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France : Politique en France

Confusion sur l’objection de conscience lorsqu’il s’agit d’une loi, et quand il s’agit de choisir entre des hommes

Tugdual Derville, délégué général d'Alliance Vita, répond à France catholique. Extraits :

"Pourquoi certains chrétiens pensent-ils voter blanc pour ce second tour  ?

DDans ce que j’appellerais «  la tentation du blanc  », il y a au départ une lucidité sur l’ampleur du mal et un refus — que je partage — de cautionner l’accumulation des lois qui transgressent la loi naturelle, inscrite dans le cœur de tout homme. Mais je parle de tentation parce qu’il y a à mes yeux une confusion entre le devoir d’objection de conscience lorsqu’il s’agit de voter ou pas une loi, et l’abstention ou le vote blanc quand il s’agit de choisir entre des hommes. Celui qui vote blanc pourra difficilement se plaindre en cas de vote d’une loi gravissime promise par un candidat et récusée par l’autre.

Peut-on attendre davantage d’un candidat que de l’autre sur ces questions vitales  ?

Le programme du candidat socialiste prévoit, dès la première année de son éventuel mandat, le «  mariage  » homosexuel, assorti d’un droit d’adopter des enfants voire d’un droit à la procréation artificielle, et l’ouverture à l’euthanasie, déguisée en «  assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité  ». C’est un nouveau basculement de société qui menace avec chacune de ces deux réformes. La profession de foi et les déclarations du président sortant les récusent clairement. […]

[La gauche] est établie sur le déni de la famille, de la sexualité véritable, de l’importance de certains droits fondamentaux, à commencer par le droit à la vie. Elle porte en elle, sous un déguisement d’humanisme, trois dérives mortifères  : scientisme, eugénisme, laïcisme.

La majorité sortante n’est-elle pas responsable des mêmes dérives  ?

C’est incontestable, mais à un degré moindre. Dans les discussions bioéthiques, nous en avons été témoins de façon concrète. Nous avons déploré ce qui a été aggravé dans la nouvelle loi, mais il serait injuste d’oublier ce qui a été préservé. Parmi les parlementaires de l’UMP, certains ont cédé aux sirènes libérales-libertaires, mais d’autres ont su leur résister, d’une façon nouvelle. Sans être inféodé à aucun parti, je suis au regret de constater qu’il est pratiquement impossible pour un élu de gauche de contester certaines dérives éthiques, tant elles semblent être devenues le socle idéologique de leur pensée. […]

Ne croyez-vous pas que Nicolas Sarkozy a sa part de responsabilité dans la désaffection de certains chrétiens  ?

Évidemment. Nous recevons encore des témoignages de personnes qui ont été stupéfaites de certaines prises de positions, voire de l’ouverture à des personnalités dont le témoignage public est scandaleux. Le débat autour du «  gender  » à l’école a été traité «  à la française  », c’est-à-dire avec cette tendance d’une certaine intelligentsia à s’inféoder à l’idéologie libertaire, comme si on avait peur de passer pour «  ringard  ». C’est ce qui s’est passé pendant cinq ans sur l’avortement avec Roselyne Bachelot comme ministre. Mais Madame Bachelot a résisté avec détermination aux pressions pour l’euthanasie. Et elle a montré une vraie fermeté sur deux autres sujets, celui des «  mères porteuses  » — qui était mal parti — ou celui des «  aidants sexuels  » (accès à des prostituées fonctionnarisées pour les personnes handicapées).

Vous voulez dire qu’il faut de la nuance  ?

Pas sur les principes, mais quand nous rencontrons des élus, c’est une exigence de justice que d’être en mesure de les féliciter aussi chaleureusement sur un point que nous sommes capables de les contester avec sévérité sur un autre. […]"

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13 commentaires

  1. Sans entrer dans des débats philosophiques qui n’ont peut être pas leur place dans le moment actuel de l’élection, et sans préjuger de ce qu’il faut faire le 6 mais, je persiste à penser que MM DERVILLE et ARDUIN sont des guides sûrs et n’ai aucune raison de douter de leur sincérité.
    Sans des personnes comme eux qui se battent tous les jours, je crois que je serai bien incapable de “tenir ferme” comme objecteur de conscience sur le terrain. Ils ont en plus commencé un vrai travail de formation des professionnels qui portera du fruit auprès des jeunes générations et permettra que nous ne soyons pas les “derniers des mohicans”.

  2. Attention quand même: il y a une différence entre le Moindre Mal et le Moindre Pire.
    Les débats de ces dernières années (et lors de la dernière élection présidentielle) seraient intéressants a revoir.

  3. une magnifique langue de bois. Chapeau Mr DERVILLE.

