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Culture : cinéma

Blocus cinématographique contre Katyn

Le film d'Andrzej Wajda sur le massacre de vingt-deux mille Polonais dont plus de 4000 officiers dans la forêt de Katyn, perpétré par l'Armée rouge, sur l'ordre de Staline, au début de la Seconde Guerre mondiale, est sorti en France. Le père de Wajda compte parmi les officiers victimes du crime soviétique. Ce sujet était absolument tabou au temps du communisme. Visiblement, il l'est toujours dans la France de 2009 où le film a du mal à être diffusé : le film n'est projeté que dans 13 salles pour toute la France ! Jean-Gilles Malliarakis raconte :

K "Dans la petite salle multiplexe parisienne du quartier Saint-Lazare où je me suis rendu, trônait en parallèle un festival du cinéma du mouvement "Attac". Sur les tréteaux de l'entrée s'étalaient des brochures faisant l'apologie des idées au nom desquelles précisément se sont commis les crimes rouges et, pire encore, l'attentat permanent contre l'Histoire et l'identité des peuples de l'Est européen, dénoncés par le cinéaste.

Rappelons tout de même qu'il s'agit non seulement du plus grand réalisateur de son pays, véritable fondateur d'une école nationale dans les années 1950, honoré depuis 1994 du titre de sénateur mais également que cette nouvelle œuvre fut nominée aux oscars en 2008. Il faut donc se dépêcher pour aller le voir ! Je ne chercherai pas à multiplier les adjectifs élogieux. Il les mérite, tant pour le jeu d'acteurs que pour la beauté des prises de vues et des couleurs, mais aussi la musique, discrète, intime, tragique et intelligente."

Michel Janva

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32 commentaires

  1. Crime perpetré par l’Armée Rouge et attribué à l’armée Nazi durant le procès de Nuremberg….comprenez l’embarras des communistes aujourd’hui…

  2. Et en Belgique, c’est pire encore!
    Le film n’est projeté dans AUCUNE salle!
    Vous pouvez vous estimer heureux avec 13 salles en France! Ce chiffre devrait équivaloir à 2 salles en Belgique.

  3. Dans ce cas, le téléchargement devient une solution acceptable….

  4. Pour mémoire, si le crime de Katyn n’a pas été cité dans la dénonciation des crimes staliniens faite par Khrouchtchev en 1953, c’est justement parce que celui-ci était alors gouverneur de la zone Ukraine-Pologne et donc directement responsable du massacre.
    Le bon Nikita n’est pas le bonhomme jovial et pacifique que l’on veut bien nous présenter.

  5. Très simple, KATYN est un film proscrit comme FITNA, donc méthode identique.
    Diffusion Internet massive.

  6. Le film est de bonne facture mais pas exceptionnel : la réalisation souffre souvent de lourdeurs, les notes graves à la contrebasse reviennent trop souvent pour signaler le caractère tragique d’une scène, il manque un véritable élan au film.
    Malgré cela, ce doit être le meilleur film passant au cinéma en ce moment.
    Liste des salles diffusant Katyn :
    http://www.allocine.fr/seance/film_gen_cprojection=137054.html

  7. Ne serait-on pas face à une forme de révisionnisme et de négationnisme que toutes les belles âmes bien pensantes sont pourtant si promptes à condamner ?
    Qu’en pense Golias ?

  8. Souvenons-nous qu’à Nuremberg on pouvait voir face à face les accusateurs et les accusés qui avaient commis le même crime: envahir la Pologne.
    Qu’en pensait donc ce bon M. Chuchill ?

  9. ne m’en parlez pas ! je suis furieuse ! je voulais emmener mes terminales le voir cette semaine , impossible ! pourtant annoncé sur le site du grand multiplex UGC voisin mais bizarrement pas dans la programmation ! comme je suis en lointaine banlieue impossible de monter une sortie sur Paris en si peu de temps ! en priant le ciel que cela soit encore programmé après les vacances ! cela m’a permis d’expliquer la bizarreté de cette distibution !( sur Allociné c’est encore mieux ils n’annoncent que 11 salles)

  10. @ RL,
    Il s’agit de février 1956 : XXe congrès du parti communiste d’Union soviétique.

  11. Révolutionnaires de tous les pays* , repentez-vous!

  12. J’ai emmené une de mes classes le voir la semaine dernière. Mes élèves m’ont remercié trés chaleureusement à la fin de la séance. Je remets ça à la rentrée des vacances de Pâquesavec une autre classe. Il faut que les professeurs d’Histoire se mobilisent!

