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Pays : International

Au Chili, le système de retraite par capitalisation est bénéficiaire

L'ancien ministre chilien, José Pinera, frère de l'actuel président, avait déclaré :

P "Un spectre hante le monde : celui de la faillite du système de retraite de l’État. Le système de retraite par répartition qui règne en suprématie à travers la plus grande partie de ce siècle a un défaut fondamental enraciné dans une fausse conception sur le comportement de l’être humain : il détruit à un niveau individuel le lien essentiel entre l’effort et la récompense. En d’autres termes, entre les responsabilités personnelles et les droits individuels. Chaque fois que cela se produit à grande échelle et sur une longue période, le résultat est désastreux." (Une solution à la crise des retraites : le système chilien)".

La DSE insiste notamment sur la complémentarité entre le travail et le capital. En ce jour de grève  en raison de la réforme des retraites, c'est l'occasion de se pencher sur le cas du Chili, où la retraite par capitalisation est loin d'être un tabou.

C Au Chili, en 1981, fut offerte aux travailleurs la possibilité de continuer à cotiser à la caisse générale publique des pensions ou bien de placer leurs économies dans des institutions financières privées. Les cotisants peuvent investir dans 5 types de fonds de pension et choisir entre différents gestionnaires ou modalités de paiement. Cela signifie qu'ils usent de leur liberté, contraiement aux Français. À leur mort, la famille continue de percevoir la pension ou le montant total en héritage. La couverture sociale est supérieure à ce qu’elle était du temps du monopole du système public de pension. Les salariés, qui sont légalement obligés d’épargner 10% de leur salaire, sont affiliés à 97% à un système privé qui leur coûte moins que le système par répartition (19%). Et la démographie du Chili n'est que de 2 enfants par femme.

Toutefois, à l’occasion de la crise économique mondiale, nombreux furent ceux qui mirent en doute les garanties offertes par le système de pension par capitalisation. En 2008, ces fonds de pension avaient bien connu une forte chute suite à la crise économique mondiale et à la baisse des bourses. Mais à la fin de 2009, les fonds ont enregistré des bénéfices record, épongeant toutes les pertes de l’année 2008. Depuis son implantation en 1981, la rentabilité moyenne du fonds principal est de 9,19% par an. La réforme démontre que les gens savent défendre leurs intérêts mieux que l’État et que l’entreprise privée est plus efficace que le secteur public.

Peu à peu, l’expérience chilienne fructifie dans d’autres pays. Les Suédois l’ont déjà adopté, après la faillite de leur système public dans les années ’90 et les Allemands l’étudient. Au total, le système privé de pension par capitalisation a été introduit totalement ou partiellement dans près de 30 pays. Le système de pension par répartition, parée du terme de 'solidarité', est en réalité une transaction qui frise l’escroquerie. Durant des décennies, le travailleur apporte une partie non négligeable de son salaire à l’État. Mais à partir de ce moment, il perd tout contrôle sur son ancien bien. Il ne peut décider qui va l’administrer, ni comment. Il ne peut modifier l’institution. Dans le système par répartition, si le travailleur décide d’arrêter de travailler, il ne peut récupérer son argent. S’il meurt célibataire avant d’arriver à la pension, cet argent n’ira pas à sa famille, mais sera confisqué par l’État. S’il meurt marié, son conjoint recevra bien la pension, mais pas ses enfants adultes.

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20 commentaires

  1. Sans remettre en cause le système chilien qui est un bon système et sûrement bien meilleur que le précédent, il faut néanmoins faire remarquer que le Chili a connu un taux de croissance remarquable depuis plusieurs décennies (qui s’approche plus de 10% que de notre 1%). Il faut aussi ajouter que les Chiliens n’ont pas la mentalité “état providence” comme en France et qu’ils sont habitués depuis toujours à s’en remettre à eux-mêmes et aux fruits de leur travail et notamment actuellement malgré l’énorme tremblement de terre qui a ravagé tout récemment leur pays.
    “Travaillez, prenez de la peine, c’est le fonds qui manque le moins”.

  2. “Le système par répartition détruit à un niveau individuel le lien essentiel entre l’effort et la récompense.”
    Ce n’est pas entièrement vrai, puisque votre retraite dépend de votre niveau de salaire et de votre durée de cotisation.
    Mais il est certain que ce lien est beaucoup plus fort dans un système par capitalisation.

  3. question : comment cela fonctionne-t-il pour les personnes qui ne travaillent pas du coup ? Je pense aux mères de famille, invalides, etc.

  4. C’est il y a 30 ans qu’il aurait fallu résoudre la question. La répartition n’est qu’une technique qui était valable en 1945.
    Jacques Garello Professeur émérite à l’Université d’Aix-Marseille III a écrit bien des articles sur le sujet. Mais il n’y a eu qu’Alain Madelin parmi le personnel politique qui l’a suivi.
    Et le marxisme est mort! Nos élus de Droite ne s’en rendent même pas compte

  5. Au pays de Victor Hugo, on est mal barré. La France sera le dernier pays à adopter la capitalisation.
    “S’il n’en reste qu’un, je serai celui-là”.
    La plus grande hypocrisie c’est que la fonction publique a déjà droit à une partie de sa retraite par capitalisation : Préfon…

  6. @Tonio
    Etant fonctionnaire (Trésor Public) maintenant retraité je peux vous dire que j’ai étudié la question de la Préfon. D’aucuns disent qu’elle n’est pas très performante. Mais à l’époque, il y a 20 ans environ j’ai comparé la Préfon avec les classiques contrats d’Assurance vie. En fait la Préfon est une rente, ce qui veut dire que vous ne pouvez pas retirer vos capitaux. Les contrats d’assurances peuvent être clôturés à votre gré: retraits partiels ou complet. J’ai opté pour eux
    Je m’en félicite surtout les nouvelles formules mises sur le marché (amendement Fourgous). J’ai d’ailleurs changé mon contrat, mais il faut bien choisir son courtier, car il y a une gestion active, notamment lorsque les marché financiers décrochent
    De plus la Préfon n’est pas gratuite. Je ne vois pas pourquoi les fonctionnaires seraient favorisés. De plus le régime de retraite de ceux-ci ne relèvent pas de la répartition mais du budget de l’Etat.(Recettes-Dépenses) Jusqu’en 1993 d’après FO le système était avantageux pour l’Etat, c’est pourquoi celui-ci a toujours refusé de créer une Caisse de retraite spécifique et le problème est venu lorsque le rapport s’est inversé. Et du coup certains crient aux privilèges.

