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France : Société

De la crise des « gilets jaunes » au sacrifice des deux commandos marine : le coût de la vie

De la crise des « gilets jaunes » au sacrifice des deux commandos marine : le coût de la vie

L’abbé Danziec écrit dans Valeurs Actuelles :

Entre la crise des « gilets jaunes » et l’émotion suscitée par le sacrifice des deux commandos marine, un œil rapide pourrait croire à la convergence d’une même colère : celle du « coût de la vie ».

Depuis des mois, les taxes qui s’additionnent et le pouvoir d’achat qui diminue justifient pour bon nombre de descendre dans la rue. La vie a un coût, et chaque samedi il s’en trouve des milliers dans l’Hexagone à crier qu’il est trop élevé.

La mort au combat de Cédric de Pierrepont et d’Alain Bertoncello nous place cependant dans un tout autre registre. Si elle suscite une admiration unanime et un infini respect, cette opération spéciale provoque chez beaucoup une amertume sourde. La vie a un coût, et, ici, l’addition semble lourde, trop lourde, pour avoir arraché d’un guêpier une paire d’hommes qui ont imprudemment joué avec le feu lors de vacances au Burkina Faso.

Bien-sûr, le contraste apparaissait saisissant entre les photographies de nos deux héros aux regards virils et les premières images des otages libérés aux visages blafards et fatigués. Bien sûr, ces soldats sont morts trop jeunes. Être élevé à titre posthume au grade de Chevalier de la légion d’honneur quand on a 33 ou 28 ans, c’est assurément trop tôt. Mais au-delà de ces considérations légitimes, se cache une interrogation, sans doute plus décisive : pourquoi donc notre monde éprouve-t-il tant de difficultés à comprendre le don de ces deux vies au bénéfice de l’inconscience de deux touristes ?

Méprise postmoderne sur le sens de l’éternité et la valeur de l’existence

Probablement parce qu’à l’heure où tout se monnaye, la gratuité n’a pas bonne presse. Elle en devient même parfois suspecte, sinon étrange. Plus profondément peut-être, l’homme postmoderne à force de vouloir gagner du temps, de tout faire pour être bien dans son corps ou de chercher à tout prix à réussir sa vie n’en finit pas de se méprendre sur le sens de l’éternité, la valeur de l’existence ou les motifs d’une bonne mort.

On pourrait surtout ajouter qu’une logique marchande, doublée d’une vue trop terrestre des choses, empêche d’appréhender le sacrifice de ces deux vies à leur juste mesure. Selon Saint-Exupéry « ce pourquoi tu es capable de mourir, c’est cela seul dont tu peux vivre ». Pour un être donné, il ne saurait y avoir de gâchis dans l’exercice libre de sa mission lorsqu’il s’agit de sauver des vies, quelles qu’elles soient. Ainsi le médecin de campagne ne choisit pas ses visites. Le prêtre ne choisit pas sa paroisse. Le commando marine ne choisit pas son intervention. Ils se donnent à elles. Assurément, elles peuvent être plus ou moins nobles, placer chacun d’eux plus ou moins sous les feux des projecteurs. Mais ils ne sont pas là pour cela. Ce qui les pousse à agir, c’est ou leur souci de guérir ou leur amour du Ciel ou leur sens de l’honneur.

La vraie grandeur ne consiste donc pas à faire ce qui nous plaît. Elle consiste davantage à répondre à une mission que l’on n’a pas choisie. Se consumer pour elle, parce qu’on l’a reçue et qu’elle revêt à nos yeux quelque chose de sacré. Et cela sans considération du coût. C’est ce que l’on appelle communément un sacerdoce. Pour une société, cela n’a pas de prix.

