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Religions : L'Islam

Violence dans l’islam et contextualisation : dialogue asynchrone avec Islamologues-de-France

Violence dans l’islam et contextualisation : dialogue asynchrone avec Islamologues-de-France

Un article récent du Salon beige, intitulé « L’islam, les juifs, l’égorgement et le talent arabo-musulman pour la négation du réel » avait fait appel, à fins de démonstration, à plusieurs sources complémentaires, dont un article publié en 2016 par le site islamologues-de-france.com. Cet article de 2016 corrigeait Michel Onfray qui

« aurait décelé une sourate qui vous explique qu’il faut égorger des juifs ». 

L’article du Salon beige a, de façon un peu inattendue mais néanmoins intéressante, provoqué une réaction du-dit site islamologues-de-France. L’occasion nous a donc paru excellente d’avancer dans un dialogue, même asynchrone, pour affiner notre compréhension des rapports entre islam et violence, d’autant plus que ce site nous apprenait que l’article de 2016 n’était qu’un sous-ensemble d’un livret plus détaillé :

« il semble que votre auteur n’a pas saisi que l’article sur notre site n’était qu’un chapitre d’une analyse bien plus longue (à télécharger gratuitement ici : https://www.islamologues-de-france.com/produit/ebook-le-coran-lislam-michel-onfray/) ».

Le courriel envoyé par islamologues-de-France a, il faut le reconnaître, beaucoup insisté sur les incapacités et insuffisances supposées de l’auteur de l’article du Salon beige : références jugées inexistantes [en réalité, incluses dans un autre article du Salon beige cité dans le nouvel article] ; incapacité à démêler antisémitisme et antisionisme [avouons n’avoir pas bien compris quelle application de cette distinction pouvait être faite pour cette analyse ; ou alors faudrait-il comprendre que l’antisionisme légitime toute violence ? ] ; « bêtise inouïe » d’affirmer que le CFCM aurait inventé le hadith suivant « Celui qui fait du mal injustement à un juif ou à un chrétien me trouvera en adversaire le jour du jugement dernier» et promesse de le démontrer dans le livret cité en référence ; manque de jugement enfin car « ce qui est bien le plus risible est qu’il utilise l’acte de quelques terroristes musulmans pour prouver que l’égorgement fait partie de l’islam. C’est comme si nous disions que rouler en état d’ivresse fait partie de la législation française, car il y a certains conducteurs qui roulent en état d’ivresse » ; le tout enrobé dans un aveuglement par la haine.

Ceci étant, la tonalité générale du message n’était pas antipathique.

Partons donc à la découverte de l’opuscule de 28 pages dont la lecture nous était recommandée. Il se présente comme une contre-argumentation opposée aux affirmations de M.Onfray qui sont rappelées :

« Émerveillé, le public applaudit à nouveau chaleureusement le philosophe éclairé qui, fier comme un pou, cite alors une série de versets qui prouveraient que le Coran incite à tuer les non- musulmans : « Exterminez les incrédules jusqu’au dernier », « Frappez-les sur leurs cous, frappez-les aux jointures », « Ce n’est pas vous qui les avez tués, mais Dieu les a tués », « Combattez jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sédition », « Ô Prophète encourage les croyants au combat » ».

Notre commentaire de l’opuscule s’organisera autour de deux parties :

  • L’examen du reproche général de manque de contextualisation porté par islamologues-de-France dans la prise en compte de certains versets du Coran et sa pertinence. Rappelons que la contextualisation est l’action de mettre en relation une action, un fait avec les circonstances historiques, sociales… dans lesquelles ils se sont produits.
  • Quelques remarques plus générales sur l’islam tel qu’il apparaît dans l’ensemble du document.

Critique majeure : M.Onfray ne contextualiserait pas les citations extraites du Coran. Trois exemples sont fournis dans le texte :

Premier exemple à propos de la sourate 8 : « Frappez-les sur leurs cous, frappez-les aux jointures » (8, 12). Les auteurs rappellent que cet extrait est issu de la sourate n°8, appelé « Le Butin » :

« L’ensemble des versets abordés par Michel Onfray pour décrire la religion musulmane comme belliqueuse, barbare et cruelle s’avèrent tous révélés dans des situations spécifiques de combat. En effet, la sourate ‘Le Butin’ fut révélée durant l’événement historique de Badr où les musulmans obtinrent leur premier butin de guerre après un combat féroce contre les polythéistes arabes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la sourate s’intitule ‘Le Butin’… Avec seulement 300 hommes et 70 chameaux, les musulmans furent confrontés à l’armée polythéiste de Qoreych qui comptait plus de 1000 combattants avec 200 chevaux.  Malgré  leur  petit  nombre,  Allah  leur promit la victoire en les assistant durant le combat par des anges ».

