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Médias : Nouveaux médias

Cernés par internet

Un collectif de 451 professionnels des métiers du livre a rédigé une tribune dans Le Monde sur le danger que représente internet. Extrait :

"Contrainte par le critère du succès, la production d'essais, de
littérature ou de poésie s'appauvrit, les fonds de librairie ou de
bibliothèque s'épuisent. La valeur d'un livre devient donc fonction de
ses chiffres de vente et non de son contenu. Il ne sera bientôt plus
possible de lire que ce qui marche
. Or, pendant que le PDG d'Amazon, Jeff Bezos, déclare que "les seules personnes nécessaires dans l'édition sont maintenant le lecteur et l'écrivain", certaines personnes continuent de travailler
avec des livres, des librairies, des imprimeries, des bibliothèques ou
des maisons d'édition à échelle humaine. Malgré notre envie de résister,
nous sommes, comme l'immense majorité, cernés par le tout informatique,
les logiques gestionnaires et les fins de mois difficiles."

Sur son blog, Authueil, blogeur et assistant parlementaire, réagit :

"Il y a tout d'abord une
panique dans ce milieu, liée au fait qu'internet fait bouger les lignes,
touche à des situations acquises, et qu'ils ne comprennent rien. […] Jusqu'ici, ces créateurs, car pour une fois, on sent que c'est
vraiment eux qui parlent, ont passé un deal avec les éditeurs et autres
intermédiaires de l'industrie du divertissement
. Ils acceptent de se
faire exploiter économiquement en échange d'une protection contre le
monde extérieur et sa dureté. Ils demandent à pouvoir vivre dans une
bulle, où ils ont juste à se consacrer à leur art et à leurs passions,
sans avoir à se soucier des aspects économiques. […]

Le numérique ayant déstabilisé les positions économiques des
intermédiaires, c'est tout l'écosystème qui s'en trouve remis en cause. […] En clair, les "créateurs" demandent le maintien du statu quo. Or, sur
un marché en pleine mutation, où tout bouge très vite, rien n'est
stabilisé, d'où une véritable angoisse, parfaitement compréhensible.
Quand son monde s'écroule, et qu'on ne voit pas encore se dessiner les
contours du nouveau, on panique. Les intermédiaires de l'industrie du
divertissement se retrouvent à devoir "gérer" cette panique (quand ils
ne la partagent pas eux-mêmes) sans avoir de réponse à apporter. D'où
des initiatives qui peuvent, du point de vue numérique, apparaitre
absurdes, mais qui en fait, ont leur logique. Cette tribune nous donne
une clé pour comprendre, et pour œuvrer afin d'apaiser cette panique en
traitant le mal à la racine au lieu de ne s'attaquer qu'aux symptômes."

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20 commentaires

  1. Sempiternelle rengaine de celui qui ne sait pas s’adapter et qui voit mourir son business sans lever le petit doigt autrement que pour se plaindre…
    C’est oublier aussi le passé : le monopole absolu du livre et de sa production en France en cassant tout ce qui n’est pas politiquement correct… soit exactement ce dont se plaint ce petit monde…
    Ça s’appelle un retour de manivelle et je comprends que cela puisse faire mal mais… curieusement… ça ne me fait ni chaud ni froid.
    Vae victis…

  2. Ces jérémiades sont insupportables.
    Il y a trente ans, les antiquaires se plaignaient des brocantes … alors qu’ils auraient dû en profiter (pour acheter) et remettre en cause leurs prix trop élevés.
    Aujourd’hui, les éditeurs se plaignent d’internet … alors qu’ils devraient en profiter (pour faire connaître leurs livres) et remettre en cause l’injustice énorme que constitue, dans la chaîne du livre, les profits suivants :
    -libraire : 30 %
    -diffuseur : 30 %
    -éditeur : 35 % (dont 10 % de frais)
    -auteur : 5 %
    Le créateur du livre est celui qui en tire le moins profit !
    Au lieu de pleurnicher comme des loosers, les éditeurs devraient tout réévaluer : leurs moyens de vendre, la répartition des bénéfices etc.