  13. S’il n’est pas impossible que le film soit si peu diffusé à cause du sujet traité, il n’est pas impossible non plus qu’il ne soit pas diffusé pour des raisons économiques: il faut des gens dans la salle.
    Si y’avait Georges Clooney en plus, avec ce même sujet, peut-être qu’il serait diffusé dans la majorité des salles…

  14. Je recommande fortement ce très bon film. Je suis polonais et je peux vous dire qu’en version originale, on ressent parfaitement la situation de la pauvre Pologne en 1939: d’un coté les polonais de l’est fuient vers l’est et les polonais de l’est vers l’ouest… ils se croisent sur un pont complètement,coincés!!
    De plus nous voyons une image d’une Pologne catholique, fière de ses valeurs chrétiennes.
    A recommander.
    P.S: ce film a tout pour déplaire au politiquement correct ambiant.

  15. Avec “La journée de la jupe”, cela fait deux films “censurés” en peu de temps. Certains sites ont permis à ceux qui l’avaient raté de le voir en mettant un lien à dispostion. Pas besoin de le télécharger. Bien visible et de bonne qualité sur son ordinateur (d’ailleurs ce lien fonctionne toujours). Ne pourrait-on pas faire de même pour Katyn ?

  16. Il reste deux choses, après toute cette affaire au sujet du film de Wajda:
    1/ les cocos (surtout les “français”) restent les odieux personnages qu’ils ont
    toujours été.
    2/ Roosevelt, Churchill et De Gaulle sont décidémment de bien tristes personnages,pantins complaisants, prosternés devant l’immonde et sinistre Staline.

  17. Serions-nous dans un pays totalitaire à pensée marxiste ? Cela serait-il possible ?

  18. “Sur les tréteaux de l’entrée s’étalaient des brochures faisant l’apologie des idées au nom desquelles précisément se sont commis les crimes rouges”.
    Un peu de bon sens! Crier au bolchévisme au sujet d’ATTAC (mouvement alter-mondialiste dans lequel se trouvent certes des marxistes mais pas exclusivement), c’est un peu la même chose, que crier au fascisme dès que l’on expose des idées de droite. C’est un sport national en france depuis les années 1930.Il est sain qu’à droite comme à gauche, des mouvements contestent la pensée unique de l’hypercentre UMPS

  19. L’article concernant ce film parut dans Le Monde est truffé d’erreur historique. Le journaliste du Monde a fait dans le sensationnel en annonçant que le père d’Andrzej Wajda, ce qui est faux.
    Les journalistes ne veillant jamais à leur source prient dans la vitesse de l’information.
    cf Stéphane Courtois, directeur de recherche au CNRS, a dirigé le Livre Noir du Communisme (Robert Laffont 1997)

  20. L’acte d’accusation du TMI de Nuremberg, rédigé au nom des quatre ministères publics, attribua bien le massacre de Katyn à l’Allemagne, sur la foi d’un rapport soviétique de janvier 1944 (document URSS-54) et reçu en août 1945 comme preuve authentique par le tribunal en vertu de l’article 21 de son statut.
    L’affaire arriva dans les débats, à l’initiative du procureur soviétique le 14 février 1946. Mais d’une part la défense demanda que fussent convoqués comme témoins des membres de la commission d’enquête internationale qui avait établi en 1943 la responsabilité soviétique, et d’autre part que fût versé au dossier le livre blanc qui en avait été tiré par les Allemands la même année. Jusqu’au 29 juin 1946, l’affaire fut évoquée à cinq reprises, le tribunal, visiblement embarrassé, accumulant réponses dilatoires et déclarations de mauvaise foi. Après la 29 juin, il n’en fut plus question. En fait, contrairement à d’autres accusations, la défense disposaient d’une contre-expertise et de témoins qui, malgré la partialité du tribunal – qui ne les a jamais utilisés – constituaient une menace pour l’accusation. On notera que, pour les autres crimes imputés à l’Allemagne, aucune expertise sérieuse, aucune reconstitution ni aucun transport de justice n’ont été diligenté, ce qui est étrange pour des affaires d’une telle ampleur.
    Etrangement (?), le massacre de Katyn, finalement abandonné durant la procédure de Nuremberg sans que jamais le tribunal n’en ait formellement déchargé l’Allemagne, reste le crime le mieux documenté de l’acte d’accusation.