  7. À l’attention de Tonio: la “Préfon” n’est pas un “droit” de la fonction publique, et je suis prête à parier que bon nombre de fonctionnaires en ignorent jusqu’au nom. C’est une retraite complémentaire.
    Les salariés du privé peuvent également cotiser à des caisses de retraite complémentaire. Généralement, cela se fait par un choix volontaire (pléonasme intentionnel).
    À l’attention de Marie: ne vous laissez pas piéger par les formules. Ce n’est pas parce qu’on n’occupe pas un emploi rémunéré qu’on ne travaille pas: votre référence à la mère de famille me paraît un excellent exemple de travail (à plein temps) non rémunéré.

  8. la FRANCE est un pays de vieux , incapables de penser à autre chose qu’une retraite providence assurée par un état tout puissant, n’assurant plus sa demographie et condamnée à chercher un espoir dans l’immigration . combien de temps un pays aussi faible peut il encore vivre ?

  9. Mon Dieu.
    Tant de louanges. Pourtant, ce que vous ne dites pas, c’est que cette décision salutaire des travailleurs chiliens fut prise en 1981, sous le gouvernement du général Pinochet. Même si le ministre qui instaura ce système fait parti du gouvernement démocrate actuel, aucun marxiste français ne se hasardera à parler du Chili! C’est trop “has been”!!!
    Pauvre France!

  10. Excusez. L’instigateur de la retraite par capitalisation au Chili, José Piñera, n’est pas dans le gouvernement actuel, mais son frère s’y trouve président de la république démocratique en fonction.
    Désolé pour la bourde!

  11. Le Chili vit actuellement sur la manne du cuivre.
    Une matière première qui a flambé et qui constitue une manne pour ce pays.
    Les militaires en profitent aussi largement pour s’équiper.
    Tous les pays ne vivent pas ainsi sur des richesses providentiels.
    La capitalisation conduit aussi aux dérives financières type USA ou GB.
    Le régime des retraites par répartition présente surtout le défaut de constituer un salaire différé. Il s’agit ainsi d’un système type double peine.
    Vous avez profité pendant votre vie active d’un bon salaire que le système vous a accordé, vous bénéficiez d’une retraite dorée pendant 20 ans, 30 ans.
    Vous avez eu la malchance d’avoir eu un pauvre salaire durant votre vie active , votre retraite sera encore pire.
    Il est plus que temps que les grosses retraites (ceux là même qui parlent doctement de réformer les retraites) soient mis à contribution.
    Par exemple une taxation progressive pour les retraites supérieures à 2500 euros/mois.
    L’injustice de la réforme actuelle est que ceux qui ont de petites retraites vont devoir travailler plus longtemps pour toucher moins de retraite et payer pour des nantis du système en retraite dans tous les coins ensoleillés de la planète qui reçoivent de plantureux viagers.

  12. vous marchez tous sur la tête.
    Doit-on vous rappeler les faillites retentissantes de plusieurs fonds de pensions aux USA (ENRON, MADOFF qui a entraîné dans sa chute les caisses de plusieurs professions aux USA…)?
    Doit-on vous rappeler que les fonds de capitalisation appartiennent à des groupes financiers apatrides qui, pour offrir les meilleures retraites possibles à leurs “clients”, pèsent sur les conseils d’administration des entreprises dont ils sont actionnaires, pour augmenter les résultats par compression de personnels, délocalisation etc ? (cf MICHELIN obligé de se plier aux ordres de l’actionnaire principal…un fonds de pension canadien qui paient entre autre les retraites des policiers ?)
    La capitalisation est un système profondément injuste parce inégalitaire : les petites branches de métiers n’ont pas les moyens de financer un fonds important. Allez donc voir aux USA les retraites des ouvriers….Sélection par l’argent !
    Il faudra m’expliquer avec la notion d’effort et de récompense. Au travail, c’est le salaire qui est la récompense des efforts. CQFD.
    Concernant les fonctionnaires français, la prefon est garantie par ..l’état !
    Il faut rappeler que la capitalisation existe dans les faits, par les contrats d’assurance-vie et les pepr. Rien n’interdit de généraliser le système d’une complémentaire par capitalisation sur la base du libre choix.
    voir les catholiques nationaux se rallier au libéralisme le plus échevelé (qui n’a rien à voir avec les libertés économiques. Je renvoie aux penseurs de la droite nationale, surtout maurras et la tour du pin, qui l’ont bien démontré)me laisse pantois. Certes, je suis convaincu qu’il s’agit avant tout d’un réflexe anti collectiviste plus que d’une adhésion idéologique (je suis libéral parce je ne suis pas marxiste). Entre parenthèse, quelle est l’origine des retraites par répartition : les cercles ouvriers catholiques sociaux du 19e siècle qui créèrent les premières mutuelles ! CQFD.
    Mais que l’on vienne dire que toute cette bouillie libérale […]
    [Je coupe la fin, pas très rationnelle… Vous avez visiblement mal lu mon post : au Chili, la population a le choix entre le public, comme en France, et le privé.. Et ce privé lui-même est mis en concurrence.
    En outre vous mélangez le problème des retraites à celui de la gouvernance des entreprises.
    Bref, en matière de bouillie, vous savez de quoi vous parlez.
    MJ]

  13. et pour l’info de tonio, les fonctionnaires n’ont pas une partie de leur retraite par capitalisation. LA PREFON EST UNE RETRAITE COMPLEMENTAIRE.
    Elle a été créé par les syndicats (que vous honnissez tant sur le salon beige) pour COMPENSER LE FAIT QUE LA RETRAITE ETAIT CALCULE UNIQUEMENT SUR LE TRAITEMENT INDICIAIRE HORS PRIME ET INDEMNITES. Pour certains fonctionnaires, la retraite était donc calculé sur seulement 40 % des revenus !
    Ce système était facultatif. En 2005, l”état à créer le RAFP (Régime Additionnel obligatoire)rattaché à la préfon. Mais le calcul porte sur seulement 20%des primes.
    Un fonctionnaire touche donc une retraite calculée sur les six derniers mois de carrière et 75 % du traitement indiciaire + le RAFP. A titre d’exemple, un fonctionnaire de mon grade (catégorie b, encadrement) qui partirait maintenant en retraite, gagne grosso modo 2 600 euros nets, dont un tiers de prime. Sa retraite sera calculé sur 1800 euros plus la préfon. Faites le calcul!

  14. je reprécise un point :
    un fonctionnaire touche sa retraite, le RAFP. La préfon est bien sûr non obligatoire.

