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Tribune libre

Vaincre ou Mourir relance le débat sur le génocide vendéen

Vaincre ou Mourir relance le débat sur le génocide vendéen

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Au moment où le film du Puy du Fou, Vaincre ou mourir, « suscite la polémique », comme disent les journalistes, le débat sur la qualification en « génocide » des massacres de Vendée reprend. Bien que le film ne prenne en fait pas partie dans ce débat (l’un des historiens consultés par les réalisateurs est d’ailleurs Jean-Clément Martin, l’un des principaux adversaires de la thèse du génocide), le problème refait surface à cette occasion.

Alors que beaucoup n’ont jamais rien lu sur la question et racontent à peu près n’importe quoi, il ne semble pas inutile de conseiller la lecture d’un article du Sel de la Terre n° 121 (été 2022), récemment paru, analysant l’ouvrage du juriste Jacques Villemain : Génocide en Vendée. 1793-1794.

Signé Michel de Valandrey, l’article est intitulé « Jacques Villemain et le génocide vendéen. Un juriste dans le débat ».

La grande originalité du livre de Jacques Villemain, Génocide en Vendée. 1793-1794, amplement analysé dans ce numéro du Sel de la Terre, réside dans l’angle proprement juridique adopté par Jacques Villemain pour traiter du génocide vendéen. En effet, si depuis plusieurs années le terme « génocide » est utilisé par certains historiens pour qualifier l’action des Bleus en Vendée, ce terme répond aussi à une définition proprement juridique. C’est là tout l’intérêt de la contribution de Jacques Villemain : l’auteur est en effet juriste, spécialiste du droit pénal international et donc à même d’analyser la situation.

Dans un premier temps, après avoir défini ce qu’est un génocide, l’auteur explore « l’arrière-plan mental du génocide », notamment en s’appuyant les travaux de Xavier Martin. Jacques Villemain désigne ainsi « la pensée et l’esprit racistes, élitistes et manichéens des philosophes des Lumières et de leurs disciples, les révolutionnaires de 89 et 93 ». Puis l’auteur montre comment sont réunies toutes les conditions nécessaires pour qu’il y ait génocide, à l’aune des normes internationales du droit moderne.

L’ouvrage fait aussi le point sur les objections robespierristes, Jacques Villemain s’étant en effet nécessairement attiré les foudres de certains historiens contemporains. L’article du Sel de la Terre synthétise six objections de Jacques-Clément Martin à l’encontre du travail de notre auteur.

Enfin, à l’occasion de cet article, l’auteur de la recension émet quelques réserves vis-à-vis de l’ouvrage de Jacques Villemain : il s’interroge ainsi sur l’existence réelle d’une différence essentielle entre la Ve République et celle de 1793. Autre sujet intéressant, les représailles exercées par les Vendéens : faut-il reprocher aux Vendéens d’avoir trop usé de clémence, et de n’avoir pas fait usage de représailles admises par le droit de la guerre de l’époque ? Jacques Villemain répond par l’affirmative, ce à quoi Michel de Valandrey oppose la prudence surnaturelle des Vendéens.

Cette ample recension, constituant un article à part entière du Sel de la Terre n°121, présente de manière très claire l’apport de Jacques Villemain à ce débat tout en apportant certaines remarques et nuances.

Vous trouverez ici le numéro 121 du Sel de la Terre

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Nous vous proposons ci-dessous le début de l’article :

Jacques Villemain et le génocide vendéen : un juriste dans le débat
A propos de l’ouvrage : Génocide en Vendée, 1793-1794
par Michel de Valandrey

Juriste et spécialiste des questions de justice et de droit pénal international , Jacques Villemain avait déjà fait paraître en 2017 un ouvrage intitulé Vendée 1793-1794 : Crimes de guerre ? Crimes contre l’humanité ? Génocide ? Une étude juridique . Il tentait de démontrer que les crimes commis en Vendée méritent bien la qualification de « génocide ». Le deuxième ouvrage, ici présenté, reprend l’essentiel de la démonstration, répond aux objections, et élargit la réflexion.

« Comment une révolution qui a proclamé les droits de l’homme en 1789 a-t-elle pu commettre les pires crimes moins de quatre ans plus tard ? » (p. 11). Voilà, posé dès l’introduction, le problème de fond. « Il y a là un scandale, au sens étymologique de σκάνδαλον, la pierre d’achoppement, l’aspérité qui fait qu’on trébuche sur le chemin ».

Peut-on qualifier les crimes de guerre commis en Vendée entre 1793 et 1794 de « génocide » ? L’enjeu est immense. Car la Vendée, c’est la pierre d’achoppement sur laquelle trébuchent la Révolution française et sa fille, la République.

Après avoir présenté le point de vue de J. Villemain, nous analyserons les objections faites par les historiens robespierristes, ainsi que les réponses que l’on peut y apporter.

Il nous faudra enfin nous interroger quant à deux opinions de l’auteur :
— La République de 1793 est-elle fondamentalement différente de notre République actuelle ?
— Peut-on reprocher aux Vendéens leur clémence ?

