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France : Politique en France

Attaquer en justice l’interdiction du culte public

Attaquer en justice l’interdiction du culte public

De notre ami Paul Barillon, Docteur en droit public:

Pour les catholiques, une grande souffrance s’impose aujourd’hui avec l’impossibilité de l’assistance à la sainte messe et de la réception de la sainte communion. Edouard Philippe a annoncé que l’assistance à la messe ne serait possible qu’à partir du 2 juin, lors de son allocution devant l’Assemblée nationale, le 28 avril dernier. Cette annonce engendre une colère légitime, elle est la traduction d’une autocratie. Emmanuel Macron et Edouard Philippe, les responsables du maintien du premier tour ubuesque du premier tour des élections municipales, sont responsables d’un trop grand nombre de décès du fait de leur impéritie. Ils ont laissé les frontières ouvertes, permettant l’arrivée de centaines de contaminés. En dignes héritiers de Machiavel, ils ont cherché à masquer la faillite de leur politique par la recherche de boucs émissaires susceptibles de ne pas êtres trop soutenus par la population. Dès la montée en puissance de l’épidémie, le rassemblement évangélique de Mulhouse a été dénoncé comme un fort vecteur d’explosion de l’épidémie en France – sans doute à juste titre, il faut l’avouer, mais il faut aussi rappeler que ces évangéliques avaient respecté les règles sanitaires alors en vigueur! Ne nous méprenons pas, nous ne demandons pas aujourd’hui la caricature de rassemblements évangéliques avec plusieurs centaines de personnes agglutinées les unes sur les autres, vociférant et se postillonnant dessus! Nous réclamons que des messes puissent redevenir publiques, avec l’assistance de fidèles respectueux des distances sanitaires et convenablement éloignés les uns des autres. Malgré la très forte différence entre les deux événements, il y a sans doute là une explication quant à la stigmatisation actuelle des messes.

L’argumentation d’Edouard Philippe est attaquable et elle fait, à juste titre, l’objet de la foudre de nombreux catholiques respectueux de son autorité mais réclamant qu’elle s’applique de manière juste.

C’est la loi du 23 mars 2020 « d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » qui est la base juridique de l’interdiction de célébration publique des cultes jusqu’au 2 juin 2020. On le dit trop peu mais cette loi est venue modifier plus ou moins durablement, en ces termes, l’article L 3131-15 du code de la santé publique.

Cet article énonce désormais que

« dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : 5° Ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ; 6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ».

Cette loi est autoritaire, se voulant appropriée à la situation actuelle à l’aune de la crise sanitaire. Dure est la loi mais cela n’est que la loi. C’est une erreur de ne citer contre cette loi que la seule loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat. Juridiquement, une loi n’a pas plus d’autorité qu’une autre loi, surtout lorsqu’elle est antérieure au texte contesté. En revanche, la loi du 23 mars 2020 est tenue de respecter le Bloc de Constitutionnalité qui lui est juridiquement supérieur et qu’elle ne peut contrarier. Elle est également astreinte de respecter la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et c’est là que des actions auront le plus de chances de succès…

Que dit donc le Bloc de Constitutionnalité, s’imposant à toutes lois en France ?

L’article 10 de la Déclaration du 26 aout 1789 qui est son texte le plus ancien, énonce que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ». Cet article instaure donc une nécessaire proportion entre liberté religieuse et respect de l’ordre public. Jusqu’à mars 2020, la principale référence législative faisant écho à cet article 10 a été la loi de séparation des églises et de l’Etat du 9 décembre 1905. L’article 1er de la loi de 1905 dispose : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ». Il ressort donc de cet article que la liberté de l’exercice des cultes, qui est garantie par la République. Reste à préciser quelles peuvent être les restrictions à l’exercice de cette liberté, et quelles sont les garanties accordées par l’État. Ces restrictions sont aujourd’hui apportées par la loi du 23 mars 2020 « d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » qui permet au Premier ministre d’interdire les réunions publiques, dont celles du culte.

Trois enseignements sont à tirer de cette situation.

