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France : Politique en France

2020. Covid : Le gouvernement face aux questions des députés. Il vaut mieux en rire qu’en pleurer (4/6)

2020. Covid : Le gouvernement face aux questions des députés. Il vaut mieux en rire qu’en pleurer (4/6)

Petit rappel : Unité de temps : l’année 2020. Unité de lieu : l’Assemblée nationale. Unité de situation : les deux heures hebdomadaires de questions/réponses entre les députés et le gouvernement. Unité de sujet : la crise sanitaire et sa gestion. L’objectif de cette série d’articles est, en revenant sur une année d’échanges, de retirer quelques enseignements (avec l’acquis d’un certain recul) sur la façon dont le gouvernement s’est comporté dans la gestion d’une crise sanitaire « moderne ».

Le sujet est grave et la situation générale de la France est dramatique. Pourtant, il y a quand même quelques échanges savoureux entre parlementaires et membres du gouvernement. C’est vrai que le recul aide un peu.

Ca commence dès le 18 février par M.Véran qui affirme :

« Vous savez très bien que notre système de santé est extrêmement solide, notamment en matière de santé publique et lorsqu’il s’agit de lutter contre des risques épidémiques ».

Le 3 mars, répondant au député Pascal Bois (LaRem) à propos du foyer épidémique dans le département de l’Oise, et qui faisait observer que « des questions me sont adressées par des citoyens et des élus confrontés à l’anxiété ou à la pénurie de masques ou de solutions hydro-alcooliques pour se protéger », M.Véran répond :

« Quant au gel hydro-alcoolique, après m’être entretenu avec les élus et le directeur général de l’ARS, je peux vous annoncer qu’il arrive. Il n’y avait pas de pénurie, mais simplement une demande extrêmement forte concentrée sur une période très brève. La production bat son plein et les industriels – français, en l’occurrence – seront capables de répondre à cette demande dans les prochaines heures ».

On peut évoquer une surprenante et éphémère initiative du gouvernement, rappelée le 5 mai par Mme Frédérique Dumas (Libertés et Territoires) :

« Monsieur le Premier ministre, le site du Gouvernement propose depuis fin avril une nouvelle page intitulée « Désinfox coronavirus ». Cette rubrique propose de fait de labéliser ce qui est fiable et ce qui ne l’est pas, en sélectionnant une liste d’articles, et ce, sans même l’autorisation des rédactions concernées.. Compte tenu de la chute de confiance des Français dans la capacité du Gouvernement à gérer la crise et à fournir des informations fiables, non seulement les Français qui doutent n’iront jamais sur un site gouvernemental pour démêler le vrai du faux, mais le risque est grand d’inciter la population à s’informer en dehors des sources mises soi-disant en valeur par le Gouvernement »

enterrée par le ministre de la culture, l’inoubliable Franck Riester :

« Le service supplémentaire proposé par le porte-parolat visait simplement à regrouper sur une même page internet les ressources de lutte contre la désinformation concernant la crise sanitaire… En tant que ministre de la culture, garant de la liberté, de l’indépendance et du pluralisme de la presse, je souhaite vous annoncer que le Gouvernement a pris la décision de retirer cette page du site internet du Gouvernement ».

On ne saurait oublier la brillante Mme Sibeth Ndiaye qui répondait le 26 mai à une question de M.Joachim Son-Forget (« Soyez à la hauteur du sinistre. Au-delà des ambitions et des petits calculs, nous voudrions être sûrs que vous ferez passer avant votre sort personnel et les menaces judiciaires potentielles le sort des Français qui souffrent des lenteurs et des carences administratives ») avec son inégalable talent :

« Je vous remercie pour votre question, qui me permet d’apporter un éclairage sur ce qu’a été la politique du Gouvernement depuis le début de la crise sanitaire. À chaque instant, nous avons fait le choix de regarder les indicateurs sanitaires et de nous appuyer sur un rationnel scientifique et sanitaire pour prendre l’ensemble des décisions qui ont été les nôtres. Qu’il s’agisse de la doctrine d’emploi des masques ou de celle de la diffusion et de l’utilisation des tests, c’est uniquement sur ce rationnel scientifique et sanitaire que nous avons fait nos choix en matière de politique de santé publique,…et les résultats sont au rendez-vous. Cette épidémie dont nul dans le monde ou en Europe, ni malheureusement dans notre pays, n’avait pu prévoir l’ampleur, nous y avons fait face, parce que nous avons su anticiper l’adaptation de notre système de santé ».

Le 2 juin, M.Philippe Vigier (MoDem) interroge sur les conséquences économiques  du confinement pour l’hôtellerie.  Le Premier ministre, dans son style pince-sans-rire, de répondre :

« S’agissant de l’hôtellerie, l’activité n’a pas été formellement interdite, mais par définition, dès lors qu’il n’y avait pas de restauration et peu de déplacements, il était compliqué de faire fonctionner ces établissements ».