  3. Est ce qu’ils se posent aussi des questions sur la qualité de leurs produits? Des livres annoncés à grand renfort de pub. dans une presse déjà subventionnée (voire même avec la pub. sur internet) et qui se vendent à quelques petits milliers d’exemplaires, etc. C’est là aussi le vrai problème.
    Le public qui recherche vraiment de l’information de qualité sur internet et utilise beaucoup internet aura aussi l’amour du livre papier. Internet au contraire a permis que l’information circule et que des clients potentiels puissent trouver le livre papier qu’ils recherchent.
    Des petites maisons d’édition qui éditent des livres de qualité (contenu) même dans des domaines bien ciblés ont du public.
    Par ailleurs n’oublions pas qu’un pays où un sur trois élèves arrivant en sixième ne maîtrise pas la lecture et où les étudiants doivent recevoir des cours d’orthographes, ou l’enseignement doit être ludique et non magistral, il ne faut pas s’étonner que le goût de la lecture soit un peu défaillant. Internet n’est pas le seul fautif, sans parler de la dénatalité…
    Cette diminution important du potentiel de lecteurs n’est pas apparu tout de suite car la grande édition du livre, tout comme la grande presse sont sous perfusion étatique depuis pas mal de temps…
    La crise économique est d’abord une crise morale au sens large…

  4. Quand on pense qu’il n’y a pas si longtemps les photographes manifestaient dans la rue contre le numérique qui allait tuer leur business, il faut bien comprendre qu’il n’y a plus rien à attendre de ce pays.
    Alors qu’ils sont les principaux responsables de cette descente aux enfers de ce pays, les bolcheviques sont là, prêt, attendant la chute finale pour nous revendre leurs idées nocives.
    Et depuis 1789, à chaque nouvel évènement ça ne fait qu’empirer…
    Allons nous cette fois ci, encore une fois, nous laisser abuser lorsque ce pays va exploser ?
    N’est-il pas temps que dans un pays où ceux qui fabriquent la richesse soient mieux considérés et traités que ceux qui en profitent ?

  5. quand on voit ce que nous propose les editeurs à la rentrée ….. du roman de gare…. ou les sempiternelles histoires sur lz
    a guerre …. on n’a qu’un idée….. relire voltaire…. ou moliere

  6. Il y a des petites librairies qui se portent bien ! grâce à internet !
    Des vraies librairies qui ne diffusent pas à gogo les “offices” ficelés et emballés par le politiquement correct !
    Des libraires qui choisissent les titres à mettre en vitrine !
    Et c’est payant ! de bien faire son métier !
    Le net permet une grande diffusion des ouvrages ignorés des médias, des productions de petites maisons d’éditions qui seraient toujours dans l’ombre sans notre travail et notre présence sur le net …
    Avantages, inconvénients, à nous d’être intelligent !

  7. Il faut noter la désastreuse qualité intellectuelle et littéraire de cette tribune. C’est mal écrit, c’est d’une insondable faiblesse intellectuelle, et bien sûr ça vient de gens qui se prétendent les parangons de la Kultur et de la Littérature et du Savoir.
    La haine qui s’y manifeste à l’encontre de l’ordinateur est presque comique. J’espère que tous les éditeurs, libraires et auteurs qui ont signé ce texte tiennent leur comptabilité à la plume d’oie dans un grand livre qui sent bon la colle et le cuir, qu’ils écrivent leurs livres au stylo à plume et se sentiraient déshonorés d’être pris sur le fait en train de tripoter une machine à écrire, et bien entendu que leurs secrétaires envoient des lettres de refus aux écrivains malheureux écrites à l’encre violette et revêtues de timbres de collection amoureusement sélectionnés à la Poste centrale de la rue du Louvre.

  8. Faites cette expérience. Rentrez dans une librairie, n’importe laquelle. Rendez-vous aux rayons politiquement sensibles : histoire, politique, économie, sociologie, religion. Regardez les titres. Que voyez-vous ? 95 % de titres de gauche et d’extrême-gauche.
    Vous êtes dans une librairie “indépendante”, voire “commerciale”. Vous seriez dans une boutique du Parti communiste français, vous ne verriez pas la différence.
    Cherchez des auteurs libéraux, des livres qui alertent sur les dangers de l’islam, une biographie critique de Barack Obama, un livre sur la crise économique qui soit titré autrement que “Les ravages de l’ultra-libéralisme” ou “Pourquoi le capitalisme va s’effondrer”.
    Voyez les livres mal imprimés, massicotés de travers, écornés avant que d’être vendus, bourrés de fautes d’orthographe — et chers.
    Alors, les éternelles pleurnicheries de la “filière du livre”, hein…