  15. Extrait du blog Philippe Poisson.
    Mardi 27 avril 2010 2 27 /04 /2010 19:16
    La retraite pour tous : un peu d’Histoire …
    En France, le gouvernement a fait voter en juillet 2003 une loi qui réforme le régime des retraites. Dans toute l’Europe, l’heure est à la remise en cause d’un système né à la Libération. Récit d’une lente émergence qui remonte au XIXe siècle.
    epuis le début des années 1990, les pays de l’Union européenne, confrontés à l’explosion du nombre des personnes âgées et à la diminution des actifs – qui résulte de l’atonie démographique et de la persistance d’un chômage de masse -, s’interrogent sur les réformes et la survie des systèmes de protection sociale mis en place après la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, moins de cinquante ans après leur création, les systèmes de retraites sont profondément modifiés, alors qu’ils consacraient une évolution séculaire.
    L’émergence d’institutions destinées à financer la retraite des salariés est étroitement liée à la prise de conscience du malheur social qui frappe les prolétaires dès le milieu du XIXe siècle : un malheur social que les institutions charitables héritées de l’Ancien Régime n’arrivent pas à traiter.
    C’est sur la seule solidarité familiale qu’a longtemps reposé la survie des personnes âgées. En 1901-1902, encore, dans une monographie du sociologue Frederic Le Play consacrée à Clovis X., cantonnier-poseur de voie, on lit : « Les parents de Clovis X. vivent encore, mais l’âge et la fatigue les rendent incapables de travailler [le père, un ancien cordier, est âgé de soixante-dix ans], ce qui les a déterminés à demander à leurs enfants une pension alimentaire de 400 F, à laquelle la famille X. concourt à raison de 5 F par mois, qu’elle paye depuis six mois seulement. »
    Compte tenu de l’espérance de vie des femmes et des hommes du XIXe siècle, et en particulier des travailleurs, la question des retraites n’est d’ailleurs pas une préoccupation majeure du mouvement ouvrier : pour lui priment les salaires, la durée du travail, les accidents du travail, le chômage, etc. L’une des grandes figures du syndicalisme fin de siècle, Fernand Pelloutier, animateur des Bourses du travail, n’y fait d’ailleurs aucune allusion dans son livre sur La Vie ouvrière en France , publié en 1900(1).
    Une simple mention dans la conclusion, lors d’une évocation résignée de la condition misérable des vieux travailleurs, précise : « Leurs enfants leur viennent en aide, il est vrai ; mais dans quelle mesure ! Le garçon gagne 1 F ou 1,25 F, la fille 0,50 ou 0,75. Aussi, jusqu’à leur dernière heure, traîneront-ils pesamment leur existence, l’homme écarté des ateliers parce qu’il ne peut plus fournir un travail rémunérateur, la femme courbée sur des travaux de couture payés à la tâche. »
    Au cours du XIXe siècle cependant, des ouvriers ont commencé à s’organiser. On voit apparaître, dans toute l’Europe industrielle, des institutions de prévoyance (caisses d’épargne, caisses de prévoyance*, sociétés de secours mutuel*) dont le but est d’accueillir les économies des travailleurs ou leurs cotisations. Elles parent au plus pressé : le chômage, la maladie, l’assistance* maternelle. Elles versent aussi des pensions de retraite.
    Ainsi en Angleterre, les caisses de retraite des Friendly Societies (sociétés de secours mutuel) comptent 2 millions d’adhérents en 1850, auxquels sont versées de modestes retraites. Celles-ci sont constituées par les revenus des cotisations placées dans des caisses publiques, auxquels s’ajoutent des versements effectués par des membres honoraires plus fortunés inspirés par un souci philanthropique.
    Par ailleurs, dès le début du siècle, certaines catégories de salariés, dépendant notamment de grandes institutions nationales, ont bénéficié des premières caisses de retraites. En France, c’est le cas dès 1806 à la Banque de France, dans les arsenaux ou dans la marine. En 1853, tous les fonctionnaires ont droit à une pension, la loi du 8 juin unifiant les pensions civiles et militaires des 25 caisses catégorielles.
    A ces initiatives venues des travailleurs ou de l’État s’ajoutent les mesures prises par les grandes entreprises minières, métallurgiques, textiles, ou ferroviaires, qui tiennent le haut du pavé du capitalisme industriel en Europe. C’est l’époque où s’affirme le paternalisme patronal. Il n’est pas désintéressé : il s’agit d’attirer et de conserver la main-d’oeuvre à une époque où elle manque, du fait de l’essor industriel ; attractives, ces mesures paternalistes ont également pour but d’empêcher les grèves et les révoltes sociales à répétition.
    Les industriels mettent en place, dès le Second Empire, un système autonome de protection sociale (caisses de secours-maladie, accident et caisses de retraites). Ils sont souvent inspirés par une sensibilité religieuse (protestante et catholique) nourrie aux prêches du clergé et aux rapports des enquêteurs sociaux.
    Parmi eux, on trouve le métallurgiste Thyssen dans la Ruhr, le filateur Owen en Écosse, les sidérurgistes Cockerill en Belgique ou Schneider en France, la compagnie minière des Fitzwilliam en Angleterre ou ses homologues français des houillères du Nord-Pas-de-Calais, de la Loire ou des Cévennes.
    On voit donc qu’en ce premier âge du capitalisme, la question des retraites a été traitée dans un souci, partagé par les patrons et les ouvriers, d’écarter l’État et de s’en remettre à l’initiative individuelle. Tous se méfient en effet de son intervention. Les patrons par credo libéral – même si ce libéralisme conduit au paternalisme -, les ouvriers parce qu’ils se sentent mieux à même de gérer leurs intérêts.
    Mais ces premières initiatives privées ne concernent qu’une petite minorité de travailleurs de la grande industrie. Elles supposent en outre une croissance continue et forte, assurant au patronat des profits substantiels et aux salariés des revenus réguliers et suffisants. C’est pourquoi elles vont être mises à mal dès le milieu du XIXe siècle, à l’occasion de la grave crise économique qui secoue l’Europe entre 1847 et 1851. Dès lors, l’idée d’une intervention de l’État fait son chemin.
    En France, la IIe République, par la loi du 18 juin 1850, crée la Caisse de retraites pour la vieillesse, destinée aux ouvriers. Fondée sur la prévoyance volontaire, elle profitera surtout à la petite bourgeoisie du fait des cotisations, certes peu élevées (d’où des pensions très modestes), mais qui constituent une dépense régulière à laquelle les ouvriers auront du mal à se soumettre. La Prusse s’oriente dans la même voie, celle de la responsabilité et de l’action de l’État face à la misère sociale. La reprise économique, dès 1852, et la méfiance vis-à-vis de l’État, coupent court à ces premiers élans.
    Puis c’est la « grande dépression » de la fin du siècle, entre 1873 et 1896. Les systèmes de retraites ouvriers et patronaux se trouvent de nouveau fragilisés. On assiste à l’implosion du paternalisme. D’un côté, les grandes entreprises ne sont pas épargnées par les vagues de grèves, ce qui conduit les patrons à douter de l’efficacité politique de leur investissement social. De l’autre, il devient clair que les patrons, confrontés à des difficultés financières, n’hésitent pas à suspendre le paiement des pensions, voire, en cas de faillite, à priver les ouvriers de retraites sans pour autant les rembourser de leurs cotisations.
    Le secours mutuel et le paternalisme ont montré leurs limites. En 1890, en France, seuls 3,5 % des ouvriers âgés ont accès à une pension.
    Autre conséquence fondamentale de la dépression : alors que la forte et durable croissance économique des années 1852-1873 avait donné l’espoir d’une résolution progressive de la « question sociale » par la hausse régulière des revenus ouvriers, l’éradication du chômage, l’amélioration des conditions de travail et l’enrichissement par l’épargne, la crise économique redonne une audience à ceux qui dénoncent la misère ouvrière. Beaucoup considèrent désormais qu’il y a une obligation morale (d’inspiration religieuse ou laïque), voire politique (en raison de la poussée du syndicalisme et du socialisme constatée alors partout en Europe), d’y apporter des remèdes. Et font le pari de l’intégration des prolétaires au système capitaliste par la démocratie, le suffrage universel et la protection sociale.
    C’est donc la dépression économique de la fin du XIXe siècle qui ouvre définitivement la voie à l’intervention de l’État dans la question des retraites. A la surprise générale, le premier à s’y engouffrer est le chancelier d’Allemagne, Bismarck. Pour enrayer la montée du socialisme, il fait voter en 1883 un régime d’assurance-maladie*, en 1884 une assurance-accident, et enfin, le 22 juin 1889, une assurance-vieillesse-invalidité. Des cotisations capitalisées (0,5 % du salaire) sont versées par les ouvriers et les patrons. L’État participe au financement et prend en charge les frais de gestion. L’assurance est obligatoire pour les salaires inférieurs à 2 000 Marks et donne droit à une retraite à l’âge de soixante-dix ans après trente ans au minimum de cotisations.
    Certes, la pension est modeste, le nombre des pensionnés réduit (2 % des ouvriers atteignent alors soixante-dix ans !). Mais une brèche est ouverte. Ce système de retraites obligatoire est adopté, avant la fin du siècle, par l’Autriche, l’Italie, la Suède, le Danemark, la Belgique et le Luxembourg.
    Comme ces lois ne semblent pas gêner, bien au contraire, l’essor et la compétitivité d’une économie allemande en pleine expansion, le débat sur les retraites s’ouvre aussi dans les forteresses du libéralisme que sont alors la Grande-Bretagne et la France. Outre-Manche, le réseau mutualiste et syndical a mieux résisté qu’ailleurs à la crise grâce à l’abondance de ses effectifs. Les trade-unions (les syndicats ouvriers) et les Friendly Societies permettent un temps à la société victorienne d’éviter le recours à l’État. Mais, au tournant du siècle, l’île symbole du libéralisme est confrontée à des difficultés économiques. Dans le même temps, le mouvement ouvrier se dote d’un parti (le Labour, créé en 1906) et se radicalise (vague de grèves).
    La question sociale est donc posée avec une force nouvelle, au moment où, en 1906, le parti libéral accède au pouvoir. Or celui-ci se montre sensible à la misère ouvrière (le tiers des classes populaires vit en dessous du seuil de pauvreté) et favorable à une intervention de l’État. Une législation sociale est votée : en 1908 en particulier, le Old Age Pensions Act crée une retraite financée par l’État (sans cotisations) pour les travailleurs de plus de soixante-dix ans sous condition de salaire (moins de 32 livres de revenus par an). En 1914, 1 million de Britanniques en bénéficient tandis que 14 millions d’entre eux ont accès au National Insurance Act voté en 1911 et qui traite la maladie et le chômage. C’est la naissance du Welfare State *, l’État providence.
    La France de la IIIe République, elle aussi, est longtemps restée fidèle au credo libéral. « Il n’y a pas de solution étatiste au problème de la misère ouvrière et l’État ne doit que faciliter le développement de la prévoyance individuelle » , déclare Jules Ferry dans les années 1880. Cependant, ici comme ailleurs, la dépression économique et son cortège de misères conduisent un certain nombre d’hommes politiques à proposer autre chose que le libéralisme républicain.
    D’autant que la multiplication des grèves et des manifestations, notamment dans les années 1880, conduit parfois à des affrontements violents : le 1er mai 1891, à Fourmies, dans le Nord, une manifestation pour la journée de huit heures est réprimée par une fusillade qui fait une dizaine de morts ; l’événement va marquer durablement la mémoire ouvrière comme signe de l’indignité sociale de la IIIe République. En effet, cette agitation sociale des années 1880 est née de la crise bien sûr, mais aussi de l’espérance ouvrière en une République plus interventionniste qui jouerait un rôle d’arbitre entre patrons et ouvriers.
    Les radicaux, républicains laïques de gauche, s’orientent alors vers le « solidarisme » (voie médiane entre le collectivisme et le libéralisme), inspiré par Léon Bourgeois. Ce député, plusieurs fois ministre et ancien président du Conseil, prône la création d’assurances obligatoires pour donner aux ouvriers un minimum social. Les socialistes indépendants, derrière Alexandre Millerand, loin des rêves de grand soir, plaident eux pour une république capable d’apporter la paix sociale et d’intégrer les travailleurs grâce à une intervention de l’État. Les catholiques ne sont pas en reste : ralliés au régime, ils s’inspirent de l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII(2) pour défendre une politique sociale qui permettrait d’enrayer la déchristianisation du monde ouvrier.
    Cela ne va pourtant pas sans difficultés. Certes, dès 1891, Maurice Rouvier, grand bourgeois républicain, maintes fois député et ministre, dépose une proposition de loi sur les retraites ouvrières, mais le patronat y est hostile, ce qui interdit la majorité à la Chambre et au Sénat. Plus surprenant pour un lecteur d’aujourd’hui, les ouvriers eux-mêmes répugnent alors fortement à entrer dans un système de cotisations obligatoire : ils mettent en avant la modestie des salaires et leur faible espérance de vie.
    Ces arguments alimentent les débats violents qui agitent les organisations ouvrières, CGT en tête, et les socialistes alors que les projets de loi sur les retraites ouvrières se succèdent : en 1901, puis en 1905, deux textes sont défendus à la Chambre par Paul Guieysse. Polytechnicien, grand égyptologue, le député radical de Lorient plaide pour des retraites obligatoires par capitalisation* ; le financement doit en être assuré par des cotisations égales des patrons et des ouvriers, et par une contribution de l’État.
    Les discussions se prolongent jusqu’en 1910. Le Sénat réussit à éliminer le projet présenté par Guieysse et en élabore un autre, bien plus timide, qui le vide de son sens : le principe de l’obligation, tout en étant formellement maintenu, se trouve réduit au minimum par la faiblesse des cotisations exigées.
    Jean Jaurès, malgré ses réticences, recommande le vote du texte – qu’il sera toujours temps d’améliorer : « Il n’y a pas en démocratie , déclarait-il alors, de loi immuable, rigide, figée. La loi, c’est l’habitude introduite dans la vie d’une nation, dans la vie d’une classe, et qui permettra à cette classe de disposer de sa force de pensée pour des conquêtes nouvelles. »
    Il s’oppose à l’autre grand ténor socialiste, Jules Guesde, qui dénonce le principe même de la cotisation ouvrière : « Après l’employeur qui prélève sur le produit du travail ouvrier le plus qu’il peut, un maximum de bénéfices, de dividendes et de profits, vous voudriez vous, pouvoirs publics, vous élus du suffrage universel, ajouter une nouvelle prise à la prise déjà opérée ; c’est ce qui me paraît impossible et si j’allais jusqu’au bout de ma pensée, je vous dirais : vous ne pouvez pas doubler le vol patronal d’un vol législatif ! » Il est rejoint par la CGT, qui fait campagne contre le projet et lance le slogan : « Fixer la retraite à soixante-cinq ans, c’est la donner à des morts ».