Mais s’il fallait attribuer une palme, ce serait peut-être pour saluer les premiers pas du nouveau Premier ministre Jean Castex. Le compte-rendu de cette séance du 8 juillet (laissé intégralement avec toutes les interruptions et mouvements) est un peu long mais, franchement, c’est un morceau quasi d’anthologie. M.Castex répond à une question précise de Mme Virginie Duby-Muller :

« Comment avez-vous pu vous féliciter, dès votre prise de fonction, que la France ait l’un des taux de croissance les plus élevés d’Europe en 2019 alors qu’elle était vingt-quatrième sur vingt-huit ? ».

le président. La parole est à M. le Premier ministre(Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens, ainsi que sur quelques bancs du groupe MODEM. – « Debout ! » sur plusieurs bancs des groupes LR et GDR. – Plusieurs députés des groupes LaREM et Agir ens se lèvent.)

Pierre Cordier. Ils ont du mal à se lever !

Fabien Di Filippo. C’est laborieux !

Alexis Corbière. C’est beau, la foi !

Michel Herbillon. Ils l’applaudissent alors qu’il n’a pas encore parlé !

le président. S’il vous plaît, mes chers collègues ! Seul M. le Premier ministre a la parole. Écoutez-le !

Raphaël Schellenberger. Il n’est pas là pour parler, mais pour exécuter les décisions de l’Élysée !

Jean CastexPremier ministre. Je voudrais d’abord vous dire toute l’émotion et tout l’honneur que je ressens, m’exprimant aujourd’hui pour la première fois en ma qualité de Premier ministre devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens, ainsi que sur quelques bancs du groupe MODEM.)

Pierre Cordier. Pour le moment, nous sommes d’accord !

Maxime Minot. Il n’a encore rien dit, soyez patients !

Jean CastexPremier ministre. Sachez que j’ai et que j’aurai toujours un grand respect pour le Parlement et pour l’Assemblée nationale.

Jean-Luc Mélenchon. C’est le minimum !

Alexis Corbière. C’est la base !

Pierre Cordier. Ce serait une rupture !

Jean CastexPremier ministre. Je m’emploierai toujours, vis-à-vis de vous comme de l’ensemble de la nation, à incarner les valeurs de respect et de dialogue.

Éric Coquerel. Ça cache quelque chose !

Pierre Cordier et M. Patrick Hetzel. Jusqu’ici, tout va bien !

Jean CastexPremier ministre. Oui, jusqu’ici tout va bien !(Sourires.) Il n’aura échappé à personne – en tout cas, pas à vous, madame Duby-Muller – que ce nouveau gouvernement…

Fabien Roussel. Est un gouvernement de droite !

Mme Clémentine Autain. Et de droite !

Plusieurs députés du groupe LR. Est un gouvernement de gauche !

Jean CastexPremier ministre. …entre en fonction dans un contexte très particulier…

Fabien Di Filippo. Celui de l’échec du quinquennat !

Jean CastexPremier ministre. …celui d’une crise sanitaire d’une ampleur exceptionnelle qui, vous le savez, n’est pas terminée…

Fabien Di Filippo. Elle a été mal gérée !

Éric Coquerel. On enfonce des portes ouvertes !

Jean CastexPremier ministre. …et d’une crise économique et sociale qui a déjà commencé et qui s’annonce sans doute comme la plus difficile que la France, l’Europe et le monde…

Jean-Luc Mélenchon. La galaxie, même !

Jean CastexPremier ministre. …auront à affronter depuis la crise de 1929. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI.)

Maxime Minot. Allez, accélérez !

Fabien Di Filippo. En fait, c’est Édouard Philippe, mais au ralenti…

Jean CastexPremier ministre. Avec les valeurs qui sont les miennes, j’ai l’honneur de diriger ce gouvernement, qui sera un gouvernement de combat(Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

Ugo Bernalicis. Un gouvernement de droite !

Jean-Luc Mélenchon. C’est du blabla !

Jean CastexPremier ministre. …tourné vers l’efficacité,…

Fabien Di Filippo. Et vers la réélection du Président de la République !

Jean CastexPremier ministre. …un gouvernement de dialogue, un gouvernement des territoires.(Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

Jean-Luc Mélenchon. Ça ne veut rien dire !

Jean CastexPremier ministre. Cela ne répond pas simplement à une conviction, dans le cadre des orientations dégagées par le Président de la République : ce sera surtout un gage d’efficacité dans la lutte contre la crise.

Raphaël Schellenberger. Cela ne sera pas suffisant !

Maxime Minot. Paroles, paroles ! Il est temps de passer aux actes !

Jean CastexPremier ministre. Nous devrons être unis. Nous allons engager un plan de relance ambitieux,…

Mme Valérie Beauvais. Vous prononcez déjà votre déclaration de politique générale ?

Jean CastexPremier ministre. …marqué par la nécessité de faire face aux drames humains que subiront des personnes et des territoires…

Raphaël Schellenberger. Finalement, on préférait Édouard Philippe !

Stéphane Peu. Est-ce un discours de politique générale ?

