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Liberté d'expression

« Tout ce qui est gaucho, on a donné. Au revoir ! »

« Tout ce qui est gaucho, on a donné. Au revoir ! »

Pour le père Danziec, sur Valeurs Actuelles, Michel Sardou offre un modèle à suivre pour s’affranchir d’une pensée unique étouffante :

[…] A l’occasion de la promotion de son livre Je ne suis pas mort… je dors ! (XO éditions), ouvrage intimiste où le chanteur balaie sa vie dans un dialogue fictif avec sa mère, l’interprète des Lacs du Connemara aura quasi fait le grand écart deux soirs d’affilée. Episode 1, Michel Sardou s’assoie à la table de Quotidien. Episode 2, il se rend 24 heures plus tard dans les studios de CNews pour dialoguer en compagnie de Pascal Praud et d’Anne Fulda. Deux salles, deux ambiances. A la clôture du premier épisode, Yann Barthès et sa jeune équipe ne cachent pas l’interrogation qui les domine face à l’univers Sardou : comment ce monde a-t-il pu exister ? Un monde fait de tabac, de steak tartare, de suprématie patriarcale, de baiser non consenti, tel celui imposé à Blanche-Neige. Changement de décor lors du deuxième épisode : Pascal Praud se demande, à l’inverse, comment ce monde a-t-il pu disparaître ? Semblable à un amoureux du ballon rond, confronté au projet de Super Ligue mais revivant les années Platini, le présentateur vedette du canal 16 paraît revivre au contact du chanteur. Il donne l’impression de goûter à nouveau ce monde d’avant, fait de libertés et d’insouciance dont on le sait nostalgique. Un monde aujourd’hui anémié par les impasses du multiculturalisme, les intérêts financiers à grande échelle, la perte de repères civilisationnels, les dérives de la cancel culture. Dans les deux émissions, Michel Sardou offrira pourtant la même bonhommie et la même authenticité. Bonhommie, parce que l’homme aux 323 chansons, mâtiné par ses 74 ans, dégage un naturel tranquille. Le calme des vieilles troupes qui en ont vu d’autres. Authenticité, parce sa propre parole se moque sereinement du quand dira-t-on et du prêt-à-penser consensuel. Sans haine ni violence.

L’authenticité de Michel Sardou, on la retrouve finalement dans sa capacité à tracer son sillon en restant lui-même. Sa distance avec le succès y aura été pour beaucoup. S’excuser d’être de droite dans un milieu où il est de bon ton de pencher à gauche ? Que lui importe ! Voter Mélenchon ? Le « non » se fait plus spontané dans sa bouche, et plus catégorique aussi, que s’il s’agissait de Marine. Lors de l’unique séquence à résonance politique chez Pascal Praud, il confiera même : « Tout ce qui est gaucho, on a donné. Au revoir ! »

Sardou, c’est cet homme qui avoue ne pas aimer se montrer mais qui aura rempli Bercy comme un oeuf près de 100 fois. Un peu à l’image (la comparaison est osée, je le concède précautionneusement) du saint Curé d’Ars qui n’affectionnait pas particulièrement monter en chaire et dont on viendra finalement, de toute la France, écouter les sermons. Acteur né, devenu parolier/chanteur, nombre de ses titres commencent par raconter une histoire avant de se poursuivre en mélodie. Des chansons, loin des arrangements musicaux contemporains, où le timbre d’une voix sans pareille fait l’essentiel. « Pour moi, la chanson est indissociable de l’interprétation sur scène » souffle-t-il. A dire vrai, on donne vie à une chanson comme l’on fait vibrer un poème ou un sermon. Avec ses tripes. Avec son coeur.

Incontestablement Sardou n’est ni un saint, ni l’image d’Epinal du pilier d’église. Mais, chez lui, on distingue une singularité qui ne saurait déplaire à ceux qui apprécient le piquant de l’Evangile. Le Christ n’appelle-t-il pas ses disciples à devenir le sel de la terre ? Être bien ce que l’on est et assumer ce que l’on pense, au risque de déplaire : voilà ce qu’enseigne l’attitude d’un Sardou à un monde qui a cessé d’être authentique. Les prêtres ne savent plus parler de l’enfer comme son père le faisait si bien dans Le Curé de Cucugnan. A la différence d’un progressisme qui s’invite dans les sacristies, sommant les hommes de Dieu de se mettre à la page, Michel Sardou préfère affirmer que ce monde l’ennuie terriblement. Se soumettre à la doxa du moment ? Très peu pour lui. Clamer son amour des animaux ne l’empêche pas, par exemple, de penser que, quitte à être un taureau, il y a plus de panache et de grâce à mourir dans l’arène, au zénith devant une foule, qu’à 4 heures du matin dans la solitude, au crochet d’un abattoir. Et tant pis si cela choque la pudeur des écologistes.

Ce bon sens incorrect permet de mesurer combien l’idéologie progressiste a fini par paralyser toute forme de débat. Ses tubes d’autrefois passeraient-ils les fourches caudines des indignés et du wokisme s’ils venaient à naître aujourd’hui ? Il est sérieusement permis d’en douter. Je vais t’aimer ferait hurler les féministes. Pensez donc, comme si l’homme incarnait le nécessaire magicien de l’amour ! Le rire du sergent entraînerait, en retour de bâton, les cris d’orfraie du milieu LGBT. On suspecterait vraisemblablement Je viens du Sud de relents identitaires. Et comment les tenants de l’intersectionnalité interprèteraient-ils Le temps béni des colonies ? La polémique du moment autour de la tribune des généraux aurait trouvé sans difficulté des petites soeurs dans plusieurs de ses albums. Ses chansons n’ont pourtant pas vocation à surfer sur le buzz. Sardou, réputé à ses débuts pour avoir du mal à sourire sur les photos, n’a tout simplement pas de difficulté à rire de lui-même, à la différence de la “génération offensée” qui gémit dès qu’elle se trouve bousculée.

Plus d’un demi-siècle après le premier 45 tours du chanteur, à regarder la société liquide dans laquelle nous sommes plongés, les amoureux des repères solides ont « quelque part dans le coeur de la mélancolie ». Et l’espérance de rendre le monde meilleur n’empêche pas de penser, pour reprendre le bandeau du dernier livre de Patrick Buisson, que, oui, “c’était mieux avant”. Mais dans ce marasme qui nous fait dire : « Ils sont devenus fous », qui donc supplier de se réveiller ? Lénine ? Napoléon ? Pourquoi pas remonter le fil de l’Histoire plus loin, jusqu’à l’an trente-trois ? Celui-là seul qui a vaincu la mort ne pourrait-il pas nous donner la vie ? M’est avis que “tout restaurer dans le Christ” tiendrait d’une belle aubaine. Ce serait déjà, pour commencer, une bien jolie devise.

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