Qu’est-ce qui, d’après cette même sourate, avait provoqué ce combat ? Regardons les deux versets suivants :

Il faudrait donc avec bonne volonté [pourquoi pas ?] interpréter alors ces trois versets (12 à 14) un peu comme on lit certains livres de l’Ancien Testament. Citons par exemple la bataille de Josué face aux armées de différents rois des alentours qui

« entrèrent en campagne avec toutes leurs armées, peuple innombrable comme le sable du littoral… Le Seigneur dit à Josué « Ne les crains pas, car demain, à cette heure-ci, je les jetterai là, tout pantelants devant Israël. … Le Seigneur les livra aux mains d’Israël qui les battit et les poursuivit jusqu’à Sidon-la-Grande, aux eaux de Masréphot et au val de Mispa vers l’orient. Il les frappa jusqu’à ce qu’il n’en restât plus un seul ». (Josué, 11, 1-8).

Nous ne nous lancerons pas ici dans une grande comparaison exégétique entre Bible et Coran. Nous nous contenterons de rappeler que le Livre de Josué a été écrit plus d’un millénaire avant le Coran ; qu’entre ces deux dates avait eu lieu la vie du Christ et la rédaction des Evangiles annonçant « la Bonne Nouvelle » ; que la Bible se présente comme un récit et le Coran comme une longue liste d’aphorismes en mode Commandements ; que les récits de bataille dans l’Ancien Testament (comme l’extrait ci-dessus du Livre de Josué) sont rédigés au passé alors que les aphorismes coraniques sont au présent et peuvent donc être crédités d’un sens impératif.

Deuxième exemple à propos de la sourate 2 : la citation « Exterminez les incrédules jusqu’au dernier » est rapportée aux versets 190 et 191 de la sourate 2 (dite de « La Vache » ; les noms des sourates sont un peu énigmatiques mais on pourrait sans doute trouver des informations pour les contextualiser…).

Là encore, islamologues-de-France plaide pour la contextualisation :

« En isolant le verset de son contexte, on peut faire croire aux personnes non instruites qu’il s’agit d’un appel au carnage. Or, le lecteur qui maitrise des notions de base de l’histoire islamique connaîtra bien entendu la période qui est traitée dans ce passage. Après que le Prophète  et ses compagnons furent persécutés à la Mecque par les polythéistes, ils émigrèrent à Médin pour pouvoir pratiquer librement leur religion. Avant leur émigration (Hijra) de la Mecque, les musulmans furent ordonnés de patienter, de s’abstenir et de ne pas s’engager dans un combat avec l’ennemi. Mais à Médine les choses changèrent. Ayant obtenu suffisamment de force pour pouvoir repousser  les agressions polythéistes, Allah  leur accorda la permission de se défendre, comme dans les sourates ‘Le Pèlerinage’ et ‘La Vache’ qui appellent les musulmans à combattre « ceux qui vous combattent », c.-à-d. les hommes polythéistes qui cherchent à les tuer. »

Troisième exemple à propos de la sourate 9  (« le désaveu » ou « le repentir ») et son verset 5 :

A nouveau, l’auteur du livret argue d’un contexte d’hostilité et de guerre après une période de quatre mois de trêve conclue lors de l’arrivée de Mahomet à Médine.

A partir de ces trois exemples, contextualisons à notre tour un peu ces citations en les rapprochant d’autres versets proches dans les mêmes sourates :

Pour ce qui concerne la sourate 8, sautons légèrement du verset 14 aux versets 38 et 39.

Même avec beaucoup de bonne volonté, on a l’impression d’avoir dépassé le cadre historique précis, daté soulevé par nos contradicteurs et d’être entré en quelque sorte en phase de généralisation (« à l’exemple de leurs devanciers »).

Pour ce qui concerne la sourate 2, juste après le verset 191 contextualisable, on remarque ce verset 196 qui parle de l’Umra [Pratique rituelle de l’Islam. La ‘umra est une forme de pèlerinage à la ville sainte de La Mecque, elle est aussi appelée petit pèlerinage de façon à la différencier du Hajj, le grand pèlerinage, l’un des cinq piliers de l’Islam.]

Or, aussi loin que nous sachions, ce pèlerinage, présenté seulement cinq versets après celui sur le fait de tuer les mécréants, est toujours d’actualité. Il serait donc lui décontextualisé et à portée générale et pas le contenu du verset 191 qui le précède juste ?