  21. Vu en avant première il y a quelques semaines je recommande vivement ce film.
    On est très loin des moyens et de la distribution d’un film hollywoodien ce qui explique le peu de publicité qu’il y a autours de celui-ci. Pour autant l’histoire est bien traitée et les acteurs ont du talent.
    Même en 2009, je crois que que la vérité des génocides communistes dérange encore. La salle lors de l’avant première était pleine. Les journalistes de la pensée unique sont plus en clin à lever le coude pour boire du champagne à la sortie que d’écrire des articles sur ce qu’ils ont vu.

  22. @ L. Chéron
    Bon exposé des motifs.
    En effet, à Nuremberg, rien ne se déroula selon une procédure normale : l’enquête se résuma aux éléments fournis par l’accusation, sans que la défense ne puisse obtenir une enquête véritable, ce qui constitue une exception judiciaire remarquable. Ce fut un procès stalinien, sous protectorat américain.
    Si une enquête sérieuse avait eu lieu sur tous les éléments de l’accusation, les polémiques historiques sur tel ou tel aspect de l’horreur nazie n’auraient pu avoir lieu. Et les doutes historiques auraient été levés, rendant inutile l’instrumentalisation politique du révisionnisme, et par l’extrême gauche qui l’a créé et par la gauche qui l’utilise pour tétaniser la droite.

  23. Le Monde donne deux raisons de ce blocus :
    Wajda renvoie dos à dos Nazisme et Communisme et oublie de rappeler que le massacre des officiers polonais reste secondaire face à la shoa. Une double faute, qui explique peut-être pourquoi son film est à ce point étouffé
    cf : http://www.lemonde.fr/cinema/article/2009/03/31/katyn-film-poignant-et-douloureux-pour-wajda_1174755_3476.html
    “Il faut savoir toutefois que, évoquant des sujets sensibles, Katyn encourt deux types de critiques.
    La première concerne le renvoi dos à dos des nazis et des Soviétiques comme prédateurs du territoire national. Réalisé, comme L’Homme de marbre, dans un contexte politique consensuel, le film est conçu comme une bombe antisoviétique. On y voit le Politburo envoyer une universitaire de Cracovie en camp de travail ; on y entend les troupes polonaises clairement assimilées à des partisans de la Pologne libre, et comportant autant de scientifiques, professeurs, ingénieurs, juristes et artistes que de militaires de carrière.
    ETRANGE CONFUSION
    Comme l’explique Victor Zaslavsky dans un ouvrage sur Le Massacre de Katyn (Tempus, 202 p., 7,50 €), les Soviétiques ont effectivement programmé la mort des officiers polonais, qui incarnaient les “ennemis objectifs”, une intelligentsia bourgeoise, un vivier potentiel de résistance, ainsi que la déportation en camps de leurs familles. Ces exécutions de masse sont conçues comme un “nettoyage de classe”.
    La seconde est l’étrange confusion entre Katyn et le génocide des juifs. Rien, aucune allusion, dans le film, sur la Shoah, mais une description des rafles, de la traque des familles d’officiers polonais, comme s’il s’agissait de la déportation des juifs en camps. Détail troublant : ces proies d’un massacre programmé sont viscéralement attachées à leur ours en peluche. Or le Musée Yad Vashem de Jérusalem a fait de l’ours un symbole de l’extermination des enfants juifs, du martyre d’un peuple.
    Dans Katyn, sommée par les services allemands de dénoncer la responsabilité soviétique dans le massacre, la femme d’un général polonais est menacée d’être envoyée à Auschwitz… Tout, sans cesse, nous ramène aux juifs, sauf que le mot n’est jamais prononcé. Le juif n’existe pas. La victime de la seconde guerre mondiale, c’est le Polonais.
    Pourquoi ce non-dit, cette confusion ? Andrzej Wajda aura traîné cette question toute sa carrière, puisque son premier film, Génération (1955) – évocation de la résistance contre les nazis -, occultait déjà cet enjeu capital de la guerre. Il est vrai que l’ambiguïté de la représentation des juifs dans le cinéma polonais dépasse sa personne.”

  24. @ Vapincum
    L’altermondialisme est un alter socialisme, marxiste, internationaliste et mondialiste.
    Si des gogos de droite s’y laissent prendre, ils jouent le rôle habituel et nécessaire dans toute manipulation d’agit prop subversive : celui des ”idiots utiles”.

