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Valeurs chrétiennes : Education

Récuser par principe que la foi ait une dimension sociale et politique est un leurre

Récuser par principe que la foi ait une dimension sociale et politique est un leurre

De Thibaud Collin dans L’Homme Nouveau :

On se souvient de la réponse que Mgr de Moulins-Beaufort avait faite, le 2 décembre dernier, au séminariste qui lui demandait si l’Église de France avait un problème avec les traditionalistes :

« Oui, sans doute en raison de notre histoire mouvementée depuis la Révolution. S’il y a une question centrale, c’est une question de théologie politique et de rapport au monde. Le décret de Vatican II sur la liberté religieuse est très clair. Le Christ n’est pas venu bâtir des nations catholiques mais il est venu fonder l’Église. Ce n’est pas la même chose. À force de traîner la nostalgie d’un État catholique, on perd notre énergie pour l’évangélisation. »

Pour mesurer les réels enjeux d’une telle réponse, il peut être intéressant de la relier à la récente polémique qui a eu pour objet le collège Stanislas, accusé l’an dernier par le site d’extrême gauche Mediapart d’être « homophobe, sexiste et autoritaire ». Alors même que le rapport diligenté par l’Inspection générale n’a pas confirmé de telles accusations, la publication dudit rapport, comportant en sa conclusion des recommandations discutables, a donné lieu à un débat qui est révélateur de l’esprit de notre société post-chrétienne.

Plusieurs questions essentielles sont posées. Reprocher à Stanislas d’être «  opposé aux valeurs de la République » signifie-t-il que désormais professer la foi catholique dans l’intégralité de ses implications anthropologiques et morales est s’opposer à la loi républicaine ? Dès lors, le contrat d’association avec l’État implique-t-il de nier le caractère propre de l’établissement ? Cela engendre une autre question : le caractère propre de l’établissement catholique se limite-t-il à dispenser des cours d’instruction religieuse aux seuls volontaires ? Il y a plusieurs voies pour répondre à ces questions. La première est prudentielle et exige de revenir au texte de la loi Debré (1959) pour estimer les marges de manœuvre actuelles. Dans son article 1, on lit : « Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus ci-dessous, l’enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État. » Comment comprendre l’expression « soumis au contrôle » ? Pour répondre, continuons notre lecture : «  L’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyance, y ont accès. » Que signifie la phrase : « L’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement » ? Soit cela signifie que l’école catholique est reconnue dans sa liberté de transmettre selon une modalité qui lui est propre les programmes en vigueur ; soit cela signifie que le caractère propre, encore une fois, ne concerne que la catéchèse facultative et que les programmes sont enseignés dans l’école catholique exactement de la même manière que dans les écoles publiques. On mesure l’énorme divergence des conséquences pratiques de ces deux interprétations ! […]

Dans cette perspective, revenons à la réponse que l’archevêque de Reims a donnée au séminariste. Jésus, dit-il, n’est pas « venu bâtir des nations catholiques mais fonder l’Église ». Elle semble ignorer que la foi est appelée à s’incarner dans l’épaisseur de la vie humaine, notamment dans ces communautés naturelles voulues par Dieu dans sa sagesse créatrice que sont la famille et la communauté politique. Autrement dit, la chrétienté n’est certes pas ce que Jésus est venu fonder mais la logique profonde de la vie chrétienne est de pénétrer la totalité du substrat naturel et humain. La foi et la vie chrétiennes ne se déploient pas hors sol. Elles sont soit encouragées soit découragées par des conditionnements mentaux et sociaux qui ne sont jamais neutres. Soit ils sont porteurs, même imparfaitement, d’un ordre naturel et moral qui dispose à la vertu, soit ils sont porteurs d’une logique de déconstruction du même ordre, au nom d’une volonté illimitée et indéterminée. Récuser par principe que la foi ait une dimension sociale et politique en pensant que l’on pourra ainsi préserver sa dimension anthropologique et morale est un leurre dont on voit les effets depuis plus de cent trente ans. Cette illusion est fondée sur une mécompréhension de l’esprit moderne et postmoderne dont on voit pourtant de plus en plus la logique essentiellement spirituelle, nommée par Péguy et par Weil décréation. Penser que la déchristianisation de nos institutions sociales et politiques a pu engendrer un État neutre est méconnaître la dynamique profonde du monde humain et des forces spirituelles opposées qui l’animent.

[…]

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