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Histoire du christianisme

Débat entre Jean Madiran et Emile Poulat sur le modernisme

La Nef a mis en ligne le débat autour du modernisme entre Jean Madiran et Emile Poulat. Extraits :

N Jean Madiran Aujourd’hui on ne veut plus parler du modernisme. Seule en parle encore l’école contre-révolutionnaire. On subit une sorte de tabou officiel qui fait que les héritiers du modernisme ne veulent pas qu’on en parle sous ce nom. La différence entre le modernisme historique, dont vous êtes l’historien éminent, et le modernisme d’aujourd’hui, c’est que celui de la fin du XIXe, début XXe, n’atteint absolument pas les catholiques. Ce sont des contestations entre gens très savants dont la science formera peu à peu des professeurs et toute une culture, mais l’ensemble de la culture chrétienne, la vie des paroisses ou celle des séminaires ne sont guère concernés par le modernisme. Aujourd’hui la maladie s’est répandue partout ; tous les débats supposés ou réellement théologiques ou scientifiques sont à la portée de tous, tout le monde en parle. Maritain, à la sortie du Concile, pour ne citer que lui, a parlé du modernisme originel pour dire, dans une formule un peu exagérée, que ce modernisme était un léger rhume des foins en comparaison de celui de la seconde moitié du XXe siècle. […]

"Émile Poulat – Après la Révolution, l’ensemble du catholicisme français s’est constitué de manière contre-révolutionnaire, tout en sachant qu’il est parallèlement devenu un catholicisme concordataire. Les catholiques libéraux ont certes réagi face au catholicisme contre-révolutionnaire mais ils étaient considérés comme peu libéraux par les libéraux et, en toute hypothèse, une minorité de notables. Puis dans les années 1890, Léon XIII a estimé que la contre-révolution était une impasse, il a demandé donc le « ralliement ». C’était une conception très instrumentale du ralliement. En réalité, l’ensemble des catholiques ralliés ont été largement au-delà de la pensée du pape, car ils ont fait du ralliement une adhésion à toute l’idéologie démocratique post-révolutionnaire, ce que ne demandait pas Léon XIII. À partir de ce moment-là, la pensée catholique a été déstabilisée. Naît alors la distinction entre catholiques de gauche et catholiques de droite. Tout cela va s’accentuer avec la condamnation du Sillon (1910) et celle de l’Action Française (1926). Tout le courant traditionaliste actuel est issu de cette fracture. […]

La Nef – Pour conclure, un mot sur votre façon de voir l’avenir de l’Église ?

Émile Poulat Personnellement je pense que la pensée contre-révolutionnaire n’a pas beaucoup d’avenir. Le grand rêve de Léon XIII d’un nouvel ordre social chrétien à venir et à instaurer a fait long feu en France et en Europe, mais aussi, moins nettement, dans le reste du monde. L’Église catholique romaine doit réfléchir à son projet. Actuellement ce qui me paraît manquer, c’est la réflexion. On assiste à une gestion de la vie quotidienne, des paroisses, des diocèses, mais il nous manque une véritable pensée catholique et je crains que ce soit une situation appelée à durer. La dernière grande vision pontificale du monde à venir me semble avoir été l’encyclique de Jean XXIII, Pacem in terris (1963). Le catholicisme français ne manque pas de vitalité ni de multiples initiatives, mais tout cela ne fait pas un grand projet, ni une grande pensée.

Jean Madiran – Je ne crois pas aux grands projets pastoraux. Ce que j’espère, c’est que l’Église, dans la mouvance de Benoît XVI, soit appelée à dire ce que Dieu veut, dans l’esprit de ce que disait Bernadette, à propos du message de la Sainte Vierge, à savoir qu’«elle est chargée de le dire et pas de le faire croire». En n’oubliant pas que nous vivons dans un monde attaqué par la barbarie montante de l’Éducation nationale, du métissage des ethnies, des cultures et des religions et par l’expansionnisme de l’islam. Mais ces considérations-là, hautement générales, ne doivent surtout pas nous détourner de l’essentiel, qui pour chacun consiste en ses quotidiens devoirs d’état et son oraison quotidienne. À travers quoi, c’est Dieu qui «travaille sans cesse»."

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9 commentaires

  1. il ne faut pas opposer les “grands projets pastoraux” et notre “oraison quotidienne”. C’est dans l’oraison quotidienne que l’ES nous guide, si il y a lieu, vers les grands projets.
    L’Histoire et l’histoire montrent combien c’est dans le ET non dans le OU que se trouvent les solutions

  2. Jusqu’ou ira t on pour pervertir nos jeunes jusqu’à l’abjecte. On leur a dit sans doute que “c’était normal” et ils vont essayer…le normal.Leur faire lire l’Epitre de saint Paul ne servirait pas à grand chose puisque les prof ne savent même pas qui est St Paul!Pauvre monde où va t il nous mener?

