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Valeurs chrétiennes : Education

A propos de l’affaire de Saint-Jean de Passy

A propos de l’affaire de Saint-Jean de Passy

La récente publication par le Salon beige du communiqué des collectifs Saint Jean de Passy a suscité pas mal de réactions – ce qui ne m’a pas vraiment étonné ! En particulier, j’ai eu une assez longue conversation avec un interlocuteur très proche du dossier. Ce dernier s’est plaint que le Salon beige remette, si je puis dire, une pièce dans le juke box et alimente la division, voire la défiance à l’égard des évêques.

Je voudrais préciser ici que nous ne nous sommes pas mêlés de cette triste affaire de gaieté de cœur. Il aurait été beaucoup plus facile de ne rien dire. Mais la procédure de mise à pied de François-Xavier Clément et de Jean Ducret a été si maladroite, et si maladroitement publicisée, qu’il était à peu près impossible d’échapper au soupçon qu’ils étaient des dangereux psychopathes, sinon des violeurs d’enfants. Il nous a semblé que la justice la plus élémentaire (jointe, pour ce qui me concerne, à l’amitié et à l’admiration que j’ai pour François-Xavier Clément – je ne connais pas personnellement Jean Ducret, mais tous les échos que j’en reçois me laissent penser qu’il est tout aussi digne d’admiration) exigeait de défendre leur honneur.

Quant à l’attitude à l’égard des évêques, je crois qu’il faut se garder de deux écueils. Le premier consisterait à mépriser l’autorité épiscopale qui, de droit divin, fonde littéralement l’Eglise : c’est par la succession apostolique, transmise par le sacre épiscopal, que nous sommes rattachés à la foi des Apôtres et au Christ lui-même. Il n’est donc pas possible d’être catholique sans recevoir la foi de l’Eglise enseignante. Autrement dit, sans les évêques, nous ne pouvons pas parvenir au salut. Notre obéissance, notre prière et notre reconnaissance ne doivent donc jamais manquer à nos évêques – même, et peut-être surtout, lorsque nous ne sommes pas d’accord avec telle déclaration ou tel acte de gouvernement. L’autre écueil consisterait à croire que, parce que les évêques ont reçu le Saint-Esprit pour transmettre la foi et conduire les fidèles, leur gouvernement est toujours nécessairement digne d’éloge. C’est, je pense, ce que le Pape actuel dénonce régulièrement comme « cléricalisme » (je n’aime pas beaucoup l’expression qui me semble très équivoque, mais peu importe ici…). Même le premier des évêques, celui de Rome, à qui le Saint-Esprit garantit l’infaillibilité quand il se prononce solennellement en matière de foi ou de mœurs pour affermir ses frères, selon le mandat jadis confié à saint Pierre, n’est pas, au sens précis du mot, impeccable – y compris dans l’exercice même du charisme de l’infaillibilité : nous savons avec certitude que, lorsqu’il parle ex cathedra, le pontife romain ne peut pas enseigner l’hérésie, mais rien ne garantit qu’il présentera la foi dans le pur latin de Virgile, ni même d’une façon qui soit simplement compréhensible par tous sans malentendu !

En l’occurrence, s’il peut sortir du bien de l’affaire de Saint Jean de Passy, cela ne pourra venir, me semble-t-il, que d’une réflexion commune sur le management et la communication dans l’Eglise. Pour ne donner que deux illustrations tirées de l’affaire qui nous occupe, la procédure de mise à pied des deux hommes a été particulièrement brutale (rien n’imposait, à ma connaissance, de faire cela dans l’urgence, en débarquant avec huissier au domicile familial pour y saisir ordinateurs et téléphones) et, au plan de la communication, je regrette vivement que le lycée, la direction diocésaine ou le diocèse lui-même n’aient pas géré eux-mêmes la communication consécutive au classement sans suite du signalement relatif à François-Xavier Clément et Jean Ducret : cela aurait permis de clore le dossier en douceur, en tout cas plus sereinement qu’avec ce communiqué qui relance inévitablement une polémique inutile.

