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Religions : Eglise orthodoxe

Vasilios Koutsouras, archiprêtre orthodoxe grec : « Catholiques, préservez la tradition liturgique romaine »

Vasilios Koutsouras, archiprêtre orthodoxe grec : « Catholiques, préservez la tradition liturgique romaine »

Entretien (v.o.)avec le révérend Vasilios Koutsouras, archiprêtre (protopresbytre) de l’Église orthodoxe de Grèce:

Révérend, la messe en latin dans le rite antérieur à la Réforme liturgique de Paul VI est généralement appelée messe tridentine, ou messe de saint Pie V (du nom du pape qui, en 1570, l’a étendue à l’Occident chrétien). Ce rite est en fait antérieur et remonte, dans ses formules essentielles, à l’âge patristique. Cette forme liturgique est-elle estimée dans l’Orient orthodoxe?

« En effet, le rite de l’Église romaine remonte à l’époque des grands Pères de l’Église et est considéré comme l’un des plus anciens rites de l’Église universelle. Nous pouvons également affirmer que l’anaphore eucharistique romaine (le Canon romain) est l’une des plus anciennes anaphores et est très probablement plus ancienne que les anaphores «byzantines» de saint Jean Chrysostome et de saint Basile le Grand encore utilisées dans l’Église orthodoxe. Il est également vrai qu’en Orient on connaît peu la tradition liturgique romaine; elle est généralement ignorée par les érudits, à de rares exceptions près, comme par exemple le grand liturgiste grec Panghiotis Trembelas qui a étudié minutieusement le rite romain dans ses différentes œuvres : Les rites liturgiques de l’Occident et des protestants; La question de la génuflexion; Le mouvement liturgique romain et la pratique de l’Orient, etc. De même, à l’époque byzantine, le grand théologien hésychaste Nicola Kavasilas et le liturgiste byzantin par excellence saint Siméon, archevêque de Thessalonique, se sont penchés sur la polémique du rôle de l’épiclèse dans la transformation des saints dons. Tous deux ont parlé et traité avec beaucoup de respect du texte du canon romain.»

Lorsque, en 2007, le pape Benoît XVI a promulgué le motu propre «Summorum Pontificum», qui reconnaissait aux prêtres la liberté de célébrer le sacrifice eucharistique dans l’ancien rite romain, le patriarche orthodoxe de Moscou Alexis II avait exprimé ses félicitations à l’évêque de Rome: «La récupération et la valorisation de l’ancienne tradition liturgique sont un fait que nous saluons positivement. Nous nous soucions énormément de la tradition», avait déclaré le patriarche à l’occasion. Selon vous, le retrait de la mesure du pape Ratzinger aurait-il des répercussions en Orient orthodoxe? Pourrait-il y avoir des répercussions dans le dialogue œcuménique?

« En tant que religieux orthodoxe, je pense que le dialogue œcuménique, qui se déroule déjà entre les deux Églises, doit se fonder sur les anciens textes dogmatiques, patristiques et liturgiques, en particulier ceux du premier millénaire au cours duquel l’Orient chrétien marchait avec le christianisme latin. En effet, dans ces textes, on peut trouver les bases d’un chemin vers l’unité chrétienne et d’un esprit de respect mutuel envers la tradition particulière de chaque Église. En particulier la tradition liturgique romaine (et, par conséquent, sa revalorisation par l’Église catholique romaine) serait d’une grande aide sur le chemin du dialogue tant pour le caractère sacré et le respect qu’il dégage que pour l’antiquité des textes. Certes, les développements liturgiques modernes dans l’Occident chrétien sont abordés avec une profonde perplexité et peut-être même avec suspicion par l’Église d’Orient tant en ce qui concerne la paternité et la valeur des nouveaux rites liturgiques que par leur efficacité réelle et leur contribution à la pastorale et à la catéchèse des chrétiens d’aujourd’hui. Les innombrables cas tragi-comiques (connus sous le nom d’abus liturgiques) que l’on peut voir sur Internet et qui proviennent des milieux du «renouveau liturgique» confirment les perplexités et le scepticisme avec lesquels la plupart des orthodoxes observent aujourd’hui ces développements dans la vie liturgique de l’Occident et les conséquences qu’ils ont dans la vie spirituelle des fidèles.»

À votre avis, un rite aussi ancien, qui a profondément alimenté la spiritualité de tant de saints tout au long de l’histoire, peut-il être supprimé ou simplement réduit par des membres de la hiérarchie religieuse ?

« À mon humble avis, la tradition liturgique de l’Occident constitue un très grand trésor spirituel, culturel et religieux. D’un point de vue spirituel, la valeur et la force de la tradition liturgique occidentale sont attestées par l’innombrable foule de saints qui ont vécu et se sont sanctifiés avec elle. Sa contribution à la culture européenne est confirmée dans chaque ville et chaque pays, dans chaque église et chaque musée de l’Occident où toutes choses rayonnent et confessent la grandeur de la richesse liturgique de l’Église romaine. On ne peut nier l’impulsion, l’inspiration et le dynamisme donnés par la Sainte Messe à toutes les formes d’art (musique, peinture, sculpture, architecture, littérature, miniature). La vie religieuse des Européens et de tous les chrétiens d’Occident a été marquée d’une manière indélébile par la dévotion, la foi profonde et le caractère sacré que la messe leur a inspirés et par laquelle s’est formée la vie quotidienne d’innombrables générations. C’est pourquoi tout changement ou développement doit être mis en œuvre avec la plus grande attention et le plus grand respect, car il s’agit d’un domaine vraiment vital pour la vie spirituelle de milliards de fidèles. Par exemple, la nécessité de l’utilisation des langues contemporaines en plus du latin était quelque chose de nécessaire ainsi que, peut-être, la suppression de certaines formes exagérées de dévotion qui ne correspondent pas à l’homme moderne. Cependant, le rite et les textes sacrés doivent rester tels qu’ils se sont formés, et tels qu’ils ont duré à travers les siècles, et doivent également constituer le centre de la vie liturgique et de la catéchèse des fidèles catholiques romains. L’homme moderne aujourd’hui sécularisé a en effet besoin de la présence du sacré dans sa vie. C’est-à-dire de la présence de Dieu. L’ancienne tradition liturgique romaine y a réussi de la meilleure façon et de la manière la plus efficace! Elle aidait les hommes à adorer, avec les anges et les saints, le Seigneur de la gloire et, parallèlement, les inititiait aux grands mystères de la foi chrétienne».

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