  3. tout à fait d’accord avec le tout, exceptée la phrase sur « le métissage des ethnies » de Jean Madiran, qui lorsqu’il en reste au niveau biologique n’est pas un problème. N’oublions pas également que la question de l’avenir du catholicisme touche également les Asiatiques, les noirs d’Afrique, les nord-africains, les proches orientaux, les sud et nord américains…
    Pour moi, tout va dépendre du clergé à venir

  4. Le modernisme est-il moderne ?

  5. Si la pensée contre-révolutionnaire “n’avait pas d’avenir” comme le pense Emile Poulat cela pourrait vouloir dire deux choses :
    soit que la révolution aboutissant, présentement, à ses fins , c’est à dire , la réification de l’homme par l’homme succombera rapidement à cette tragique vanité.
    Cela apparaîtrait en l’état comme une perspective très optimiste;
    soit que ce serait l’Eglise qui serait sur le point de mourir , rongée par l’esprit de la révolution , puisqu’en effet ce n’est pas l’Eglise qui a choisi d’être en opposition essentielle avec la révolution, mais bien celle-ci qui a été conçue comme une machine à écraser la religion catholique et, de fil en aiguille, tenter d’effacer toute trace de son inspiration dans nos insitutions, nos lois, notre éducation notre culture, notre information etc…
    Cette hypothèse peut paraître vraissemblable pour la France, où la honteuse loi Léonetti susciterait presque moins de réaction que la présence Crucifix dans les écoles, ou, pire, d’effigies du Sacrés-Coeur à la marche pour la Vie !…
    Cependant, Dieu merci, la France , n’en déplaise à quelque Tartarins guerriers n’est pas le monde, et l’Eglise en France , faussement dite de France, n’est pas nécessairement toujours ressentie comme le visage authentique de l’Eglise universelle fidèle et raisonnable.
    Dès lors, il restera l’espoir, voire la perspective, que la France, et L’Europe, redevenues terres de mission se reconvertissent.
    Pourquoi d’ailleurs cela serait-il réservé à nos seuls amis russes ?

  6. à Corso,
    vous avez raison: il est souvent tellement ringard ,parce qu’idéologique, que la jeunesse s’en fout.
    Par ailleurs pour revenir sur les propos d’Emile Poulat, je ne sais pas si , “branché” avant l’heure Léon XIII pouvait avoir un “projet”, mais ce qui est certain , c’est que le Christ est tout spécialement venu montrer la voie à suivre à toutes les nations et à toutes les générations.

  7. “Personnellement je pense que la pensée contre-révolutionnaire n’a pas beaucoup d’avenir.” A cela s’oppose le “A la fin, mon coeur immaculé triomphera” de Notre-Dame de Fatima. Si ça ce n’est pas contre-révolutionnaire!! Quoi qu’en disent les “grands penseurs”, le modernisme est tout simplment condamné par cette simple phrase que l’on ne doit pas cesser de s’approprier. Ce n’est pas par hasard si le culte marial a été attaqué par les modernistes. La Sainte-Vierge se dresse face à eux et ils le savent.

  8. Bien d’accord avec hbd67 et Sancenay !

  9. précisons les choses:
    Monsieur Emile Poulat est présenté par le vertueux journal la Croix comme “l’historien de l’intégrisme “, c’est peut-être cette éminente distinction qui l’autorise à réviser l’histoire en disant :”qu’après la révolution , l’ensemble du catholiscisme s’est constitué de manière contre révolutionnaire”, alors que , comme je le rapelle plus haut, c’est la révolution qui, pour maintenir et accentuer le chaos né et établi pour beaucoup , précisémment des errements fort peu catholiques de la noblesse de cour, dans bien des cas, parfaitement dévoyée, s’est attaquée à ce qui avait fait, auparavant la force- et la longévité- de l’ancien régime : sa référence constante dans ses lois comme dans ses institutions à la loi naturelle.
    Le catholicisme n’a donc eu alors d’autre choix que de s’efforcer de se défendre pour ne pas mourir alors que certains par erreur, compromission ou lassitude se “ralliaient” avec le succès et la considération pour le fait catholique que l’on sait aujourd’hui.
    Et c’est manifestement ce qui nous pend au nez tant le Système pataugeant , dans le “sang impur ” de ses victimes sacrificilelles ( cf La théorie du philosophe René Girard sur ce besoin quasi rituel ) aura besoin de nouvelles ponctions pour rassasier son “goût du sang ” .

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