  9. En note de cette pétition :
    “Un ami paysan nous racontait  : «  Avant, il y avait la tomate. Puis, ils ont fabriqué la tomate de merde. Et au lieu d’appeler la tomate de merde “tomate de merde”, ils l’ont appelée “tomate”,  tandis que la tomate, celle qui avait un goût de tomate et qui était cultivée en tant que telle, est devenue “tomate bio”. À partir de là, c’était foutu.  »”
    “Aussi nous refusons d’emblée le terme de «  livre numérique  » :  un fichier de données informatiques téléchargées sur une tablette ne sera jamais un livre.”
    Quand des “paysans” parlent de “cultiver la tomate en tant que telle” et que des “éditeurs” prétendent que la Bible sans papier, ce n’est plus la Bible, il y a de quoi s’inquiéter.
    D’ailleurs, on trouve parmi les signataires un “libraire-charcutier”. C’est amusant, mais il n’est probablement ni libraire, ni charcutier. L’un et l’autre sont des métiers sérieux. On ne peut pas être les deux à la fois.

  10. Et bien entendu, ces amoureux officiels de la littérature, ces défenseurs sourcilleux de la culture sabotent allègrement la langue française, l’orthographe et la typograhie :
    “Nous lançons donc un appel à tou.te.s celles et ceux qui se sentent concerné.e.s à se rencontrer, en vue d’échanger sur nos difficultés et nos besoins, nos envies et nos projets. Vous êtes invité.e.s à une première session nationale de discussions, etc”

  11. Robert
    Où voyez-vous la haine de l’ordinateur? Pas un libraire ne s’en passe!
    Vous caricaturez, avec votre talent reconnu, les libraires que vous ressortez de la poussière des contes de Grimm. Ce qui serait préférable dans l’esprit d’ailleurs, car un grand nombre d’entre eux aujourd’hui se comportent comme les manutentionnaires des réserves auxquelles vous commandez vos livres par internet.
    Evidemment que l’industrie (car s’en est une) du livre publie daube sur daube et pire encore.
    Mais le livre Robert ! Le livre!
    Cet objet nous est depuis tant de siècles familier qu’on à la sensation que c’est un membre détaché de notre propre corps!
    Et puis en cas de panne électrique, hein!, en cas de panne électrique… c’est pas l’instrument d’une terrible dictature l’électricité !!
    Je ne conteste pas, bien évidemment, la nécessité d’internet pour se nourrir d’autre chose que la soupe prédigérée dont on nous gave sans cesse.

  12. Oui, oui, toutes ces critiques contre les grosses maisons d’édition sont justifiées.
    Cela dit, je ne sais pas qui est cet Authueil (« blogeur et assistant parlementaire »), mais quand je le vois traduire “écrivain”, “éditeur” et “libraire” par “intermédiaires de l’industrie du divertissement”, il me fait vraiment froid dans le dos.
    Quel barbare !

  13. C’est bien le problème que je soulève, Majeur. Les professionnels du livre se servent tous de l’ordinateur, et pourtant les signataires de cette pétition le conchient. Lisez plutot :
    “Malgré notre envie de résister, nous sommes, comme l’immense majorité, cernés par le tout informatique, les logiques gestionnaires et les fins de mois difficiles.”
    “Etourdis, nous tentons de rester dans le coup : on fait avec les logiciels, les commandes en ligne, les correcteurs automatiques, les délocalisations, l’avalanche de nouveautés creuses, les menaces des banques, la hausse des loyers et les numérisations sauvages.”
    “Cependant, nous ne pouvons nous résoudre à réduire le livre et son contenu à un flux d’informations numériques et cliquables ad nauseam.”
    “Ainsi, les médecins segmentent leurs actes pour mieux comptabiliser, les travailleurs sociaux s’épuisent à remplir des grilles d’évaluation, les charpentiers ne peuvent plus planter un clou qui ne soit ordonné par ordinateur, les bergers sont sommés d’équiper leurs brebis de puces électroniques, les mécaniciens obéissent à leur valise informatique et le cartable électronique dans les collèges, c’est pour tout à l’heure.”
    C’est un véritable manifeste luddite. Où est le mal que les brebis soient équipés de puces électroniques ? Que les informations soient cliquables ?
    Et puis, cette stupidité moyenâgeuse, tout de même :
    “Un fichier de données informatiques téléchargées sur une tablette ne sera jamais un livre.”
    Autrement dit, l’oeuvre elle-même n’a aucune importance. Ce qui compte, c’est le fétiche imprimé sur papier et toute l’industrie qu’il fait vivre (mal, à en croire les pétitionnaires eux-mêmes — mais ils semblent se complaire dans cette médiocrité choisie).
    Donc, ce sont des über-commerçants qui se récrient contre le commerce au nom de l’Art, et qui en réalité méprisent l’art, la création et l’écriture elle-même.
    L’hypocrisie est à couper le souffle, tout de même. Je ne parle même pas de la stupidité d’un tel groupe, dont les membres montrent leur désir de suicide économique en écrivant cela.