Une action pour démontrer l’inconstitutionnalité de la loi du 23 mars 2019 serait longue et hasardeuse. Elle ne pourrait aboutir qu’à travers une Question Prioritaire de Constitutionnalité, posée dans le cadre d’un procès en cours.

Les interdictions portées par la loi sont précisées par l’article 7 du décret du 23 mars 2020 qui énonce actuellement que « tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert, est interdit sur l’ensemble du territoire de la République jusqu’au 11 mai 2020 ». L’article 7 de ce décret n’est pas, en réalité, la principale source d’interdiction des messes, sinon de le 12 mai le culte serait autorisé. Les mesures de police qu’il génère sont plus préjudiciables. Cet article sert seulement de base juridique à cette interdiction. Un référé liberté a été déposé devant le Conseil d’Etat contre le décret du 23 mars 2020, espérons qu’il aboutira.

Pour le reste, l’interdiction du culte repose sur une mesure de police générale qu’il est impératif également d’attaquer.

Les mesures prises par le Premier ministre contre l’assistance des fidèles au culte sont des mesures relevant du pouvoir de police administrative générale, dans le but d’une préservation des troubles à l’ordre public sanitaire. Ce pouvoir de police découle du pouvoir règlementaire général donné au Premier ministre par l’article 21 de la Constitution. Cet article énonce que « le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires ». Les mesures prises au titre de ce pouvoir de police règlementaire peuvent faire l’objet d’un contrôle de la proportionnalité des mesures prises par rapport aux buts à atteindre, par le Conseil d’Etat. C’est là qu’il est possible d’agir contre les décisions d’Edouard Philippe. Il est possible que les mesures de police édictées soient disproportionnées quant à l’ordre public sanitaire à défendre.

Ce pouvoir de police générale appartenait sous la IIIe République au Président de la République. Il revient sous la Ve République, dans la même logique d’application, au Premier ministre.

C’est ainsi que le Conseil d’Etat a développé une jurisprudence sur la proportion des mesures prises quant aux buts à atteindre par ce pouvoir de police général avec son arrêt du 8 aout 1919 « Labonne ».

Très tôt également, dès le 19 février 1909, par son arrêt « Abbé Guillet », le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la proportion des mesures de polices municipales quant à la préservation de l’ordre public et notamment sur la question du culte. En l’espèce, la haute juridiction a arrêté « qu’il résulte de l’instruction que, dans la ville de Sens, aucun motif tiré de la nécessité de maintenir l’ordre sur la voie publique ne pouvait être invoqué par le maire pour lui permettre de réglementer, dans les conditions fixées par son arrêté, les convois funèbres, et notamment d’interdire aux membres du clergé, revêtus de leurs habits sacerdotaux, d’accompagner à pied ces convois conformément à la tradition locale ».

Ne pourrait-on pas espérer un arrêt de mai 2020 contre les mesures d’Edouard Philippe, dont  le considérant serait exprimé en ces termes : « qu’il résulte de l’instruction que le Premier ministre en interdisant la reprise des cultes pour des motifs sanitaires alors que dans un pays ou la pratique religieuse a faibli, les entreprises, écoles et lieux publics seront ouverts à tout public, aucun motif tiré de la nécessité de maintenir l’ordre public sanitaire ne pouvait être invoquée alors que des précautions sanitaires seront prises dans les églises pour la célébration des messes » ?

Les mesures de la loi du 23 mars 2020 et du décret de la même date sont également susceptibles de violer l’article 9 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Celui-ci affirme que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Les dispositions de la Convention sont obligatoires pour la France, sa législation et a fortiori sa réglementation doivent donc obligatoirement être en adéquation avec ce texte. Les textes incriminés pourront faire l’objet d’une requête individuelle devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme dès lors qu’appels et recours auront été épuisés devant les juridictions nationales. La procédure sera donc longue mais elle pourrait aboutir.

Plusieurs jurisprudences intéressantes pourraient permettre de faire condamner la France et de désavouer Emmanuel Macron et Edouard Philippe !

