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Bioéthique

Un climat idéologique incitatif en faveur de l’infanticide

De Pierre-Olivier Arduin dans La Nef :

B"Pendant des siècles, une pathologie grave chez le nouveau-né était synonyme de décès, les médecins et les familles se résignant devant l’inéluctable. Depuis les années 60, ce constat a été largement transformé par les avancées prodigieuses de la réanimation néonatale si bien qu’aujourd’hui on dispose, du moins dans les pays à fort développement sanitaire, d’un ensemble de moyens permettant de surmonter avec succès la détresse vitale initiale de l’enfant. Lorsqu’elle survient, l’attitude de la majorité des néonatologistes français est ainsi fondée sur la reconnaissance d’un a priori de vie conduisant à la mise en route d’une réanimation dite d’attente jusqu’à ce que l’équipe ait pu réunir l’ensemble des éléments du pronostic de l’enfant. Les soignants considèrent qu’il est licite dans un second temps d’interrompre des traitements devenus inutiles et disproportionnés lorsqu’ils constatent que la survie est impossible quelles que soient les prouesses techniques mises en œuvre. Dans ce cas, poursuivre une réanimation, et donc retarder la mort, s’apparente en effet à un acharnement thérapeutique qu’il faut clairement refuser.

Les divergences éthiques sont toutefois considérables lorsque l’arrêt des thérapeutiques aboutit à la survie d’un enfant autonome porteur de lésions neurologiques sévères. À l’instar du professeur Christian Dageville et du philosophe Marc Grassin qui ont signé récemment un éditorial en ce sens, une partie des praticiens juge qu’une euthanasie néonatale d’exception par injection létale devrait demeurer un choix ouvert. S’ils rejettent l’idée d’une inscription officielle dans la loi, ils estiment que lorsque la « qualité de sa vie future s’annonce très mauvaise », les médecins doivent avoir la liberté de « transgresser l’interdit de donner la mort » qui serait « pour l’enfant et les siens, une issue préférable à sa survie ».

Cette montée en puissance d’un discours légitimant l’euthanasie néonatale a eu des signes annonciateurs qui auraient dû nous inquiéter. En 2000, une étude européenne investiguant les pratiques de 122 équipes de réanimation néonatale révélait que 73 % des médecins français avaient administré des substances médicamenteuses pour mettre un terme à la vie d’un enfant, choix approuvé par 77 % des infirmières […]. La même année, le Comité consultatif national d’éthique s’appuyait sur cette « exception française » pour approuver le principe des « arrêts de vie pratiqués sur des nouveaux-nés handicapés ayant une respiration spontanée » […].

On peut se demander si la pratique de l’avortement d’un fœtus handicapé, vécue par les parents et les professionnels de santé comme une euthanasie prénatale largement tolérée par la société française, n’a pas créé ce climat idéologique incitatif dans la période qui suit la naissance. Pourquoi aurait-on le droit de supprimer légalement la vie d’un enfant jusqu’à la veille de l’accouchement et ne l’aurait-on pas lorsqu’il s’agit d’un nouveau-né, lequel peut d’ailleurs en cas de naissance prématurée avoir un âge gestationnel plus précoce que celui du fœtus lui-même ? Le bienheureux Jean-Paul II avait anticipé ce lien de cause à effet lorsqu’il avait condamné fermement l’« avortement sélectif » des enfants dans le sein de leur mère : « Une pareille mentalité est ignominieuse parce qu’elle prétend mesurer la valeur d’une vie humaine seulement selon des paramètres de ‘‘normalité’’ ouvrant ainsi la voie à la légitimation de l’infanticide.».

Dans le discours actuel sur l’euthanasie néonatale qui se cantonne pour l’instant aux cercles étroits des spécialistes, le droit à la vie d’un enfant atteint de séquelles cérébrales sévères est remplacé par une appréciation subjective de la valeur de son existence à venir. Ce droit à la vie, attribut pourtant essentiel de tout enfant né vivant quel que soit le handicap qui l’affecte et dont la violation constitue en droit pénal une infraction, est détrôné par le critère utilitariste de qualité de la vie. Autrement dit, la vie d’un enfant viable pourrait être stoppée si on la juge non vivable. La dangerosité d’un tel raisonnement qui méprise le droit et conduit à la loi du plus fort ne saurait rester plus longtemps occultée."

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