  25. S’il n’est pas impossible que le film soit si peu diffusé à cause du sujet traité, il n’est pas impossible non plus qu’il ne soit pas diffusé pour des raisons économiques: il faut des gens dans la salle.
    Si y’avait Georges Clooney en plus, avec ce même sujet, peut-être qu’il serait diffusé dans la majorité des salles…
    Rédigé par: cyrano | 8 avr 2009 16:16:25
    ————————————————-
    Si vous regardez la programmation de l’UGC des Halles à Paris vous remarquerez occasionnellement d’obscur nanar sino-nippon-coréen (bien évidemment à financement européen…) et parfois de très bons et très rares films “d’auteur”.
    Donc quand ils veulent, ils peuvent !
    Par ailleurs, et cela ne vous est pas destiné, on voit à nouveau l’impréparation du catho ou de droite qui “s’y croit encore”. Il ne faut rien attendre des gens établis souvent ex-cocos.
    Par exemple, savez vous que le n°2 de Renault, dauphin de Carlos Goshn, a fait chanter l’Internationale a son (re)-mariage voir (http://www.challenges.fr/magazine/portrait/0148.18015/)
    Voilà ce qu’est un grand patron polytechnicien en France :
    “Au cours de sa scolarité, le jeune Patrick milite, manifeste contre la guerre du Vietnam, célèbre le centenaire de la Commune, mais prend aussi le temps de devenir le plus jeune pilote de France. Après le bac, il va en prépa au lycée parisien Louis-le-Grand, puis intègre Polytechnique. Dans sa promo, il croise Carlos Ghosn. Les deux garçons ne sont pas copains, mais partagent un point commun, celui d’être dispensé de cours militaires. «En étaient exclus les étrangers, dont Carlos Ghosn, qui avait la nationalité libanaise, et les marxistes, dont faisait partie Patrick», raconte son ami Samir Aïta. Pélata adhère à l’Union des étudiants communistes et à l’Unef.
    (…)
    Ce qu’ils disent de lui
    (…)
    Samir Aïta, responsable de la version arabe du Monde diplomatique : «Il a fêté son second mariage en 2002 sur un Bateau-Mouche. D’un côté, il y avait un groupe d’Américains, amis de sa femme. De l’autre, ses copains «gauchistes». Et à un moment, on a chanté L’Internationale. »”
    Croyez vous qu’il soit le seul dans les hautes sphères ?
    Pour assurer la promotion du film, sans attendre béatement que le Système (qui nous déteste) le fasse, il fallait s’organiser comme ce fut le cas pour le film de Mel Gibson notamment aux USA (réservation de salles à l’avance par des paroisses, etc….).
    Et si ce film avait eu autant de succès que “La vie des autres”. Une fois leur a suffit, aux gauchos – bobos polytechniciens qui n’ont jamais eu une phrase sur Prague, Budapest, le Mur de Berlin, le Goulag, etc….!

  26. à david fontey : où avez vous emmené vos éléves? êtes vous dans Paris ?
    sur les autres commentaires : je ne saisis pas bien cette histoire d’ours en peluche?

  27. à Xavier ,
    “l’étrange confusion” , ce n’est pas à Wajda qu’il conviendrait, si tant est qu’il en soit besoin, de la reprocher.
    S’agit-il d’ailleurs d’une “confusion” ou plus exactement de la relation des faits qui par eux-mêmes établissent la similitude de traitement abominable perpétré ici par les soviétiques à l’encontre d’offiers très majoritairement catholiques ?
    La persécution bochévique n’était pas seulement anti-bourgeoise elle était, comme toute persécution d’inspiration révolutionnaire : anti-religieuse, et ici en l’occurence anti-catholique.
    Cela est très bien relaté également dans le film sur la vie de Sa Sainteté Jean-Paul II. (“Karol Wojtyla, un homme devenu Pape”)
    Que Wajda s’intéresse dans “Katyn” à ses compatriotes ou à ses corréligionnaires n’enlève rien à la cause des malheureux déportés juifs dont on parle généralement plus abondemment par ailleurs, non ?
    Pourquoi faudrait-il nécessairement opposer la mémoire des victimes de ces immenses crimes qu’ils fussent perpétrés par les nazis ou les bolchéviques ? quel serait l’intérêt ? croyez-vous que cela satisferait les familles des victimes de quelque religion qu’elles soient ?
    Permettez-moi d’en douter en connaissance de cause.