    Il n’empêche : le 5 avril 1910, la loi sur les retraites ouvrières et paysannes est votée. Elle prévoit des cotisations obligatoires pour les travailleurs qui gagnent moins de 5 000 F par an (cotisations d’un montant de 9 F par an pour les ouvriers comme pour les patrons) et la contribution de l’État sous forme d’allocations viagères. L’âge de la retraite est fixé à soixante-cinq ans. En 1912, il est abaissé à soixante ans pour les métiers les plus pénibles.
    Mais, à cette date, seulement 12,6 % de la population dépasse l’âge de soixante ans, 8,4 % l’âge de soixante-cinq ans, et les ouvriers ne sont guère représentés parmi les personnes âgées. En outre, les pensions sont trop faibles pour assurer un minimum vital. La mesure ne satisfait donc personne et, dès 1911, un arrêt de la Cour de cassation annule l’obligation de cotisation. La loi se révèle un échec : en 1914, sur 11 millions d’assurés potentiels, seuls 3,5 millions cotisent pour une retraite qui atteint 1 F par jour et qui ne représente donc, pour un salarié à 5 000 F par an, que 7 % de ses anciens revenus.
    Ainsi, au moment où éclate la Première Guerre mondiale, malgré la loi, les mutuelles et les sociétés de secours patronales, seuls 10 % des salariés masculins bénéficient d’une pension au demeurant très modeste pour leurs vieux jours. Cet échec va retarder pour longtemps l’adoption d’un système obligatoire et universel en France.
    Ailleurs, au contraire, le mouvement se poursuit. En Allemagne, l’assurance-invalidité, vieillesse, décès est étendue aux employés en 1911. En Suède, des subventions de l’État sont accordées aux sociétés de secours mutuel qui assurent leurs membres contre la vieillesse par une loi de 1900, tandis que l’assurance-vieillesse-invalidité est votée en 1913.
    Finalement, hors la triste exception française, l’Europe de 1914 a mis en place des systèmes de retraites dans lesquels l’État joue un rôle croissant. Certes, ces premières réalisations du Welfare State concernent surtout les salariés masculins de la grande entreprise et les fonctionnaires. Elles laissent en marge ceux de la petite entreprise (beaucoup plus nombreux) ou du travail à domicile (principalement assuré par les femmes et les enfants). Reste que, dans tous ces pays, on s’éloigne de la prévoyance individuelle et de l’assistance privée ou publique, pour entrer dans une autre logique, celle des « assurances sociales ».
    La Première Guerre mondiale porte un coup aux retraites : l’inflation dévalue partout les pensions, tandis que la crise des finances publiques réduit les moyens des États. De sorte que les années 1920 n’ont pas permis l’aggiornamento social qu’espéraient beaucoup de combattants dans la boue des tranchées.
    Et que dire alors des années 1930 ! La crise emporte avec elle les systèmes de retraites chèrement acquis par le monde du travail, comme le reste des dispositifs sociaux. La réduction des prestations accompagne celle des salaires et l’explosion du chômage.
    L’économiste anglais John Maynard Keynes et ses disciples essaient bien de proposer une autre voie : relance par la consommation avec hausse des revenus et des prestations ; politiques concertées entre nations européennes. Mais c’est la solution opposée qui l’emporte : chacun pour soi des États et, en leur sein, déflation sociale pour les salariés.
    Cela est vrai dans les démocraties, mais aussi dans les dictatures qui, au-delà des promesses sociales, ont plutôt axé leur action sur la réduction du chômage et l’aide aux familles dans le cadre de leur politique nataliste. Le régime de Vichy a, dans l’ensemble, fait de même. Cependant, c’est lui qui instaure, le 14 mars 1941, l’allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS) et étend le principe des retraites à l’ensemble des actifs. Ces mesures seront reprises par les pouvoirs publics après la Libération.
    Il aura donc fallu attendre la victoire sur le nazisme pour que l’Europe des retraites devienne une réalité. En 1945, le modèle social de l’État providence s’impose partout. Désormais, la protection sociale est conçue comme un pilier de la restauration démocratique. Elle doit permettre de prévenir le chômage (considéré comme le terreau des dictatures) et favoriser la croissance économique. La retraite fait partie de la sécurité sociale offerte à tous, en application des idées du plan Beveridge rédigé en 1941(3). Ce plan prévoyait un revenu minimal décent pour tous les travailleurs ; les retraites devaient être assurées par des cotisations obligatoires qui seraient versées par les partenaires sociaux et donneraient droit à des prestations régulières.
    Le Welfare State , c’est aussi la victoire des idées de Keynes, qui a posé le lien entre sécurité sociale et plein emploi. C’est une rupture radicale avec le libéralisme, l’assistance, la charité, la prévoyance individuelle ou collective.
    Malgré ces bases communes, les disparités entre les pays restent fortes. Certains choisissent en 1945 le versement de pensions proportionnelles aux revenus antérieurs (France, Allemagne), d’autres préfèrent les prestations uniformes (Pays-Bas, Royaume-Uni, Danemark). Les pays d’Europe du Sud optent pour la retraite par répartition* (le financement est assuré par les seules cotisations versées par les ouvriers et les patrons), tandis que l’Europe du Nord et l’Allemagne adoptent un système de retraites mixte, répartition et capitalisation.
    Quant au Royaume-Uni, il se distingue par une retraite de base versée par l’État, au montant réduit, abondée par une retraite versée par l’entreprise (20 % du salaire) et par des fonds de pension* des entreprises ou l’assurance individuelle. Mais le système reste fondé sur le volontariat. Salariés comme patrons peuvent opter pour des « fonds de pension », option choisie par la moitié des 22 millions de salariés britanniques dans les années 1960.
    En France, en revanche, les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 créent un organisme unique auquel tous les salariés sont assujettis obligatoirement : la Sécurité sociale. Celle-ci couvre les risques maladie, invalidité, accidents du travail, vieillesse et décès, et gère les prestations familiales (seul le chômage lui échappe).
    Le système des retraites est fondé sur le régime de la répartition : les actifs cotisent pour les retraités, tout en se créant des droits pour leur future retraite. Dans le « régime général », celui qui s’applique à tous les salariés du commerce et de l’industrie, et dans le régime particulier des salariés agricoles, la cotisation s’élève à 16 % du salaire dont 6 % à la charge du salarié et 10 % à celle du patron, puis, à partir de 1959, à 18,50 % (dont 12,50 % de part patronale). Elle donne droit à une pension dès l’âge de soixante ans après 120 trimestres de cotisations (ce sera 150 à partir de 1972, et sur la base des meilleures années de salaire). Le montant est de 20 % du salaire de référence (salaire moyen des dix dernières années), pour atteindre 40 % à l’âge légal de la retraite, soit soixante-cinq ans.
    Le « régime général » laisse subsister des « régimes spéciaux » : celui des agents des collectivités locales et des établissements hospitaliers créé le 17 mai 1945 ; celui des artisans et des commerçants (qui sera aligné en 1972 sur le régime général) ; ceux de la SNCF, de la RATP et d’EDF-GDF ou encore des mines ; celui des fonctionnaires et des salariés des entreprises publiques pour lesquels le niveau de pension est lié au dernier grade ou poste occupé et qui doivent, eux, cotiser 150 trimestres mais pour percevoir une retraite à taux plein de 75 % à soixante ans.
    Sur le plan légal, une révolution est accomplie : le principe d’une retraite pour tous est acquis. Dans les faits, la situation de bien des retraités reste précaire. Au point qu’en 1956 un Fonds national de solidarité (FNS), alimenté par le produit de la vignette automobile, est créé. Le rapport Laroque de 1962 souligne pour sa part le faible niveau général des prestations, ce qui reste vrai jusqu’aux années 1970, époque où Pierre Perret chante : « Et sa taille est plus mince que la retraite des vieux » …
    Ce n’est que plus tard que les retraites pleines du nouveau système produiront leurs effets, procurant pour la première fois une certaine aisance aux retraités.
    Hélas ! Dès le début des années 1980, les difficultés économiques et les médiocres perspectives démographiques viennent remettre ces acquis en question. L’époque est en outre marquée par la revanche du libéralisme sur le keynésianisme. Les libéraux partent en guerre contre la protection sociale, qu’ils estiment coûteuse, égalitariste. Elle entrave la reprise économique en pesant à l’excès sur le coût du travail dans un contexte de mondialisation.
    De fait, on assiste dans toute l’Europe à un recul des prestations sociales en général et des retraites en particulier. Alors qu’en 1982 la France de François Mitterrand choisit d’abaisser de soixante-cinq à soixante ans l’âge de la retraite pour obtenir le taux plein (50 %) après trente-sept ans et demi de cotisations, ses partenaires européens commencent à inverser la tendance : élévation de l’âge légal de la retraite, calcul moins favorable des pensions, compléments de financement par capitalisation. Malgré l’ampleur de la protestation sociale, ces réformes aboutissent dans les années 1990.
    En Italie, dès 1992, la réforme d’Amato relève l’âge de la retraite de soixante à soixante-cinq ans pour les hommes et de cinquante-cinq à soixante pour les femmes. La période de référence pour le calcul de la pension passe de cinq à dix ans, et son montant est indexé sur les prix et non plus sur les salaires.
    La Suède, depuis 1999, explore elle une voie originale : un âge minimal de soixante et un ans est fixé pour la retraite, au-delà duquel le départ est flexible, sans limitation de temps. Il s’agit d’inciter le cotisant à travailler le plus longtemps possible pour obtenir la pension la plus élevée possible.
    En Allemagne, où la pension de base pouvait atteindre jusqu’à 80 % du revenu des ménages, la réforme votée en mai 2001 leur porte un coup rude : le taux des cotisations augmente, les pensions sont indexées sur les salaires réels et non plus sur l’inflation, des plans d’épargne-retraite complémentaires par capitalisation ont été instaurés et l’âge de départ est porté de soixante-trois à soixante-cinq ans.
    La France a connu une évolution comparable. En juillet 1993, le gouvernement d’Édouard Balladur décide l’allongement progressif de la durée de cotisations, de trente-sept ans et demi à quarante ans pour obtenir une retraite à taux plein (ce qui revient à remettre en cause de facto la retraite à soixante ans). Pour le calcul de la pension, les vingt-cinq meilleures années doivent à terme être prises en compte, au lieu des dix meilleures (ce qui conduit à diminuer le montant de la prestation à taux plein). Mais cette réforme, limitée aux salariés du privé, épargne les fonctionnaires, instaurant un système à deux vitesses.
    C’est pourquoi Alain Juppé, dans son plan du 15 novembre 1995, annonce l’alignement de tous les salariés sur le régime général. Cependant, devant la mobilisation des salariés du secteur public et le vaste mouvement de grèves de décembre le gouvernement se trouve obligé de céder.
    uisqu’on ne peut toucher aux régimes spéciaux, au moins peut-on s’orienter vers les fonds de pension, c’est-à-dire un processus de capitalisation. La timide loi Thomas sur l’épargne-retraite est votée en février 1997, mais le retour des socialistes au pouvoir quatre mois plus tard en sonne le glas. Plus rien ne sera fait désormais par le gouvernement Jospin. Il revient donc au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, porté au pouvoir en 2001, d’entreprendre la réforme.
    La loi votée en juillet 2003 prend acte du fait qu’il n’y a plus, aujourd’hui, que deux actifs pour un retraité (contre quatre actifs pour un retraité en 1960) et que, dès 2006, avec l’arrivée à l’âge de la retraite des babyboomers, tous les régimes connaîtront un déficit important. Elle harmonise donc, pour les fonctionnaires, les salariés du secteur privé et les travailleurs indépendants, la durée de cotisations à quarante ans en 2008 (avec décote de 5 % par année manquante et surcote de 3 % par année supplémentaire) et à quarante et un ans en 2012.
    Ainsi aura-t-il fallu moins d’une décennie pour que, dans tous les pays d’Europe, les régimes de retraites nés au lendemain de la Libération soient réformés. Si l’on considère la Sécurité sociale en général, et les retraites en particulier, comme un fondement du pacte démocratique scellé en 1945, nul doute que celui-ci s’en trouve écorné, notamment pour les plus fragiles.
    D’un autre côté, les entreprises sacrifient de plus en plus à la satisfaction des attentes de la Bourse et des actionnaires et ont besoin pour y parvenir d’alléger sans cesse main-d’œuvre et charges. Dès lors, on est en droit de se demander si la nécessaire participation des salariés au sauvetage des systèmes de retraites n’aurait pas dû s’accompagner d’un effort plus global de solidarité, touchant donc aussi les revenus non salariés et les profits industriels et financiers.
    Mais l’heure, sans doute, est à l’individualisme, y compris à la crispation sur tous les droits acquis, plus qu’à la réflexion sur les nouveaux impératifs d’une véritable solidarité entre public et privé, salariés et non salariés, capital et travail. Surtout, elle fait resurgir le spectre d’un temps que l’on croyait révolu, où les salariés des entreprises privées n’étaient pas reconnus comme des acteurs essentiels de la prospérité du capitalisme. C’était au XIXe siècle.
    Heurs et malheurs de la retraite pour tous
    Par Jean-Michel Gaillard
    publié dans L’Histoire n° 280 – 10/2003 Acheter L’Histoire n° 280
    ——————————————————————————–
    Jean-Michel Gaillard
    Notes :
    * Cf. « Capitalisation, répartition… ».
    1. Réimpression en fac-similé, Paris, Maspero, 1975, pp. 327-328.
    2. Cette encyclique promulguée en 1891 pose la doctrine sociale de l’Église. Elle souligne l’importance de la question ouvrière.
    3. Le plan Beveridge fut conçu, en pleine guerre, pour mobiliser les populations contre le nazisme, et favoriser l’unité nationale autour de la promesse d’un futur davantage tourné vers le social.
    A retenir :
    Que faire des vieux travailleurs à l’âge industriel ? Les initiatives, rares au XIXe siècle, sont d’abord privées et individuelles. L’État intervient pour sa part à partir des années 1890. Il faut toutefois attendre 1945 pour que le principe d’une retraite pour tous soit établi. Depuis une dizaine d’années, les pays européens réforment leur système de protection sociale.
    Articles du même auteur :
    Valmy ou la légende héroïque
    Par GAILLARD Jean-Michel dans Les Collections de L’Histoire n°25 | p. 54 – 57
    Un territoire sans frontières
    Par GAILLARD Jean-Michel dans L’Histoire n°284 | p. 32 – 32