En tout cas, il n’est pas malsain que nous ayons des divergences de vues (cela prouve que l’Eglise est vivante), ni même que nous les exprimions un peu vivement (pendant les siècles de chrétienté, des grands saints ont admonesté sévèrement et publiquement leurs supérieurs sans se cacher derrière leur petit doigt), mais il serait scandaleux que ces divergences nous conduisent à une sorte de schisme larvé, plusieurs sectes cohabitant côte à côte dans ce qui ne serait plus l’Eglise, ou, au contraire, entraînent une dissimulation sous le tapis au mépris de toute justice et de toute vérité. La crise, bien plus douloureuse encore, des abus sexuels a déjà attiré notre attention sur ces questions, mais nous peinons tous à les traiter. Un ami, qui a participé au lancement d’un important site internet catholique, m’a raconté qu’ayant interrogé des autorités romaines sur ce qu’il conviendrait de faire si ce site avait à parler de choses déplaisantes sur l’institution ecclésiale – je suppose qu’il pensait notamment à cette crise des abus sexuels. A sa grande surprise, tous ses interlocuteurs, dont certains au plus haut niveau de l’Eglise institutionnelle, lui avaient répondu : Choisissez toujours la vérité ! C’est aussi, depuis longtemps, notre ligne directrice au Salon beige – adossée à une attention particulière à notre responsabilité de fidèles laïcs. En ce dernier domaine, j’ai été frappé à plusieurs reprises, dans cette affaire de Saint Jean de Passy, par des commentaires demandant en substance de quoi se mêlaient les parents d’élèves en se mobilisant ainsi pour le directeur. Mais la réponse me semble très facile : ces parents se mobilisaient tout simplement parce que l’éducation de leurs enfants est d’abord leur responsabilité propre, dont ils « sous-traitent », si je puis dire, une partie à l’école et ils ont donc besoin de savoir quel est le projet éducatif de l’école et de pouvoir faire confiance au directeur et à toute l’équipe éducative. Il est déjà regrettable que M. Macron et les néo-jacobins aient du mal avec le principe de subsidiarité et la liberté éducative des parents, mais c’est plus grave encore quand ces interrogations s’entendent dans le contexte de l’enseignement catholique. Nous avons décidément tous de sérieux progrès à faire en matière de diffusion et d’appropriation de la doctrine sociale de l’Eglise !

Naturellement, ce choix de la vérité, auxquels invitaient les autorités romaines, est excellent en théorie, mais fort complexe à mettre en œuvre en pratique. Notre subjectivité, nos passions nous entraînent toujours à n’avoir de la vérité qu’une vision partielle. C’est pourquoi, à la demande de l’interlocuteur dont je parlais en commençant, je publie volontiers ci-dessous les éléments de langage que donne l’archevêché de Paris aux journalistes qui l’interrogent suite à la publication du récent communiqué (même si, pour être honnête, je ne suis pas entièrement convaincu par l’argument central : s’il est parfaitement exact qu’un classement sans suite n’est pas un non-lieu, j’ai peine à croire que ce classement sans suite ait pu être prononcé s’il y avait matière à poursuite – quand on connaît les préjugés anti-catholiques d’une bonne partie de nos « élites », il me semble au contraire que le moindre détail « croustillant » aurait fait les choux gras des enquêteurs et des médias). Mais il me semble bon que chacun puisse se faire sa propre opinion en disposant ainsi des deux « sons de cloche ».

Pour conclure, chers amis lecteurs, je ne vous cacherai pas ma joie d’avoir appris à la faveur de cette récente « tempête » la bonne nouvelle du classement sans suite de ce signalement – car il ne faudrait pas que l’agitation médiatique fasse oublier l’essentiel qui est bien cette décision. J’espère que cela permettra à tous les protagonistes de tourner la page de cette douloureuse histoire et de repartir de l’avant. Mais cela m’a fait toucher une nouvelle fois du doigt la responsabilité parfois lourde qui pèse sur nos épaules de blogueurs catholiques. Puis-je vous demander de prier l’Esprit-Saint qu’il nous donne la force de dire la vérité dans l’amour de l’Eglise – et que le Salon beige travaille efficacement, comme on dit dans les belles prières de Léon XIII après la messe, « pro conversione peccatorum, pro libertate et exaltatione Sanctae Matris Ecclesiae » ?

