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Bioéthique

Débat sur la bioéthique à Angers : tous les participants contre la réforme, sauf les intervenants

Compte-rendu d'un "débat" organisé dans le cadre des états généraux de la bioéthique, mardi soir, à Angers, sur le thème : « L’Assistance Médicale à la Procréation pour tou•te•s ? »

DU1GKRfWsAAQrTu"Comprendre : « pour toutes et tous »… on ne philosophera pas sur l’utilisation de l’écriture inclusive ??

J’avoue m’être rendu à ce débat avec un peu d’appréhension et avec deux objectifs :

  • prendre part au débat et donner mon avis sur ce sujet : pour une fois que l’État nous donne la parole dans un débat ouvert, on ne va se priver.
  • écouter les arguments des défenseurs de la procréation médicalement assistée (des pro-PMA et / ou pro-GPA, comme on les appelle).

Il faut reconnaitre qu’on ne savait pas trop à quoi s’attendre puisque ce genre de débat n’a lieu que tous les 5 ans. L’ambiance d’avant-débat était d’ailleurs intéressante : tout le monde s’observe, se toise, sans savoir qui pense quoi, qui va dire quoi.

18h30, début de la soirée.

“Va-t-on vraiment débattre de ça ?”

Après une courte introduction du journaliste-médiateur (Thierry Lardeux) de la soirée, le Dr. Miguel Jean, directeur de l’Espace de Réflexion Éthique (ERE) des Pays de la Loire, nous précise une chose : “Mon souhait ce soir, c’est que vous ayez la parole, que vous parliez et donniez votre avis. Ce soir, c’est votre soirée !”

Les 4 intervenants ont été présentés :

  • Dr. Pascale May-Panloup, Responsable de l’Unité Fonctionnelle de Biologie de la Reproduction du CHU d’Angers ;
  • Magali Bouteille-Brigant, Maitre de conférences en droit privé ;
  • Caroline Delavoux, du collectif BAMP ;
  • Dr. Miguel Jean, Maître de conférences des Universités (Biologie de la reproduction) et directeur de l’Espace de Réflexion Ethique des Pays de la Loire.

Et après une courte présentation de ce qu’est la procréation médicalement assistée aujourd’hui d’un point de vue médical (par le Dr. May-Panloup) puis juridique (par Mme Bouteille-Brigant), Caroline Delavoux a présenté le collectif BAMP. Le décor était planté.

Est alors ré-intervenu le Dr. Jean pour nous re-dire que cette soirée était pour nous, les personnes présentes, puis il a conclu : “La première question que l’on peut se poser sur la procréation médicalement assistée est celle de la limite d’âge : doit-on en fixer une minimale ? Une maximale ?”

Le journaliste-médiateur reprend alors la parole et nous indique que cette question est la première de notre débat du soir, et que nous avons 20 minutes pour en débattre. 20 minutes…

Stupeur dans la salle : va-t-on vraiment débattre de cette question avant de se demander pourquoi et comment mettra-t-on en place la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes et les femmes seules ? Nous avons cru pendant de longues minutes que le débat allait se concentrer sur des questions de détails comme celle-ci, sans poser les vrais questions de fond.

Quelques interventions sortent du thème de la première question pour aborder – avec raison – la procréation médicalement assistée, coeur du débat du jour. En vain, le journaliste médiateur nous ramène toujours à cette première question, pendant 20 minutes.

Le ton est un peu monté entre certaines personnes du public et les intervenants. Nous avons cru, un instant, que le débat allait nous être confisqué. Puis, après 20 minutes d’un débat aux allures de mascarade, nous voilà enfin dans le coeur du sujet : la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes (deuxième thème de la soirée), pour les femmes seules(troisième thème) et, enfin, la procréation médicalement assistée pour les couples d’hommes (plus clairement appelée “les mères porteuses” ou “la GPA”)(quatrième question).