  16. Merci au Salon Beige de parler du Chili, cela me fait vraiment plaisir, des bonnes choses qui existent hors France et dont notre pays devrait s’inspirer.
    C’est honteux de voir tellement de lamentations, de protestations en France, sans cesse entrain de demander plus, de ne s’unir sur rien même quand nous partageons la même religion, les mêmes opinions. Il n’y a pas que l’immigration qui est cause de tous nos maux,`mais bien cet esprit de querelle gaulois, franchouillard. Pardonnez-moi l’expression. La division dans une famille, dans un peuple fait le jeu de l’ennemi, ‘Diviser pour mieux régner’, c’est l’arme du Malin.
    Aussi, les français qui ont la chance de vivre dans un pays riche en tous points devraient tous les jours remercier le Seigneur et ils se feraient moins de soucis pour leurs retraites, leurs allocations familiales, leurs droits de toutes sortes.
    Allez, voyagez et vivez dans des pays pauvres où les gens n’ont pas votre chance.
    Je ne suis en rien spécialiste en économie, mais pour ce que j’en connais, le système français a besoin d’un profond renouvellement. Au Chili, l’actuel Président Sebastián Piñera était PDG de l’exellente Compagnie Aérienne Lan Chile, c’est un homme de travail acharné, de terrain et avec une vie familiale harmonieuse et équlibrée qui ne méprise pas son peuple et qui chérit son pays. Avec le choix d’un gouvernement d’expérience qui n’a donné aucune place à un socialiste. Voila qui pourrait faire réfléchir les français pour les prochaines élections.

