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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Un catholique peut-il douter du Concile Vatican II ?

Un catholique peut-il douter du Concile Vatican II ?

De Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique :

« Douter du Concile, c’est douter des intentions de ces mêmes Pères qui ont exercé leur pouvoir collégial de manière solennelle cum Petro et sub Petro dans un concile œcuménique, et, en dernière analyse, douter de l’Esprit Saint lui-même qui guide l’Eglise ». Telle est la raison fondamentale donnée par le pape François dans le Motu proprio Traditionis custodes pour supprimer, à terme, la célébration de la messe selon la forme traditionnelle du rit romain. Les tenants de ces célébrations douteraient du Concile et remettraient ainsi en cause, l’assistance même du Saint-Esprit  à l’Eglise.

Douter, selon le Larousse, c’est à la fois « être dans l’incertitude sur la réalité d’un fait » et « ne pas avoir confiance en ». Il semble difficile de remettre en cause l’existence même du Concile Vatican II. La question de la confiance est, elle, plus délicate et pourrait être formulée ainsi : Est-il permis de s’interroger pour savoir si c’est bien le Saint-Esprit qui a dirigé le Concile ? On notera, d’abord, avec surprise, que sous la plume pontificale les opposants au Concile mettraient en doute les « intentions » des Pères conciliaires. Or, force est de constater que les objections ou réserves vis-à-vis du Concile émises par Mgr Lefebvre, Mgr Schneider, Mgr Gherardini, Jean Madiran, Roberto de Mattei, etc. portent sur des textes et des faits, non sur des intentions dont nous savons que, même bonnes, elles peuvent paver l’enfer et restent le secret des consciences.

Le déroulement du Concile

Ouvert le 11 octobre 1962 par le pape Jean XXIII, le concile se termine le 8 décembre 1965 par le fameux discours de clôture de Paul VI. Est-il bien raisonnable de penser que pendant ces trois années les 2 500 Pères conciliaires ont été, sans discontinuer, fidèles au souffle de l’Esprit-Saint ? Quelques faits, parmi d’autres, permettent d’en douter.

Dès le 13 octobre, date de la première réunion des Pères, les choses ne se passent pas comme prévu. Alors que les participants devaient voter pour élire les membres des commissions de travail en s’inspirant des listes de ceux qui avaient participé à l’élaboration des schémas préparatoires le cardinal Liénart, Président de l’assemblée des cardinaux et archevêques de France, puis le cardinal Frings, Président de la conférence des évêques allemands interviennent pour que le vote n’ait pas lieu immédiatement mais plus tard afin, argumentent-ils, que les Pères puissent faire connaissance entre eux. Le vote aura lieu le 16 octobre, un intense lobbying permettant de promouvoir, dans les commissions, des évêques en grande partie différents de ceux qui avaient préparé les schémas initiaux. Le Concile s’ouvre par une véritable rébellion contre le mode de fonctionnement prévu et validé par le pape. Certains parleront de « la révolution d’octobre dans l’Eglise ». Cette journée du 13 octobre fut-elle vraiment animée par l’Esprit-Saint ?

En octobre 1965, 450 Péres conciliaires adressent à la commission chargée de traiter de l’Eglise dans le monde une pétition demandant que soit abordée la question du communisme, ce qui ne semblait pas sans rapport avec le sujet. Mystérieusement cette pétition disparaît et la question ne sera pas abordée. On apprendra plus tard que des négociations secrètes avaient eu lieu en 1962 entre, d’une part, le cardinal Tisserant, représentant le Saint-Siège, et, d’autre part, Mgr Nicodème, représentant le patriarcat de Moscou, pour que la question du communisme ne soit pas abordée au Concile en échange de la présence d’observateurs orthodoxes. Ce silence jeta la stupéfaction parmi les évêques, en particulier ceux originaires d’Europe de l’Est ou d’Asie en proie aux persécutions communistes.

