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L'Eglise : L'Eglise en France

MRJC : les bienfaits d’une polémique

4101_36ae3f1173950bc73b0f2107266eb35bVoici déjà deux ou trois fois en dix jours que l’on nous dit que la polémique sur le MRJC est close, que le mouvement s’est excusé et que chacun peut « retourner sous sa tente » comme on dit dans l’Ecriture Sainte.

Pour ceux qui auraient manqué les épisodes précédents, de quoi s’agit-il ?

Le 20 janvier, le Mouvement rural de la jeunesse chrétienne (MRJC) a publié un communiqué diffamatoire contre la Marche pour la vie (en écriture inclusive s’il vous plaît !), dans lequel, non content d’insulter les défenseurs de la vie innocente, il vantait le « droit fondamental » à l’avortement. Il devrait être évident pour tout le monde (et plus spécialement pour des catholiques) que, dès lors qu’existe un droit fondamental à l’avortement, il ne peut plus exister de droits de l’homme du tout : si le droit à la vie de l’innocent est nié, aucun droit ne tient plus. Et, d’ailleurs, ce n’est pas simplement de la théorie : toute personne qui a des yeux pour voir peut constater que notre société devient de plus en plus ce fameux état de nature décrit par Hobbes comme la guerre de tous contre tous. Mère Teresa l’avait dit : « Le plus grand destructeur de la paix, aujourd’hui, est le crime commis contre l’innocent enfant à naître. »

Ce communiqué du MRJC suscita un tollé. Il déclencha aussi une réaction de Vincent Neymon, directeur de la communication de la conférence des évêques de France qui déclara très nettement : « Ces propos sur l’avortement sont contraires à ce que dit l’Eglise. » En conséquence de quoi, il demandait le retrait du communiqué. A ma connaissance, cette netteté était une première pour la communication de la CEF depuis 40 ans. Et ce fut le premier bienfait de cette polémique.

Pour éteindre l’incendie, le MRJC proposa un communiqué correctif… qui ne corrigeait rien : il maintenait les diffamations contre la Marche pour la vie et demandait l’ouverture d’un « dialogue » sur la question de l’avortement dans l’Eglise.

Il ne s’agissait certes plus d’un refus clair et net de la doctrine catholique sur la défense de la vie innocente, mais, en réclamant que ce point soit mis en débat, le MRJC continuait à se placer en dehors de l’Eglise. Le propre d’un principe non négociable, c’est évidemment qu’il ne peut pas être débattu.

Mais le plus grave était à venir : on apprit quelques heures plus tard que ce mouvement, à l’orthodoxie singulièrement « problématique », avait reçu plus de 574 000 € de l’épiscopat en 2016 et que l’un des trois jeunes envoyés pour représenter la France au pré-synode sur la jeunesse serait issu de ce mouvement.

Mgr Ginoux, évêque de Montauban, monta courageusement au créneau (en précisant qu’il était soutenu par une quinzaine d’évêques) et demanda que l’on cesse de financer ce mouvement avec l’argent des catholiques. Il s’interrogea aussi sur le fait que des grands mouvements de jeunesse, comme les Scouts d’Europe ou la communauté de l’Emmanuel, fidèles à l’enseignement de l’Eglise, et autrement plus dynamiques que le MRJC, ne soient pas représentés au synode, alors que le MRJC, en fort déclin et bien éloigné de l’enseignement catholique, lui, était supposé y représenter les jeunes catholiques de France.

Le polémique ne désenflant pas – et un appel au boycott du denier du culte se répandant sur les réseaux sociaux –, la conférence épiscopale reçut le mouvement le 29 janvier. Au passage, signalons qu’il ne s’agissait pas d’un acte d’autorité ni d’une convocation, comme on l’a parfois lu, mais d’une réunion prévue de longue date.

S’en est suivi un communiqué (bizarrement non signé du MRJC) qui, après avoir évoqué la liberté de parole et l’attachement des évêques à la culture de vie, se concluait ainsi : « Une rencontre suscitée ce jour avec les responsables du MRJC et leur aumônier a permis de clarifier ce sur quoi il y avait eu interpellation, et de nous remettre d’accord sur le pacte de confiance qui oblige un mouvement d’Église. »

Comme il était prévisible, ce communiqué ne résolut rien.

Face à une polémique déclenchée par le refus d’un mouvement d’Eglise d’adhérer à un principe non négociable, il n’existe en effet que deux façons de trancher : soit le mouvement se rétracte et affiche clairement son adhésion à ce principe ; soit l’Eglise lui retire son caractère de « mouvement d’Eglise ».

Le communiqué du 29 janvier ne faisant ni l’un ni l’autre, suscita l’amusement de « Libération », quotidien peu connu pour sa connaissance des arcanes de l’Eglise catholique, et moins encore pour sa défense des principes non négociables, qui notait (hélas avec raison) : « Sur le fond, le MRJC n’a rien lâché. »

Nous en sommes là.

Depuis ce communiqué, on ne cesse de nous dire que la polémique est close. Mais, encore une fois, elle ne peut pas l’être de cette façon. Elle ne peut l’être que par l’adhésion claire et sans ambiguïté du MRJC à la défense de toute vie humaine innocente, de sa conception à sa mort naturelle, ou par la déclaration, elle aussi claire et sans ambiguïté, des évêques de France que le MRJC ne peut plus être considéré comme un mouvement catholique.

