

Tout ceci est confus ? Rassurez-vous, tout est hors contrôle, Montebourg est aux commandes et appuie sur tous les boutons, les gros leviers et les petites volants pour obtenir un truc, n’importe quoi, qui puisse se médiatiser sous la forme d’une réussite, de près ou de loin. Et si ce n’importe quoi passe par l’exacte antithèse de ce qui nous a été vendu il y a quelques années par Sarkozy (qui s’est, rappelons-le, « battu » – avec l’argent des autres – pour qu’Alstom reste 100% français), eh bien tant mieux : allons voir Siemens qui sera certainement ravi de former un « partenariat » avec la société française, pardi ! Partenariat d’autant plus fructueux que là où General Electric peut s’avérer complémentaire à Alstom en Europe, Siemens lui est directement concurrent, ce qui promet des décisions douloureuses au niveau des salariés

Décidément, rien de plus jouissif pour un politicien que faire l’exact contraire de ce qu’un concurrent fit jadis, surtout si cela permet, même vaguement, de modifier le cours normal des choses et d’intervenir avec fracas dans la vie de milliers de personnes ! Peu importe que le résultat soit probablement sous-optimal pour ceux qui ont un intérêt direct dans la société (actionnaires, salariés, fournisseurs et clients) : l’État (et en particulier Montebourg) a une idée précise de ce qu’il convient de faire (à savoir s’agiter), idée bien mieux renseignée que ces différentes parties prenantes, évidemment !

Il est particulièrement éclairant de voir le calme et la pondération qui ont accompagné le rachat de l’activité téléphonique de Nokia par Microsoft d’un côté, et l’effervescence journalitico-politique lorsqu’il s’est agit d’Alstom par General Electric. Que le premier rachat se situe en Finlande et le second en France explique seulement en partie la différence de traitement ; ne nous leurrons pas, les Français sont latins et on les voit mal rester de marbre lorsqu’un changement d’importance arrive. Mais comment qualifier l’intervention de l’État et de ses sbires dans cette affaire si ce n’est par « ingérence » ? Sous prétexte de « sauver » de l’emploi en France, des tractations et des pressions sont faites en dépit de tout respect du droit de propriété et, surtout, de toute discrétion qui devrait entourer des affaires de cette importance.

Pire : comment justifier ces changements de politique industrielle (un coup Siemens est le diable, un autre un partenaire valable) ? Comment n’y pas voir la frénésie du court-terme, les petits arrangements à la va-vite, la connivence, le bricolage voire la panique ? Comment croire que toute cette agitation n’aura aucun impact sur la viabilité de l’entreprise ? Et surtout, comment imaginer, avec l’historique catastrophique de l’État en général, et de Montebourg en particulier, que ces excitations se termineront bien ?"

Selon Aymeric Chauprade :

"C’est une affaire très grave. C’est notre filière nucléaire qui est en danger dans cette affaire. Et c’est la preuve que ce qui se prépare, ce n’est pas le marché unique européen, c’est le marché transatlantique et ce n’est donc pas ce qui a été promis aux Français. Nous en avons la preuve avec une Union européenne qui organise le démantèlement de notre industrie. Il faut que l’Etat intervienne pour nationaliser temporairement Alstom. En aucun cas Siemens ne sera pas le sauveur d’Alstom".

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8 commentaires

  1. E.CHAUPRADE a parfaitement raison.
    Pas d’autre solution de court terme.

  2. Les ultra-libéraux, qui se complaisent à voir la France dépossédée d’industries stratégiques se montrent tels qu’ils sont : les ennemis de la patrie.
    Il n’y a pas d’autre solution raisonnable que la nationalisation partielle et provisoire. Ce n’est pas être socialiste que dire cela. C’est être colbertiste dans la plus noble tradition française !

  3. Aymeric Chauprade a raison. Comme Ethos je soutiens cette solution. Il faut avoir travaillé dans le monde de l’industrie internationale de l’énergie pour comprendre que Alstom est essentiel à l’indépendance énergétique de la France. La France doit résister à cette attaque par tout moyen approprié, y compris la nationalisation temporaire.