  17. @ Athos
    Les cas de caisses de retraite ayant fait faillite sont deux cas d’escroquerie privées : des dizaines d’autres caisses de retraite professionnelles sont en mesure de verser les retraites. Le cas du Chili mais de nombreux autres pays démonter que la gestion de sfonds de pension par capitalisation, même privée, est largement plus efficace.
    Vous citez Michelin et le poids financier de ces fonds privés : justement, il serait préférable que Michelin dépende moins de la Caisse de retraite privée des enseignants américains et de qq autres du même poids qui pèsent sur le Cac 40 et le capitalisme européen, et plus de fonds de retraites européens et français. Ce serait du capitalisme populaire et politiquement plus conforme à la DSE que la répartition, puisque le lien entre le bénéficiaire et le cotisant serait maintenu par la gestion privée du capital.
    La répartition telle qu’elle fonctionne est une escroquerie publique, que les peuples européens et particulièrement les Français acceptent, car le mécanisme de l’escroquerie est ”garanti” par l’Etat.
    Or, en 1945 il s’agissait d’organiser la retraite de gens travaillant majoritairement à partir de 18 ans, avec peu de chômage, avec des études courtes, et vivant 10 à 15 ans moins longtemps qu’aujourd’hui, avec une natalité en hausse, et une pyramide des âges à peu près équilibrée.
    Aujourd’hui : âge du premier emploi beaucoup plus tardif, chômage des jeunes, chômages des seniors, espérance de vie en croissance constante, crises économiques diverses, dénatalité avec une pyramide des âges catastrophique, ET SURTOUT un Etat en faillite virtuelle du fait de sa dette. Si vous croyez à cette escroquerie, libre à vous : elle ne fonctionne correctement dans aucun pays, puisque tous ont des fonds de pension par capitalisation, soit à 100 %, soit complémentaires, gérés par l’Etat ou le privé, mais avec une gestion financière distincte du budget de l’Etat. La France a choisi de mêler les retraites au budget, puisque l’argent des retraites en surplus dans les années 60 70 a été dépensé au lieu d’être mis de côté : aujourd’hui le système croule, et la gauche comme la droite (et malheureusement la droite nationale) proposent de rafistoler un navire à la coque pourrie et irréparable.
    Voilà le mensonge ”à l’Etat pur” : la réforme actuelle vise à repousser le problème pour la fin du prochain quinquennat présidentiel. Mais les fondamentaux auront accentué leurs tendances lourdes et plus le temps passe plus le résultat inexorable se précisera : retraites misérables pesant sur des actifs minoritaires et surtaxés.