Les textes du Concile

Les Actes du Concile représentent 789 pages dans le texte publié par les Editions du Cerf en 1966. Ils sont constitués de quatre « constitutions », dont deux dogmatiques, neuf « décrets », trois « déclarations », ce qui est nouveau, et divers « messages ».  Beaucoup de ces textes sont longs, très longs, trop longs. Ils respirent tous un « optimisme naïf » selon l’expression du cardinal Ratzinger qui ne semble plus tellement d’actualité. Quant au degré d’autorité de ces documents on se perd en conjectures. Est-il possible d’émettre des doutes sur une constitution « pastorale » sur l’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et spes) écrite en 1965 ? Ou sur un décret sur les moyens de communication sociale (Inter Mirifica) écrit en 1963, donc avant l’apparition d’Internet, et instaurant, par exemple, une journée annuelle dans chaque diocèse « pendant laquelle les fidèles seront instruits de leurs devoirs en ce domaine et invités à prier pour cette cause et à verser leur obole » ?  N’est-elle pas pathétique, avec le recul, cette affirmation de Gaudium et Spes : « En même temps grandit la conscience de l’éminente dignité de la personne humaine, supérieure à toutes choses et dont les droits et devoirs sont universels et inviolables » ? A l’heure de l’avortement banalisé et remboursé qui est aussi celle d’une application toujours plus stricte et répandue de la charia, cette affirmation supporte, au moins, le doute. Sans oublier les graves questions doctrinales posées par la déclaration sur la liberté religieuse Humanae Dignitatis ou celle sur les rapports avec les religions non chrétiennes Nostra aetate.

L’après Concile

Plus claire que les textes conciliaires la parole évangélique est limpide : « Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous vêtus de peaux de brebis mais qui, au-dedans, sont des loups ravisseurs. C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez (…) Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits, pas plus qu’un mauvais arbre n’en peut porter de bons. Tout arbre qui ne donne pas de bons fruits est coupé et jeté au feu ». (Matt VII, 16-19) Nous n’aurons pas la cruauté d’insister sur l’état de décomposition avancé dans lequel se trouve l’Eglise : effondrement des vocations et de la pratique religieuse, absence d’unité liturgique et doctrinale, schisme virtuel de l’Eglise d’Allemagne, etc. Sans oublier l’éloignement croissant des législations civiles de l’enseignement de l’Eglise et du simple respect de la loi naturelle. Face à cet effondrement les plus lucides des novateurs se justifient : « Sans le Concile la situation serait pire ». Objectivement, d’une part on peine à imaginer pire et d’autre part jamais l’ombre d’un raisonnement ne vient étayer ce constat désespéré. Le fait massif et incontournable, est que les communautés et les prêtres qui ont maintenu les formes traditionnelles de pratique et d’apostolat non seulement n’ont pas participé de cet effondrement général mais se sont même développées dans un environnement ecclésial généralement très hostile.

Sans doute est-ce là d’ailleurs que se situe le noeud de la difficulté. Pour le pape François, ordonné en 1969, comme d’ailleurs pour les évêques qui arrivent à la retraite (Mgr Minnerath, etc.) les années du Concile sont celles de leurs études et de leurs premiers pas dans la vie sacerdotale. Avec sincérité ils ont certainement cru à la nouvelle Pentecôte qui devait régénérer l’Eglise. Cependant au bout du chemin le résultat n’est pas là, bien au contraire. D’où une compréhensible amertume. Pire : les méthodes qu’ils avaient rejetées s’avèrent fécondes. Elles vivifient la partie la plus jeune et la plus dynamique du peuple chrétien. Insupportable affront qu’il convient d’effacer car il pose une question douloureuse que beaucoup refusent de se poser : N’aurions-nous pas fait fausse route ? Leur vie, des hommes courageux peuvent, comme les premiers apôtres après leur défaillance, la sacrifier finalement à Dieu. Mais l’amour-propre !

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