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8 commentaires

  1. je m’excuse mais ils n’étaient pas en vacances mais en voyage dit de noces pour 2 hommes c’est louche non? où est le respect de la loi naturelle?
    et peut-être qu’ils auraient pu réfléchir avant d’aller là-bas

  2. Je suis de l’avis de Gaudete. Le don gratuit de sa vie pour son prochain, c’est ce qu’il y a de plus sublime, et personne ne remet cela en cause. Mais que fait notre armée dans des coins bizarres d’Afrique, alors que notre pays est si malade? De tout temps, les imprudents trop imprudents l’ont payé de leur vie. Quand c’est sur le Mont-Blanc, des sauveteurs savoyards ont toujours généreusement donné la leur pour tenter de les sauver. idem pour les aventuriers de la marée sur nos côtes atlantiques. Mais à quel titre sommes-nous dans ces lointains pays? Et si on ajoute en plus le côté surréaliste de notre anti-civilisation anti-morale, il se trouve qu’il s’agit, en plus, d’une couple (oui, une couple : comme une couple d’oeufs…pour faire “un” couple il faut un mâle et une femelle, c’est de la grammaire française) d’invertis, en voyage de je ne sais quoi, qui en plus du reste voulait se donner des sensations fortes sur une zone à risque. Cette cause ne vaut pas la mort de deux hommes (vrais), et encore moins de soldats d’élite du niveau de nos deux gars. Bravo de donner sa vie : mais pour une cause qui en vaille la peine !

  3. OK pour la réflexion sur la dimension sacrificielle de la mission, mais les Français dans leur ensemble sont quand même en droit de savoir dans quelles circonstances précises et au nom de quelle doctrine d’emploi ces hommes ont été engagés pour cette mission. Autrement dit, y aura-t-il une commission d’enquête parlementaire comme pour l’affaire Benalla, car vu les énergumènes que nous avons au sommet de l’Etat nous sommes en droit de nous poser des questions ; l’intérêt supérieur de l’Etat nécessitait-il que l’on engageât des hommes d’élite pour une mission que l’on savait à très haut risque et dont le succès n’était en rien garanti ? Simplement pour récupérer des touristes inconscients alors que d’autres otages sont toujours aux mains de groupes armés dans cette région et en ce moment même ? Quelle valeur ont ces gens ? Etaient-ce de simples touristes ou autre chose ?
    C’est à ces questions que les responsables hiérarchiques, à commencer par Macron lui-même, doivent apporter des réponses… On ne dispose pas ainsi de la vie de nos soldats à la légère comme s’il s’agissait de simples soldats de plomb. Comme le dit si bien l’adage encore ici prouvé, il n’y a pas de mauvaises troupes, il n’y a que de mauvais chefs, car malgré tout et quoi qu’ils en disent, cette opération reste un demi-fiasco…

  4. Très beau texte, qui remet les choses en perspective.
    Concernant les deux hommes en vacances (ou en « voyage de noces », peu importe), j aimerais savoir enfin si oui ou non ils ont commis une grave imprudence…
    Le site du quai d Orsay n aurait été mis à jour qu après leur enlèvement, passant la zone en rouge. Si c est le cas, quid de la supposée imprudence des touristes?
    Et quid du déluge de haine dont ils font l objet partout?

  5. Vous avez raison l’Abbé,retirer du sens à ce noble sacrifice c’est assassiner une deuxieme fois ces 2 soldats,cela ne retire pas une sensation de degout et ecoeurement devant ces evenements.

  6. Quelque soit le motif de ces 2 “hommes” à cet endroit, le texte de l’abbé est un très beau texte sur la notion de sacrifice.

  7. Autant la finalité de la mort héroïque du colonel Beltrame était claire, autant la mort, tout autant héroïque, de ces deux soldats d’élite, suscite un malaise profond sur sa finalité. Ca n’enlève bien sur rien à l’admiration qu’on leur porte.

  8. ce qui m’interpelle, c’est la rapidité avec laquelle l’armée a été prévenue de l’enlèvement de ces deux inconscients!
    la célérité de l’envoi d’un commando
    la vitesse avec laquelle le camp des bandits ont été repéré

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