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Bioéthique

A propos du prélèvement d’organes sur les morts

Alors que le secrétaire du Pape a rappelé que ce dernier ne pouvait plus faire don de ses organes depuis qu'il a été élu sur la Chaire de Pierre, Jeanne Smits rapporte l'analyse du Dr Christian Brugger, spécialiste des questions d'éthique et docteur en philosophie, sur le prélèvement d'organes :

O "il rappelle que la véritable question éthique concerne la définition de la mort. Si Jean-Paul II tout comme Benoît XVI ont salué la principe de la donation d'organes ils ont précisé que le prélèvement ne peut se faire que sur une personne dont la mort est certaine, d'une « certitude morale », disait Jean-Paul II en 2000. C'est à dire au carrefour d'une description philosophique et théologique (la mort étant définie comme « la séparation de l'âme et du corps ») et de critères pratiques qui permettent de constater que la mort a eu lieu […].

"Les corps en état de mort cérébrale ne peuvent respirer de manière autonome puisque leur réflexe involontaire de respiration se fait par la médiation du tronc cérébral, qui est victime d'une destruction complète. Ainsi ces corps doivent être soutenus par une ventilation mécanique, qui maintient les fonctions d'inspiration et d'expiration. Mais avec le soutien de cette ventilation, il a été montré que les corps des personnes en état de mort cérébrale subissent une respiration au niveau cellulaire (ce qui entraîne des échanges d'O2 et de CO2) ; ils assimilent de la nourriture (ce qui suppose l'activité coordonnée des systèmes digestifs et circulatoires) ; ils luttent contre l'infection et les corps étrangers (ce qui implique l'interaction coordonnée du système immunitaire, du système lymphatique, de la moëlle osseuse et de la microvascularisation) ; ils maintiennent l'homéostase (ce qui implique une quantité innombrable de d'intervenants chimiques, d'enzymes et de macromolécules) ; ils éliminent, détoxifient et recyclent des déchets cellulaires dans la totalité du corps ; ils maintiennent la température corporelle ; ils grandissent de manière proportionnelle ; ils guérissent de leurs plaies (c'est la défense immunologique du soi par rapport à ce qui n'est pas soi) ; ils font preuve de réactions cardiovasculaires et de stress face aux stimuli nuisibles comme les incisions ; ils peuvent assurer la gestation d'un fœtus (y compris à travers la prise de poids, la redistribution de la circulation sanguine au bénéfice de l'utérus, et la tolérance immunologique à l'égard du fœtus) ; ils peuvent même expérimenter la puberté."

Certains n'y voient que des «activités biologiques résiduelles n'exprimant pas davantage de vie que les mouvements de la queue amputée d'un lézard», note Brugger. «D'autres, y compris des scientifiques et et plusieurs philosophes et théologiens qui, comme moi, acceptent l'enseignement magistériel, sont moins à l'aise à l'idée de les mettre de côté comme n'étant pas des signes possibles d'une véritable intégration somatique.» […]

en 2009, Benoît XVI s'est exprimé lors d'un prestigieux congrès sur la transplantation. Sans s'exprimer sur le principe ni sur le caractère acceptable du critère neurologique de la mort, le pape a déclaré que la donation d'organes ne peut être licite  que dans la mesure où elle « ne crée par un risque sérieux » pour la santé du donneur."

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3 commentaires

  1. Je réagis rapidement juste pour dire merci à Jeanne Smits de me faire connaitre cet article non paru en français.
    J’avais eu la même lecture de la communication de JP II en 2000, et c’est la première fois depuis que je lis une dénonciation si claire de l’imposture qui consiste à dire que les Papes acceptent sans réserve le principe et les modalités des prélèvements d’organe pratiqués actuellement. C’est malheureusement ce que répètent nombre de prélats !
    Réanimateur moi même, mes doutes se sont renforcés à la lecture de mon confrère orthodoxe Marc ANDRONIKOK (Médecin aux urgences, à lire +++).
    Sans revenir sur les arguments médicaux et philosophiques que vous citez, je note la phrase d’un prélat : “Le corps d’un pape appartient à toute l’Eglise universelle… Il est compréhensible que la dépouille papale soit intégralement conservée.”
    Je suis également choqué par l’intervention de prélèvement d’organes qui revient à “voler” aux proches le moment de la mort, à les empêcher de veiller le mourant jusqu’au dernier instant.
    Nous avons malheureusement probablement perdu cette pratique, même pour la plupart des chrétiens ! Est-ce que, lorsque nous trouvons formidable qu’un proche “donne” ses organes, nous avons bien réfléchi à ce qui se passera à ce moment là, à ce que nous ferons ? Pour être précis : tant que le malade est en réanimation et que son corps vit, que nous importe que son activité cérébrale reste mesurable ou pas, c’est toujours le moment pour un chrétien de le veiller et de prier pour le repos de son âme jusqu’au moment de sa mort que nul ne peut dater précisément. Que ferez vous lorsqu’il partira au bloc opératoire, généralement la nuit après qu’on ai renvoyé la famille chez elle en lui disant que tout est déja fini, et quand il reviendra cette fois-ci réellement sous forme de cadavre livide ? Il sera bien mort à ce moment : mais quand ?, où ?, avec qui à coté et quelles prières ?, et nous où serons nous et que ferons nous ?
    Vous le voyez : le prélèvement me rend de lus en plus mal à l’aise, surtout sur ce qu’il nous dit de la façon dont la société considère le moment de la mort.

  2. JCM a tout à ait raison du point de vue du donneur.
    Du point de vue du receveur si l’organe est prélevé sur un corps mort, il est lui-même mort, et il lui sera difficile de ressusciter dans un autre corps vivant…
    Il y a deux points de vue opposés selon que l’on se place d’un côté ou de l’autre.
    Ces “dons” sont des horreurs d’anthropophages. (orthographe ??)

  3. @ Jean Theis
    Attention quand même à ne pas tomber dans l’utilitarisme qui, comme dans tant d’autres domaines (recherche sur l’embryon en tête), risque de nous mener vers de grandes dérives.
    La première chose à rappeler est qu’aucun receveur potentiel n’a un DROIT absolue à ce “don” puisqu’il suppose la mort d’autrui ; ce que semblent oublier toutes les campagnes de l’Agence de la Biomédecine.

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