J’entends bien que certains craignent, « en haut lieu », que cette polémique n’ait des conséquences graves sur les recettes de l’Eglise de France et préfèrent jouer l’apaisement. Mais il est extrêmement facile d’éviter toute hémorragie des recettes : il suffit de répondre à ces deux questions simples : oui ou non, le MRJC s’oppose-t-il avec détermination à l’avortement ? Et, si non, continuera-t-il à recevoir de l’argent des évêques de France ?

On me rétorquera peut-être qu’une diversité de points de vue est légitime dans l’Eglise. Certes. Mais pas sur tout. Cela se disait naguère ainsi : in necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas – dans les choses nécessaires (comme les dogmes ou, en l’occurrence, le respect de la loi naturelle, l’unité ; sur les questions douteuses, la liberté ; en tout, la charité.

Imaginons un instant que le MRJC, pour « améliorer » les relations avec l’islam, dénonce les haineux partisans du concile de Nicée et demande que l’on « ré-ouvre un espace de dialogue au sein de l’Eglise » (pour reprendre son jargon) sur la Trinité – de la même façon que, pour « améliorer » ses relations avec la gauche libertaire, il a soutenu la loi Taubira ou qu’il soutient aujourd’hui l’avortement, dénonce la « haine » de la Marche pour la vie et demande un « espace de dialogue » sur « l’IVG » dans l’Eglise. Bien sûr, on lui dirait que la Trinité n’est pas facultative dans l’Eglise. On peut en débattre, on peut avoir une liberté de parole, car il existe bien des voies d’approfondissement de ce grand mystère. Mais on ne peut pas débattre de son existence même : soit on est catholique et l’existence de la Trinité est une réalité qui s’impose à nous ; soit on n’est pas catholique. De la même façon, on peut débattre de l’avortement pour réfléchir aux stratégies pour le supprimer à long terme, pour en diminuer les catastrophiques effets à court terme… Tout le monde n’est pas sans doute appelé, dans l’Eglise, à s’engager en politique, de même que tout le monde n’est pas appelé à rejoindre une antenne d’écoute pour les femmes en détresse. Mais on ne peut débattre de l’opportunité d’appliquer ou non la loi naturelle ; tout le monde doit s’opposer au « crime abominable » dont parle Vatican II.

Pour revenir à la question du denier du culte et des recettes de l’Eglise, si la conférence épiscopale ne peut pas trancher la question de la catholicité du MRJC, il faut impérativement que les évêques le fassent pour leur propre diocèse. Pour nous, catholiques, donner au denier du culte est une obligation morale grave. Mais nous ne pouvons, en conscience, dans l’état actuel des choses (dont j’espère de tout mon cœur qu’il va changer rapidement par le retour du MRJC dans le périmètre visible de l’Eglise catholique), pas donner à un diocèse qui ne dirait pas de la façon la plus nette qu’il refuse de subventionner, directement ou indirectement, un mouvement non catholique.

Or, d’après ce qu’a expliqué Mgr Ginoux à « Famille chrétienne », la CEF ponctionne les diocèses. Cela semble logique pour financer les services nationaux. Mais il faut impérativement, si l’on veut éviter une hémorragie financière, que les évêques, d’une part, refusent de subventionner directement le MRJC, et, d’autre part, puissent exiger que la somme que leur diocèse verse à la CEF annuellement ne soit utilisée que pour des mouvements dont ils pourraient vérifier la catholicité.

Ces deux conditions découlent logiquement de la notion même de principe non négociable.

Il serait d’ailleurs sain que le site internet de la CEF et celui de chaque diocèse dise publiquement quelles associations reçoivent quelles sommes.

Si ces mesures de clarté élémentaires n’étaient pas rapidement prises, il est probable qu’un nombre croissant de catholiques en tireraient les conséquences et verseraient leur denier du culte, non plus nécessairement dans leur diocèse, mais dans les diocèses qui auraient fait le nécessaire pour rassurer les fidèles sur l’utilisation de leurs dons.

En tout cas, d’ores et déjà, cette polémique a eu d’heureux effets. D’abord, parce qu’elle clarifie la notion de principes non négociables (dont l’Eglise de France n’était guère familière voici quelques années, c’est le moins que l’on puisse en dire). Par ailleurs, nous autres, catholiques pro-vie, avions parfois pris l’habitude de nous faire insulter par nos propres pasteurs ; il est réjouissant de voir bon nombre de ces derniers s’engager résolument dans la défense de la vie innocente. Je sais bien que les journalistes bien-pensants vont encore parler de « radicalisation ». Mais nous leur répondons bien volontiers que, oui, bien sûr, notre engagement à la suite du Christ est un engagement radical, dans lequel, malgré nos faiblesses et nos péchés, nous voulons engager toute notre vie ! Enfin, je ne trouve pas que ce soit un petit avantage que de comprendre un peu mieux comment sont financés les mouvements catholiques et donc de pouvoir commencer à faire un peu de ménage pour réserver l’argent des catholiques aux mouvements qui se préoccupent d’évangéliser et de promouvoir la vision catholique de l’homme et de la société.

Ne serait-ce que pour ces trois bienfaits du « MRJCgate », il faudrait se réjouir de cette polémique. Mais j’ai bon espoir que ces bienfaits soient bientôt augmentés d’une clarification sur l’utilisation de nos dons à l’Eglise. Et, surtout, par le retour, que j’espère prochain, de frères égarés à la lumineuse doctrine du Christ, dans son intégralité et sa radicalité !

Guillaume de Thieulloy

Directeur du Salon beige

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