Un débat plein d’inquiétudes et de réserves

Disons-le clairement : la salle étaient assez largement remplie de personnes défavorable à ce projet. Le débat a été plutôt apaisé et toutes les personnes qui ont pris la parole ont développés des arguments tous plus divers les uns que les autres. Sur une trentaine de questions, une petite dizaine ont été posées par des jeunes, ce qui est une excellente chose. Il y avait des exemples, des témoignages et surtout des arguments de fond. Bref, cela tenait la route. De nombreuses inquiétudes ont pu être soulevées, beaucoup de réserves émises, et évidemment pas de consensus sur ces questions… contrairement au souhait du président de la République, Emmanuel Macron.

Après 1h30 de débat, aucune intervention (j’insiste : aucune !) n’avait été faite en faveur de ces réformes. Je tiens à insister sur le fait que jusqu’à ce moment toutes les interventions avaient développées des arguments de fond, et qu’aucune attaque n’avait été émise à l’encontre de qui que ce soit, et encore moins à l’encontre des couples de mêmes sexe.

Un évènement important à mentionner : au milieu du débat, alors qu’un médecin venait de poser une question au sujet de l’eugénisme que pouvait entrainer la procréation médicalement assistée, la représentante du collectif BAMP a pris le micro pour dire : “Non il n’y a pas d’eugénisme. C’est inadmissible d’entendre des arguments pareils. Ce n’est pas le débat. Je m’en vais !”… et a tout bonnement quitté la salle.

Mais quels sont les arguments de fond ?

C’est alors que le micro est donné à une personne entourée d’un groupe qui l’accompagnait. Cette dame donne alors le micro à l’une de ses consœurs qui crie dans le micro : “Les sondages disent que 60% des français sont POUR la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes. Mais ils sont où les 60% ce soir ?” Sourires dans la salle : à vrai dire, c’est une excellente question. Puis le micro revient à la dame qui l’avait initialement. Elle commence par expliquer que la salle est “clairement défavorable au projet présenté” et que le débat est biaisé. Elle enchaine en expliquant qu’elle est la présidente du Centre LGBT d’Angers puis conclut : “La Manif Pour Tous occupe le terrain de nos débats, cette même Manif Pour Tous qui colle des autocollants partout dans Angers.” Elle rend le micro et se rassoit. Voilà : c’en est terminé pour son intervention.

Le seul moment où une représente du “camp du POUR”, théoriquement formée sur ces questions et qui pourrait développer un véritable argumentaire en faveur du projet de procréation médicalement assistée pour les couples de femmes et les femmes seules, ce seul moment où elle avait la parole et une tribune ouverte pour s’exprimer librement… a été utilisé pour attaquer plutôt que pour développer de véritables arguments, des arguments de fond.

L’intervention suivante a enfin apporté un élément de fond en faveur de l’élargissement de la procréation médicalement assistée. Un jeune a pris la parole pour expliquer que, ces femmes, “si elles veulent un enfant, pourquoi n’auraient-elles pas le droit d’en avoir ? Si c’est leur désir, leur souhait ! Elle font ce qu’elles veulent, tout comme moi, hétéro, je fais ce que je veux ! En plus, je suis un homme, alors ça ne me concerne pas.” Même si l’argument contient de nombreux biais et qu’on peut assez facilement y répondre, il a le mérite de poser les questions du droit, du désir et de la liberté. Après environ 1h45 de débat, il était temps d’avoir un semblant d’argument.

Et pour finir…

Nous avons abordé le sujet de la pratique des mères porteuses (dite aussi gestation pour autrui ou GPA). Aborder est un bien grand mot. Nous l’avons plutôt survolé, en 10 minutes, puisque nous n’avions plus assez de temps : quand on a passé 20 minutes sur l’âge limite de la procréation médicalement assistée en début de débat, avouez que c’est très frustrant. En sortant de ce débat, une chose est frappante, voir criante : l’absence de véritable argument de fond pour défendre l’extension de la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes et les femmes seules. On note aussi que les partisans de ces réformes ne se déplacent absolument pas pour défendre leurs idées. Peut-être en réalité sont-ils très peu nombreux ? C’est en tout cas une preuve assez évidente que cette question ne les intéresse pas… et qu’il y a plus important aujourd’hui à régler en France.

Une question demeure en revanche, même deux jours après ce débat : “Mais ils sont où les 60% qui sont pour ?”