  4. De Gaulle a eu du mal, contre l’Amérique, a avoir sa dissuasion nucléaire. Voilà la réalité : fin du nucléaire, fin de l’indépendance française, fin de l’armée aussi !

  5. Comment peut-on oublier que :
    « Le sol de la Patrie, quand on l’abandonne, se mesure au mètre. »
    René QUINTON
    Croyez-vous que “vivre dans un parc d’attraction ou dans un musée” est une finalité ou un objectif enthousiasmants ?

  6. Mais Valls, Hollande, Montebourg et consorts se fichent complètement d’Alstom ou de l’industrie française !
    Probablement autant qu’ils se contrefichent de la France ou des français c’est vous dire !
    Le cadet de leurs soucis…

  7. Laisser les ricains ou les allemands s’emparer d’une importante industrie francaise est une grave erreur stratègique .
    Les ricains impriment leur papier monnaie qui ne vaut que le cout du papier imprimé et moins encore car c’est du chiffre par transfert informatique pas plus cher que de l’air …alors meme que le dollar ne vaut rien avec la planche à billets adossée à rien …
    Quand aux allemands ,aucune raison de laisser des étrangers s’emparer de nos fleurons industriels sous prétexte qu’ils sont de l’UE ,dont nous ne voulons pas la dictature jusqu’à perpette !
    Parler d’emplois à garder au lieu d’industries francaises à garder durablement en France montre l’hypocrisie et manque d’envergure du PS toujours prèt pour la prèferrence étrangère .
    Il faut nationaliser et ne jamais privatiser tout ce qui est nucléaire, énergies et transports publics en France !
    Nous avons financer toutes ces entreprises par nos impots et l’umps ne pensent qu’à privatiser ensuite les profits ….voilà de quoi il s’agit ,quand ce n’est pas pour saboter sciemment nos industries comme l’acier et l’imposture UE qui a servi à démanteler toute cette industrie francaise ,comme les chaussures,les vetements ,les puces bancaires , et tant d’autres toutes bradées jusqu’aux autoroutes pour privatiser les profits en achetant nos industries à vil prix .
    De nos jours 12 milliards d’euros c’est des clopinettes quand on perd déjà 100 milliards par an pour financer l’invasion migratoire parasitaire !

  8. M Chauprade exprime une opinion courageuse, car pas dans l’air du temps. Oui ALstom détient les brevet des merveilleuses turbines de l’EPR et tant d’autres, et du savoir faire exceptionnel dans le doamine du nucléaire de l’hydraulique (les turbines du barrage des trois gorges par exemple). Oui c’est un industriel fleuron de notre industrie presque morte.
    Mais pour le sauver, il faudrait dire pourquoi GE et SIEMENS veulent et peuvent l’acheter et pas l’inverse! Parce que, en France, le financier et le politique ayant souvent pris le pas dans les décisions des Grands Groupes Français, les décisions n’ont pas l’approfondissement technique nécessaire, d’ou des malfaçons, des contrats impossibles, des sous-traitants inadaptés (mais moins-disants et imposés par les lois européennes).. un code du travail hyper-protecteur pour les salariés du groupe qui entraîne une sur sollicitation des contractuels mobiles et la perte de savoir faire…une nouvelles taxe pro avec la surface occupée comme assiette (pauvre ALSTOM avec ses immenses ateliers), les groupes accumulent les pertes sur les contrats, les réclamations, et les coûts…
    Pour sortir de ces maladies chroniques dues aux législations françaises et européennes, il suffit de se faire racheter par un groupe Américain ou Chinois qui imposera ses règles et sa localisation. Exit les maux français. Exunt les entreprises industrielles.
    Alors, plutôt que de jouer les fillettes effarouchés, nos ministres devraient s’attaquer vite (très vite) aux CAUSES..
    Souvenons-nous des règles des 5 “pourquoi” en vigueur dans la recherche des causes dans les domaines techniques et appliquons-les!
    Cela dit Westinghouse, père des centrales PWR a certainement également des yeux sur ALSTOM mais pas encore les moyens!

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