Pour ce qui concerne la sourate 9, nous avons vu que le verset 5 doit être contextualisé et réservé à l’année d’installation à Médine. Mais alors pourquoi l’auteur donne-t-il au verset 6 (même sourate, bien sûr) une portée universelle

« Le verset d’après ne fait que confirmer que l’islam est une religion de clémence et d’indulgence : « Et si l’un des associateurs te demande asile, accorde-le- lui, afin qu’il entende la parole d’Allah, puis fais-le parvenir à son lieu de sécurité. Car ce sont des gens qui ne savent pas. » [9/6] » ?

On voit donc que l’argument de la contextualisation ne peut exonérer le texte coranique d’une portée universelle.

D’autant plus que nous pouvons ajouter un élément supplémentaire concernant la violence de l’islam en reprenant une autre argumentation de fond de l’opuscule concernant cette fois la sourate 4 (« Les femmes »). On y traite beaucoup d’hypocrites en particulier dans les versets 88 et 89 et la justification apportée à la violence à leur égard est encore liée à la notion de « situation de guerre ».

Les hypocrites ici décrits, explique le livret, seraient des mécréants qui se font passer pour des musulmans afin de mieux pouvoir combattre l’islam. Et le texte de préciser encore :

« Les hypocrites ne pouvaient donc pas être pris comme alliés, car ils constituaient, en tant qu’ennemi intérieur, la plus grande menace pour les musulmans. Voilà pourquoi le verset mentionne que s’ils tournent le dos (c.-à-d. s’ils se détournent de la Hijra [l’émigration conseillée au musulman qui vit dans un pays où il ne peut pas pratiquer son culte librement]), les musulmans ont ordre de les tuer… Le Créateur parle clairement du sujet des hypocrites dans une situation de guerre ».

Mais qu’est-ce qui crée cette situation de guerre légitimant ainsi la violence à l’égard des hypocrites ? C’est simplement le fait de ne plus suivre l’obligation islamique. Voilà une définition bien large. On retrouve d’ailleurs un raisonnement assez identique deux versets plus loin de la même sourate :

Ajoutons encore pour faire bonne mesure cette note très intéressante de bas de page de l’opuscule  (note n°30) à propos de ces hypocrites de la catégorie susceptible d’être tuée :

« Ce type de personnes existe jusqu’à nos jours et est actuellement très en vogue auprès des autorités françaises qui les exploitent dans leur politique de l’acculturation des musulmans. Le rôle de ces hypocrites est de calomnier, stigmatiser et diaboliser les musulmans non assimilés à la culture et aux « valeurs » républicaines. Sous couvert d’une prétendue égalité, ils mettent tout en œuvre pour que les musulmans se convertissent, tout comme eux, à la laïcité. C’est d’ailleurs une des caractéristiques types des hypocrites mentionnées dans le verset suivant : « Ils aimeraient vous voir mécréants,  comme ils ont mécru : alors vous seriez tous égaux ! » [4/89] ».

Où l’on comprend, en clair, que tous les soi-disant islamophobes pourraient bien relever de la jurisprudence du verset 89 !

Deuxième partie du commentaire : ce que ce document nous dit de l’islam en général et qui paraît bien inquiétant pour la France.

Une partie du texte est consacrée à une hagiographie de Mahomet :

« Mohammed,  le  dernier  des  messagers, fut loin d’être la personne belliqueuse et vengeresse que tentent de nous faire croire les  islamophobes. Il fut un homme honnête, juste et clément qui pardonna à celui qui lui fit du mal et à ceux qui tentèrent de l’assassiner. Jamais ne s’est-il, hors combat, comporté de façon violente, comme l’en témoigna son épouse Aicha. Chez beaucoup d’érudits, une lecture objective de la vie du Prophète aboutit à la conclusion qu’il fut l’exemple le plus parfait à ne jamais avoir foulé la surface de la terre… Il participait aux tâches ménagères, il recousait ses vêtements, réparait ses chaussures et fit la course avec son épouse. Voici comment se comportait l’exemple de tous les musulmans envers les femmes…  La  demeure  du  Prophète, ses vêtements et sa nourriture étaient caractérisés par une rare simplicité. Il fut pauvre à tel point qu’il ne possédait souvent plus de nourriture pour cuisinier et cela parfois durant plusieurs mois d’affilée. Reconnaissants envers son Seigneur, lui et son épouse se contentaient alors de manger des dattes avec de l’eau. Bien qu’il vécût dans l’indigence, il fut l’homme le plus doux, patient et généreux parmi les Arabes, le peuple le plus connu pour sa générosité ».