  14. En plus, ouvrir un blog pour faire signer une pétition contre l’informatique… faut pas avoir honte !
    [Note hors sujet : le système de captcha utilisé ici est de plus en plus pénible. Je dois souvent essayer trois fois pour que ça passe. Les lettres sont illisibles.]

  15. Connaissant bien ce secteur pour y avoir travaillé, il me semble qu’il faut tout de même prêter attention à ce que disent les éditeurs et autres acteurs de la filière (même si cette tribune mélange des choses qui n’ont rien à voir et que je ne souscris pas à la plupart des arguments).
    Prenons juste la phrase de Jeff Bezos : “les seules personnes nécessaires dans l’édition sont maintenant le lecteur et l’écrivain”. Je n’ai pas lu l’ensemble de son intervention et peut-être est-elle sortie de son contexte, mais cette phrase seule est fausse à plusieurs points de vue.
    Contrairement à une idée assez répandue, éditer des livres n’est pas plus gratuit que de produire du blé ou fabriquer des voitures : c’est un métier ou plus exactement plusieurs métiers : secrétaire d’édition, fabricant, comptable, commercial, correcteur, maquettiste… Or oui, cette chaîne de métiers est aujourd’hui fragilisée dans son ensemble. Quelques exemples de conséquences :
    – les secrétaires d’édition ne peuvent plus consacrer du temps aux auteurs, à la préparation/révision des textes, d’où appauvrissement des textes. (Ils ne cherchent plus d’auteurs nouveaux non plus, lesquels sont de plus en plus durs à trouver.)
    – on fait de moins en moins appel aux correcteurs, d’où l’afflux de fautes dans les textes.
    – les graphistes/maquettistes travaillent à la chaîne en étant sous-payés, d’où composition baclée, défaut d’appareillage (notes, cartographie, bibliographie, etc.)
    En résumé, on consacre moins de moyens au livre et à l’auteur et beaucoup plus au processus de commercialisation. Ca ne fait qu’aggraver le défaut de qualité générale.
    S’en prendre au numérique en général est ridicule, mais il est vrai qu’Internet qui est par ailleurs un outil formidable pour s’informer, correspondre, etc., est structurellement concurrent du papier. Ce n’est pas un mal en soi, mais force est de constater que cela a des conséquences :
    – l’habitude des formats courts : c’est un fait, Internet ne se prête pas à une lecture approfondie excédant quelques minutes. Il y a certainement quelques phénomènes qui en sont capables, mais de toute manière, les textes sont faits pour être survolés en quelques dizaines de secondes.
    – L’habitude des formats simples : c’est la suite logique du point précédent. Si on doit faire court, on doit aussi éviter d’avoir à articuler trop d’idées, trop d’arguments, trop de précisions, trop de complexité.
    – l’habitude du “tout gratuit”: c’est très pratique, mais à moyen-long terme, ça ne correspond pas à la réalité. Ce n’est pas parce que le support est dématérialisé qu’il n’y a pas de travail à l’origine. Or ce travail ne peut plus être rémunéré en fonction de sa diffusion. Quand un travail n’est pas rémunéré, celui qui le faisait s’en va faire autre chose.
    Donc il faut trouver un équilibre financier pour les éditeurs et les libraires (au moins, ceux qui nous intéressent). La solution est certainement du côté du travail réalisé par exemple par Anne Charlotte (cf. commentaire ci-dessus) et autres acteurs “hors-système” : sélection, qualité, ténacité, etc. Mais il n’en reste pas moins que là aussi, le nombre de lecteurs diminue inexorablement, et que le nombre d’acheteurs de livres, lui, fond comme neige au soleil ces dernières années, y compris (même si c’est un peu moins fort) chez les gens-cultivés-cathos-de-droite-bref-les-gens-biens.
    En fait, le problème est très simple. Comme disait l’autre, “Y a pas à dire, le prix s’oublie, la qualité reste !”. Encore faut-il accepter d’y mettre le prix. Et ça, ce n’est pas du ressort de l’Etat, des éditeurs, etc., mais de chacun d’entre nous. Au fait, petit sondage, quel budget consacrons-nous mensuellement à l’achat de livres?