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10 commentaires

  1. La question de l’eugénisme est en effet le coeur du débat une fois “admis” le principe de la dissociation union-procréation: le tri morphologique des embryons était dès l’origine inhérent à la technique de fécondation in vitro, avant même le diagnostic génétique pré-implantatoire, et le diagnostic prénatal par amniocentèse ( avant la biopsie trophoblastique) systématique . L’encyclique Donum vitae de 1987 était prophétique…trente ans plus tard les conséquences délétères et déshumanisantes de la technique de procréation artificielle sont bien visibles.

  2. Le problème c’est que beaucoup de ceux qui sont contre la pma/gpa/euthanasie pensent que le premier danger pour la France est l’immigration et de ce fait ne se battront pas contre les nouvelles lois contre la vie. Question de priorité chez les ouvriers notamment qui se savent lâchés par les syndicats.

  3. Les partisans du POUR ne se déplacent pas car ils savent que les pouvoirs législatif et exécutif sont gagnés à leur cause. ils ne se fatiguent donc pas à faire semblant d’alimenter ce débat. Je crains que nos participations à ces débats cautionnent un dialogue qui n’aura en fait jamais lieu. Que faire alors ? je n’en sais rien mais je crois que seules les manifestations de masse peuvent avoir un éventuel effet, même si l’exemple du mariage pour tous ne plaide pas forcément en faveur de ce moyen d’action.

  4. Pour son équilibre psychique, un enfant a besoin d’avoir un père de sexe masculin et une mère de sexe féminin. Il est aussi préférable qu’il tête les seins de sa mère plutôt que de n’être nourri qu’au biberon. D’où le côté ridicule et contre-nature de ce congé parental obligatoire pour l’homme.
    Que constate-t-on ? Que l’homme est un loup pour l’homme. On se souvient que pour vendre leur lait en poudre, certaines firmes internationales n’hésitèrent pas à dénigrer le lait maternel. Aujourd’hui, le marché de la PMA/GPA est une mine d’or. Tous les coups sont permis pour l’imposer au détriment du plus faible.
    Grâce aux différents traités internationaux qui imposent une juridiction indépendante des états, il ne sera plus possible à un pays de restreindre ce genre de commerce. Le veau d’or primera sur toute autre considération. C’est la volonté de l’Union Européenne d’en arriver à ce stade. D’où la nécessité de la quitter pour construire une Europe des états souverains et non soumise à une commission non élue.

  5. @Dureau :
    “je crois que seules les manifestations de masse peuvent avoir un éventuel effet”
    Je pense que vous vous faites des illusions.

  6. @Aurélien
    oui, et j’ai été prudent dans ma formulation, mais c’est aussi l’histoire du colibri qui cherche à éteindre l’incendie. Il n’apporte pas beaucoup d’eau mais il fait sa part. Je ferai ma part en allant aux débats et en descendant dans la rue. Ne pas subir.

  7. les illusions, c’est surtout au moment des votes qu’il faut les éviter
    quand je vois les commentaires précédents, il semble que les partis et les candidats étaient partagés entre migrants, mariage pour tous, pma-gpa, euthanasie, etc
    qu’en était-il vraiment?
    et le candidat élu ne faisait-il pas l’unanimité pour tout ce qui précède?
    il faut avoir un certain courage pour glisser le bulletin qui déplait

  8. IL n’y a, en fait, pas de vrai débat, pas de véritables arguments. Tout cela est contre nature, tout cela relève d’une idéologie matérialiste et antichrétienne qui nous est imposée par la finance, et les sociétés secrètes; Est-il possible de jouer avec des dés pipés?

  9. @ Dureau et @ Aurélien D’Haussy :
    Les manifs peuvent parfois au moins limiter les dégâts :
    celles de La Manif pour Tous en 2013 et 2014 ont tout de même empêché la légalisation de la PMA sans père, originellement prévue dans la loi Taubira…
    Son promoteur l’a reconnu lui-même en mai 2016 dans Marianne :
    PMA : “La victoire de la Manif pour tous est d’avoir congelé les ambitions sociétales de la gauche”
    https://www.marianne.net/societe/pma-la-victoire-de-la-manif-pour-tous-est-davoir-congele-les-ambitions-societales-de-la

  10. @David : j’en conviens. Je n’appelle pas ça une victoire poir autant.

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