Sans doute pourrions-nous recommander aux islamologues-de-France une légère contextualisation de la personne de Mahomet…

Summum de la démonstration qui, bien sûr, jette comme un léger doute sur la crédibilité de l’ensemble :

« Parmi les nombreuses calomnies de Michel Onfray à l’égard de la religion musulmane, se trouve encore son accusation de « religion misogyne ». Y a-t-il une calomnie plus ignoble que celle-ci ? Onfray ignore-t-il réellement que le Prophète  a dit: « Les femmes sont les égaux des hommes. »? ».

Vient ensuite un passage sur le vivre ensemble en islam et c’est là que naît véritablement l’inquiétude. Car, dans tout le texte, comme on le sait bien sûr mais c’est ici démontré avec clarté, l’islam est présenté comme une société beaucoup plus qu’une religion :

« En Occident, les gens ont du mal à se faire une idée de la généralité et de l’universalité de l’islam et, de là, ne comprennent pas qu’il puisse diriger la vie des individus et des sociétés dans leur totalité. L’islam est une religion parachevée qui aborde tous les sujets dont a besoin l’être humain : Tawhid, adoration, croyance, Histoire, récits des prophètes, sagesse, gouvernance, lois, transactions, sciences, relations sociales, mœurs, etc. Ainsi, les musulmans possèdent une religion qui leur enseigne aussi bien comment manger que comment diriger des nations. L’islam est une religion qui prône une société juste avec une gouvernance saine et un système social et économique équitable ».

Avec, là encore, une petite note de bas de page (n°52) bien révélatrice :

« Qui sait, peut-être une réforme de la laïcité doit être envisagée avec l’introduction de valeurs islamiques au sein des constitutions occidentales. Les sociétés séculaires pourront ainsi se défaire de leur épouvantable système politique qui permet la montée de racisme, islamophobie, antisémitisme, etc »

Et de cette société se dégagent tout à la fois une impression belliqueuse et une mentalité (paranoïaque ?) d’assiégés.

  • A preuve, cet extrait du texte : « Si l’islam ne possédait pas de manière légiférée et contrôlée pour défendre les peuples, territoires et intérêts de ses adhérents, il s’agirait d’une religion incohérente caractérisée par une déficience inhérente, car les musulmans pourront alors être persécutés et exterminés à tout moment. »
  • A preuve, cet autre extrait, assez savoureux : « L’exposition du Coran présentée par Onfray n’est qu’une incitation à la haine dans laquelle il a voulu perpétuer le mythe qui veut que l’islam approuve et encourage l’usage de la violence aveugle de manière totalement non-légiférée» ! On comprend que pour la violence légiférée, pas de problème ! Cela nous rappelle ce jeune imam qui était contre la mise à mort de l’apostat, précisant « de façon injuste ».
  • A preuve, cette obsession du «pacte » (mot cité 23 fois), mais aussi de la bataille (cité 25 fois), de la guerre (cité 46 fois) et du combat (« combat » ou « combattre » ou « combattant », cité 90 fois.
  • A preuve, cette critique quasi-naïve faite dans le courriel au précédent article du Salon beige, se moquant d’une origine du cri « Allah Akbar » jugée erronée : « si l’auteur avait pris 5 minutes pour effectuer une petite vérification, il aurait su que le cri avait été lancé dans toutes les batailles précédentes»
  • A preuve, cet autre extrait du livret : : « C’est avec un zèle ardent que Michel Onfray s’oppose au fait que les musulmans ont un livre sacré qui leur permet de se défendre contre les agresseurs non-musulmans. Il préférait voir les musulmans non- laïcisés se faire massacrer sans offrir la moindre résistance aux invasions occidentales. Voilà pourquoi Onfray s’enflamme en lisant ce type de versets. Sans résistance armée, les armées séculaires de l’Occident peuvent facilement envahir des pays musulmans, maintenir leur occupation militaire, massacrer la population indigène et exploiter les richesses naturelles. C’est d’ailleurs ainsi que la sainte laïcité, tant promue par Onfray, s’est instaurée de fil en aiguille en terre musulmane au long des derniers siècles…»

Le lecteur aura remarqué que nous n’avons pas pris parti sur une question qui est pourtant de fond et discutée : le Coran, texte incréé, révélé, peut-il contenir des prescriptions circonstancielles strictement liées à la vie de celui qui en aura été le messager ? Nous avouons attendre avec une certaine impatience les commentaires additionnels d’islamologues-de-France.

Il restera aussi la question du réel : comment expliquer si cette religion est si bienveillante et tolérante que tant d’assassins déclarent agir en son nom ? Serait-ce un manque de capacité à la contextualisation ?

Et puis, terminons par une déception : nous n’avons pas trouvé dans le livret l’origine du fameux haddith utilisé par le CFCM.

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