  16. Oui, Robert, la pétition sur internet dans ce cas, c’est un joyau!

  17. C’est très marxiste aussi, saper le système de l’intérieur.
    Cela ne vous avait pas échappé, j’en suis certain…

  18. Gaston, la baisse de qualité que vous dénoncez dans l’édition française est réelle, mais quel rapport a-t-elle avec la numérisation et avec la concurrence d’Amazon ?
    Je trouve cette baisse de qualité de fabrication spectaculaire dans l’édition française. Je ne la retrouve pas aux Etats-Unis, en Angleterre, etc.
    Je soupçonne qu’il s’agit d’un manque d’éthique des éditeurs, tout simplement. Ils n’en ont plus rien à faire. Ce n’est pas le cas en “Anglo-Saxonie”, où pourtant il n’y a pas de prix unique du livre, pas de subventions à gogo pour le secteur… et pas de résistance à la numérisation, au contraire.
    Pouvez-vous m’expliquer comment on trouve des fautes d’orthographe et de typographie dans des livres d’art français de très grand luxe, coûtant horriblement cher ? Ce n’est pas l’argent qui est en cause, dans ce cas !
    Pouvez-vous m’expliquer en quoi il coûterait moins cher de massicoter des livres d’équerre au lieu des les massicoter de travers ? C’est le même prix. La seule différence, c’est entre le travail bien fait et le travail salopé.
    Remarquez qu’il est peut-être désormais impossible de trouver des gens capables de faire un travail correctement en France. Mais cela n’a rien à voir avec la numérisation, ni avec Amazon.
    Amazon vend des livres français fabriqués n’importe comment, et il vend par le même canal des livres américains ou anglais fabriqués professionnellement (et souvent moins chers à l’arrivée !).
    Expliquez-moi pourquoi cela revient moins cher à un Français d’acheter, sur Amazon Angleterre, un livre écrit en anglais dans sa version originale, que d’acheter sur Amazon France la version traduite et éditée en France ?
    Ma réponse (intuitive) : les impôts, taxes, charges sociales, subventions et prix imposés français.
    D’autre part, numérisation ne veut pas dire gratuité. Les livres numériques sont payants, et ils sont même très chers, si l’on tient compte des économies réalisées par les producteurs.
    Ce qui fait peur aux éditeurs, c’est que c’est Amazon qui est en train de récupérer leur métier et leurs bénéfices (et sans doute d’autres). Bien sûr que l’édition et la vente sont des métiers. Mais rien ne dit qu’ils se feront demain comme ils se font aujourd’hui, ni que ce seront les mêmes qui exerceront ces métiers, ni que les frontières seront les mêmes ! Tout ça change très vite !

  19. “Encore faut-il accepter d’y mettre le prix. Et ça, ce n’est pas du ressort de l’Etat, des éditeurs, etc., mais de chacun d’entre nous. Au fait, petit sondage, quel budget consacrons-nous mensuellement à l’achat de livres ?”
    Désolé, mais ça c’est la mentalité franco-gauchiste.
    Il faudrait payer cher, et si l’industrie n’offre pas de bons produits, c’est la faute de ces salauds de clients qui devraient exiger de payer plus cher et accepter de ne surtout pas faire jouer la concurrence.
    Ce n’est pas comme ça que fonctionne l’économie : le but d’une entreprise (et les entreprises du livre sont des entreprises comme les autres, évidemment) est de fournir le meilleur produit possible au coût le plus bas possible.
    Le boulot du consommateur, c’est de privilégier le prix le plus bas et le producteur le plus performant.
    C’est comme ça que l’économie progresse. Pas en dictant les prix dans un ministère et pas en culpabilisant les acheteurs de ne pas chercher à payer le plus cher possible (ce qui est d’autant plus stupide que sur certains marchés, le consommateur cherche justement à payer le plus cher possible, sans pour autant avoir obéi aux injonctions socialistes : ce sont les marchés du luxe ; mais le livre n’en fait pas partie… sauf quand un éditeur innovant comme Taschen conçoit de nouveaux produits qui fonctionnent exactement sur ce principe !).