  4. Interview très intéressant et prise de position bien argumentée.

  5. « Chaque monde sera jugé sur ce qu’il a considéré comme négociable ou non négociable.
    Tout l’avilissement du monde moderne, c’est-à-dire toute la mise à bas prix du monde moderne, vient de ce que le monde moderne a considéré comme négociables des valeurs que le monde chrétien et le monde antique ont considéré comme non négociables.
    Et cette universelle négociation fait cet universel avilissement. »
    Charles Péguy, Textes choisis

  6. Encore une bonne analyse!
    L’Art de la négociation permet aussi d’avancer…

  7. Très belle citation de Charles Péguy; elle montre le danger mortel qu’il y a à négocier les valeurs non négociables. C’est d’ailleurs une surprise pour moi qui aime et connaît tant Péguy de le voir utiliser des adjectifs très présents aujourd’hui sous la plume du Pape et dans les discussions du SB.
    Mais l’argumentaire de T. Derville vise à aider au choix d’un homme, et aucunement à négocier des valeurs. Ce n’est pas la même chose. Dimanche nous avons un choix “charnel” à faire pour utiliser à mon tour un adjectif très péguyste. Il faut alors se garder d’avoir une âme “habituée” autre adjectif de Péguy dans la citation suivante: « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C’est d’avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme même perverse. C’est d’avoir une âme habituée”.
    Ainsi, ce que démontre T.Derville, n’est pas de la langue de bois, mais au contraire un effort pour se dégager d’une pensée toute faite. Venant de quelqu’un qui se bat comme il le fait pour les valeurs non négociables, son conseil est à prendre au sérieux, même si cela peut donner une “mauvaise âme”, toujours au sens péguyste du terme évidemment.

  8. d’accord avec JCM. d’accord avec M.derville aussi: facile de s’en tenir à de grands principes quand on vit au milieu de gens comme nous… mais quand il s’agit, dans un monde comme le nôtre, d’essayer de rattraper pied à pied ce qui a été perdu… rien ne sert de citer Péguy!!! Le monde de Péguy n’est plus… Ses textes magnifiques peuvent nous servir de boussole et d’espoir, mais quand il s’agit des hommes politiques de notre temps, il faut d’abord se mettre, si j’ose dire, sur le même plan qu’eux, parler leur langue, pour se faire comprendre: je veux dire qu’on se rend bien compte, au contact des gens, du peuple, que penser à la Péguy, ou encore à la Ivanhoé, sans transiger, sans concessions, si c’est très héroïque encore pour nous, c’est totalement incompréhensible pour eux. Les gens qui campent sur leurs positions aujourd’hui ne font plus figure de héros, comme c’était le cas autrefois, mais de personnes poussiéreuses et légèrement ridicules. Des gens comme MM Derville et Arduin, eux, luttent pied à pied et gagnent petit à petit des consciences, dans la réalité, triste et terrifiante réalité, du monde d’aujourd’hui. Je pense inutile de rester dans sa petite citadelle bien protégée… et je crois que c’est un des principales difficultés des “tradis” tels que je les découvre: ils se cont construit une telle citadelle que parfois ils sont totalement coupés du monde, tel qu’il est, des gens, tels qu’ils sont… Or, les gens en eux-mêmes ne sont pas diaboliques! il faut y aller, dans la plèbe, voir les gens, les aimer d’abord, les comprendre: ce n’est pas de la compomission, cela! Des “tradis” qui ne sont pas allés à une messe “normale” depuis 20 ans… et qui continuent à croire qu’ils sont les seuls purs… comme disait l’autre, ils ont les mains propres, mais ils n’ont pas de mains…
    Péguy, lui-même, a lutté dans les batailles politiques de son temps (affaire Dreyfus, liens étroits avec Jaurès et questionnements sur le socialisme). Il a publié les “Cahiers” tranquillement, pied à pied, pendant des années, s’y consacrant avec dévouement et intérêt… Oui, il ressemblait plus à un M.Derville, un M.Arduin, un M. Le Méné, qu’à ces commentateurs qui proclament leur mépris universellement, se croyant, parce qu’ils sont purs, autorisés à se couper du monde tel qu’il est.
    Je pense qu’il faut faire les deux: ET éviter le désastre hollandais… ET s’engager, chacun, localement, DANS le monde (et non pas exclusivement dans sa famille, sa chapelle: c’est mettre la lampe sous le boisseau): on peut à la fois voter Sarkozy, malgré tout, sans croire à ses promesses, sans placer nos espoirs en lui, mais en Dieu et en nous-mêmes: former des listes pour les législatives? S’engager dans la vie municipale? En tout cas, ce n’est certes pas en se coupant du monde que l’on peut espérer le changer!

  9. oui, en effet, voilà une belle analyse de notre triste France.
    Je vais moi aussi voter pour “l’autre” en me bouchant le nez ou avec des gants. Oui, cela me “fend le coeur” mais nous n’avons pas le choix : le gars de Corrèze est plus dangereux que le petit friqué. Par contre, rien ne nous empêche de nous défouler lors des lesgislatives !!!!
    un royco très énervé !!!

  10. Merci ! Merci pour cet article ! Ouf. Je venais de lire des choses si pédantes et pleine d’âneries ailleurs pour nous inciter à ne pas voter, cela remonte le moral…

  11. Moi j’aimerais bien qu’on m’explique à partir de quand on serait en droit de continuer d’invoquer nos “points non négociables”, qui ont l’air de n’avoir été qu’un argument de premier tour ?
    Leur disparition subite entre les deux tours, au nom de l’intérêt supérieure de la nation ne semble pas très cohérent…

  12. PS. La citation de Péguy est tirée de : Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, in Oeuvres en prose complètes 1909-1914 III Pléiade, Gallimard, 1992, p. 1431.

  13. Pour moi aussi, OUF!
    Merci.
    Et comme dit ODE,
    “ET éviter le désastre hollandais… ET s’engager, chacun, localement, DANS le monde”
    Mais oserai-je m’engager ?

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