  28. @Xavier
    Katyn, c’est l’élimination de l’élite polonaise par les soviétiques. Pourquoi vouloir nous ramener une fois de plus vers les juifs ? Il y a eu 50 millions de victimes durant cette guerre dont presque 6 millions de juifs ; est-il possible de réaliser un film sur la 2nd GM sans évoquer le génocide juif ? OUI
    Evoquer le malheur des juifs dans un film sur Katyn n’a aucun intérêt historique et présenterait au contraire le risque terrible d’amoindrir l’horreur communiste…
    Sachons sortir des carcans imposés par l’historiquement correct selon la formule de Jean Sévilla !!!!

  29. Un “point de détail” pour les “cocos” marxistes et stalinistes qui, eux, ne risquent aucune poursuite.

  30. @Edouard :
    Pas d’accord avec vous : ça ne rend pas plus acceptable le téléchargement. Pour encourager ce film il faut attendre la sortie du DVD et se ruer pour l’acheter afin de lui faire un triomphe comme pour le film La passion. Le succès public du DVD avait stupéfait les observateurs de l’époque… et contribue à faire prendre conscience à nos chers médias du décalage existant entre leurs silences et nos attentes, ainsi que l’inutilité de leurs efforts de censure. Bingo !

  31. A noter sur LePost.fr :
    http://www.lepost.fr/article/2009/04/10/1490693_katyn-le-film-la-bande-annonce.html
    Il présente la bande annonce du film et publie une affiche historique.