Guillaume de Thieulloy

Directeur du Salon beige

 

 

  1. Les contrats de travail de François-Xavier Clément et de Jean Ducret ont été rompus au mois d’avril 2020. Les procédures engagées relèvent du droit du travail, qui a été respecté y compris en ce qui concerne la confidentialité des griefs.
  2. Parallèlement un signalement a été adressé au Procureur de la République de Paris par la Direction diocésaine de l’enseignement Catholique de Paris. Il ne s’agit pas d’une plainte pénale mais la procédure légale suivie lorsque sont portés à la connaissance du diocèse des faits pouvant exposer l’intégrité des personnes, tout en respectant la présomption d’innocence. La nature des faits faisait obligation à ceux qui en avaient connaissance de les signaler à la justice. L’objectif d’un signalement est précisément de permettre aux autorités publiques d’enquêter au sein de l’établissement, indépendamment du volet social.
  3. S’agissant du volet social, la procédure légale a été régulièrement respectée et cet aspect du dossier est définitivement clos.
  4. S’agissant du volet pénal, un classement sans suite est intervenu en novembre 2020. Il ne s’agit pas d’une décision de non-lieu et en droit cette décision n’a pas autorité de la chose jugée puisqu’elle est prise par le procureur « en opportunité » et sans qu’une juridiction de jugement n’ait été saisie. Il peut être passé outre cette décision en poursuivant la procédure pénale. Notamment, toute victime est en droit de se constituer partie civile pour forcer l’action publique à reprendre, par la désignation d’un juge d’instruction ou sur citation directe devant une juridiction pénale. Des plaintes ayant également été déposées par les victimes, il leur appartient d’apprécier la suite à donner.
  5. Aucune des décisions prises n’a été remise en cause par la justice. L’école Saint-Jean de Passy et le diocèse de Paris ont donc agi en conscience en prenant les décisions qui s’imposaient.
  6. Il est inutile de vouloir alimenter une polémique qui n’a pas lieu d’être en usant de surcroit de propos excessifs et d’une agressivité injustifiée.

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14 commentaires

  1. Merci Guillaume de Thieulloy, pour ces explications très precises et argumentees avec Bon Sens.
    Que le Saint Esprit vous guide toujours dans le discernement des Esprits afin de toujours suivre Ses Voies droites et de savoir discerner les tentations sous apparence de Bien que Satan propose continuellement aux membres de Votre profession en en entrainant beaucoup dans les polémiques stériles et mortelles pour l’esprit et en les faisant etre stériles quand il s’agit pour eux de rentrer avec intelligence et Charité dans une contreverse féconde pour une recherche honnête de la VÉRITÉ que doit avoir tout homme a l’esprit droit.

  2. L’école catholique est souvent en proie au modernisme et à la soumission au monde.

  3. L’agressivité injustifiée est certainement la manière dont cette affaire a été menée…

  4. est-ce qu’on doit obéir à certains évêques qui doutent de la présence réelle ou comme le nouveau cardinal qui traite les vrais cathos ceux qui veulent la Messe d’analphabètes . Oui nous obéirons aux évêques quand ils enseignent la vrai religion catholique, mais non quand ils n’enseignent pas la vraie religion celle de Jésus-Christ mise en place par l’Eglise depuis 2000 ans

  5. Le point de vue des parents peut se comprendre et être accueilli avec intérêt.
    Il n’est pas le seul à devoir être pris en compte. Les parents sont rarement au fait des questions de management, par exemple.
    Je connais des chefs d’établissements qui ont eu droit à de beaux articles dans des revues bien cathos comme il faut, pour leurs entreprises d’évangélisation, leurs dynamiques missionnaires, etc. et qui se conduisaient en salauds et pervers à l’égard de leur personnel… le contre-témoignage scandaleux par excellence.
    Ces gens sont toujours en poste…
    Et les parents ne savent rien de ces pratiques, évidemment.

