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Europe : politique

Contrat Pfizer/UE : les Etats membres doivent indemniser les producteurs de vaccins de tous les frais engagés lors d’éventuels procès liés aux effets secondaires

Contrat Pfizer/UE : les Etats membres doivent indemniser les producteurs de vaccins de tous les frais engagés lors d’éventuels procès liés aux effets secondaires

Libération publie un très long article sur les mystères qui entourent le gigantesque contrat de 35 milliards d’euros passé par la Commission européenne pour l’achat des “vaccins” Pfizer.

Le symbole est lourd, et il dit bien l’exaspération montante devant les zones d’ombre qui persistent à propos des contrats entre la Commission européenne et Pfizer pour fournir le vaccin anti-Covid aux Etats membres. Les députés européens à la tête de la «Covi», la commission spéciale sur la pandémie de Covid-19 ont décidé de demander à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de venir comparaître publiquement devant eux, a révélé Politico vendredi. Les parlementaires veulent l’interroger sur son rôle dans la négociation du troisième contrat signé avec Pfizer pendant la pandémie, en mai 2021, le giga-contrat à 35 milliards d’euros qui va dominer le portefeuille de vaccins de l’UE jusqu’à la fin de 2023. «L’Union européenne a dépensé beaucoup de ressources publiques dans la production et l’achat de vaccins pendant la pandémie», explique la présidente de la « Covi », la députée belge Kathleen Van Brempt, justifiant en retour le droit du Parlement à «obtenir une transparence totale sur les modalités de ces dépenses et les négociations préliminaires qui y conduisent.»

Les parlementaires n’ont pas que la présidente de la Commission dans le viseur, ils ont aussi annoncé leur intention de révoquer les privilèges d’accès de Pfizer au Parlement européen. Les représentants du laboratoire pharmaceutique américain et son PDG, Albert Bourla, pourraient bientôt se voir refuser l’accès au Parlement européen, comme ce fut le cas pour l’entreprise Monsanto en 2017 (…)

La colère des eurodéputés de Covi n’est pas isolée. Le 9 décembre, lors d’une réunion, plusieurs hauts responsables de la santé avaient appelé à ce que davantage de lumière soit faite sur la teneur des contrats. «Qu’a-t-il été promis ? Nous aimerions vraiment le savoir», a ainsi déclaré le représentant permanent adjoint de la Belgique au sein de l’UE, Pierre Cartuyvels. Des interrogations sur les clauses des contrats qui ont notamment pour toile de fond l’inquiétude croissante de certains Etats membres à propos d’un surplus de doses, qui pourrait leur coûter cher (…)

Au début de la pandémie de Covid, en 2020, les labos se lancent dans une course contre la montre pour produire un vaccin. L’urgence va dicter des conditions hors norme dans la signature des contrats, dans un climat de concurrence féroce entre Etats pour se procurer les précieux flacons. La Commission européenne signe un accord avec les 27 Etats membres, l’autorisant à conclure en leur nom des contrats d’achat anticipé avec des fabricants de vaccins contre le Covid-19. L’objectif : «Mieux se couvrir, de partager les risques et de regrouper les investissements afin d’en accroître la portée et la rapidité et de réaliser des économies d’échelle.» Une approche centralisée inédite, dans laquelle les Etats ne sont pas absents (ils comptent des représentants dans les groupes de négociations), mais qui n’offrait pas forcément les garanties rêvées en matière d’expertise, comme l’a souligné la Cour des comptes européenne dans un rapport publié à l’automne 2022.

Entre août 2020 et novembre 2021, la Commission signe onze contrats avec huit fabricants de vaccins, garantissant jusqu’à 4,6 milliards de doses de vaccins pour un coût total escompté proche de 71 milliards d’euros. Pfizer emportant le gros lot. Un premier contrat est signé le 20 novembre 2020 : il prévoit l’achat initial de 200 millions de doses, auquel s’ajoutait une option d’achat de 100 millions de doses supplémentaires (qui ont été commandées le 15 décembre 2020). Le second accord, conclu le 10 mars 2021, prévoit les mêmes volumes d’achat. Enfin, et surtout, le 20 mai 2021, la Commission signait un troisième contrat avec BioNTech-Pfizer, permettant l’achat de 900 millions de doses, du premier vaccin mais aussi de sa version adaptée aux variants, avec la possibilité d’acheter 900 millions de doses supplémentaires.

Problème : ces accords, accessibles sur le site de la Commission européenne, sont largement caviardés. Et il est impossible d’accéder à ces documents par l’intermédiaire des gouvernements, car les Etats laissent la main sur ce dossier à la Commission, et sont soumis à confidentialité«Il nous manque tout : le prix, les conditions de livraison, les responsabilités, les conditions d’achat… Il s’avère que dans le troisième contrat, il y a une condition qui a été rajoutée par Pfizer, qui dit qu’il y a obligation pour les Etats membres d’acheter jusqu’à fin 2023. Tous ces détails sont barrés», déplore auprès de CheckNews Michèle Rivasi, vice-présidente de Covi (…)

Parmi les inconnues dans chacun des trois contrats : le prix convenu entre la Commission et les sociétés productrices de vaccins. Il faudra des fuites pour y voir plus clair. Au printemps 2021, le Premier ministre bulgare révèle que Pfizer facturera plus cher à l’UE ses doses de vaccin sur les contrats à venir en 2022 et 2023. Une information confirmée, dans le courant de l’été suivant, par le Financial Times. «Pfizer a augmenté le prix de son vaccin Covid-19 de plus d’un quart […] dans les derniers contrats de l’Union européenne, tandis que l’Europe a connu des problèmes d’approvisionnement et des inquiétudes sur les effets secondaires des produits concurrents», écrivait le quotidien britannique. Qui détaillait ensuite le nouveau prix : 19,50 euros par dose de vaccin Pfizer, contre 15,50 précédemment.

