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France : Laïcité à la française

Un Noël sans le petit Jésus, ce n’est pas Noël

Un Noël sans le petit Jésus, ce n’est pas Noël

Dans Valeurs Actuelles, le père Danziec s’interroge : rendez-vous annuel de la consommation et des décorations lumineuses dans les villes, que reste-t-il finalement de chrétien dans cette fête ?

Le soutien est de marque. Le Pape François, dans une lettre apostolique adressée au monde entier le 1er décembre dernier, développe un argumentaire solide pour défendre la crèche. Une pratique traditionnelle qui, selon lui, ne doit pas se perdre. A rebours d’une déchristianisation rampante, le Souverain Pontife espère que là où elle a pu tomber en désuétude, elle puisse être redécouverte et revitalisée en cette période de l’Avent. « Par cette lettre je voudrais soutenir la belle tradition de nos familles qui, dans les jours qui précèdent Noël, préparent la crèche. Tout comme la coutume de l’installer sur les lieux de travail, dans les écoles, les hôpitaux, les prisons, sur les places publiques… » Avec une bénédiction pareille, les apôtres de la libre pensée ne manqueront pas de voir dans ces lignes une provocation gratuite et un crime en lèse-laïcité. Les élus qui, quant à eux, défendent les crèches de Noël dans l’espace public trouveront là un appui conséquent. Bruno Retailleau et le conseil général de Vendée en son temps. Laurent Wauquiez et le conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, aujourd’hui. Robert Ménard et sa mairie à Béziers, surtout.

Chaque année sur les rails du self, à la cantine des polémiques, le plateau de décembre nous offre au menu le sujet des controverses autour des crèches. A l’origine, ces confections sont l’œuvre d’un marseillais, Jean-Louis Lagnel, « père » de la crèche provençale. En pleine Révolution française, alors que le régime de la Terreur interdisait toute représentation théâtrale des mystères religieux sur les parvis des églises, les Provençaux sont obligés de se réfugier dans une pratique familiale de la foi et l’usage se répandit alors de monter une crèche dans chaque foyer. La coutume, née en raison d’une persécution, perdurera une fois la paix religieuse revenue sous Napoléon et deviendra tradition. Mais au-delà de santons, somme toute inoffensifs, on mesure combien l’identité chrétienne de Noël, plus de deux siècles après, continue de déranger.

Car au fond, dans un occident aux racines chrétiennes éprouvées, que reste-t-il de mystérieux dans la célébration de Noël au milieu d’un univers spirituellement aplati ? Que représente cette fête liturgique pour nos sociétés postmodernes ? Des illuminations dans nos villes ? Des retrouvailles en famille autour d’un repas délicieux ? Un échange de cadeaux ? Et, si ceux reçus sont de choix, l’occasion de se mettre en avant par après devant ses collègues ? Dans un tweet bien senti, l’abbé Simon d’Artigue, curé de la cathédrale de Toulouse, faisait remarquer qu’à l’étonnant programme municipal des festivités de Noël il manquait une information pourtant essentielle : l’horaire de la messe qui honore la naissance de Jésus. Les spectacles de rue, les ateliers contes, le bal des aînés, les animations musicales, les tours de calèche du Père Noël, les marrons chauds : tout y est. Le lieu. Les horaires. Le prix. La ville rose se réjouit que les commerces du centre restent ouverts tous les dimanches de décembre. Elle s’enorgueillit de son sapin de Noël haut de 20 mètres, éco responsable bien entendu. Se targue de ses 17 kilomètres de guirlandes aux différentes ambiances. Mais de messe de minuit, de petit Jésus, que nenni.

A dire vrai, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on peut distinguer deux phénomènes qui tendent à modifier en profondeur la transcendance de Noël : le multiculturalisme et la société de consommation. L’effritement de la culture occidentale suite aux vagues migratoires successives, s’est conjugué en effet à des idéaux d’ouverture. Au motif de respecter les autres cultures, il convient désormais de mettre la sienne sous le boisseau. Expressions d’une culture, rappels d’un passé, symboles de racines, la crèche, et le Noël chrétien dans son ensemble, témoignent d’une identité traditionnelle qui pourrait gêner celui qui est différent. Ainsi, a-t-on pu voir, dans le registre de la culpabilisation, une école italienne recommander à ses élèves de ne pas utiliser le mot « Jésus » dans le but de ne pas offenser « certains élèves ». Matteo Salvini en avait alors profité pour rappeler lors d’un meeting que

« Noël, c’est la naissance du petit Jésus, et si ça ne te plaît pas, tu repars d’où tu viens. Si tu n’aimes pas la crèche, si tu n’aimes pas les cloches, si le crucifix te dérange, vas-y, pars ! Le monde est grand ! »

Dans le même temps, la société de consommation a pressé le champ lexical autour de la fête liturgique de la Nativité à lentement glisser vers celui des « fêtes de fin d’année ». Plus larges. Plus étendues. Et on l’aura compris, plus commerciales. L’arrivée envahissante du Père Noël en Europe poussera même Claude Lévi-Strauss à s’interroger :

« Il ne s’agit pas de justifier les raisons pour lesquelles le Père Noël plaît aux enfants, mais bien celles qui ont poussé les adultes à l’inventer ! »

On croit rêver d’en arriver à devoir lutter contre la déchristianisation de Noël. Le slogan qui consiste à affirmer « Noël, oui. Jésus, non » est d’un absurde sans nom. Imagine-t-on pouvoir parler de la coupe du monde sans évoquer le ballon rond ? Ou décrire le défilé du 14 juillet sans s’intéresser à l’armée ? Plus de deux millénaires après sa venue historique sur terre, toutes ces polémiques montrent combien l’enfant Jésus éprouve encore des difficultés à naître dans tous les cœurs. Comme les hôtes sollicités par le bon Saint Joseph, il se trouve toujours actuellement hélas des personnes qui gardent leur porte fermée. Hier comme aujourd’hui, ils ont bien tort.

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