  6. Dans un autre sens, il y a quelques années, toujours à Saint Jean de Passy, l’administration diocésaine avait nommé un nouveau directeur. Un des prêtres en poste au sein de cet établissement eut vent de ce que ledit directeur avait un dossier particulièrement négatif en ce qui concernait certaines déviances sexuelles. Il alerta donc les parents d’élèves et l’émotion ainsi suscitée convainquit l’administration responsable de corriger le tir. Il faut toujours dire la vérité.

  7. J’avoue être très gêné par l’autosatisfaction qui dégouline du communiqué de l’évêché de Paris.
    Pas un mot de charité ou de compassion à l’égard de FX Clément et J. Ducret.
    Pas un mot pour leur rendre la plus élémentaire justice.
    Au contraire, on continue a déclarer, sans ambages qu’ils ont fait des “victimes”.
    Est-ce que, par hasard, ce mot de “victimes” n’est pas polémique et agressif ?
    Recommander de ne pas “alimenter une polémique qui n’a pas lieu d’être en usant de surcroit de propos excessifs et d’une agressivité injustifiée”, c’est bien.
    Mais il serait beaucoup mieux de donner l’exemple.
    En l’occurrence, les auteurs du communiqué donnent l’impression d’être persuadés qu’ils n’ont absolument rien à se reprocher et que leur attitude à l’égard des deux susnommés a toujours été d’une charité parfaite.
    En revanche, quiconque se permet de défendre les deux accusés est immédiatement dénoncé comme “polémique”, agressif”, excessif et “injuste”.
    Bref, la paille et la poutre.

  8. Merci pour cet article plein de vérité. Nous garderons bien dans nos prières Monsieur Clément, Monsieur Ducret et nos évêques.

  9. Monsieur,
    Merci pour vos propos à la fois très mesurés et très explicites, au service de la justice et de la vérité.
    Certains ne mesurent sans doute pas le préjudice énorme subit non seulement par les intéressés et leur famille, par le personnel, les familles et les enfants de Saint Jean, mais aussi par toutes les personnes oeuvrant dans l enseignement catholique.
    Ces accusations publiques, non explicites, ne passant par aucun des organismes qui auraient du être saisis, ont semé un grand trouble, face à une menace pouvant tous nous toucher sans que nous ayons les moyens de la connaître ou d y répondre.
    C est pourquoi il est capital de laisser paraître la vérité, ce n est pas une option: rien de bon ne peut se reconstruire en enterrant les faits.
    Il faut aussi rappeler que, si les conclusions sont publiques, c est d abord parce que des accusations publiques ont été faites. Si l enquête judiciaire aboutit à un classement sans suite, c est sans doute parce que c est la seule enquête complète qui ait été menée. Chacun doit prendre ses responsabilités.
    On ne peut reprocher à des Chrétiens de vouloir travailler dans des conditions correctes au service de l Eglise.
    Je suis très satisfaite que la réputation de messieurs Clément et Ducret ait été lavée très officiellement par cette enquête.
    Merci à vous.

  10. Bravo et merci à Guillaume de Thieulloy pour l’ensemble du dossier et la façon dont il nous l’a fait connaître.
    En cette année du centenaire de la canonisation de Jeanne d’Arc, il est difficile de ne pas faire des rapprochements entre le langage de l’archevêché de Paris et celui des représentants de l’Église de cette époque envers elle lors de son procès… Il aura fallu cinq siècles à l’Église pour canoniser Jeanne d’Arc et cette canonisation n’a pourtant pas retenu la qualification de martyre suite au châtiment qu’elle a subi sur le bucher, martyre de l’Église, par l’Église, dans l’Église et pour l’Église alors que ses voix lui prédisaient pourtant bien le martyre. Sans vouloir comparer messieurs Clément et Ducret à Jeanne d’Arc je pense que l’archevêché de Paris ni son titulaire ne se sont grandis en publiant un tel communiqué bien dans la même ligne de celui qui parlait de ” petit business ” de certains sur un autre sujet…

  11. Des évêques hydroalcooliques dont le souci est de donner des éléments de langage pour se dédouaner, et qui ne croient pas (assez) à l’Eucharistie et au mystère de la messe pour défendre le droit le petit troupeau analphabètes à recevoir la Sainte Communion contre les obstacles mis par l’Etat.

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