Jean CastexPremier ministre. …et qui sera d’autant plus efficient que, dans la continuité de la logique de transformation qui irrigue ce quinquennat, nous investirons dans l’avenir, la transition écologique, les territoires et la solidarité nationale(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Le Gouvernement aujourd’hui constitué est tout au service de ces ambitions.

Jean-Luc Mélenchon. Misère ! Ça va durer longtemps ?

Fabien Di Filippo. Cela fait cinq minutes que vous parlez pour ne rien dire !

Jean CastexPremier ministre. Je veillerai personnellement aux résultats et à l’efficacité de notre action au service de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

Raphaël Schellenberger. Il n’a rien dit !

Fabien Di Filippo. C’est lénifiant !

le président. S’il vous plaît, mes chers collègues ! Calmez-vous !

C’était la fin de la première intervention à l’Assemblée nationale de M.Castex. Il est vrai que M.Macron lui avait demandé de reporter sa déclaration de politique générale après la déclaration télévisée qu’il comptait faire. Et bien entendu, M.Castex n’a en rien répondu à la question qui lui avait été posée.

M.Véran se révèle être un adepte de la méthode Coué. M.Bastien Lachaud lui demandait le 29 septembre :

« Mais comment faire quand on ne comprend plus rien ? Alors que les rassemblements de dix personnes sont interdits, nous continuons à nous entasser dans les transports en commun. Nous pouvons aller au travail, à l’école, à l’université mais pas faire du sport. Nous pouvons boire un verre ou aller au restaurant mais pas après 22 heures. Vous décidez de la fermeture des bars à Marseille à partir du vendredi 25 septembre puis finalement à partir du dimanche 27. L’application StopCovid est l’arme ultime contre la pandémie mais le Premier ministre ne l’a pas téléchargée. Comment voulez-vous que l’on s’y retrouve ? ».

Réponse de M.Véran :

« Le meilleur moyen d’inciter les Français à respecter les règles, c’est de dire que nous les comprenons nous-mêmes, qu’elles sont bonnes et qu’il faut les respecter. Par votre question, monsieur le député, vous semez le trouble ».

C’est peut-être rassurant de voir cette osmose entre le ministre de la santé et le chef du comité scientifique consulté par M.Macron, le professeur Delfraissy, qui disait le 16 décembre sur RTL :

« J’ai interpellé le CSA qui, je vous le rappelle, a un rôle de régulateur. J’ai interpellé également les deux commissions d’enquête du Sénat et de l’Assemblée nationale, en disant : il me semble qu’on pourrait aussi entendre les patrons de chaîne, et en particulier de certaines chaînes, qui font, non pas de l’information, mais qui créent du débat ».

Toujours est-il que plus on avance dans l’épidémie, moins le gouvernement a les idées claires. Mme Bourguignon affirme ainsi le 27/10 (à la veille du deuxième confinement) :

« Malheureusement, comme partout en Europe, la circulation du virus s’accélère dans l’ensemble du territoire national. Nous en prenons acte et nous continuerons d’agir pour prévenir et limiter autant que possible les différents foyers de contamination. Personne n’a la solution, mais nous agissons. Tel est le sens de notre action, qui évolue en parfaite transparence et conséquence ».

Et le 15 décembre, c’est Simplet (Petitattal) qui expliquait :

« Il est vrai que nous découvrons cette épidémie, qu’elle se révèle difficilement contrôlable dans tous les pays du monde, ce qui rend compliqué de prendre des mesures compréhensibles par tous ».

Cela fait quand même dix mois que le pays est en crise…

Prochain épisode : M.Macron fait tenir bon le gouvernement sur quelques aspects des confinements.

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3 commentaires

  1. Mais c’est tout bonnement magnifique ! Ça, c’est de la politique ! J’espère que vous, que nous, sommes tous rassurés : le gouvernement veille sur nous avec lucidité, ardeur, zèle et intelligence…

  2. Ce qui reste étonnant c’est que notre système de santé se polarise uniquement sur l’hôpital et que les seuls recours face au virus soient les gestes barrières et le vaccin.
    Avez-vous entendu parler ce gouvernement de renforcer l’immunité des patients en leur proposant de suivre le conseil de leurs médecins, à savoir vitamine C et D + zinc + fruits de saison ? Cela s’appelle pourtant de la prévention. Dans le système de pensée ambiant de précaution…le bon sens n’existe même plus.
    Avez-vous entendu parler le gouvernement de la recherche pour trouver des remèdes (sans tenir compte de la position du gouvernement sur les remèdes du Professeur Raoult, alors même que de très nombreux médecins le prennent préventivement ! )
    Le patient existe t-il encore à leurs yeux, peut-il y avoir encore des biens-portants ?
    C’est dire le niveau intellectuel de nos gouvernants et de leurs sbires !

  3. Josef Goebbels peut se féliciter d’avoir de bons héritiers (même si Magda a empoisonné 6 de ses 7 enfants dans le bunker de la Chancellerie)…

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