Le point de vue d’un juriste

Le débat sur le génocide vendéen a été ouvert dans les années 1980 lorsque l’historien Pierre Chaunu a, le premier semble-t-il, qualifié les atrocités commises en Vendée de « génocide ». Il s’est amplifié avec la thèse de son disciple, Reynald Secher, en 1986 : Le génocide franco-français : La Vendée-Vengé. Pour qualifier de « génocide » les faits de Vendée, il s’appuyait sur la définition juridique proposée par le juriste polonais Raphaël Lemkin en 1943.

Le 11 juillet 1986, Reynald Secher est interrogé dans l’émission télévisée Apostrophes sur Antenne 2 ; l’émission fait connaître au grand public la thèse du génocide vendéen, en pleine préparation des cérémonies du bicentenaire de 1789. La réaction des historiens robespierristes ne se fait pas attendre : en tête, Michel Vovelle et Jean-Clément Martin, qui récusent la qualification de « génocide », et accusent Secher de travailler plus en idéologue qu’en historien. R. Secher subit alors une véritable persécution politique et médiatique, un chantage financier, et voit sa carrière universitaire brisée.

Des années 1980 à aujourd’hui, le débat entre partisans et adversaires de la thèse du génocide n’a jamais cessé. Ce sont principalement Reynald Secher et Jean-Clément Martin qui se sont affrontés par médias interposés : polémiques et droits de réponse ont été échangés dans des articles de revues spécialisées, de sites internet, dans des interventions à la radio ou à la télévision.

Qu’apportent à ce débat les deux ouvrages du juriste Jacques Villemain ? Précisément, l’originalité du point de vue d’un juriste. Jusqu’à 2017, seuls des historiens discutaient de cette question. C’est effectivement leur rôle d’établir la véracité et l’exactitude des faits, et de les interpréter, de les expliquer. Mais pour ce qui est de les qualifier juridiquement – « génocide » étant un terme juridique répondant à une définition précise – la compétence de l’historien ne suffit plus. Elle doit être complétée par celle du juriste. J. Villemain ne prétend pas que les historiens n’ont pas leur mot à dire : leur travail est indispensable, étant la matière des faits que le juriste cherche à qualifier.

Le travail du juriste est complémentaire de celui de l’historien. L’existence de « crimes de guerre » en Vendée est indéniable et aujourd’hui reconnue par tous. Mais Villemain soutient qu’il se produisit en août 1793 un passage à une autre dimension, celle de ce que l’on appelle aujourd’hui des « crimes contre l’humanité » . Puis, la période de janvier à mai 1794 constitua une nouvelle étape dans l’entreprise criminelle : celle du « génocide » proprement dit.

Rédigé par un juriste, l’ouvrage se présente comme une plaidoirie. Le ton du plaidoyer a l’avantage de rendre la lecture plus aisée et plus passionnante ; mais il pourra rebuter le lecteur plus habitué des publications historiques académiques, par ses envolées parfois enflammées ou sarcastiques. C’est un livre de combat, et l’auteur ne s’en cache pas.

Qu’est-ce qu’un génocide ?

La première partie de l’ouvrage dresse un status quaestionis : qu’est-ce qu’un génocide ? Comment est-il défini dans le droit international ?
L’auteur reprend à son compte la définition donnée par la Convention des Nations Unies de 1948, qui fait désormais autorité dans le droit international:

L’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe.
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe.
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle.
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein d’un groupe.
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe .

L’auteur rejette l’accusation d’anachronisme formulée contre son premier ouvrage : la communauté internationale elle-même affirme que le concept de génocide est pertinent à toutes les époques.

La deuxième partie développe la démonstration proprement dite : une bonne part des atrocités commises durant la guerre de Vendée entre dans la définition légale du génocide. Le point-clef de cette démonstration n’est ni la réalité ni l’ampleur du massacre – qui ne font plus de doute pour les historiens – mais la qualification de l’intention criminelle. En effet, « génocide » est le nom d’une intention criminelle : on tue les gens pour ce qu’ils sont et non pour des actes particuliers qu’ils auraient commis.

« Arrière-plan mental du génocide » et conflit d’essence religieuse

Renforçant la démonstration juridique faite dans le premier ouvrage, et élargissant le raisonnement, Jacques Villemain explore « l’arrière-plan mental du génocide », en s’appuyant sur les travaux de Xavier Martin . Il désigne ainsi la pensée et l’esprit racistes, élitistes et manichéens des philosophes des Lumières et de leurs disciples, les révolutionnaires de 89 et 93.

Il est en effet essentiel, pour caractériser l’intention criminelle génocidaire, de démontrer que les Vendéens ont bien été visés « comme tels », c’est-à-dire en tant que groupe racial, ou religieux, ou ethnique. C’est ce qui fait la spécificité du génocide par rapport aux crimes de guerre ou aux crimes contre l’humanité.

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3 commentaires

  1. Yapokafokon?>… quoi ensuite?

  2. J’avais vu passer l’article mais n’avais pas encore pris le temps de le lire. Voila qui constitue un excellent rappel, merci !

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