  32. Voici la lettre que j’ai adressée le 2 avril au Courrier des lecteurs du journal “Le Monde”, après avoir lu le scandaleux commentaire consacré la veille au film de Wajda. Le quotidien n’ayant pas l’intention de publier ce texte (peut-être, m’a-t-on dit, d’en citer un passage dans une chronique de la médiatrice) je prends la liberté de le faire circuler en ligne (il est déjà lisible sur des sites consacrés à la Pologne, notamment Beskid.com.
    Elisabeth G. Sledziewski*
    Mcf-hdr de science politique Université de Strasbourg (IEP)
    *auteur de “Varsovie 44, récit d’insurrection”, éditions Autrement, 2004
    Mesdames, Messieurs,
    Comme beaucoup de Français que consterne le déni de mémoire dont souffrent aujourd’hui, en France tout particulièrement, le martyre et l’héroïque résistance du peuple polonais pendant la II° Guerre mondiale, je suis reconnaissante au Monded’avoir offert une belle visibilité au dernier opus d’Andrzej Wajda, Katyn (entretien avec le cinéaste en une, critique du film en p. 19 de l’édition du 1° avril 2009). Cette œuvre, enfin distribuée dans notre pays, est ainsi appréciée pour sa valeur non seulement artistique, mais aussi mémorielle. Sa sortie en Pologne en 2007 a en effet été un événement national que nos concitoyens, très désinformés à propos d’un pays jadis si cher à leur cœur, ont peine à mesurer.
    Certains aspects du commentaire de Jean-Luc Douin s’inscrivent hélas dans la continuité de cette désinformation. Cela est d’autant plus choquant que l’intention affichée, et probablement sincère, de ce bon spécialiste de Wajda est d’informer le lecteur sur un cinéaste mal connu… et mal aimé du public français contemporain. On est loin, certes, de la critique haineuse de “Pan Tadeusz” parue dans vos colonnes en mars 2000 sous la signature de Jean-Michel Frodon. Cependant, malgréla sympathie manifestée pour la “détermination de Wajda à dénoncer la falsification de l’histoire par les communistes”, malgré l’hommage à la “belle vigueur créatrice” du vieux maître, Jean-Luc Douin se sent obligé (par quel conformisme polonophobe ?) de consacrer la seconde moitié de son article aux objections de fond qu’encourt la lecture wajdienne du massacre de Katyn. Et d’enfiler des considérations aux accents bien déplaisants. Est tout d’abord critiqué “le renvoi dos à dos des nazis et des Soviétiques comme prédateurs du territoire national” : et alors ? que s’est-il donc passé d’autre lors de cet apocalyptique automne 39 où, à deux semaines d’intervalle et sans déclaration de guerre préalable, l’Ouest de la Pologne a été envahi par les armées du Reich, puis l’Est par l’Armée rouge ? n’y a-t-il pas eu des troupes allemandes et russes paradant à Brest-Litovsk, des généraux hitlériens et staliniens se congratulant à Lublin, un Etat polonais rayé de la carte et son territoire intégralement partagé, le 28 septembre 39, par les deux ogres, dans la continuité du pacte Ribbentrop-Molotov? quant aux dizaines de milliers de civils et de soldats massacrés, au million et demi de Polonais déportés en URSS, soit vers le Goulag, soit vers les confins désolés du Grand Nord russe, dont un tiers pour n’en jamais revenir, est-ce poser une “bombe antisoviétique”, comme dit bizarrement Jean-Luc Douin, que de rappeler que leur calvaire présenta de fait quelques similitudes avec celui simultanément infligé aux populations du Generalgouvernement et des provinces occidentales annexées au Reich ? la critique, enfin, est-elle de mise devant “le renvoi dos à dos” d'”exécutions de masse (…) conçues comme un nettoyage de classe”, comme il le dit si bien, et d’autres menées au nom de la race des seigneurs ? Ce qui nous amène à la seconde critique avancée par votre auteur : “l’étrange confusion entre Katyn et le génocide des juifs”. Quelle confusion, sinon celle que lui-même superpose indûment au film ? Aucune traque, aucune rafle, aucune persécution ne saurait donc dorénavant être représentée au cinéma sans qu’il faille y voir d’abord la Shoah ? N’est-il pas permis de prendre les exactions du NKVD et des soudards de Staline pour ce qu’elles ont été, des vengeances contre la République polonaise indépendante qui avait osé battre l’Armée rouge en 1920 ? Jean-Luc Douin dénonce comme quasiment négationniste une scène où une épouse d’officier polonais, non juive, est menacée par un Allemand d’être déportée à Auschwitz : cela, selon lui, ne pouvait arriver qu’à un juif, et parler d’Auschwitz, c’est nécessairement et exclusivement parler des juifs, sinon cela sent la négation… Sait-il que c’est exactement le contraire ? que sous la terreur nazie en Pologne, une telle menace n’avait de sens qu’adressée, justement, à quelqu’un qui n’était pas juif ? que le camp d’Auschwitz (camp nazi sis sur le territoire du Reich, et non “camp polonais”, comme on l’entend régulièrement à la télévision), fut dès son ouverture en juin 40 la destination d’abord mystérieuse, puis redoutée des civils arrêtés, ou simplement raflés, parfois par groupes de plusieurs centaines, dans les villes du Generalgouvernement (les rues de Varsovie sont jalonnées de stèles indiquant ces arrestations de masse, suivies d’exécutions sur place et de transferts vers Auschwitz) ? Aux juifs de Pologne ou d’ailleurs, parqués dans les ghettos à partir du printemps 40 et promis deux ans plus tard à l’extermination, les nazis se gardaient bien de parler d’une telle destination (qui fut plutôt le camp voisin de Birkenau ou celui de Treblinka), laissant ouvert jusqu’à la porte des wagons l’improbable horizon d’une “transplantation vers l’Est”. “Pourquoi ce non-dit, cette confusion ?”, interroge Jean-Luc Douin. On aimerait lui dire, à lui et à tant d’autres : pourquoi chez vous cette confusion, pourquoi ce sur-dit qui ne peut, ne veut plus parler que de la Shoah à la place de tout le reste, en y ramenant tout, même les crimes de Staline, de peur que l’évocation de son obsession anti-polonaise ne rappelle l’existence d’une histoire de la Pologne qui ne passerait pas par la case Shoah ? pourquoi le martyre du peuple juif, dont a été si bien montrée la spécificité, est-il devenu un cache obturant et interdisant tout discours sur un autre martyre, d’une nature et d’une logique historiques différentes, celui du peuple polonais non juif ? comment l’écrasement de Varsovie sous les bombes en septembre 39, l’invasion soviétique, Katyn, l’œuvre immensede la résistance polonaise, l’insurrection de la capitale en août-septembre 44 ont-ils pu devenir des objets interdits, des non-objets, dont il n’est permis de faire mention qu’à condition de les référer à la Shoah ? tout cela est-il juste ? et que diraient les trois millions de morts polonais non juifs, s’ils apprenaient que seuls ont droit de cité dans la mémoire des vivants les trois millions de morts polonais juifs ? En tout cas, si les bourreaux de Katyn pouvaient lire de tels articles, où est taxé d’antisoviétisme le rappel de leurs forfaits, si les pendeurs, fusilleurs et égorgeurs des villes et des campagnes polonaises sous la botte nazie savaient qu’au moins cette partie-là de leurs crimes est désormais placée sous scellés, à l’heure où paradoxalement s’ouvrent les dernières archives, alors, sans doute, ils ne seraient pas mécontents.
    Avec mes salutations distinguées, E G S

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