  18. @pg
    Votre analyse a 50 ans de retard. Elle se fonde sur une analyse de la;société des années 60.
    Enron et madoff ne sont pas des cas à part mais les symboles d’un fonctionnement économique global.
    Croire qu’il peut “exister des fonds de pension français et européens révèlent votre méconnaissance du système économique actuel. Les fonds de pensions ne peuvent etre la propriété que de groupes financiers apatrides, mondiaux. Il n’en existe pas d’autres !
    Le capitalisme populaire est une vue de l’esprit.
    La retraite par répartition ne date pas de 1945 !
    La retraite par capitalisation ne marche que pour les plus aisés : allez donc voir les retraites des ouvriers américains !
    Le reste de votre argumentaire est un tissu de propos absolument incompréhensibles. Désolé.
    […]
    [Vous serez aimable de rester courtois dans ce salon, où j’ai la bienveillance d’accueillir vos propos. Surtout si c’est pour proférer des déclarations sans argumentation. MJ]

  19. @ Jeannette : merci pour cette explication éclairante, bien que Keynes ait beaucoup baissé dans mon estime depuis quelques années.
    @ Athos : votre affirmation “Les fonds de pensions ne peuvent être la propriété que de groupes financiers apatrides, mondiaux” ne me paraît pas fondée. La Caisse de retraite privée des enseignants américains, ou le fonds de pension des fonctionnaires de Californie ne sont pas des groupes financiers, mais des mutuelles avec élection du directeur général (pas très bien payé d’ailleurs), et sont tout sauf apatrides.
    Il y a peut-être moyen de bien encadrer les fonds de pension, qui ne se comportent pas tous comme des prédateurs assoiffés de profits : certains ont une authentique vision industrielle. Les fonds de pension des fonctionnaires sont souvent les plus féroces, les fonctionnaires américains ayant eu de petits salaires et une petite retraite.