La façon dont les pays de l’UE sont ensuite approvisionnés en vaccins reste aussi entourée de mystère. A la fois en termes de moyens de production : les noms des sites chargés de fabriquer les vaccins et leurs différentes composantes sont masqués. De calendrier : tout juste sait-on qu’il est découpé en trimestres, sans connaître le nombre de doses devant être livrées à chaque intervalle. Et de quantité : les caviardages cachent la répartition des volumes de doses entre les différents Etats membres (…)

S’agissant de la responsabilité – ce qui concerne en premier lieu les cas d’effets secondaires liés au vaccin –, elle repose, comme habituellement, sur les laboratoires. Mais, particularité de ces contrats, les Etats membres doivent indemniser les producteurs de vaccins de tous les frais engagés lors d’éventuels procès. L’existence de cette clause avait été confirmée par la Commission européenne, mais là encore, sa formulation précise a été masquée dans les documents officiels. Une seule phrase est lisible : «La Commission, au nom des Etats membres parties prenantes, déclare que l’utilisation des vaccins produits dans le cadre de ce contrat d’achat anticipé s’inscrira dans un contexte d’épidémie nécessitant une telle utilisation, et que l’administration des vaccins se fera donc sous la seule responsabilité des Etats membres parties prenantes.» Suivent ensuite près de trois pages entièrement caviardées. Plus loin, les contrats précisent que les Etats devront donc s’acquitter des dommages-intérêts, frais de justice et autres honoraires d’avocats (…).

Mais au-delà du contenu des accords, la manière dont ont été menées les négociations demeure floue. Les soupçons pèsent en particulier sur le giga-contrat de mai 2021, prévoyant l’achat de 1,8 milliard de doses supplémentaires, pour un montant de 35 milliards d’euros. Il faut dire qu’en la matière, tout a été fait pour éveiller les soupçons, et rien pour les éteindre. Au cœur de l’affaire : les désormais fameux – et toujours mystérieux – messages échangés entre Ursula von der Leyen et Albert Bourla, en pleine période de conclusion de contrats par l’UE pour l’achat de vaccins auprès des fabricants, en avril 2021. Des messages dont Von der Leyen a publiquement reconnu l’existence. Alors qu’une journaliste avait demandé à y avoir accès, la Commission a d’abord répondu que de tels échanges ne sauraient être considérés comme des documents professionnels. Avant d’être désavouée sur ce point par la médiatrice européenne, l’Irlandaise Emily O’Reilly. Laquelle a estimé, en janvier 2022, que ces SMS faisaient partie de la négociation en cours et n’étaient donc pas couverts par le droit à la vie privée, et dès lors dénoncé un cas de «mauvaise administration». Les mois suivants, la Commission a changé de pied et, tout simplement, déclaré que les SMS n’avaient pas été enregistrés.

Dans son rapport, la Cour des comptes insiste lourdement sur l’opacité qui a entouré la signature de ce contrats : «Nous n’avons reçu aucune information sur les négociations préliminaires pour le plus important contrat de l’UE», déplorent les auteurs qui ajoutent «au cours du mois de mars 2021, la présidente de la Commission a mené les négociations préliminaires ayant pour objet un contrat avec Pfizer-BioNTech. Il s’agit du seul contrat pour lequel l’équipe conjointe de négociation n’a pas participé à cette étape des négociations, contrairement à ce que prévoit la décision de la Commission relative à l’acquisition de vaccins contre la COVID.» La Cour des comptes précise avoir demandé à la Commission «de fournir des informations sur les négociations préliminaires relatives à ce contrat (les experts scientifiques consultés et les conseils reçus, le calendrier des négociations, les procès-verbaux des discussions et le détail des modalités convenues)». Une requête «restée sans suite», regrettent les auteurs.

Or, «si les documents intermédiaires de négociation n’existent pas, ça veut dire qu’on a enfreint les règles du jeu», considère l’eurodéputée Michèle Rivasi. Qui s’est construit sa propre hypothèse sur le déroulement de ces négociations : «Comme elle avait peur que les commandes soient faites par d’autres pays et échappent à l’Europe, Ursula von der Leyen a certainement passé directement des contrats avec Pfizer.» Lors de l’audience du 10 octobre, la présidente des marchés internationaux développés au sein du laboratoire, Janine Small, s’était contentée d’arguer qu’il n’était pas possible «de mener ces négociations par SMS», tant elles sont «complexes» (…)”

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3 commentaires

  1. bénéfice 2022 de Pfizer = 9 milliards $
    après frais de corruption des élus et des médecins.
    rentable.

  2. Depuis quand les traités européens donnent-ils à la commission le pouvoir de négocier des contrats par délégation de la responsabilité des états en santé publique? Les contrats sont donc nuls faute de pouvoir les signer…
    Mais si l’Europe était un état de droit ça se saurait.

  3. Si ce contrat a été effectivement signé dans l’urgence avec des clauses léonines exigées par le laboratoire, en droit il peut être dénoncé. Souhaitons que la commission européenne soit aussi combative sur le plan juridique que les américains qui savent imposer des amendes exorbitantes aux entreprises qui règlent leur fournisseurs en dollars quand il ne respectent pas un embargo décidé unilatéralement.

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