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France : Politique en France

Tribune de généraux : l’exécutif a pris le parti de surjouer l’inquiétude pour masquer l’inaptitude

Tribune de généraux : l’exécutif a pris le parti de surjouer l’inquiétude pour masquer l’inaptitude

Dans Valeurs Actuelles, le Père Danziec revient sur la tribune des militaires pour insister sur les deux remparts qui protègent la paix : la force et l’ordre :

Du fond de leur trépas de paroliers, la plume de Francis Blanche comme celle du père de Jean-Loup Dabadie doit les démanger. L’un et l’autre avaient offert aux Frères Jacques de quoi détendre allègrement nos grands-parents sur l’institution militaire. Du “Général à vendre” au “Général Castagnettas”, le quatuor moustachu s’amusait des képis étoilés et l’armée, au son de leurs voix, en prenait gentiment pour son grade. La chose semble désormais révolue. Les généraux, ces derniers jours, sont devenus une thématique grave et sérieuse. Après la tribune de plusieurs généraux publiée sur le site de Valeurs Actuelles, l’exécutif, jusqu’à son Premier ministre, a pris le parti de l’indignation : surjouer l’inquiétude pour masquer l’inaptitude. La partition évoquée par François Hollande, le face-à-face prédit par Gérard Collomb font suite à un lent renoncement où se mélangent politique de l’autruche et choix de la facilité. Plus commode en effet d’attendre d’anciens généraux qu’ils rentrent dans le rang que d’exiger des jeunes de banlieues qu’ils mettent leur petit doigt sur la couture.

Au-delà de la polémique de circonstance dans le triste jeu politique actuel, feindre de lire dans ce texte la menace d’un coup d’état, voire la répétition d’un putsch 60 ans après le revirement du général de Gaulle quant à l’Algérie française, relève non pas seulement d’une malhonnêteté intellectuelle mais plus encore d’une dramatique tentative d’évitement. A l’heure où l’on égorge une policière à Rambouillet, lorsque l’on tient entre ses mains les manettes du pouvoir, n’y a-t-il pas malheur à surjouer l’inquiétude pour masquer ses propres inaptitudes alors que la nécessité consisterait à prendre ses responsabilités ?

La tribune des généraux tiendrait donc de la tentative de putsch ? Vraiment ? Sachant que le coeur projetable de l’Armée de terre ne remplirait même pas la totalité des tribunes du stade de France, on peine à croire la chose possible. Et si le texte concerné appelait véritablement à l’insurrection, ne s’agirait-il pas davantage d’un « puputsch », pour reprendre la gémination utilisée en son temps par Jean-Marie Le Pen dans le but de disqualifier les sécessionnistes mégrétistes ?

Plus que des fantasmes, il appartient de revenir au réel. Le patrimoine civilisationnel chrétien – à travers ses moeurs, sa philosophie, son droit – a toujours invité à tenir en haute estime tout ce qui regarde la gestion de la cité. Saint Augustin définira la paix comme « la tranquillité de l’ordre ». Dans le concert des passions humaines, la protection des plus faibles, la justice entre les hommes et la garantie d’une relative tranquillité dans les relations sociales nécessitent à cet égard l’exercice de certaines vertus. Parmi elles, les pères de l’Eglise ont, dès les premiers siècles du christianisme, mis en exergue deux principales : l’ordre et la force. Or, à regarder de plus près la jolie expression de « forces de l’ordre », on mesure la pente descendue. En effet, en 2021, de quelles forces et de quel ordre parlons-nous vraiment ?

Pour ce qui est des « forces » en présence, le général de Villiers lui-même démissionna, nous le savons, avec fracas de son poste de Chef d’Etat-Major des Armées pour fustiger les coupes budgétaires infligées au ministère de la Défense. « L’Armée française se trouve aujourd’hui en véritable surchauffe car elle doit mener à bien tant de missions avec des moyens limités », écrira-t-il. Il n’y a qu’à demander aux élèves officiers de Saint-Cyr qui se trouvent obligés de faire leurs courses chez Décathlon pour pallier les insuffisances du paquetage fourni par l’école de Coëtquidan… Indépendamment de la question des moyens, la force, en tant que vertu, se situe aux antipodes de la brutalité ou de la violence gratuite. Le fort est autant celui qui réprime la crainte que celui qui maitrise l’audace. Dans l’enseignement de l’Eglise, la force est même considérée comme un don du Saint-Esprit : celui qui conduit à entreprendre et endurer, sans appréhension excessive ni découragement mondain. Le monde moderne favorise-t-il l’exercice d’une telle vertu ? L’état de la société oblige à constater combien le courage et l’abnégation ont été, petit à petit mais résolument, évacués de la mentalité contemporaine.

Face à des forces qui s’étiolent, de quel ordre devient-il question ? Depuis 50 ans, la décontraction morale de Mai 68 a creusé son sillon. De la disparition des estrades professorales dans les salles de classe à l’abandon du vouvoiement, le délitement généralisé de l’autorité appelle à un véritable examen de conscience. Xavier Bertrand, récemment, rappelait avec à propos, au sujet d’une éventuelle légalisation du cannabis, qu’il est bon que la jeunesse grandisse avec des interdits. Certes. Mais les interdits, pour être ajustés et justifiés, ne peuvent manquer de se référer à une morale supérieure, transcendante. Celle qui encourage à la générosité et qui chante les louanges de l’oubli de soi. Celle qui façonne des saints et qui produit des martyrs. Cette morale, qu’on appelle aussi le décalogue, forme un corpus vénérable et exigeant en mesure de faire éclore un ordre juste. Les héritiers de la modernité voudraient la paix sans les contraintes. La discipline sans l’usage de la force. Le fameux « en même temps » si séduisant dans le discours et si chimérique dans la réalité. Les dévots du progrès se réclament de valeurs humanistes et universelles. Ils invoquent l’Ordre Républicain (dont on peine à distinguer les contours) ? Mais ils confrontent la jeunesse à la déconstruction de l’Histoire plutôt qu’à la chaleur d’un roman national. Ils prétendent favoriser le bonheur – le bien-être – de leurs congénères ? Mais ils laissent croître les adolescents, par facilité ou capitulation, dans l’indigence de la pornographie ou de la téléréalité (les 20 bougies de l’émission Loft Story soufflées tout récemment ne semblent pas donner lieu à un rigoureux état des lieux…).

« Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes » enseignait Bossuet au Dauphin de la couronne. Pour un retour de l’honneur dans l’exercice du gouvernement, l’heure n’est pas aux tire-au-flanc ni aux déserteurs. Pour qu’un peu d’ordre réapparaisse, on ne saurait cependant se cantonner à souhaiter seulement que la force soit avec ceux qui en ont la charge. Il appartient, chacun à sa place, de travailler à un réarmement moral et spirituel digne de ce nom. Autant dire une bataille de civilisation.

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