  20. Le : 23 Septembre 2010
    Le monde selon Picsou
    Les TGE (très grandes entreprises) européennes et américaines sont aujourd’hui confrontées à un grave problème : leurs liquidités sont trop importantes et elles ne savent pas comment les employer.
    Pour reprendre la formule du quotidien altermondialiste Les Échos en date du 14 septembre, « les sociétés américaines sont assises sur des montagnes de cash ». Combien ? 843 milliards de dollars, selon la dernière estimation de Standard & Poors. 843 milliards placés en banque, bien au chaud dans un bas de laine. A titre de comparaison, ce montant représente un peu plus de deux fois le budget de la France, ou 2 600 Airbus A380 (le plus gros avion commercial du monde), ou 250 centrales nucléaires qui pourraient être payées comptant, comme le pain chez le boulanger.
    Le « casse du siècle »
    Nous avons eu souvent l’occasion, dans plusieurs billets […] de souligner l’écart grandissant entre la fortune des TGE d’une part, l’endettement croissant des États et l’appauvrissement de l’immense majorité des salariés, notamment occidentaux, d’autre part.
    Que nos lecteurs réguliers nous pardonnent de revenir une nouvelle fois sur ce sujet mais c’est un élément-clef pour comprendre l’évolution de notre société : d’un système politico-économique « républicain » où l’étude puis le travail permettaient progression sociale et amélioration du niveau de vie, nous sommes passés à un système politico-économique « capitaliste » où seule la détention d’un capital (en général hérité ) permet de maintenir sa position sociale et son train de vie.
    Cette « contre-révolution » s’est effectuée à notre insu et sa réalité nous a été et nous est encore constamment dissimulée ou travestie. Il s’agit cependant d’un gigantesque hold-up, d’un « casse du siècle » aux montants faramineux, où nous tenons le rôle de « caves ».
    Que faire du pognon ?
    Comment va s’employer tout cet argent ? En premier lieu, augmenter le montant des dividendes versés : « le rendement des dividendes dépasse celui des obligations d’entreprises », « les analystes attendent une progression à deux chiffres des dividendes l’an prochain ». Ceux-ci devraient atteindre 228 milliards d’euros en 2011 pour les entreprises du Stoxx 600 (600 sociétés européennes, pas forcément les plus importantes).
    En d’autres termes, avoir de l’argent n’a jamais rapporté autant d’argent. Le phénomène des vases communicants fonctionne à plein : alors que les revenus du travail stagnent ou régressent, ceux du capital s’accroissent un peu plus chaque année.
    En second lieu, compte tenu de la masse de liquidités disponibles, on peut d’ores et déjà prévoir la formation de bulles spéculatives dans divers secteurs : immobilier, actions, matières premières, crédits carbone… ou devises.
    Conscientes de la faiblesse structurelle du dollar, les sociétés américaines (mais aussi les européennes et les asiatiques) pourraient décider de convertir massivement leurs « montagnes de cash », détenues aujourd’hui essentiellement en dollars, soit dans d’autres devises, soit en achats d’entreprises et investissements hors du territoire des États-Unis, précipitant un scénario du type Le jour où le dollar s’effondrera que nous avons envisagé dès mars 2009.
    Picsou au pouvoir
    Quel que soit le type de bulle qui gonflera puis éclatera, une donnée restera constante : comme lors de la « crise financière » de 2009, ce sera aux États – donc en définitive à nous, les citoyens – de payer les pots cassés et de réparer les dégâts de ce que l’on appellera pudiquement un « tsunami » ou une « panique » sur le blé, l’acier ou le dollar, en fait un nouvel épisode de spéculation à l’échelle mondiale.
    La « crise » de 2009 n’était probablement que le premier volet d’une série de soubresauts qui, d’ici quelques années ou dizaines d’années tout au plus, auront totalement transféré le pouvoir (le pouvoir réel en tout cas, les fantoches politiques pouvant continuer leur numéro de commedia dell’arte pour distraire le public) à quelques TGE ou groupes de TGE. Comme les princes du Moyen-Âge, elles choisiront alors de s’opposer ou de s’allier, au gré des circonstances, du profit envisagé ou de l’ego de leurs dirigeants.
    Fantasme ou délire paranoïaque de World Company ou de Big Brother ? Sans doute pas sous la forme imaginée par Orwell, mais une chose est certaine : le nom de nos futurs maîtres est déjà listé à la bourse de New-York ou de Shanghai.
    Lundi
    Article extrait de Polemia

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