Il sera important et symbolique que les textes votés et décidés par LREM soient désignés comme violant gravement les droits de l’homme ! Si cela peut aboutir, il ne faut pas hésiter à porter les recours qui dénonceront la violation de la Convention par les textes impulsés par Emmanuel Macron et Edouard-Philippe.

A titre d’exemple, l’arrêt du 22 janvier 2009 « Saint Synode de L’Eglise orthodoxe bulgare (métropolite Innocent) et autres /c/ Bulgarie » a rappelé que « le droit des fidèles à la liberté de religion, qui comprend le droit de manifester sa religion collectivement, suppose que les fidèles puissent s’associe librement, sans ingérence arbitraire de l’Etat. En effet, l’autonomie des communautés religieuses est indispensable au pluralisme dans une société démocratique et se trouve donc au cœur même de la protection offerte par l’article 9 ». Citons également la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 13 décembre 2001 «Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldova » laquelle a arrêté que « dans l’exercice de son pouvoir de réglementation en la matière et dans sa relation avec les diverses religions, cultes et croyances, l’Etat se doit d’être neutre et impartial, il y va du maintien du pluralisme et du bon fonctionnement de la démocratie ».

Il y a donc des armes juridiques contre l’atteinte par Edouard Philippe et Emmanuel Macron à notre liberté de pratiquer notre religion ! Le moment est venu de prier Sainte Jeanne pour que ce siège contre les mesures de LREM aboutisse ! Pas de désespoir même si, à première vue, il semble aussi désespéré à première vue que la délivrance d’Orléans qui fut pourtant réalité en 1429 ! Prions la Sainte Patronne de la France dans ce combat juridique: « En nom Dieu, les gens d’armes batailleront, et Dieu donnera la victoire » !

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5 commentaires

  1. La CEF ? N’est-ce pas elle à qui cela revient?

  2. Vous demandez le respect tout en décrivant les évangélistes de manière peu respectueuse (“plusieurs centaines de personnes agglutinées les unes sur les autres, vociférant et se postillonnant dessus!”). Cela ne sert pas votre discours, bien au contraire. Il nous faut des prêtres courageux qui célébreront quoi qu’il en coûte, assister massivement aux messes, et se défendre juridiquement en cas de verbalisation par les autorités civiles.

  3. le plus efficace c’est quand même le bulletin de vote
    que les catholiques s’en souviennent avant d’aller voter

  4. Merci pour la leçon de droit qui était nécessaire.
    Il y a pléthore d’avocats prêts à soutenir un tel combat, ne manquent que les capitaines, les évêques qui sont à la tête des associations diocésaines, seules affectataires des lieux de cultes dans lesquels les curés sont nommés par leur évêque.
    Alors messeigneurs, combien de capitaines, combien de Jeanne d’Arc et combien de Cauchon en cette semaine du Bon Pasteur ?

  5. Je souhaiterais attirer l’attention des lecteurs sur un point: la lutte des catholiques pour leur vie (spirituelle) porte des conséquences également sur la vie intellectuelle, sociale et économique. Par exemple nos autorités commencent à préparer les responsables universitaires ou d’enseignement à un prolongement indéterminé de l’enseignement à distance (ce que les “héros” de “L’enseignement de l’ignorance” de JC Michéa – peu suspect de ‘droitisme’ – souhaitaient mettre en place sans savoir comment). Le saccage économique s’observe avec la ruine des petits artisans et TPE, et la vie sociale est attaquée par le simple port obligatoire d’un masque: comment partager toute cette indispensable ‘communication non-verbale’ comme un simple sourire?
    Et tout ça pour rien, ou plus exactement sans raison valable comme le pointe un article virulent du Washington Times dont ces colonnes se font écho.
    Donc amis catholiques qui combattez, tenez ferme car vous portez beaucoup plus que votre simple droit “d’aller à la messe”.
    D’une certaine manière cette crise sanitaire agit comme un révélateur (la tiédeur de bien des religions chrétiennes non catholiques? du judaïsme qui ne semble pas être concerné? la violence agressive et conquérante de l’islam?) J’en suis à penser que Notre Seigneur l’a permis pour révéler le mal, comme la lumière met en relief le noir.

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