  20. Robert,
    Merci pour le qualificatif de “franco gauchiste”, je garde. Je dois bien être le seul lecteur du SB à pouvoir m’honorer d’un tel titre.
    Je vous propose de relire mon post qui ne parle pas de la numérisation, mais de l’influence d’Internet sur les lecteurs. Simplement, l’habitude du gratuit et du “digest” ne favorise pas la survivance d’un important nombre de lecteurs. Je ne dis pas que c’est la seule cause. Je n’attache aucun jugement à ce constat. Mais simplement, ce constat est fondé sur la réalité. Parlez-en avec des professeurs sérieux, de quelque horizon que ce soit, ce constat est unanimement partagé. Ceci a des conséquences économiques que la filière dans son ensemble ne parvient pas à surmonter, j’y reviendrai.
    Vous soulevez beaucoup de points auxquels je vais essayer de répondre (mais je risque d’en oublier).
    Sur la question de la qualité, je pense que mon premier post offre les éléments de réponse. Vous et moi regrettons cette baisse de qualité, mais encore une fois, privilégier un investissement dans le domaine commercial se fait au détriment de l’investissement dans le domaine technique. Je ne vous dis pas que l’édition a raison, je vous dit qu’elle le fait.
    Sur la question du monde anglo-saxon, il y a un facteur qui change tout : la taille du marché. Or en matière d’édition, les coûts principaux sont fixes, y compris pour l’impression (entre le coût d’impression de 1000 ex et 10 000 ex, le prix n’est pas multiplié par 10, mais plutôt par 2). Donc un livre est beaucoup plus facilement “rentable” vu la taille du marché en langue anglaise.
    Par ailleurs, la filière est organisée complètement différement, et nous nous dirigeons lentement vers ce modèle – ce qui ne résoudra en rien les problèmes de qualité, soit dit en passant.
    Enfin, que la version traduite en français soit plus chère que la version anglaise n’est pas surprenant : les coûts de fabrication sont relativement similaires et la traduction coûte cher alors même qu’elle est mal payée. Si le livre se vend à 5000 ex en anglais et à 1200 ex en français, vous avez votre explication quant au prix…
    Sur la question des subventions et du prix du livre, deux compléments d’information. L’édition française – à la différence de la presse – ne touche pas de subvention. On pourrait à la rigueur parler de subventions déguisées dans le domaine scolaire puisque les élèves doivent acheter des livres, mais c’est un secteur spécifique qui d’ailleurs ne se plaint pas. (A mon humble avis de franco-gauchiste, il y aurait beaucoup à dire parce que c’est une sacrée usine à entretenir les copains).
    Le prix unique a simplement permis de sauver les libraires indépendants face aux chaines. L’éditeur est parfaitement libre de fixer le prix qu’il veut et aucun ministère n’a rien à voir là-dedans. Il s’agissait simplement d’empêcher l’asphyxie des “petits”. Il me semble qu’il suffit de voir comment la grande distribution se comporte avec les producteurs de fruits et légumes pour comprendre que l’idée n’est pas totalement idiote…
    Enfin, votre définition de l’économie. “Ce n’est pas comme ça que fonctionne l’économie : le but d’une entreprise (et les entreprises du livre sont des entreprises comme les autres, évidemment) est de fournir le meilleur produit possible au coût le plus bas possible.”
    Je dirais plus exactement que le but d’une entreprise est de vendre au prix du marché. Or en matière de livre, tout le monde trouve désormais que les livres sont trop chers. C’est en bonne partie là que réside le problème : la filière a une marge de manoeuvre qui est très faible parce que les coûts ne sont plus compressibles. Les charges pesant sur les entreprises ne sont pas prêtes de diminuer, la matière première ne va pas baisser non plus. Pour les salaires, je les connais de très près, la filière est déjà tellement précarisée qu’on ne risque pas de faire des économies substantielles sur ce point.
    A ma connaissance, quand elle n’a plus de marché, une industrie disparaît. Peut-être est-ce une conclusion franco-gauchiste, mais je crains qu’elle ne soit vraie quand même. C’est pour cela que je conclue en disant que la qualité, ça a un prix et qu’il faut accepter de le payer. Dans le cas contraire, il faut se résoudre à voir disparaitre le produit. Je comprends qu’on ne veuille pas dépenser d’argent dans une voiture, mais on ne peut pas exiger d’avoir une Audi au prix d’une Dacia.

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